Résumé

La fermentation aux levains liquides peut contribuer à la création d'une grande variété de produits de boulangerie qui se distinguent par leur saveur, leur texture et leurs bienfaits pour la santé. Le présent travail a pour objectif d’évaluer le potentiel fermentaire de quatre levains liquides préparés au laboratoire, en suivant en temps réel les principaux paramètres de panification, à l’aide d’un dispositif de plusieurs capteurs. Les résultats obtenus montrent que la durée moyenne de panification a varié de 640 à 852 min, avec un volume spécifique moyen allant de 2,40 à 3,98 cm3/g, une Acidité Totale Titrable (ATT) finale allant de 3,92 à 7,31 ml de NaOH 0,1N/10 g et un pH final allant de 3,31 à 3,89, une production moyenne de CO2 dégagé de 0,51 à 1,01 L/kg de pâte, tandis que la production moyenne de l’éthanol dégagé a varié de 4,94 à 10,6 L/kg de pâte. Le levain liquide L9 préparé à la farine complète de blé présente la meilleure performance fermentaire de la pâte. Les panigrammes individuels et verticaux ont été utilisés pour la comparaison visuelle entre ces levains afin d’en choisir celui qui parait le mieux adapté à la panification du pain.


Mot clés: levain, rhéologie, panification, fermentation, levure, bactérie lactique

INTRODUCTION

Les levains liquides, dits de type II, sont généralement préparés en milieu industriel dans des bioréacteurs ou dans des cuves à des températures supérieures à 30 °C, pendant de longues durées (15 à 24 heures) et dont l’objectif est d’accélérer le processus de fermentation de la pâte (De Vuyst et Neysens, 2005; Decock et Cappelle, 2005).

Le choix d’un levain liquide par rapport au levain frais de type I pour la panification, présente plusieurs avantages technologiques et analytiques tels qu’une reproductibilité plus facile du levain, un ferment naturel prêt à l’emploi sans recours aux rafraîchissements, un contrôle facile des paramètres de fermentation, une durée de conservation plus longue (plusieurs semaines) et une plus grande aptitude à être appliqué sans modification des formules actuelles de pain. Le levain liquide peut aussi contribuer à la création d’une grande variété de produits de boulangerie qui se distinguent par leur saveur, leur texture et leurs bienfaits pour la santé (Carnevali et al., 2007; De Vuyst et al., 2014a).

L’objectif de la présente étude est d’évaluer le pouvoir fermentaire de plusieurs levains liquides préparés au laboratoire en utilisant un dispositif équipé de plusieurs capteurs. Cela a permis le suivi en temps réel de la cinétique des principaux paramètres de fermentation panaire, notamment la levée de la pâte, le dégagement du CO2, de l’éthanol, la perte de masse, la baisse du pH et l’augmentation de l’Acidité Totale Titrable (ATT).

MATÉRIELS ET MÉTHODES 

Matière première

Quatre levains liquides ont été préparés au laboratoire et stockés au réfrigérateur à 4°C. Leurs compositions sont données dans le tableau 1.

Dispositif de surveillance de la fermentation

Une étuve équipée de plusieurs capteurs a été utilisée pour le suivi en ligne des paramètres de fermentation, tels que la levée de la pâte (cm), la libération de CO2 et d’éthanol (ppmv), le pH et la perte de masse (g). Les données recueillies ont été stockées dans une base de données à l’aide d’un programme informatique (Chafai et al., 2023).

Volume du CO2 et d’éthanol

Sur la base des valeurs des concentrations volumiques mesurées par les capteurs de CO2 et d’éthanol, leurs productions respectives ont été calculées à l’aide de la formule suivante (Zhang et al., 2007):

Volume de gaz (ml) = concentration de gaz (ppmv) du capteur * volume étuve (m3)

Acidité totale titrable (ATT)

10 g de pâte mélangée à 90 ml d’eau distillée et à 2 à 3 gouttes de phénolphtaléine ont été ajoutées au mélange. L’ATT est exprimée en ml de NaOH 0.1N/10 g de pâte.

