Résumé

La filière laitière, au Maroc, joue un rôle clé sur le plan économique que social. En favorisant l’inclusion économique des populations et plus particulièrement les femmes rurales à travers la promotion des activités de l’économie sociale et solidaire et de ses chaînes de valeurs. En s’alignant, d’une part, avec les recommandations du rapport du nouveau modèle de développement économique (NMD) et les objectifs du développement durable (ODD) de l’autre part, l’appui à l’approche chaîne de valeur agricole nécessite de prendre en compte de façon approfondie les dimensions économiques que sociale. L’objectif du présent article est d’explorer les impacts socioéconomiques de la chaîne de valeur laitière par les acteurs impliqués dans les coopératives. Pour ce faire nous avons réalisé une étude empirique sur les coopératives du Moyen Atlas. Les résultats obtenus montrent que les activités de l’ESS et ses chaînes de valeurs laitières ont des effets socioéconomiques positifs sur les acteurs impliqués et le développement de la région.


Mots-clés : Chaîne de valeur, activités de l’économie sociale et solidaire, impact socioéconomique, Moyen atlas.

INTRODUCTION

Dans un contexte marocain secoué par des crises diverses engendrant un taux de chômage alarmant, des disparités spatiales avec leur lot de pauvreté, un contexte où les inégalités entre hommes et femmes en matière d’accès à l’emploi sont déconcertantes. L’urgence est largement reconnue par l’État, les organisations non gouvernementales et par la société civile de trouver des solutions aux crises actuelles.

Ainsi pour faire face à ces défis, il s’avère important d’apporter un nouveau souffle à la croissance économique et de trouver un modèle de développement économique subsidiaire à l’économie de marché. L’économie sociale et solidaire comme l’ont montré les expériences semble être, par biens des aspects, la complémentaire (Chopart et al, 2006).

L’économie sociale désigne un courant de pensée qui s’est mis en place au XIXe siècle pour répondre à la question sociale irréductible à la réponse marxiste ou à la réponse libérale sous une approche associationniste (Anne, 2008). En va-t-il de même pour le Maroc ?

Sans analyse de la définition inhérente de l’économie sociale et solidaire qui fera référence, il serait adéquat d’explorer comment ce concept a été appropriée au Maroc. Delà, on peut citer les travaux de Yahyaoui Yahya et Benatahr Hachmi qui se sont penchés à connaître l’existence et la formes de mise en pratique de l’économie sociale et solidaire: «L’économie solidaire au Maroc a ses racines dans la Société marocaine depuis toujours. Elle a géré la société marocaine depuis bien longtemps car elle émane d’abord de la religion musulmane et de l’esprit de solidarité, aussi bien dans les familles que dans les tribus, surtout à la campagne» (Yahyaoui et Bentahar, 2003).

Donc, L’économie solidaire au Maroc a ses racines dans la société marocaine depuis toujours. Elle a géré la société marocaine depuis bien longtemps car elle émane d’abord de la religion musulmane et de l’esprit de solidarité, aussi bien dans les familles que dans les tribus, surtout à la compagne.

En ce qui concerne les activités de l’économie sociale et solidaire, auparavant étaient illustrées par des microfinances au début des années 1990 sous l’impulsion d’une société civile active assistée par des ONG internationales. Aujourd’hui, elles apparaissent sous formes de dispositif d’insertion par l’activité économique (IAE) mis en place par l'État pour favoriser l’insertion économique des populations vulnérables.

Le 03 mai 1987, l’insertion par l’activité économique entrait sur «la scène politique par le petits boulots» (Eme et Laville, 1988). Face à une montée accrue du chômage, les associations intermédiaires étaient créées pour embaucher des personnes dépourvues d’emploi pour les mettre à disposition des utilisateurs. Trente ans plus tard, l’IAE devenait «une politique active d’emploi ayant pour objectif d’aider des personnes très éloignées de l’emploi à se réinsérer sur le marché du travail reconnue est institutionnalisée par les pouvoirs publics et inscrite dans le champ de l’ESS» (Rémy, 2016).

Au Maroc, l’IAE a été apparue sous forme des activités génératrices de revenus avec la création de l’Agence de Développement Social (ADS) en 1999 sous le soutien de la banque mondiale ainsi qu’elles ont fortement expansé avec le lancement de l’INDH en 2005.

