Résumé

Les systèmes d’irrigation communautaires sont souvent mis en avant pour leur mise en pratique des principes de participation et de gestion des communs. Ces systèmes sont aussi des arènes d’antagonismes et de conflits, et des objets de convoitise et d’interventions extérieures, qui redéfinissent l’espace, l’organisation sociale et les modes de partage de l’eau. Nous avons étudié un système irrigué dans la province d’El Hajeb où l’on observe des dynamiques conflictuelles inscrites dans une temporalité longue et dans des jeux d’acteurs complexes. L’analyse de quatre dynamiques conflictuelles, nous a permis d’identifier les moments et les espaces d’émer-gence et de repli de la communauté. La matérialisation de ces dynamiques se traduit par une appropriation ou une nouvelle création des ressources en eau, une réadaptation de l’infrastructure d’irrigation ou encore par la mobilisation opportuniste des règles de partage et de distribution de l’eau. A travers ces dynamiques conflictuelles, la communauté se donne à voir dans toute sa complexité et ses contradictions. Cette communauté présente un construit social non immuable et change selon les intérêts en vigueur et la référence mobilisée: sociale, territoriale, culturelle ou historique. La multitude de références et la mobilisation à géométrie variable des groupes dans les situations conflictuelles illustrent les recompositions sociales fortes vécues par la communauté d’irrigants. Elles montrent la fragilisation de l’enracinement de cette communauté suite aux interventions externes depuis le protectorat.


Mots clés: Dynamiques conflictuelles, communauté d’irrigants, Bittit, Maroc.

INTRODUCTION

La gestion communautaire de l’eau d’irrigation dans les sociétés rurales se situe au cœur de multiples études conduites dans le monde autour de la gestion des ressources en commun (Ostrom et Gardner, 1993). L’intérêt était de faire valoir la qualité de cette gestion dans son façonnage institutionnel par rapport à des formes modernes de gouvernance de l’eau d’irrigation, en particulier dans les périmètres de grande hydraulique (Coward, 1980). Les modes de gestion communautaire des ressources naturelles apportent des enseignements sur la mise en pratiques des principes de participation et de la gestion des communs. Ces enseignements ont été utilisés comme référence pour réussir le passage d’une gestion centralisée vers une gestion par les usagers en grande hydraulique à travers la doctrine de la « gestion participative de l’irrigation » (Kuper, 2011).

Au Maroc, le lien entre l’irrigation et la structuration sociale des communautés d’irrigants a fait l’objet de plusieurs recherches. Ces communautés de longue tradition ont su garantir la pérennité des systèmes irrigués depuis des siècles. Elles ont montré au fil du temps une capacité de mettre en place des mécanismes de gestion, d’adaptation et d’auto-gouvernance (Berque, 1955; Hammoudi, 1977; Pascon, 1978; Lecestre-Rollier, 1992; Riaux, 2006; Bekkari, 2009). Les systèmes d’irrigation traditionnels constituent un sujet de valorisation et sont considérés comme un modèle en termes de capacités de gestion.

Cependant, ces systèmes sont aussi des arènes où s’expriment des antagonismes et des conflits autour de l’accès et du partage des ressources. Par ailleurs, les communautés rurales notamment les plus riches en termes de ressources naturelles ont fait l’objet d’interventions fortes du Makhzen, du protectorat et de l’État indépendant. Le Moyen Atlas, espace convoité par ses richesses naturelles variées, subissait particulièrement les répercussions de ces interventions. Si l’on considère par exemple les Beni M’tir, l’une des plus grandes tribus au Moyen Atlas, la moitié de ses eaux d’irrigation et 3/5 des terres ont été accaparés par le colonisateur et plus tard par l’État marocain (Jennan, 1986). Les effets de ces interventions furent visibles dans la redéfinition de l’espace, de l’organisation sociale et des modes de partage de l’eau d’irrigation.

C’est le cas de la seguia Tamdadans le piémont du Moyen Atlas, qui alimente le douar Ait Idir à partir de la source Ain Bittit. Dans cette zone, la structure socio-hydraulique est visiblement complexe et verrouillée eu égard d’une intervention forte de l’Etat, un discours opportuniste des agriculteurs, des conflits historiquement ancrés et un système social hiérarchisé par une présence forte et ancienne des notables et une hétéroclisie des groupes sociaux. De plus, du fait de sa proximité aux deux grandes villes impériales (Meknès et Fès), ce territoire riche de ses ressources en eau connaissait un développement en faveur d’investissements du colonisateur ou de l’État indépendant(Jennan, 1986; Taghbalout, 1994). Ces investissements consistaient essentiellement i) au prélèvement de 60% du débit total des trois sources (Taher, L’mir et Sbaâ), ii) au revêtement du canal primaire et des canaux secondaires respectivement en 1953 et de 1984 à 1986, iii) à la privatisation des ressources naturelles (en premier lieu la terre et l’eau) à partir de 1949, iv) à l’introduction du tabac en 1960, et v) à la mise en place des projets de développement intégré dans les années 1986 et 1994. Par ailleurs, l’État a également mis en place une nouvelle loi qui encourage la transformation des Associations Syndicales Agricoles Privilégiées (ASAP), créées depuis la période coloniale (selon le Dahir du 15 Juin 1924), en 5 associations d’usagers d’eau agricole (AUEA) dans ce territoire entre 1995 et 1996.

