Résumé

La dégradation des terres est une évidence dans les écosystèmes arides déjà fragilisés par la variabilité climatique. Les parcours naturels qui assurent l’essentiel de l’alimentation du bétail n’échappent pas à cette situation. Explorer des stratégies d’amélioration de la productivité de ces parcours naturels est une solution palliative à la résolution de l’alimentation du bétail. Cette étude a pour objectif global d’améliorer la production fourragère par l’introduction d’une légumineuse fourragère, Chamaecrista rotundifolia. Pour ce faire, deux dispositifs expérimentaux ont été installés, l'un sur un sol ferrugineux et l’autre sur un sol ferralitique. Deux densités de semis C. rotundifolia ont été utilisées. La fertilisation de 100 kg/ha de triple superphosphate (46% P) a été retenue pour les parcelles concernées. Les résultats indiquent que le type de sol, le désherbage au semis et la densité de semis de la légumineuse ont eu des effets significatifs sur le nombre de pieds de C. rotundifolia /m² dans le pâturage naturel trois ans après son introduction. Les traitements témoins ne comportent pas de semences de C. rotundifolia dans les deux horizons du sol prospectés (H0-10 cm et H 10-20 cm). La production de biomasse C. rotundifolia, a été plus élevée au mois d’août comparativement à l’évaluation au mois de juillet avec une production moyenne de 1811 kg MS/ha contre un maximum de 1070 kg MS/ha dans le mois de juillet. Les résultats de l’analyse de la biomasse montrent une teneur plus élevée en azote chez C. rotundifolia par rapport aux autres espèces et ce sur les mêmes sols, ce qui dénote de la capacité de C. rotundifolia à fixer l’azote atmosphérique.


Mots-clés: Fourrage, Pâturages naturels, Restauration, Stock semencier, Chamaecrista rotundifolia

INTRODUCTION

L’agriculture en zone sahélienne fait face à plusieurs défis liés à la croissance de la population, la pression agricole et la fertilité des sols. D’autres facteurs importants tels que la pluviosité caractérisée par sa variabilité spatiale et temporelle restent difficiles ou impossibles à changer alors qu’en revanche, le sol subit des transformations en termes d’amélioration ou de dégradation en fonction de son utilisation. La ressource sol constitue l’une des ressources fondamentales de l’agriculture et de l’environnement sahélien (Djaby et al., 2001). Le Burkina Faso à l’instar des autres pays sahéliens, vit depuis quelques décennies la dure réalité de la dégradation des terres en lien avec les changements climatiques dont les effets sont ressentis de plus en plus par les populations urbaines et rurales (Sanou, 2012). Malgré toutes les stratégies d’adaptation développées, ces populations souffrent toujours des effets de l’élévation de la température, de la dégradation des terres agricoles, de la disparition des forêts (OSS, 2015). Cette dégradation des terres agricoles se caractérise par la baisse de la fertilité physique (destruction de la structure), du taux de matière organique et de la fertilité chimique (pauvreté en élément fertilisants majeurs que sont le phosphore, le potassium et l’azote) (Kagambèga et al., 2011; Sop et al. 2011; Sanou, 2020). Les carences en azote (principal facteur de la fertilité) dans les sols sont communes à la fois dans les régions tropicales et subtropicales (Driessen et al., 2011). Trouver des moyens pour obtenir l’azote et l’utiliser efficacement est d’une importance capitale pour la production agricole de ces régions. En outre, les risques concernant la disponibilité des réserves de combustibles fossiles pour la production d’engrais, ainsi que les augmentations induites des prix des engrais, peuvent rendre nécessaires des méthodes alternatives de nutrition des plantes. Prenant conscience des problèmes environnementaux en général et de la dégradation de l’environnement de notre pays en particulier, les autorités Burkinabé ont élaboré des stratégies et des politiques relatives à l’environnement en vue d’une large diffusion auprès des acteurs nationaux et internationaux. C’est dans ce cadre que l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA) à travers son programme Gestion des Ressources Naturelles/Systèmes de Production a introduit une légumineuse fourragère, Chamaecrista rotundifolia. Pour pallier ces difficultés, il importe de mettre en place des techniques de restauration du couvert végétal, d’amélioration de la production fourragère, de récupération et de conservation des terres. C. rotundifolia de par sa capacité à fertiliser et à protéger le sol et à constituer une source d’aliment pour le bétail présente à cet effet un double intérêt. De façon générale, il s’est agi d’évaluer l’effet de l’introduction de C. rotundifolia dans le pâturage naturel sur la fertilité chimique du sol, la production de biomasse et son aptitude à produire de la semence qui s’incorpore dans le stock semencier du sol. De manière spécifique il s’est agi de: déterminer l’effet de C. rotundifolia sur l’évolution des caractéristiques chimiques du sol (pH du sol, composition en éléments N, P, K, Ca, Mg), d’étudier la production de biomasse de C. rotundifolia et des autres espèces en présence , la production de biomasse en fonction du type de sol, déterminer le stock semencier du sol en C. rotundifolia.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Description du site d’étude