Avec la nouvelle stratégie de l’Initiative Nationale Pour le Développement Humain, elles ont été introduites, en 2019, dans un programme intégré dans le cadre de la Phase III intitulé «Amélioration du revenu et inclusion économique des jeunes» et ayant pour objectif de favoriser l’innovation et de renforcer la viabilité et l’impact des projets générateurs de revenus notamment avec une approche articulée autour des chaînes de valeurs et filières. Ces innovations concrètes sont conçues par des acteurs cherchant à résoudre un problème social particulier. Bien évidement tous les problèmes n’ont pas trouvé de réponse, mais cette vague massive d’innovation a produit un ensemble impressionnant de solutions qui fonctionnent (Kayser et Budinich, 2015). D’où les questions cadres de notre article: Dans quelle mesure les activités de l’ESS et ses chaînes de valeurs sont-elles rentables et durables des acteurs impliqués ? Favorisent-elles en pratique l’égalité des genres ? Pour répondre à ces questions, nous mènerons une étude qualitative auprès des responsables, présidents et coopérateurs de 10 coopératives laitières dans le pied du Moyen atlas. Pour ce faire, nous structurerons notre étude sur trois points essentiels. Dans un premier temps, nous présenterons le cadre conceptuel des activités de l’ESS et des chaînes de valeurs. Dans un second temps, nous exposerons notre méthodologie de recherche. Nous conclurons cette étude par la présentation des résultats de notre étude; une conclusion générale et quelques pistes de réflexions.

ACTIVITÉS DE L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 

Afin de limiter le champ de notre travail de recherche, il s’avère primordial, dans un premier temps, de s’interroger en effet sur l’émergence des deux concepts. Et de définir termes de base de cette recherche notamment: les activités de l’ESS et les chaînes de valeurs, dans un deuxième temps.

Aperçu historique de l’ESS au niveau international

Comme mode de faire autrement l’économie et complémentaire à l’économie de marché, l’économie sociale trouve ses racines au niveau mondial dès le Moyen Age où guildes, confréries, jurandes, corporations et compagnonnage constituent autant de formes d’organisation sociale préfigurant ce que seront plus tard les organisations de l’économie sociale. Placées en général sous le patronage d’un saint, guildes et confréries ont une vocation essentiellement charitable, se donnant pour mission de porter secours aux membres d’un métier en cas de maladie ou de décès (Bidet, 1997). Après, avec le socialisme utopique courant de pensée représenté par plusieurs penseurs, à savoir; Saint Simon qui propose, en opposition au libéralisme, un système industriel ayant pour objet direct et unique de procurer à plus grande somme de bien-être possible, du bonheur social à la classe laborieuse et productrice et dans lequel il confère à l'État un rôle redistributeur (Bidet, 1997). Charles Fourier qui s’est efforcé de recréer un milieu exemplaire le «phalanstère» dans lequel l’homme pourra se développer harmonieusement et où la répartition des biens se fait selon le travail, le capital et le talent dans lequel l’association occupe une place centrale. Ces phalanstères, décrits avec une plus que minutieuse précision pour ce qui relève de leur implantation géographique, de leur forme architecturale et de leur composition sociologique, sont des bâtiments en forme d’étoile. Ils contiennent espaces sacrés, commerciaux et domestiques, organisés de manière collective. Chaque phalanstère compte un nombre n de phalanstériens réunis par leurs passions communes (Damon, 2005). Sans oublier, le célèbre Proudhon précurseurs du système mutualiste et coopératif (Figure 1).

Dans les années 1980, certains théoriciens substituent le terme solidaire à celui de social, ce qui crée une profonde scission au sein de la théorie: «l’économie solidaire» se soucie de mieux prendre en compte les exclus du marché du travail, de la société et de combler des attentes spécifiques comme le service aux personnes ou encore le développement d’une proximité locale (Swaton, 2011). Inspiré, des fameuses «Équitables pionniers Rochdale» premier modèle coopératif en Angleterre en 1844. Une expérience qui a débuté par la constitution d’une coopérative tout en se basant sur un ensemble de principes tels que: égalité et contrôle démocratique (un homme, une voix), liberté d’adhésion, répartition des excédents au prorata des activités de chaque membre.