Préparation de la pâte de panification

La composition utilisée pour la panification de 220 g de pâte est donnée dans le tableau 2, avec un taux de levure boulangère < 0,2% pour préserver la dénomination pain au levain selon la législation française (article 4 du Décret n°93-1074 du 13 septembre 1993). Un échantillon de 220g de pâte qui a été préparé sans ajout de levain liquide est utilisée à titre de témoin.

Levée de la pâte (cm)

Elle a été mesuré directement par le dispositif pour calculer la capacité de la pâte à lever (Dough Rising Capacity (DRC)), avec une petite modification qui consiste à remplacer le volume par la hauteur de la pâte (Bhatt et Gupta, 2015). Le récipient en verre contenant la pâte est de forme cylindrique avec un diamètre intérieur de 14 cm:

DRC = (hauteur finale − hauteur initiale) * (100) / hauteur initiale

Rendement de la pâte du levain (DY) en (%)

Il est calculé au moment de la préparation du levain et a permis de définir sa consistance (Decock et Cappelle, 2005). Le DY est défini comme suit:

DY (%) = (quantité de farine + quantité d’eau) * (100) / (quantité de farine)

Température et durée de fermentation

La température de fermentation a été fixée à 30°C pour l’ensemble des tests (Vrancken et al., 2011). La durée maximale de la fermentation est fixée à 1200 min.

Traitement statistique

Les différentes mesures ont été effectuées avec trois répétitions. Les différences entre les moyennes théoriques des traitements ont été testées à l’aide des ANOVA1 suivies du test de Tukey pour ressortir les éventuels groupes homogènes de moyennes. Tous les tests ont été réalisés à un niveau de signification de 5%. Une analyse en composantes principales (ACP) a été ajoutée pour étudier les corrélations entre les paramètres de panification et visualiser les éventuelles ressemblances entre les pâtes. Les calculs ont été réalisés à l’aide du logiciel ExcelStat V2016.02.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Caractérisation des levains liquides

Les paramètres biochimiques ATT, pH et DY permettent de caractériser les levains et connaître leurs performances fermentaires (Arora et al., 2021). Les valeurs moyennes ± écarts-types de ces trois paramètres ainsi que celles de l’humidité obtenues pour les quatre levains liquides sont présentées au tableau 3.

Rendement et consistance des levains liquides

Le rendement de la pâte est un facteur qui détermine la qualité et les propriétés de manipulation des levains (Barber et al., 1992). Les levains élaborés au laboratoire ont un rendement moyen similaire de 618,7% et par conséquent une consistance liquide, donc ils sont de type II.

Les levains liquides favorisent l’activité des bactéries lactiques, tandis que les levains fermes favorisent davantage les levures (Di Cagno et al., 2014; Minervini et al., 2014).

Humidité des levains liquides

L’hydratation est importante pour l’écologie microbienne et la fonction métabolique du levain (De Vuyst et al., 2014b). La composition des levains a un effet significatif sur leur humidité qui varie de 83,6 à 87,1%. Le levain L11 présente la plus faible humidité avec une valeur moyenne de 84,4 %, alors que les autres levains ont une humidité similaire avec une moyenne de 86,4 % bien qu’ils aient un DY similaire. Ceci s’explique par la différence de capacité d’absorption de l’eau par les différentes farines (Gobbetti et al., 1995; Lund et al., 1989).

Acidité totale titrable des levains liquides

L’acidité totale titrable donne des informations indirectes sur les acides lactique et acétique; sa détermination directe est également assez courante (Arora et al., 2021). La composition des levains a un effet significatif sur leur acidité. L’ATT des levains a varié de 7,46 à 13,4 qui est incluse dans l’intervalle le plus courant (4 à 25) avec une valeur médiane de 11 rapporté par Arora et al., (2021). Cette différence de valeur des ATT, s’explique par la production des acides biogènes par les bactéries qui sont initialement existantes dans les levains (Waters et al., 2012).

