Résumé

Dans les zones oasiennes, les ressources en eau de surface deviennent de plus en plus rares et les ressources en eau souterraines sont souvent surexploitées et de mauvaise qualité avec une salinité élevée. L’économie de l’eau et sa préservation est devenue par conséquent un impératif pour la durabilité des oasis. Si l’irrigation localisée est actuellement préconisée au Maroc pour l’économie de l’eau, son utilisation dans les régions subdésertiques ne permet pas de réduire les taux élevés des pertes par évaporation. Une alternative à ce sys-tème serait l’utilisation de la technique d’irrigation souterraine au moyen d’émetteurs débitant l’eau à des taux généralement similaire à l’irrigation goutte à goutte de surface. L’irrigation souterraine étant une technique très récemment introduite au Maroc, une meilleure compréhension dans les conditions locales du processus d’infiltration, et son impact sur la croissance d’une plante comme le palmier dattier s’avère nécessaire. Cette étude vise à contribuer à l’amélioration de l’efficience de l’utilisation de l’eau en testant la performance du système d’irrigation souterraine dans un contexte où l’eau est une ressource limitée. L’objectif de ce travail de recherche est l’évaluation des performances en conditions arides d’un système d’irrigation au goutte à goutte enterré sur jeunes palmiers dattiers en comparaison avec le goutte à goutte de surface. En préambule à ce travail, on s’attachera à déterminer une méthode adaptée à la mesure du débit d’un goutteur enterré. Un essai expérimental visant à caractériser les performances respectives du goutte à goutte de surface et du goutte à goutte enterré sur de jeunes palmiers dattiers a été mis en place chez un agriculteur de la région d’Erfoud (Province d’Errachidia, Sud-Est du Maroc). La mesure du débit pour évaluer l’uniformité de l’application a été faite selon deux méthodes: une mesure du débit des goutteurs en ‘’hors sol’’ et une autre en présence du sol. Cette dernière méthode nous a aussi permis d’estimer les pertes par évaporation pour les deux techniques d’irrigation. En outre, Pour pouvoir comparer l’effet des deux modes d’irrigation, on a choisi des plantes au hasard pour chaque type d’irrigation pour le suivi de certains paramètres agronomiques (nombres cumulés de palmes et développement racinaire). L’expérimentation présente une uniformité de distribution de l’ordre de 88 %; qualifiée de satisfaisante pour l’irrigation goutte à goutte souterraine alors qu’elle est de l’ordre de 80 % pour l’irrigation goutte à goutte de surface. Les résultats obtenus montrent aussi une augmentation du développement racinaire et du nombre de palmes, ainsi qu’une économie d’eau considérable suite à la diminution des pertes par évaporation par rapport à la méthode d’irrigation goutte à goutte classique. Les résultats de cette étude ont montré que l’irrigation goutte à goutte souterraine est une technique efficiente susceptible de contribuer à une irrigation durable dans les zones arides.


Mots-clés: Irrigation goutte à goutte enterré, économie d’eau, zones arides, jeunes palmiers dattiers.

INTRODUCTION

Dans les zones oasiennes, les ressources en eau de surface deviennent de plus en plus rares et les ressources en eau souterraines sont souvent surexploitées. Elles sont en outre de mauvaise qualité en raison de leur degré de salinité élevée. L’économie de l’eau et sa préservation est devenu par conséquent un impératif pour la durabilité des oasis. Si l’irrigation localisée est actuellement préconisée au Maroc pour l’économie de l’eau, son utilisation dans les régions subdésertiques est discutable car elle peut engendrer des pertes par évaporation loin d’être négligeables. Une alternative à ce système serait l’utilisation de la technique d’irrigation souterraine Il s’agit d’apporter l’eau sous la surface du sol au moyen d’émetteurs débitant à des taux généralement similaires à ceux de l’irrigation au goutte à goutte de surface (ASAE, 1999).