L’étude s’est déroulée au sein de la station de recherches agronomiques de l’Institut Environnementale de Recherche Agricole (INERA) de Farako-Ba, Burkina Faso. La station est située dans la partie ouest du pays dans la zone climatique sud soudanienne. Les pluies sont reparties entre les mois de mai et octobre avec des précipitations comprises entre 900 et 1000 mm de pluies par an. Les sols rencontrés sont principalement de types ferrugineux tropicaux et ferralitiques. Le climat de la zone d’étude est du type sud soudanien. Elle a une seule saison des pluies qui dure cinq à six mois (de mai à octobre) et une pluviométrie qui varie entre 900 et 1000 mm de pluies par an selon (Fontès et Guinko, 1984). La végétation de la station de Farako-Bâ est une savane herbeuse à arborée assez dense par endroit. Les espèces rencontrées sont: Gmelina arborea, Parkia biglobosa Benth, Adansonia digitata, Mangifera indica, Vitellaria paradoxa Gaerth, Khaya senegalensis. Il y a également des espèces herbeuses telles que Andropogon gayanus Kunth, Brachiaria sp, Cynodon dactylon, Digitaria horizontalis. Les sols fréquemment rencontrés sont des sols ferrugineux tropicaux, pauvres en argile et en matières organiques, raison de leur faible capacité d’échange cationique (CEC) et des sols ferralitiques.

Dispositif expérimental

Le dispositif expérimental composé de 4 blocs ou répétitions complètement randomisés a été installé sur chacun des deux sites d’étude à savoir l’un sur un sol ferrugineux tropical et l’autre sur un sol ferralitique. Chaque répétition comporte 10 traitements. Chaque parcelle élémentaire est de 5 m x 4 m soit 20 m². Les parcelles élémentaires sont séparées entre elles par des allées de 1 m et les blocs sont séparés par des allées de 2 m.

La densité de semis était de 200 graines germables/m2 (densité D1 (Ch 200) équivalant à l’utilisation de 12,5 g de semence par parcelle élémentaire pour avoir 200 pieds/m²) et 400 graines germables/m2 (densité D2 (Ch 400) correspondant à l’utilisation de 25,1 g de semence pour obtenir 400 pieds de C. rotundifolia /m²).

Le désherbage a concerné certaines parcelles au semis de C. rotundifolia et d’autres n’en ont pas reçu de désherbage durant l’expérimentation. L’apport de fertilisant a été de 0 kg/ha et de 100 kg/ha de Triple Superphosphate TSP (46% Phosphore).