Le pH des levains liquides

Dans le levain, les bactéries lactiques utilisent en priorité le glucose pour produire de l’acide lactique qui joue un rôle d’acidification rapide de la pâte (Corsetti et Settanni, 2007; Eiteman et Ramalingam, 2015).

La composition des levains a un effet significatif sur leur pH, avec une valeur allant de 2,94 à 3,29, ceci s’explique par la nature du procédé et des cultures utilisées (Arendt et al., 2007).

Le levain L9 présente une ATT moyenne de 12,72 la plus élevée, or que sont pH a été le plus élevée 3,29 par rapport aux autres levains, ceci pourrait être expliqué par sa faible teneur en acide lactique qui est un acide plus fort que l’acide acétique (Roussel et al., 2020). Les différences de pH, entre les levains, ne traduisent pas nécessairement des variations de concentrations d’acides biogènes (Roussel et al., 2020).

Tests de performance de la fermentation panaire

Le pouvoir de panification d’un levain est mesuré par sa capacité de gonfler la pâte, de produire du CO2 et de l’éthanol, d’augmenter l’ATT et de baisser le pH final de la pâte (Rizzello et al., 2010).

Caractérisations physiques de la pâte

Levée de la pâte

Les levures sont les principales espèces responsables de la levée de la pâte (Corsetti et Settanni, 2007). La figure 1 montre les courbes de la levée de la pâte lors de la panification.

Il ressort que la levée de la pâte se fait selon une courbe qui peut être décomposée grosso modo en quatre phases passives. Une phase I d’induction, la phase II qui correspond au gonflement rapide de la pâte, la phase III où le volume de la pâte se stabilise, et la phase IV qui marque une baisse du volume, tantôt faible (cas des pâtes L4, L10 et L11), tantôt très forte (cas de la pâte L9). Le dégonflement s’explique par l’éclatement du réseau de la pâte et par conséquent le dégagement d’une partie de CO2 vers l’extérieur, on dit que la pâte est arrivée à son point de porosité.

La pâte P9 se dégonfle rapidement pour atteindre une hauteur inférieure à 1,5 cm. On peut déduire que si le levain L9 permet d’obtenir une bonne levée, il ne permet pas de garder son volume final stable pour longtemps, par conséquent il faut rapidement arrêter sa fermentation afin d’éviter l’éclatement du réseau.

Les valeurs des principaux paramètres physiques de la pâte à la fin de la panification qui correspond au début de l’aplatissement de ces courbes, sont présentées au tableau 4.

Le type de levain n’a pas d’effet significatif sur la levée de la pâte (tableau 4). La levée moyenne de la pâte était de 3,53 cm, avec un DRC moyen d’environ 352,6 %. On déduit que tous les levains liquides testés et le témoin peuvent produire une pâte panifiable.

Durée de la panification

Le type de levain a un effet significatif sur la durée de panification qui a varié de 640 à 852 min. Cette durée est considérée comme une période de fermentation longue (Decock et Cappelle, 2005) . Ce qui permet aux bactéries à croissance rapide de créer davantage d’acides organiques, et par conséquent inhiber l’activité fermentaire des espèces moins tolérantes aux acides biogènes (Narendranath et al., 2001).

Les pâtes P9, P10 et la pâte témoin nécessitent moins de temps pour la panification avec une durée moyenne de 690 min en comparaison aux autres pâtes.

Volume spécifique

Le type de levains a un effet significatif sur le volume spécifique de la pâte avec des valeurs allant de 2,24 à 3,98 cm3/g. La pâte P9 présente le plus grand volume spécifique (3,68 ± 0,42 cm3/g), suivi de P4 (2,87 ± 0,18 cm3/g). Alors que les pâtes témoin, P10 et P11 présentent un volume spécifique plus faible avec une valeur moyenne de (2,48 ± 0,14 cm3/g).

Le volume spécifique plus élevé enregistré pour les pâtes P9 pourrait être dû à une rétention accrue de CO2 en raison de l’acidification de la pâte qui augmente la capacité du gluten à retenir les gaz , or une acidité très élevée inhibe l’activité des levures productrices du CO2, d’où la nécessité de maîtriser cette acidité (Gobbetti et al., 1995; Narendranath et al., 2001).