Une étude traitant de l’irrigation du palmier dattier selon différents systèmes (goutte à goutte, submersion et micro-jet) a montré que le système d’irrigation au goutte à goutte présente la plus grande efficience d’utilisation de l’eau. Il précède le système d’irrigation par submersion suivi du système d’irrigation par micro-jet (Al-Amoud et al., 2000). La bonne réponse du palmier dattier à l’irrigation au goutte à goutte est due au fonctionnement même du système où l’eau est délivrée par des émetteurs selon un lent processus de relativement longue durée. Ce processus permet de mieux contrôler et distribuer l’eau à travers le profil du sol telle que les pertes dues à l’évaporation et la percolation profonde sont réduites. Ainsi, le palmier dattier utiliserait quasiment la totalité de l’eau délivrée.

L’irrigation au goutte à goutte enterré (GGE) peut être considérée comme une récente amélioration de l’apport d’eau par irrigation. La raison avancée est qu’elle empêche ou dans la plupart des cas réduit considérablement les pertes par évaporation directe, le ruissellement et la percolation profonde (Hanson et May 2007; Safi et al., 2007). L’application précise de l’eau et notamment celle des fertilisants contribue très significativement à l’augmentation de l’efficience d’utilisation de l’eau, et, par conséquent, à l’amélioration du rendement des cultures (Singh et Rajput, 2007). En outre, elle empêche la croissance des mauvaises herbes autour de la culture (Ayers et al., 1995). Ainsi, l’irrigation souterraine est considérée comme le moyen le plus efficace pour fournir l’eau et les nutriments directement aux plantes ainsi que pour augmenter la productivité des cultures (Tiwari et al, 1998; Thompson et al, 2002 et 2003; Douh et Boujelben, 2010). Un système d’irrigation souterraine bien conçu permet d’obtenir des valeurs de l’efficience d’utilisation de l’eau supérieure à 95% (Payero, 2002); par conséquent, plus de 95% de l’eau fournie est disponible pour la culture.

Les études ayant traité le rendement des cultures sous différentes conditions climatiques et pédologiques à travers le monde ont montré que ce rendement pouvait être supérieur ou similaire sous irrigation souterraine comparé à d’autres systèmes d’irrigation. De nombreux travaux de recherche en font état tels que ceux menés sur: tomates (Hanson et May 2007), oignon (Patel et Rajput, 2008), maïs (Ayars et al., 1999; Enciso et al, 2007), soja, blé et luzerne(Ayars et al., 1999), palmier dattier (Al-Amoud, 2010) et autres cultures (Qassim, 2003).

Cependant, selon certains travaux notamment ceux du professeur Lamm (2014), en condition de sécheresse extrême des ressources en eau, la productivité de l’eau en GGE est inférieure à celle que l’on peut obtenir en aspersion. Donc, la productivité de l’eau pour le GGE est moindre en conditions de ressources en eau limitées qui ne permettent pas de viser le rendement potentiel de la culture.

De nombreuses études suggèrent l’utilisation de l’irrigation goutte à goutte de surface comme une technique d’économie d’eau dans les régions arides, mais il est nécessaire d’étudier l’efficacité de l’utilisation de l’irrigation goutte à goutte souterraine dans ces régions. L’objectif principal de cette étude est d’examiner l’efficience du système d’irrigation souterraine pour les jeunes palmiers dattiers dans les conditions arides. Nos résultats contribueront à identifier la technique économe en eau la plus efficiente pour les jeunes palmiers dattiers dans des conditions oasiennes.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Essai expérimental et mesures

Les expériences de terrain ont été menées sur un sol limoneux suivant les analyses granulométriques faites sur un profil de 1 m de profondeur (Tableau 1), avec une densité apparente moyenne de 1,76 g/cm3. Le champ expérimental est situé au sud-est du Maroc, dans les régions d’Erfoud (localisation du site: 31°22’38 N, 4°17’7 W), où une station météorologique permet de mesurer la pluviométrie, la température, la vitesse et la direction du vent, l’humidité de l’air et le rayonnement solaire.

Concernant le matériel végétal, les variétés du palmier dattier les plus résistantes à la salinité des eaux et des sols ont été choisies et plantées en octobre 2011. Puisque la période optimale pour la plantation du palmier est au printemps, la première plantation n’était pas réussie et nous avons refait la plantation en avril 2012. Un mélange de 112 plants par hectare de vitroplants et de rejets achetés chez des agriculteurs de la région ont été plantés avec un espacement de 7 m x 7 m. Un apport de sable, de fumier et d’engrais de fond a été ajouté dans les trous de plantation afin de diminuer la densité du sol dont la valeur est devenue de 1,17 g/cm3. Enfin, des rejets de Mejhoul issus de l’opération de «nettoyage des touffes» ont été préparés pour servir à notre expérimentation, en coupant les palmes jusqu’à moitié ou au quart pour limiter l’évapotranspiration. On plante ainsi directement après sevrage pour éviter tout risque de dessèchement.