Paramètres observés

Le dénombrement des pieds de C. rotundifolia a été effectué à l’aide d’une placette carré de 1 m de côté deux fois au mois de mai et de juillet 2017. Le dénombrement a consisté à placer en trois points sur une diagonale la placette et à compter le nombre de pieds de C. rotundifolia à l’intérieur de la placette en distinguant les nouvelles pousses des pieds vivaces. L’objectif visé dans l’évaluation du stock semencier du sol en C. rotundifolia est la détermination du stockage de semences de C. rotundifolia dans le sol aux horizons 0-10 et 10-20 cm. Pour ce faire, des couches de sol des deux horizons ont été prélevées à l’aide d’un moule de 20 cm x 20 cm x 20 cm. Le moule est posé sur le sol et enfoncer jusqu’à 10 cm pour prélever le premier horizon, ensuite il est enfoncé jusqu’à 20 cm pour le second horizon. Le prélèvement est fait en deux points sur une diagonale. Le moule est placé à environ 0,5 m de chaque extrémité de la diagonale. Le sol contenu dans le moule est excavé et mis dans des sachets. Ils ont ensuite été séchés dans un premier temps pour la conservation, puis placé à la surface de seaux préalablement remplis de terreau stérilisé par ébouillantage. La biomasse des parcelles des différents traitements a été évaluée par des coupes intégrales de 2 placettes carrées de 0,5 m de côté localisé au centre des deux triangles coupés par la diagonale de chaque parcelle élémentaire (Fournier, 1991). Après la fauche intégrale à l’aide d’une faucille, une décomposition de la biomasse récoltée est réalisée par un tri distinguant Andropogon gayanus, autres graminées, C. rotundifolia, autres dicotylédones. Les poids frais de chaque partie sont enregistrés. Ensuite, tous les échantillons des quatre parcelles d’un même traitement sont mis ensemble et bien mélangés. Un échantillon représentatif d’environ 500 g a été prélevé et mis à sécher dans une étuve ventilée à 65 °C pendant 48 pour déterminer la teneur en matière sèche des différentes fractions et disposer d’échantillons pour des analyses bromatologiques.

Évaluation des paramètres chimiques du sol

Les prélèvements sont effectués sur chacune des 40 parcelles élémentaires par site d’étude. Ils sont effectués à l’aide d’une tarière suivant la diagonale et sur l’horizon 0-20 cm, en trois points pour constituer un échantillon moyen par parcelle élémentaire. Pour ce faire, la terre contenue dans la tarière est versée dans un bol en plastique, elle est soigneusement mélangée puis conditionnée dans un sachet plastique et étiqueté. Les échantillons sont ensuite transportés au laboratoire et séchés au soleil en toute précaution pour éviter toute contamination. Les échantillons de sol prélevés ont été séchés à l’air libre jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment sec. Ils ont été pilés au mortier à l’aide d’un pilon pour séparer la terre fine des graviers. La terre fine a été broyée à 2 mm au broyeur. Un échantillon de 2 g a été prélevé et minéralisé en présence d’acide sulfurique concentré pour la détermination de l’azote, du phosphore total et du potassium total, la détermination du carbone organique, du phosphore assimilable et du potassium disponible. Un autre échantillon a servi à la détermination du pH eau. Les analyses ont été réalisées au laboratoire Sol-Eau-Plante du programme GRN/SP-Ouest. Pour déterminer le pH eau, 20 g de sol passés au tamis de 2 mm ont été utilisé. Le procédé a été de verser les 20 g de sol dans un flacon et d’y ajouter 50 ml d’eau distillée. La solution a ensuite été agitée pendant 30 mn à l’aide d’un agitateur magnétique et laissée au repos pendant 30 mn après l’agitation. Le pH de la solution est enfin déterminé à l’aide d’un pH-mètre calibré à 7 et 4. Pour déterminer les éléments fertilisants du sol, il faut d’abord procéder par la minéralisation du sol. La minéralisation est un procédé par lequel l’on prépare une solution (solution mère) à partir de laquelle vont être déterminés les éléments comme l’azote (N), le phosphore total (P- total), le potassium total (K-total) (Olsen et Dean 1965). Nous avons prélevé 2 g de sol passé au tamis de 0,5 mm que nous avons mis dans des tubes. A ces 2 g de sol nous avons ajouté 7 ml d’une solution acide composée d’une solution (1) de 3,5 g de sélénium dissout dans 1 litre d’acide sulfurique à 96%. Dans 100 ml de la solution (1) dont dissous 3,2 g d’acide salicylique. Les tubes ont été ensuite placés au bloc de minéralisation au programme 1 pendant 1 h à 110°C. Après le programme (1) ajouter du peroxyde d’hydrogène (30%) et lancer le programme (2) 330°C pendant 225 mn. Après le programme (2) ajouter 50 ml d’eau distillée, laisser décanter pendant 24 heures et ensuite transvaser dans des fioles et compléter à 100ml. Enfin, les mettre dans des flacons.