Perte de masse

Le type de levain liquide n’a pas d’effet significatif sur la perte de masse de la pâte lors de la panification, avec une perte moyenne de (2,26 %) de la masse initiale de la pâte.

Bien que toutes les pâtes aient un taux de perte massique similaire, elles ont des volumes spécifiques différents, ceci s’explique par la différence de leurs textures responsables de la rétention des gaz produits ainsi que par leurs élasticités.

Caractérisations biochimiques de la pâte

Production de CO2

Dans les pains au levain, le CO2 est produit à la fois par les levures et les bactéries lactiques mais la contribution de chaque espèce au volume global de gaz diffère selon le type de culture et la technologie de la panification appliquée (Hammes et Gänzle, 1998). Le dioxyde de carbone permet de modifier la rhéologie de la pâte (Reed, 2012).

La figure 2 montre les courbes de dégagement de CO2 lors de la panification. Le dégagement du CO2 produit lors de la panification passe par quatre phases similaires à celles de la levée de la pâte (Figure 1), à savoir une période d'induction (I), suivie d'une augmentation rapide de dégagement de CO2 (II), une zone de plateau (III), et la dernière phase (IV) marquée par une baisse de la concentration du CO2 pour certaines pâtes. Ce qui confirme que la phase II est la principale étape de gonflement de la pâte.

Les courbes des figures 1 et 2, ont permis de déterminer les quantités et la vitesse du CO2 dégagées à la fin de la panification (Tableau 5).

Le type de levain n’a pas d’effet significatif sur la quantité du CO2 dégagée à la fin de la panification, qui est en moyenne de 0,69 L/kg de pâte avec une vitesse moyenne de 5,64 ml/100 g de pâte/h. Bien que les pâtes dégagent des quantités similaires de CO2, leurs volumes spécifiques sont différents. Le dégagement du CO2 continue après la fin de la panification (Figure 2) mais n’a pas d’influence sur le volume de la pâte (Figure 1). Ceci s’explique par la porosité du réseau de la pâte qui perd sa capacité à retenir les gaz. On en éduit que la capacité d’une pâte à retenir les gaz produits joue un rôle important dans la levée de la pâte, donc le critère de production du CO2 en grande quantité n’est pas suffisant à lui seul pour prédire la levée de la pâte.

La figure 3 présente la levée de la pâte en fonction du CO2 dégagé lors de la panification.

La figure 3 montre un lien étroit entre la levée de la pâte et le CO2 dégagé lors de la panification. Toutefois, pour une même quantité de CO2 dégagée, les levées n’ont pas la même hauteur pour les différentes pâtes, notamment pendant les phases (II) et (III); ce qui s’explique par l’effet des levains sur leur élasticité et leur capacité de retenir les gaz.

Production d’éthanol

L’éthanol est principalement produit par les levures et en moindre quantité par certaines bactéries lactiques (Hagman et al., 2013). L’éthanol avec le CO2 modifient la rhéologie de la pâte (Reed, 2012). Van Kerrebroeck et al. (2015) ont montré qu’il y a une bonne corrélation entre la mesure de l’éthanol déterminée par SIFT-MS ou par d’autres techniques tels que HPLC.

La figure 4 présente les volumes d’éthanol dégagés lors de la panification des pâtes. Les courbes des figures 1 et 4 ont permis de déterminer les quantités et les vitesses de l’éthanol dégagé à la fin de la panification (Tableau 6).

Le type de levain n’a pas d’effet significatif sur le volume et sur la vitesse d’éthanol dégagé à la fin de la panification, avec une production moyenne de 6,86 L/kg de pâte et une vitesse moyenne de 55,6 ml/100 g/h.