Dans ce site expérimental, l’eau est saline (Tableau 2 et 3) et les prélèvements se font au moyen d’un groupe motopompe débitant 5 l/s à partir d’un puits dont le niveau piézométrique est de l’ordre de 9,2 m, variable selon les saisons. Un régulateur de pression est utilisé pour tenir compte des variations de pression dans le réseau. Lors de la période pluvieuse, le site peut être inondé par les eaux de crue de Oued Ghris.

Tableau 2: Résultats d’analyse de la qualité de l’eau d’irrigation

SAR 5,15

pH 7,66

Conductivité électrique (mS/cm) 8,16

Sels dissous totaux en mg/l 4990,00

Dans ce contexte expérimental, deux systèmes d’irrigation ont été installés en novembre 2011: le goutte à goutte de surface (GGS) et le goutte à goutte enterré (GGE), où les deux systèmes forment une couronne entourant le palmier dattier (Figure 1). Le système en GGE est constitué de rampes circulaires enterrées à différentes profondeurs de la surface du sol (15 cm, 25 cm et 35 cm) dotées de goutteurs à 2 l/h espacés de 0,4 m sous pression de 1 bar. Le système en GGS est constitué aussi de rampes circulaires de surface avec goutteurs de 2 l/h, espacés de 0,4 m. Pour avoir les mêmes conditions d’expérimentation, les goutteurs du GGS et du GGE sont de même marque et qualité. Les doses d’irrigation apportées que ce soit pour le GGE ou le GGS sont les mêmes durant toute la durée d’essai puisque nous avons utilisé le même nombre de goutteurs par arbre pour les deux systèmes.

Tableau 3: Résultats d’analyse du bilan ionique de l’eau d’irrigation

Bilan ionique Valeur en méq/l Valeur en mg/l

Sodium Na+ 27,30 627,90

Potassium K+ 0,61 23,80

Calcium Ca++ 19,80 396,00

Magnésium Mg++ 36,20 439,10

Chlorures Cl- 31,50 118,30

Bicarbonates HCO3- 6,85 417,90

Carbonates CO3- 0 0

Sulfates SO4- 43,20 2073,60

Estimation de l’uniformité du système d’irrigation souterraine

L’évaluation de l’uniformité d’application de l’eau du système d’irrigation souterraine est réalisée selon le protocole suivant: on choisit au hasard un certain nombre de goutteurs à partir du début, du milieu et de la queue des rampes (longueurs des rangés d’arbre étant de 50 m). L’uniformité d’application de l’eau est déterminée à partir du volume recueilli dans des boîtes pour une durée connue. L’uniformité de l’application de l’eau est calculée à partir de la distribution statistique des débits des goutteurs en termes de coefficient de variation (CV) et d’uniformité de distribution (UD).

Pour mesurer l’UD, nous avons choisi la méthode de Keller et Karmeli (1974) qui se base sur la mesure du volume d’eau délivré par le goutteur par unité de temps. Pour le GGE, nous avons fait sortir toute la rampe entourant l’arbre du sol pour pouvoir mesurer le débit à l’aide d’un chronomètre et d’un récipient placé sous le goutteur choisit. Pour le GGS, nous plaçons le récipient sous le distributeur choisi afin de mesurer le débit délivré par unité de temps. Ces mesures, pour les deux systèmes d’irrigation (GGE et GGS) portent sur 4 distributeurs par arbre. On répète cette procédure 4 fois par rangée d’arbre sur au moins 4 rampes selon le schéma de la figure 1.