Un troisième courant, à côté de celui de l’«économie sociale» et de l’ «économie solidaire» se revendique comme appartenant à l’ «économie alternative». L’économie alternative s’inscrit dans une tradition de projet alternatif et de rejet institutionnel et trouve son ancrage contemporain dans la démarche des communautés de travail de l’après-guerre et des communautés néo-rurales du début des années 70 (Draperi, 2007).

Historiquement et conceptuellement, le terme d’économie sociale et solidaire n’a pas la même signification aux États-Unis qu’en Europe. Il reste un concept vague pour les premiers, conçu pour répondre aux dérives du marché et comme une activité à certaines entreprises capitalistes qui exploitent des opportunités pour servir une mission sociale. La valeur économique créée à travers des activités commerciales développées est considérée comme une stratégie permettant à l’entreprise de dégager des ressources financières nécessaires à la durabilité de sa mission sociale. Tel est le sens du terme «retour social sur investissement». Ashoka, initié par Bill Drayton en est une illustration concrète. En Europe, au contraire, le terme économie sociale et solidaire ne relève pas de la philanthropie, mais il est composé d’organisations sociales ayant des statuts précis: ce sont des organisations à but non lucratif, basées sur le principe démocratique «un homme, une voix», autonomes et s’appuyant sur une dimension altruiste de l’homme motivée par un partage de valeurs communes avec un objectif d’épanouissement plutôt que d’enrichissement.

Émergence de l’ESS au Maroc

L’économie solidaire au Maroc a ses racines dans la Société marocaine depuis toujours. Elle a géré la société marocaine depuis bien longtemps car elle émane d’abord de la religion musulmane et de l’esprit de solidarité, aussi bien dans les familles que dans les tribus, surtout à la compagne (Yahyaoui et Bentahar, 2003).

Certes, les acteurs de l’ESS n’ont vu le jour qu’en période de libéralisation (1958-1973) avec l’émergence des associations selon le Dahir Royal du 15 novembre 1958 (Yahyaoui et Bentahar, 2003).

Quant aux activités de l’économie sociale et solidaire dans notre pays, elles recouvrent un champs d’activé très large, à savoir; l’action sociale, la microfinance, le commerce équitable, et les activités génératrices de revenus.

Nul sans doute, de bon nombre des programmes et des stratégies élaborées de la part de l'État dans ce contexte; les grandes orientations d’une politique publique de l’ESS (Stratégie ESS 2010-2018), la mise en place d’une commission ad-hoc pour la mise en œuvre d’une loi-cadre ESS et l’intégration de l’ESS dans parcours de formation (CESE, 2015). De plus la nouvelle stratégie lancée ESS (2018 - 2028).

Certes, en consultant les chiffres clés se rapportant à l’ESS malgré bien évidement la complexité d’accès à l’information vu l’abondance des travaux de recherche et études dans cet axe, les activités de l’économie sociale et solidaire dévoilent un énorme besoin de promotion, de valorisation et de soutien.

A cet effet, et dans le cadre de favoriser l’inclusion économique des populations l’INDH dans sa troisième phase (2019–2023) a lancé un programme national au niveau de toutes les Divisions de l’Action Sociale dans les 75 préfectures et provinces du Royaume. «Amélioration du revenu et inclusion économique des jeunes», est un programme qui vise à contribuer à l’amélioration de la situation socio-économique des populations défavorisées via les activités de l’économie sociale et solidaire et ses chaînes de valeurs.

CHAÎNE DE VALEUR (CDV)

Définition

Le concept de chaîne de valeur est né, au moins dans son acception la plus courante en management stratégique, au milieu des années 1980 sous la plume de M. Porter. Il lui permettait de dépasser une simple analyse en termes d’environnement concurrentiel pour s’intéresser à la manière dont une entreprise pouvait capter une partie de la valeur créée par ses activités et dégager une marge par rapport aux coûts engendrés par ces dernières (Corbel, 2013).

Une chaîne de valeur CDV est un ensemble des activités devant concourir harmonieusement à produire et à vendre un produit en permettant aux intervenants à tous les niveaux d’en tirer les meilleurs bénéfices possibles. Les termes sont aussi souvent utilisés différemment, d’une manière où «filière» est utilisée de façon plus globale et «chaîne de valeur» est définie de façon plus spécifique.