Pour la détermination de l’azote total, à 25 ml de la solution mère nous avons ajouté respectivement 25 ml de soude, 15 ml d’acide borique et 3 gouttes d’indicateur coloré. Le mélange a été distillé et nous avons récupéré l’ammoniac que nous avons titré. Pour la détermination du carbone organique du sol il a été pesé dans des tubes 0,5 g de sol auxquels ont été successivement ajoutés 10 ml d’une solution de dichromate de potassium et 5 ml d’acide sulfurique Les tubes sont portés au bloc de minéralisation pendant 30 mn à 150°C. Après les 30 mn, 25 ml d’eau distillée ont été ajouté et l’ensemble est laissé au repos pendant 30 mn. Une quantité est prélevée et centrifugée à 2000 tours/mn pendant 10 mn puis la lecture est faite au spectrophotomètre à UV à la longueur d’onde de 600/585 nm (Walkley et Black, 1934).

Pour la détermination du phosphore total nous avons prélevé 1 ml de la solution mère à laquelle nous avons ajouté 4 ml d’eau distillée puis 2 ml d’une solution d’acide ascorbique et complété avec 3 ml d’eau distillée. Le mélange est ensuite mixé et laissé au repos pendant 1 heure. Après 1 heure de repos le mélange est centrifugé (pendant 10 mn). A l’issu de la centrifugation nous avons procéder à la lecture au spectrophotomètre à UV à une longueur d’onde 720 nm. Pour déterminer le phosphore assimilable nous avons pesé 2 g de sol passé au tamis de 0,5 mm. A ces 2 g de sol nous avons ajouté 14 ml de la solution d’extraction du phosphore assimilable et agité pendant 1 mm. La solution obtenue a ensuite été filtrée à l’aide d’un papier filtre. Dans des tubes il a été pipeté 2 ml du filtrat obtenu auxquels ont été respectivement ajoutés 8 ml d’acide borique (1%) et 2 ml d’une solution d’acide ascorbique. Le mélange est ensuite mixé et laissé au repos pendant 20 mm. Après les 20 mn de repos il a été procédé à la lecture au spectrophotomètre à UV à une longueur d’onde de 720 nm. Nous avons prélevé 1 ml de la solution mère que nous avons diluée cinq fois (1 ml de la solution mère + 5 ml d’eau distillée) puis mixé. Après mixage la lecture est faite directement au spectrophotomètre à flamme. Le potassium disponible a été déterminé en pesant dans des flacons 2,5 g de sol passé au tamis de 2 mm. A ces 2,5 g de sol il a été ajouté 25 ml de la solution d’extraction du K disponible et agité pendant 1 h. La solution est ensuite filtrée et le filtra est utilisé pour la lecture au spectrophotomètre à flamme.