Le débit du goutteur est souvent mesuré en écoulement libre, sans le sol environnant. Cela supprime la contre-pression due au sol environnant et augmente le débit de ce qu’il aurait pu être en présence du sol. La deuxième procédure adoptée pour estimer l’UD consiste à mesurer le débit des goutteurs en présence du sol comme décrit par Patel et Rajput (2008) avec cependant certaines spécificités pour la présente étude. Quatre bacs en plastique avec 50 cm de hauteur et 26 cm de diamètre sont utilisés. Deux trous de 16 mm de diamètre sont réalisés sur les côtés diamétralement opposés des bacs à 15, 25 et 35 cm de hauteur à partir du haut pour permettre le passage des gaines. Dans le premier bac la rampe est placée à la surface tandis que dans les 2ème, 3ème et 4ème bacs la rampe est placée à 15, 25 et 35 cm de profondeur, respectivement. Tous les bacs sont remplis de terre et branchés avec le réseau avec des tuyaux simples insérés à travers les trous faits sur les bacs. Le poids initial du bac, de la rampe et du sol sont noté. Le poids du bac est pris avant et après arrêt du fonctionnement du système d’irrigation et la différence entre le poids du bac avant et après irrigation donne le poids de l’eau accumulée dans le bac. La pression de fonctionnement dans le bac étant celle d’exploitation.

Estimation de l’évaporation sous irrigation souterraine

L’économie d’eau du GGE par rapport au GGS est sensée être réalisée grâce à une réduction des pertes par évaporation. La fraction perdue par évaporation du volume fournit par le goutteur est liée à la profondeur du goutteur (Singh, 2004) et au type de sol. La procédure adoptée pour estimer l’évaporation est celle décrite pour mesurer l’UD qui consiste à mesurer le volume délivré par les goutteurs en présence du sol. Cependant, quelques modifications ont été apportées. Le poids du bac avec le sol est pris avant et après arrêt du fonctionnement du système d’irrigation. Après 24 h, c’est à dire le lendemain à nouveau le poids du bac avec le sol est relevé. La différence de poids donne la quantité d’eau perdue par évaporation.

Estimation du développement des jeunes palmiers dattiers

Afin de comparer l’effet des deux modes d’irrigation GGE et GGS, des plantes ont été sélectionnées au hasard pour chaque type d’irrigation et ce pour le suivi de certains paramètres agronomiques (nombre cumulé de palmes et développement racinaire).

Pour évaluer la longueur des racines en fonction de la variabilité spatiale de profondeur de pose, nous avons mesuré les longueurs maximales des racines suivant l’extension maximale et en profondeur. Puisque cette méthode est destructive nous sommes limitées à 12 jeunes palmiers dattiers, et donc trois plants par profondeur de pose (0 cm, 15 cm, 25 cm, 35 cm). La technique consiste à creuser prudemment un profil vertical d’un seul côté de l’arbre puisque le système racinaire du palmier dattier est symétrique, tout en essayant de ne pas endommager le système racinaire ainsi pour ne pas déstabiliser l’arbre. Puisque notre étude porte sur des palmiers jeunes, et donc le système racinaire n’est pas assez développé, nous avons opté à prendre la longueur maximale des racines comme paramètre de développent du palmier dattier au lieu de faire une cartographie racinaire. En marquant les profils, nous avons effectué les mesures chaque quatre mois.

Pour les mêmes arbres, nous avons fait le comptage du nombre de palmes par plant de palmier. Une palme est comptée une fois qu’il est nettement visible, c’est-à-dire lorsque la feuille se distingue de l’axe végétatif. Vu que nous travaillons sur des palmiers jeunes (2 ans), l’apparition des palmes est longue et donc ne nous prenons les mesures que tous les quatre mois.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Efficience du système d’irrigation localisée

Uniformité de distribution de l’irrigation localisée de surface et enterrée

Durant l’année 2012, les équipements réalisés de goutte à goutte de surface ont une uniformité de distribution (UD) de l’ordre de 84%, alors que le goutte à goutte souterrain à 15 cm de profondeur présente une uniformité de distribution (UD) de l’ordre de 88%. Le coefficient de variation pour le GGS est de 9% et pour le GGE est de 7%.

Durant l’année 2013, le goutte à goutte de surface présente une UD de 80% alors que l’UD le goutte à goutte souterrain est de l’ordre de 90%, 87% et 85% respectivement pour les équipements installés à 35 cm, 25 cm et 15 cm de profondeur de pose. Les résultats du coefficient d’uniformité montrent ainsi le bon état du réseau d’irrigation. A ceci s’ajoutent les valeurs relativement élevées du coefficient de variation qui sont au alentours de 10 % pour les différentes profondeurs.