Ce sont des canaux majeurs du développement local, du fait qu’elles concourent à créer de la valeur économique en termes d’emploi au niveau territorial. Elles constituent un cadre d’engagement avec les entités formelles (coopératives, groupement d’intérêt économique, associations) aussi bien que informelles (jeunes chômeurs, femmes victime de violence et toutes personnes en situation difficile).

Au Maroc, elles ont été apparues dans une approche d’appui au développement économique sous le soutien des ONG, GIZ à titre d’exemple, ainsi qu’elles ont fortement expansé avec le lancement du programme 3 de l’INDH-III en 2019.

Analyse de la chaîne de valeur

L’Analyse de la CDV est un processus qui permet de comprendre les principaux impacts et d’identifier à quelles étapes de la chaîne et pour quels acteurs, investir et apporter un soutien adéquat serait bénéfique, éliminerait les inconvénients et les contraintes et promouvrait la durabilité et l’inclusion.

Elle constitue un cadre conceptuel de cartographie et de catégorisation des processus économiques. Elle permet d’identifier les défis et les opportunités, ainsi que les points de levier auxquels les actions d’amélioration peuvent atteindre l’impact le plus élevé. En agriculture par exemple, une telle analyse étudie les liens entre les agriculteurs, les commerçants et les producteurs de produits agro-alimentaires, les détaillants et les consommateurs finaux (Arrahmouni et al., 2018).

L’analyse CDV porte sur trois composantes essentielles, à savoir ; une analyse fonctionnelle, une analyse économique et une analyse sociale. L’analyse fonctionnelle de la chaine de valeur n’est pas un concept nouveau. Néanmoins, il y a quelques indicateurs qui distingue l’analyse socio-économique des autres approches.

L’analyse fonctionnelle permet de dresser un état des lieux en dévoilant les points faibles du produit, les acteurs impliqués directement, les maillons de la chaîne, les flux et les fonctions. Elle vous permet d’avoir une compréhension générale cartographique du fonctionnement de la CDV (Figure 2).

L’analyse économique, quant à elle, vise à mesurer la rentabilité, la durabilité et l’inclusivité des actions pour tous les acteurs de la CDV. Son objectif global est de renseigner sur les impacts économiques de CDV au sein de l’économie locale en matière de croissance économique, de rentabilité financière des acteurs et de distribution des excédents (Figure 3).

L’analyse sociale se focalise sur les conséquences de la CDV sur la population concernée et les acteurs impliqués directs au travers les conditions de travail, l’égalité des genres et le respect des droits.

MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

L’économie sociale et solidaire est un ensemble des activités qui, par définition, constitue un remède aux maux sociaux et économiques qui ne sont pas résolus de manière adéquate par le marché (Swaton, 2011). Les activités relevant de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) nous semblent en mesure de contribuer activement à l’amélioration de la situation économique et sociale des territoires ruraux. Pour être bien comprise, cette contribution doit être envisagée à la lumière des constats énoncés depuis quelques années, tant au niveau européen que mondial, à propos du développement rural. Les avis convergent vers l’idée que les politiques rurales doivent abandonner leur logique sectorielle pour s’orienter vers une action d’envergure territoriale visant à exploiter les potentialités locales. Ces politiques doivent être transversales et considérer une grande diversité d’activités (valorisation des ressources naturelles et culturelles, tourisme, santé, etc.). L’apport de l’ESS aux territoires ruraux apparaît alors envisageable en considérant sa capacité à répondre aux besoins des populations rurales et aux impératifs du développement économique des territoires (Peraldi et Rombaldi, 2009).

Ainsi, au Maroc, nous pourrions nous attendre à une présence accentuée des activités de l’ESS dans les zones rurales défavorisées. À cet égard, le pied du Moyen atlas constitue un terrain de recherche adapté à notre problématique de recherche. Les premières initiatives d’ESS au Moyen atlas ont démarré en 1999 avec l’Agence de Développement Social (ADS) avec le développement des petits projets en faveur des populations vulnérables sous forme d’Activités Génératrices de Revenus Économique (AGRE).

Certes, malgré les efforts indéniables de l’INDH, l’ADS et les ONG dans ce contexte. Les résultats obtenus restent en deçà des objectifs escomptés.