Le CO2 dégagé est d’environ 10 fois plus faible que l’éthanol dégagé, ce qui confirme que l’éthanol n’as pas d’effet très significatif sur la levée de la pâte et que le CO2 reste le principal gaz responsable du gonflement de la pâte (Lund et al., 1989). On peut expliquer ceci par l’état gazeux du CO2 (Pression de vapeur saturante = 56,4 atm à 20 °C) alors que l’éthanol est sous forme liquide dans la pâte (Pression de vapeur saturante = 0,05 atm à 20 °C).

On constate aussi que la production de l’éthanol continue après la fin de la panification (Figure 4), avec une légère augmentation de la pente de dégagement pour l’ensemble des pâtes. Ceci s’explique par l’éclatement du réseau de la pâte qui perd sa capacité à retenir l’éthanol produit. Ce constat est confirmé par la baisse du volume de la pâte suite à son dégonflement (Figure 1).

Selon Pétel et al., (2017), l’éthanol influe sur la saveur du pain, donc on peut déduire que les pâtes issues de ces levains liquides pourraient avoir une saveur intéressante.

On peut prédire aussi que ces levains liquides contiennent des souches de levures ayant une capacité à résister à des concentrations élevées en éthanol, car l’augmentation de la concentration en alcool au cours de la fermentation auto-freine progressivement l’activité des levures (Aplevicz et al., 2013).

Selon Mamhoud et al. (2016) l’éthanol inhibe les moisissures du pain, et par conséquent ces levains liquides peuvent produire des pains conservables, car avec des concentrations d’éthanol comprises entre 0,2 et 12 %, il augmente la durée de conservation du pain (Barber et al., 1992).

La figure 5 montre la levée de la pâte en fonction de l’éthanol dégagé lors de la panification.

On constate qu’il y a une corrélation étroite entre la levée de la pâte et l’éthanol dégagé, comme cité dans les travaux de Adriana et al. (2020).

La levée de la pâte en fonction de dégagement de l’éthanol est similaire pour l’ensemble des pâtes pendant les phases I et II puis elle est légèrement différente dans les phases III et IV, ce qui confirme que l’éthanol a peu d’effet sur le gonflement de la pâte en comparaison à celui du CO2.

Suivi du pH

La baisse du pH est observée dans la pâte en raison de la production des acides biogènes, notamment l’acide lactique et acétique par les microorganismes, ainsi que par le dioxyde de carbone produit par les levures. Ce pouvoir acidifiant est la propriété métabolique principale qu’on recherche chez les bactéries lactiques (Blandino et al., 2013).

La figure 6 présente la baisse du pH des pâtes lors de la panification. Les figures 1 et 6 permettent de déterminer les valeurs du pH à la fin de la panification (Tableau 7).

Le type de levain a un effet significatif sur le pH initial des pâtes et sur sa diminution mais sans effet significatif sur leur pH final (Tableau 7). Ceci s’explique par la longue durée de la panification qui permet aux bactéries lactiques et acétiques de produire des acides biogènes en quantité suffisante pour baisser le pH des pâtes.

Le pH initial des pâtes varie de 4,89 à 5,61, alors que le pH final des pâtes est en moyenne de (3,57 ± 0,17) avec une diminution allant de 1,17 à 2,03.

On constate aussi que le pH de la pâte faite aux levains liquides atteint rapidement une valeur inférieure à 4,5 et ceci en moins de 300 min, ce qui donne plus de temps à la flore microbienne pour la dégradation de l’acide phytique. La pâte témoin nécessite plus de temps pour atteindre cette valeur avant la fin de panification. La valeur de pH de 4,6 est considérée optimale pour la dégradation de l’acide phytique et par conséquent une bonne biodisponibilité des oligo-éléments, car il fournit les conditions optimales pour l’activation des phytases végétales endogènes et des phytases microbiennes (Castro‐Alba et al., 2019).

Le pH acide des pâtes obtenues permet aussi de réduire le rassissement du pain et par conséquent contribuer à sa conservation. Cependant, il faut chercher un pH final à d'un niveau optimal afin de conserver des caractéristiques organoleptiques acceptables (Arendt et al., 2007; Schlemmer et al., 2009).