Ces valeurs dénotent d’un bon fonctionnement du réseau en dépit des valeurs relativement élevées du coefficient de variation (CEMAGREF, 1990). Par ailleurs, il convient de noter une tendance au colmatage des goutteurs en raison d’un taux élevés de salinité d’eau d’irrigation (4,8 g/L). Ce colmatage est accentué pour le GGS par l’accumulation des sels au niveau des goutteurs de surface sous l’effet de l’évaporation et par l’accumulation des sédiments provenant de la crue ayant inondé la parcelle d’essai en 2013, ce qui a induit une baisse de l’UD. Suite à ces résultats, un entretien régulier du réseau s’impose pour permettre une pérennité suffisante aux goutteurs, et par conséquent au réseau d’irrigation.

Pertes d’eau par évaporation

Les pertes par évaporation de l’eau totale appliquée par les émetteurs des rampes sous différentes profondeurs de placement en Mai, juin et juillet 2013 sont représentées dans la figure 3 en confrontation avec les apports d’eau par irrigation et les conditions climatiques (ET0). D’après le graphique, les pertes par évaporation dépendent de la dose d’irrigation et de l’ET0.

Les résultats montrent selon toute logique que l’évaporation de l’eau diminue avec l’augmentation de la profondeur de placement des rampes. La réduction des pertes d’eau par évaporation pour les rampes enterrées résulte d’une moindre disponibilité de l’eau au plus proche voisinage de la surface du sol. Meshkat et al., (2000) ont également conclu que l’application de l’eau à des profondeurs de plus en plus grandes entraîne progressivement des surfaces sèches; ce qui réduit la conductivité hydraulique de la couche de surface du sol réduisant ainsi la circulation de l’eau vers le haut. Philip (1991 a,b) a également rapporté des résultats similaires expliquant que la transmission de l’eau dans le sol vers la surface devient limitée lorsque la surface du sol est sèche; il en résulte des pertes par évaporation plus petite en cas de source d’eau plus profonde (c’est-à-dire rampes). Puisque notre expérimentation était menée dans des conditions réelles, cette diminution des pertes par évaporation est plus importante quand les doses d’irrigation apportées sont inférieures à la demande climatique, ce qui entraîne la disponibilité de plus d’eau pour la plante même si la demande climatique est grande.

Ces résultats demeurent approximatifs, puisque les mesures étaient faites sans tenir compte des prélèvements racinaires. Toutefois, nous avons veillé à approcher la réalité puisque bacs utilisés n’étaient pas entièrement fermés afin de ne pas négliger les pertes par infiltration profonde et latérale.

Effet de l’irrigation sur la croissance du palmier dattier

Les figures 4 et 5 présentent l’effet du système d’irrigation sur la dynamique racinaire et le développement des palmes. La profondeur de colonisation du sol par les racines atteint 173,3 cm pour le GGE à 35 cm, 156,7 cm, 135,7 cm respectivement pour le GGE à 25 cm, 15 cm et 101,3 cm pour le GGS. En outre, le développement latéral des racines (près de la surface du sol) est de 84 cm, 65 cm, 54 cm et 38 cm respectivement pour 35 cm, 25 cm, 15 cm et 0 cm de profondeur de pose. Il apparaît donc que le fait d’apporter l’eau en profondeur favorise un meilleur développement du système racinaire que ce soit en profondeur ou latéralement.

Le système d’irrigation a un effet nettement remarquable sur la croissance des palmiers en surface. Les valeurs les plus élevées du critère retenu pour caractériser la croissance ont été enregistrées pour le GGE à 35 cm de profondeur. Le nombre cumulé de palmes de trois arbres pour chaque profondeur est de 15, 14, 12 et 10 respectivement pour 35 cm, 25 cm, 15 cm et 0 cm de profondeur.