Les activités de l’ESS et ses chaînes de valeurs laitières en milieu rural de Séfrou

Notre choix a porté sur des coopératives qui commercialisent les produits laitiers au Moyen atlas du Maroc pour répondre à notre question de recherche. La filière laitière joue un rôle très important aussi bien aux plans économique, social que nutritionnel. Elle contribue ainsi à la garantie de la sécurité alimentaire du pays puisque près de 96% de la demande des citoyens en lait et produits laitiers se trouve parfaitement satisfaite. Le développement de la filière lait a permis de générer 48.7 millions de journées de travail, et ce tout au long de la chaîne de valeur, essentiellement à l’aval (Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, 2019).

Dans la région Fès Meknès, plus précisément dans la province de Séfrou, nous avons menés notre étude, où la CDV laitière a un sacré impact sur la main d’œuvre locale et sur l’économie de la région, la province est classée en deuxième position au niveau régional en production laitière, avec une production de 18 000 tonnes de lait annuellement (Direction Provinciale d’Agriculture, 2022).

Méthodologie de collecte des données

Nous avons opté pour une démarche qualitative étant donné son efficacité dans le cadre de recherches exploratoires (Charreire et Durieux,1999). La présence recherche avait pour objectif de se focaliser sur les diverses contributions des chaînes de valeurs de l’économie sociale et solidaire, ce qui impliquait de notre point de vue un positionnement scientifique donnant une interprétation en compréhension de l’ensemble étudiée (Bergouignan et al., 2010). Ce point de vue compréhensif a conduit à mener une étude en termes de perception des acteurs impliqués dans la CDV étudiée.

Sur cette base, nous avons adopté une méthodologie qui aboutira à la construction des outils capables de collecter des informations basées sur les pratiques des acteurs. Dans ce sens, la méthode de recueil utilisée dans notre étude est l’entretien semi-directif. Pour ce faire, nous avons élaboré un guide d’entretien qui contient les questions adressées aux présidents et adhérents des coopératives.

Les entretiens ont ciblé uniquement les acteurs des coopératives laitières (présidents et coopérateurs). Ainsi, des entretiens ont été menées face à face avec 10 présidents. Notre échantillon a porté sur des coopératives féminines aussi (Tableau 1).

Dans les recherches qualitatives la taille de l’échantillon est justifiée par la recherche de la plus large diversité des réponses, et non par la seule représentativité statistique des individus (Patton, 2002). Toutes les coopératives enquêtées relèvent du milieu rural, des douars, de la province de Séfrou (Figure 4). La population dans ce milieu recouvre, en fait, des réalités complexes (habitat, accès aux services sociaux de base, infrastructure et voirie).

La collecte des données s’est effectuée à l’aide d’un guide d’entretiens décliné en 4 thèmes et 21 sous-thèmes.

S’agissant de la conduite des entretiens, nous avons formé l’enquêteur en suivant les consignes de Savenye et Robinson (1996) qui préconisent que le chercheur devrait enregistrer les entretiens dans leur totalité et de ne pas imposer ses propres perceptions et son interprétation des propos de la personne interrogée.

RESULTATS

Les résultats obtenus montrent que les activités d’ESS et ses chaînes de valeurs laitières ont des impacts positifs sur les adhérents et coopérateurs des coopératives. Ce qui émane de ces entretiens est une appréciation globalement positive des impacts socio-économiques des acteurs, parties prenantes et ménages. La totalité des interrogés nous ont énoncé qu’ils étaient engagés dans les CDV laitières dans un but de générer des excédents pour améliorer leur niveau de vie et participer collectivement dans le développement économique de leur propre territoire.

Afin de bien présenter lesdites résultats, nous allons dans un premier temps analyser les impacts économiques de la CDV laitière. Et dans un deuxième temps, nous allons nous concentrer sur les impacts sociaux de la CDV étudiée (Figure 5).

Analyse économique de la CDV laitière

L’analyse économique a permis de montrer les impacts économiques de la CDV, à la fois, sur la population cible et sur l’économie locale. En ce qui concerne la population cible (coopérateurs et parties prenantes), les interrogés lors des entretiens ont mentionné 4 impacts.