La diminution du pH était plus forte dans le témoin (1,86), ceci peut être expliqué par la forte activité microbienne des bactéries endogènes initiales de la farine qui sont peu compétitionnées par la levure boulangère incorporée dans le témoin à faible taux (0,1%) (Tableau 2).

Suivi de l’ATT

Le tableau 8 présente l’acidité totale titrable de la pâte mesurée lors de la panification aux levains. Le type de levain a un effet significatif sur l’ATT initiale, l’ATT finale ainsi que sur son augmentation.

L’ATT initiale des pâtes varie de 1,96 à 2,54, alors que l’ATT finale varie de 3,92 à 7,31, avec une augmentation allant de 1,67 à 4,85. Les pâtes P10 et Témoin présentent la plus faible ATT finale avec une valeur allant de 3,88 à 4,99, alors que P4 et P9 ont une ATT finale variant de 5,81 à 6,19, tandis que P11 présente la plus grande valeur de l’ATT finale avec une moyenne de 7,29. Tous ces levains ont permis d’avoir une ATT finale inférieure à 8, ce qui permettra de produire un pain avec des caractéristiques organoleptiques très acceptables d’où le grand intérêt d’utiliser ces levains liquides pour la panification.

Corrélations entre les paramètres de panification

La figure 7 présente la projection des paramètres obtenus à la fin de la fermentation (a) et des pâtes (b) sur le plan principal (87,4%) d’une analyse en composantes principales (ACP).

Le premier axe du cercle des corrélations, qui explique 46,2% de la variabilité, montre que la durée de la panification est fortement corrélée positivement à l’ATT et à la perte de masse et ces trois paramètres sont corrélées négativement au pH. Les pâtes P11 présentent les valeurs les plus élevées de la durée de panification et les plus faibles pour le pH. Le deuxième axe, qui explique 41,2%, montre que le volume spécifique est fortement corrélé positivement à la quantité du CO2 et à l’éthanol dégagé. Les valeurs les plus élevées de ce groupe de paramètres sont obtenues pour les pâtes P9, qui semblent présenter des performances largement meilleures.

Panigramme individuel du levain liquide L9

D’après les tests de panification, il parait que le levain liquide L9 présente une performance fermentaire globalement meilleure que celle des autres levains. Son panigramme individuel (figures 8) permet de lire directement les principaux paramètres de panification sur le même graphique.

Ce genre de graphe, qui permet de suivre la cinétique de quatre paramètres de fermentation et de connaitre leurs valeurs à la fin de la panification, constitue une empreinte visuelle permettant de lire les performances fermentaires d’un levain et les comparer à d’autres levains.

Panigramme vertical

Le panigramme vertical (Figure 9) constitue une autre façon de comparer la performance fermentaire, mais de plusieurs levains à la fois. Ce graphe peut être utilisé comme un outil facile pour cartographier les principaux paramètres de fermentation, sous forme d’empreinte visuelle et numérique qui pourrait faciliter la comparaison de plusieurs levains dans des travaux ultérieurs.

CONCLUSION

La surveillance en temps réel des principaux paramètres de panification, a permis de tracer les panigrammes individuels et verticaux de plusieurs pâtes aux levains liquides. Cet outil graphique assimilé à une empreinte digitale a permis la comparaison visuelle entre les différents types de levains et de retenir celui qui parait être le plus adapté à nos besoins de panification. L’utilisation du levain liquide L9 à base de la farine de blé dur complète pour la panification du pain a plusieurs avantages par rapport au témoin, notamment en termes de temps de panification réduit, un volume spécifique important et une acidité finale du pain très appréciés. L’utilisation d’un levain liquide présente d’autres avantages par rapport au levain frais, il donne une qualité constante du pain, une longue durée de conservation et permet d’éviter les rafraîchissements périodiques.

D’autres études devraient se concentrer sur le panigramme idéal du levain liquide pour chaque type de produits de boulangeries, ainsi que d’intégrer d’autres critères organoleptiques et microbiologiques dans le panigramme individuel et vertical.

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