Ces résultats montrent que plus la profondeur des rampes est grande plus le développement des racines et des palmes augmente, puisque plus d’eau est disponible en profondeur suite à la diminution des pertes par évaporation pour le GGE. Singh et Rajput (2007); Thompson et al. (2009); Douh et Boujelben (2007) ont également montré que le GGE augmente le développement des paramètres agronomiques des cultures. La croissance des racines est plus importante que le développement des palmes pendant les deux premières années d’étude, puisque la plante a plus besoin de se fixer avant de se développer en surface. La plantation des rejets de palmier dattier se fait en coupant toutes les racines et en laissant juste les bourgeons racinaires; par conséquent le palmier dattier développe plus les racines que les palmes pour diminuer les pertes par transpiration et favoriser l’ancrage de l’arbre dans le sol. Vermeiren et Jobling (1980) ont conclu qu’un positionnement correct des goutteurs peut prévenir du danger de déracinement des arbres par des vents violents; puisque les racines se concentrent dans la zone humidifiée, en irrigation localisée, et si cette zone est trop petite l’enracinement peut être insuffisant.

DISCUSSION ET CONCLUSION

Pour améliorer l’efficience de l’utilisation de l’eau, l’irrigation au goutte à goutte de surface est une technique préconisée dans les zones irriguées marquées par le problème de pénurie d’eau. Or, l’irrigation gravitaire traditionnelle reste le système d’irrigation le plus répandu dans les zones oasiennes. Cela est dû à la croyance des agriculteurs qui pensent que les quantités d’eau apportées par le goutte à goutte ne vont pas garantir les besoins du palmier dattier, alors que le gravitaire satisfait largement ses besoins en eau. Par exemple, le taux de reconversion vers goutte à goutte de surface est seulement de 6% dans la palmeraie de Tafilalet, qui est considérée comme l’une des plus grandes palmeraies du Maroc. Cela nous mène à réfléchir sur l’utilisation du goutte à goutte de surface et de son efficacité dans le contexte oasien.

Les résultats de cette étude montrent qu’une technique prometteuse peut être recommandée dans ces conditions, telle que le système de goutte à goutte souterrain. L’uniformité de distribution de ce dernier est de 88% alors que celle du goutte à goutte de surface est de 80% avec en plus le risque de colmatage suite à l’accumulation des sédiments et des sels, venant de l’eau d’irrigation, sur la surface après évaporation. Ces valeurs de l’uniformité de distribution sont inférieurs aux valeurs trouvées par d’autres études (Patel et Rajput, 2008) et ne correspondent pas aux données techniques publiées par les fabricants d’où la nécessité de faire des entretiens réguliers pour ce réseau d’irrigation afin de le préserver plus longtemps. Cela renforce la nécessité de conduite des essais chez l’agriculteur pour mettre en évidence l’effet des pratiques sur les performances des systèmes d’irrigation.

Le GGE permet aussi une économie d’eau de l’ordre 15 % par rapport à l’irrigation goutte à goutte de surface. Dans la plupart des situations, le GGE diminue les pertes par évaporation directe, le ruissellement et la percolation profonde (Hanson et May 2007; Safi et al, 2007). Cela nous amène à considérer que le GGE permet de mieux contrôler et distribuer l’eau à travers le profil du sol et, par conséquent, le palmier dattier peut utiliser quasiment la totalité de l’eau délivrée.

Par conséquent, le GGE mis en place dans le cadre de notre essai, favorise un très bon développement du système racinaire et une croissance des palmes, gage d’une amélioration du rendement et de l’efficience d’utilisation de l’eau. En effet, le GGE permet à l’agriculteur d’irriguer profitablement davantage de terres en utilisant au mieux l’eau disponible.

En guise de conclusion, les résultats de notre expérimentation montrent que l’irrigation en goutte à goutte enterré est plus efficiente que le système de goutte à goutte de surface dans les régions oasiennes. L’irrigation par goutte à goutte enterré s’avère être une méthode efficace et pratique pour l’irrigation des jeunes palmiers dattiers où une quantité non négligeable d’eau potentiellement perdue par évaporation peut être économisée par rapport à d’autres systèmes d’irrigation, y compris le système de goutte à goutte traditionnel de surface. Cependant, il est important de respecter les consignes de nettoyage du réseau afin de rester conforme aux normes, et de procéder à des irrigations supplémentaires pour lessiver les sols du fait que l’eau utilisée en irrigation présente une salinité relativement élevée.

La prochaine étape de cette recherche sera d’étudier l’effet de la profondeur d’enfouissement des rampes sur le transfert de l’eau dans le sol environnant pour améliorer les stratégies de conception et de gestion de systèmes d’irrigation souterraine.

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