Impact-1: Amélioration du niveau de vie: La quasi-totalité des interviewés ont exprimé clairement que «l’amélioration de leur niveau de vie» était le premier effet engendré du travail dans la CDV laitière. Aucun coopérateur n’a signalé que l’impact-1 n’a pas été acquis grâce à la CDV laitière. Les revenus se répartissent entre acteurs de la chaîne. Ces derniers ont une forte rentabilité dans les zones rurales et péri-urbaines.

Impact-2: Création d’emploi: À la suite de leur intégration dans les activités de l’économie sociale et solidaire et ses chaînes de valeurs laitières, les ménages issus du milieu rural de la province ont affirmé qu’ils se sentent plus exclus du marché du travail en revanche maintenant ils se sont insérés dans l’emploi. Et les CDV laitière leur ont permis d’assurer ce travail.

Impact-3: Lutte contre pauvreté: Les activités de l’économie sociale et solidaire et ses chaînes de valeurs ont également lutter contre la pauvreté dans les zones enclavées du Moyen atlas en créant des petites activités génératrices de revenus économiques au profit de la population locale.

Impact-4: Réduction du chômage: Rejoindre les CDV laitières selon les interrogés était un facteur primordial dans la réduction du chômage massif persistant encore dans le milieu rural surtout pour les jeunes et les femmes. Les Activités ESS ont favorisé l’inclusion des dites populations en participant dans la réduction du taux de chômage dans la région.

Analyse sociale de la CDV laitière

L’analyse sociale se concentre sur l’évaluation des conséquences avérées et potentielles de la CDV sur les acteurs impliqués. Les impacts sociaux cités par les interrogés sont au nombre de 3, à savoir; travail décent, égalité des genres et autonomisation.

Impact-5: Travail décent: Nos entretiens ont montré que le travail au sein des chaînes de valeurs laitières est qualifié de décent du fait qu’il est un emploi qui respecte des droits fondamentaux de la personnes humaine. Où le principe de démocratie est respecté, chaque coopérateur ou coopératrice représente une voix contrairement aux entreprises capitalistes.

Impact-6: égalité des genres: L’étude à dévoiler un autre moyen d’entreprendre «l’entreprenariat collectif». Vu l’intérêt plus croissant que plus de ce type d’entreprenariat. Les résultats affichent que sur 10 coopératives enquêtées 4 coopératives féminines avec une représentativité féminine (coopératrices et adhérentes) pour les 6 autres. En total 105 femmes intégrées dans les CDV (Tableau 1). L’intégration de la femme dans les CDV laitières lui a permis de participer dans l’activité économique, de prendre des décisions voire de responsabilité et de leadership.

Impact-7: autonomisation: À cet égard, plusieurs interviewés ont évoqué le fait que la création des coopératives et le travail dans les CDV laitières a constitué un moyen efficace pour eux de devenir indépendants et autonomes (posséder leur propre affaire, se sentir libre...)

CONCLUSION

L’objet de cette réflexion est de s’interroger sur les contributions des activités de l’économie sociale et solidaire et de ses chaînes de valeurs laitières sur le plan économique aussi que social.

Sur le plan théorique, notre recherche constitue, en elle-même, un apport primordial à la recherche dans le champ des activités de l’ESS et des chaînes de valeurs. Notre recherche démontre que les CDV laitières contribue à améliorer le niveau de vie des acteurs impliqués (ménages, adhérents, coopérateur…), à faire gagner des conditions de travail dignes pour les travailleurs, à diminuer le taux de chômage et à lutter contre la pauvreté dans les zones rurales, à garantir l’égalité des genres en termes d’emploi, de droits et d’autonomisation.

Cependant, il y a lieu de signaler certaines dérives relatives à notre recherche. La thématique d’évaluation d’impacts socio-économiques est assez complexe et notre approche méthodologique ne se prétend pas être ni complète ni généralisée. Nos résultats sont liés à une étude qualitative d’un échantillon réduit de 10 coopératives situées dans une seule province alors que les chaînes de valeurs et les filières sont multiples et diverses.

Nous estimons qu’il faudrait penser à établir des démarches holistiques d’évaluation des impacts socio-économiques portant sur différents types de chaînes de valeurs. Cela pourra constituer un point de départ pour d’autres recherches ou des études qui ont pour objectif d’examiner en détail le fonctionnement/dysfonctionnements des CDV afin de mieux adapter une approche aux spécificités des territoires où les activités seront étendues.

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