RÉSULTATS

Structure du pâturage

La structure du pâturage représente le nombre de pieds des différentes espèces recensées au m². L’évolution de la structure du pâturage en fonction des traitements est présentée au tableau 1. Andropogon gayanus qui est l’espèce la plus dominante des pâturages de Farako-Bâ est représenté par un nombre de touffes au m² variant de 4 à 12 sur les sols ferralitiques et 8 à 32 sur les sols ferrugineux. Cette espèce est plus dominante sur les pâturages des sols ferrugineux comparés aux sols ferralitiques. Par contre dans la catégorie des autres espèces, leur nombre est beaucoup plus important sur sol ferralitique (67 à 169 pieds/m²) que sur sol ferrugineux (26 à 54 pieds/m²). Cette structure est variable en fonction du temps, du sol, de l’apport de TSP, du désherbage et du semis de C. rotundifolia. Le nombre de pieds des différents de C. rotundifolia a varié entre 15 à 22 et 18 à 34 pieds/m² sur sol ferralitique en condition de semis direct dans le pâturage naturel sans désherbé avec et sans apport de TSP respectivement au mois d’août. Sur sol ferrugineux, ce nombre a varié entre 16 à 25 et 10 à 18 pieds/m² pour les mêmes traitements. Entre juin et août 2016, ces nombres ont généralement augmenté pour les parcelles désherbées au moment du semis sauf pour le cas du sol ferrugineux avec apport de TSP et le semis de Ch400 où il a diminué de plus de la moitié entre ces deux dates. L’augmentation s’expliquerait par de nouvelles germinations tandis que la diminution s’expliquerait par la mortalité de pieds de certaines espèces à cause de la compétition entre les plants pour la lumière et les nutriments. Dans cette compétition, l’évolution du nombre de pieds de la légumineuse introduite est présentée au tableau 2.

Évolution dans le temps du nombre de pieds des légumineuses en fonction de la densité de semis par comptage

L’évolution du nombre de pieds de légumineuses/m² permet d’apprécier l’aptitude de se maintenir dans le pâturage naturel. Le tableau 2 donne les résultats du comptage des pieds de la légumineuse introduite dans le pâturage. Sur le sol ferralitique l’évolution de Ch200 et Ch400 sur les parcelles désherbés augmentent au 1er comptage ainsi qu’au second comptage avec sans TSP. Avec le TSP on a une évolution du nombre de pieds au 1er comptage et une régression au second comptage de Ch200. Sur le sol ferrugineux on a une évolution du nombre de pied de légumineuses/m² au 1er comptage comme au second comptage avec la densité de semis de Ch200 et Ch400 l’apport de TSP a fortement amélioré l’évolution du nombres de pieds au second comptage 144 pour ch200 et 155 pour Ch400 sur les parcelles désherbées au moment de l’installation de C. rotundifolia. La densité de semis sur les parcelles non désherbé on constate toujours sur le sol ferralitique une supériorité du nombre de pieds de Chamaecrista en Ch200 et Ch400 tandis que dans le Témoin il n’existe aucun pied de Chamaecrista. Sur le sol ferrugineux, on remarque une amélioration du nombre de pieds de Chameacrista /m² de Ch200 et Ch400 mais en grand nombre avec l’apport de TSP. On note également la présence de Chamaecrista dans les parcelles témoins, traduisant une colonisation de ces parcelles même si le nombre a régressé entre les deux comptages. En condition de désherbage à l’installation de C. rotundifolia, l’apport de TSP, améliore sa représentativité (nombre de pieds/m²) sur sol ferrugineux en comparaison au sol ferralitique. La plus grande représentativité de C. rotundifolia sur les parcelles non désherbées des pâturages sur sol ferralitiques comparée à celles sur sol ferrugineux s’explique par la plus grande domination de A. gayanus sur les secondes par rapport aux premières.

Évolution de la production de biomasse selon les types de sol

L’évaluation de la production de biomasse aux mois de juin et d’août 2016 a montré une évolution de cette biomasse en fonction des différents traitements étudiés (Tableau 3). Au mois de juin, l’apport de TSP a permis une augmentation de 50 à 100% environ de la biomasse de tous les traitements sur le sol ferralitique (1,9 à 2,3 et 2,1 à 3,5 t MS/ha). Par contre, sur sol ferrugineux, l’effet de cette fertilisation en phosphore n’a pas été très visible (1,9 à 2,3 et 1,7 à 2,9 t MS/ha). Au mois d’août, cette tendance est restée la même sauf que l’accroissement de la production de biomasse a été très importante entre les mois de juin et d’août, atteignant 8 t MS/ha dans le cas de l’apport de TSP sur sol ferrugineux. Cet accroissement de la biomasse est très remarquable pour l’espèce C. rotundifolia où il est le double dans la plupart des cas. En particulier sur les parcelles désherbées, on observe que C. rotundifolia a enregistré une forte production de biomasse avec l’apport de TSP sur sol ferralitique et sans apport de TSP sur sol ferrugineux.

Production de biomasse de C. rotundifolia sur le sol ferralitique

La figure 1 présente les quantités de biomasse produite par C.rotundifolia évaluées en kg MS/ha. Les moyennes des rendements sur les parcelles non désherbé, la biomasse de Ch400 diminue progressivement sans TSP tandis que le Ch200 et le Témoin augment. Sur les parcelles désherbées la biomasse évolue nettement avec Ch200 et Ch400.

Production de biomasse de C. rotundifolia sur le sol ferrugineux

Sur sol ferrugineux sans TSP, la biomasse évaluée a été plus élevée sur les parcelles désherbées et non désherbées (Figure 2). La densité de semis à 400 pieds/m² (Ch400) a permis de doubler la production de biomasse de C. rotundifolia (2200 à 5200 kg MS/ha) une augmentation significative de biomasse.

Avec l’apport de TSP, on constate qu’il n’y a pas eu d’effet notable sur la production de biomasse de C. rotundifolia sur toutes les parcelles. Cependant, à la densité de semis de 200 pieds/m², on a observé une plus forte production de biomasse.

Évolution de la contribution de chamaecrista à la biomasse totale

L’évolution de la part de C. rotundifolia dans la biomasse totale des herbages en fonction des traitements (Tableau 4) montre une amélioration entre les mois de juin et août 2016. Sur sol ferralitique, la part de C. rotundifolia dans la biomasse varie de 15 à 95% au mois de juin et 19 à 95 % au mois d’août. Les proportions élevées de C. rotundifolia sont observées dans les traitements où les parcelles ont été désherbées à l’installation de C. rotundifolia avec ou sans apport de TSP. Dans les parcelles non désherbées, les valeurs ont varié de 19 à 60 %, valeurs qui se situent dans les proportions espérées par l’étude. Sur sol ferrugineux, la part de C. rotundifolia dans la biomasse des herbages a varié de 6 à 94 % en fonction des traitements. Le désherbage au moment du semis de C. rotundifolia a favorisé la domination de cette espèce avec ou sans apport de TSP. La part de cette espèce dans la biomasse des herbages est plus faible dans les parcelles non désherbées (5 à 18 %). Toutefois, cette part est plus élevée dans les parcelles ayant bénéficié de l’apport de TSP (9 à 18 %) comparée aux parcelles sans apport de TSP (5 à 11 %). L’effet de la densité de semis n’est pas très évident sur les deux types de sols.

On observe que la biomasse de C. rotundifolia en juin est négativement et de manière significative corrélée à la biomasse de A. gayanus (R = - 0,717 et Pr <0,0001, Tableau 5). Il en est de même pour la corrélation entre la biomasse de C. rotundifolia et celle de A. gayanus au mois d’août (R = -0,726 et Pr = 0.000). Cela confirme la compétition qui existe entre A. gayanus (graminée pérenne dominante des pâturages naturels soudaniens) et la légumineuse introduite (C. rotundifolia). Malgré tout, C. rotundifolia résiste à cette compétition et arrive à contribuer de manière significative à la biomasse totale. La même analyse a été faite avec le nombre de pieds des différents groupes composant le pâturage. Les résultats montrent que le nombre de pieds au m² de C. rotundifolia au mois d’août est négativement corrélée et de manière significative au nombre de touffes de A. gayanus au même mois (R = - 0,477 et Pr < 0,0001).

Effet des facteurs étudiés

L’effet des différents facteurs étudiés sur la biomasse des 4 composantes du pâturage étudié est présenté au tableau 6. A l’évaluation de juin 2016, seuls l’apport de TSP, le désherbage et l’interaction TSP*Désherbage ont eu un effet significatif sur la production de biomasse de C. rotundifolia au mois de juin. Par contre, seul le désherbage et la densité de semis ont eu un effet significatif sur la proportion de C. rotundifolia dans la biomasse totale des traitements étudiés.

Au mois d’août, l’effet du désherbage sur la production de biomasse de C. rotundifolia a été maintenu de manière hautement significative de même que sa part dans la biomasse totale des pâturages. Par contre, l’effet de l’apport du TSP ainsi que l’interaction TSP*Désherbage n’ont plus été significatifs sur cette biomasse. Cependant, la densité de semis de C. rotundifolia, les interactions TSP*Densité de semis, TSP*Désherbage et Sol*TSP*Densité de semis se sont révélées avoir un effet significatif sur la part de C. rotundifolia dans la biomasse des pâturages étudiés. La séparation des moyennes au test de Tukey a révélé que dans les parcelles désherbées, la moyenne de la part de C. rotundifolia dans la biomasse totale a été meilleure (75%) par rapport aux parcelles nom désherbées (15%). De même, la densité de semis de C. rotundifolia à 400 pieds/m² a permis une part de C. rotundifolia de 57% contre 47% dans les parcelles semées à 200 pieds/m² et 30% dans les parcelles témoins. Les parcelles désherbées avec ou sans TSP ont enregistré de meilleures contributions de C. rotundifolia à la biomasse totale (82% et 68% respectivement) comparée aux parcelles non désherbées avec ou sans TSP (18% et 11% respectivement). Concernant l’interaction TSP*Densité, les traitements Ch400 + TSP et D400 sans TSP ainsi que Ch200 sans TSP ont enregistré des part de biomasse plus élevées que les autres traitements avec 62 %, 52% et 50% respectivement. Quant à la triple interaction Sol * TSP * Densité, le sol ferralitique avec apport de TSP à la densité de semis 400 a enregistré la part la plus élevée de C. rotundifolia dans la biomasse du pâturage (77%).

DISCUSSION

Le nombre de pieds C. rotundifolia observé montre sa capacité à s’auto-régénérer dans les pâturages naturels plus par le réensemencement que par le caractère vivace de ses pieds. Cette aptitude de l’espèce a été observée aussi par Didane (2008) au Bénin. Le nombre plus élevé aussi bien de pieds vivaces que de repousses sur sol ferrugineux que sur sol ferralitique peut nous faire dire qu’il s’adapte mieux au sol ferrugineux qu’aux sols ferralitiques. La densité des nouvelles pousses observée après 3 années d’introduction de la légumineuse dans les pâturages naturels a varié entre 42 et 861 pieds/m² pour tous les traitements.

Les principales sources de variation du nombre de pieds de la légumineuse introduite dans les pâturages ont été le type de sol, la densité de semis initial et le désherbage. En particulier, les densités au m² les plus élevées ont été observées sur les parcelles désherbées que dans les non désherbés. On observe une colonisation des parcelles témoins en trois années de développement (4 à 25 pieds/m²). Le nombre important de semences de cette légumineuse retrouvées dans les deux horizons (0- 10 cm et 10-20 cm), bien que variable en fonction des traitements, confirme l’aptitude de l’espèce à se maintenir dans les pâturages naturels, ce qui est une caractéristique importante pour son emploi à l’amélioration de ces pâturages. Toutefois, pour évaluer la teneur réelle en semences de C. rotundifolia, il aurait fallu prélever le sol avant les premières pluies. En effet, durant la période de séchage des prélèvements de sol, certaines semences ont bien pu amorcer leur germination, laquelle germination a pu être stoppée par le séchage, conduisant ainsi à la mort de semence.

La contribution à la biomasse du pâturage naturel variable entre 17 et 73 % pour les parcelles où elle a été introduite indique que cette espèce peut effectivement contribuer à l’amélioration qualitative des pâturages naturels dont le seuil souhaité pour les légumineuses appétées est de 20%. Cette légumineuse va au-delà de ce taux dans la plupart des cas. Sa production de matière sèche est plus importante en Août qu’en Juillet. Cela signifie que sa teneur en eau est plus élevée en Juillet où la plante est à son stade végétatif. Ce qui est en concordance avec les résultats auxquels sont parvenu Babatoundé et al. (2009). La production de biomasse plus élevée obtenue avec la densité de semis 400 pieds/m² peut être liée au nombre de repousse (en moyenne) obtenu avec la même densité de semis. Les résultats de l’analyse de la biomasse montrent une teneur plus élevée en azote chez C. rotundifolia par rapport aux autres espèces et ce sur les mêmes sols. Cela dénote de la capacité de C. rotundifolia à fixer l’azote atmosphérique. Sa biomasse intégrée dans le sol pourrait donc constituer une source d’azote pour le sol et aux graminées compagnes. Sa bonne teneur en azote combinée à sa forte contribution en biomasse, fait de cette légumineuse une espèce à fort potentiel d’amélioration des pâturages naturels. Des résultats de l’analyse des sols, il ressort que les sols ferrugineux sont relativement plus riches que les sols ferralitiques. Ces résultats pourraient s’expliquer par le pH plus faible du sol ferrugineux par rapport au sol ferralitique. Son niveau d’acidité élevé, signe de la présence d’ions H+ en grand nombre, pourrait expliquer la faible proportion d’éléments nutritifs. Le taux de matière organique set faible (<1%). Il est inférieur à celui trouvé par Bado (2002).

CONCLUSION

Au terme de notre étude , le nombre de pieds C. rotundifolia observé montre sa capacité à s’auto-régénérer dans les pâturages naturels plus par le réensemencement que par le caractère vivace de ses pieds. Aussi, il est indiqué que la période de récolte propice de C. rotundifolia est le mois d’Août sans apport de TSP où la contribution s’élève à 32,7%, alors que pour A. gayanus, la période propice est le mois de Juillet avec apport de TSP. Par ailleurs, C. rotundifolia et les autres dicotylédones sont plus riches en azote par rapport aux autres espèces avec une teneur plus élevée pour C. rotundifolia. Sa richesse en azote pourrait donc en constituer une source importante pour le sol. Cependant, il y a une tendance à la baisse modérée du pH avec C.rotundifolia. A la suite de notre étude, nous recommandons d’autres investigations en prenant en compte la production de biomasse sur le sol ferralitique, son analyse chimique et le stock semencier de ce type de sol en C. rotundifolia. C. rotundifolia par sa capacité de fixation de l’azote atmosphérique pourrait permettre une réduction de l’utilisation d’engrais chimiques trop coûteux pour les producteurs.

RÉFÉRENCES

Babatounde S., Saïdou A., Guidan M., Mensah G.A. (2009). Effet d’une complémentation alimentaire à base de légumineuses fourragères cultivées (Chamaecrista rotundifolia et Aeschynomene histrix) sur les performances des ovins Djallonké . Annales Sciences Agronomiques, 10: 31-49

Bado B.V. (2002). Rôle des légumineuses sur la fertilité des sols ferrugineux tropicaux des zones guinéenne et soudanienne du Burkina Faso. Thèse de Doctorat, 199p.

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