La complexité et le verrouillage de ce système irrigué à travers l’intervention forte de l’État pourraient amener à constater que la communauté d’irrigants est en retrait dans un système d’irrigation où, paradoxalement, «l’eau communautaire» continue de couler et d’être partagée selon des règles bien définies. Si le décryptage des relations de coopération et d’alliance peut renseigner sur ce que communauté veut dire, ces relations sont peu perceptibles dans ce territoire où on observe plutôt des dynamiques conflictuelles inscrites dans une temporalité longue et dans des jeux d’acteurs complexes. Néanmoins, la mise en évidence de ce qui fait communauté peut se faire à travers l’analyse de ces mêmes dynamiques conflictuelles quand celles-ci sont insérées dans une conception «agonistique» (Mauss, 1924). Ces dynamiques mettent en interaction des intérêts divergents et des rapports de compétition et parfois de violence mais aussi certaines formes d’alliance et de coordination pouvant coexister sur un même espace irrigué (Geertz, 1972). Ces dynamiques conflictuelles sont particulièrement déterminantes dans les transformations des formes d’organisation sociale pour la gestion des ressources naturelles (Chauveau et Mathieu, 1998). Elles engendrent des mutations de règles et de régulation locale (Torre et al., 2006) y compris les modes de partage de l’eau. Notre hypothèse est que l’analyse des dynamiques conflictuelles permet ainsi de révéler les dynamiques complexes d’une communauté.

Dans cet article nous tenterons de comprendre ce qui fait communauté d’irrigants dans le douar Ait Idir situé dans le périmètre irrigué de Bittit ainsi que les espaces d’expression et de repli de cette communauté dans ce système d’irrigation verrouillé. Nous présenterons dans un premier temps les dynamiques conflictuelles à travers une lecture du système irrigué et nous analyserons, dans un second temps, les formes de configuration et de recomposition de la communauté d’irrigants.

CADRE D’ANALYSE, MÉTHODOLOGIE ET ZONE D’ÉTUDE

Dévoiler la communauté d’irrigants à travers les dynamiques conflictuelles

On entend par «communauté d’irrigants» l’ensemble des irrigants qui partagent l’usage des ressources communes en eau dans un périmètre irrigué. Selon Ballet (2007), le sens de la communauté d’irrigants se découvre dans un ancrage territorial censé donner sens également aux valeurs partagées par cette communauté. Si des propriétés dont l’usage est commun sont la source de cohésion d’une communauté d’irrigants, son identité se forge par des pratiques culturelles et sociales communes respectées par les différents groupes selon des rapports d’obligation et de réciprocité (Mouton, 2009). Les systèmes irrigués et l’organisation communautaire sont très dynamiques (Ruf, 2002) et les configurations sociales sont en mouvement perpétuel (Riaux, 2006) ce qui brise le mythe qui laisse entendre que les systèmes irrigués communautaires sont figés et statiques car « traditionnels ». De ce fait, l’analyse de ces systèmes doit prendre en compte leur dynamique.

Configuration complexe, la communauté ne peut se réduire à une simple relation entre un groupement humain et l’espace qu’il occupe. En tant qu’organisation traditionnelle régie par des règles précises, « la communauté est composée de divers groupes qui n’ont pas les mêmes visions, qui sont en concurrence les uns avec les autres » (Ruf, 2002). La communauté est ainsi un espace hétérogène et complexe dont le décryptage nécessite de saisir la dynamique des groupes sociaux dans leur relation de coopération et de conflit autour des ressources communes. L’analyse de ces jeux d’acteurs est déterminante dans le repérage des mécanismes de recompositions sociales et des comportements collectifs qui rendent la communauté visible.

La construction d’une communauté et sa manifestation se basent essentiellement sur l’existence d’un intérêt partagé ou un projet commun au sens de Reynaud (1989). Elle s’affirme et se consolide également en se référant à un élément distinctif des autres groupes ou communautés. L’histoire, la culture, le territoire ou le lignage ont toujours forgé des références collectives pour les communautés rurales et marquent leur identité et leur force d’agir dans des espaces et des moments divers. Les rapports sociaux et les rapports à la nature sont en général les bases de références pour ces communautés. L’analyse de l’organisation spatiale des réseaux d’irrigation permet une meilleure compréhension des modes de partage de l’eau et de l’organisation sociale des usagers (Berque, 1955; Aubriot, 2004).

Les modes de la gestion de l’eau d’irrigation sont le produit d’une histoire des rapports entre la communauté et son territoire, entre les groupes qui la composent et entre la communauté et l’extérieur (Riaux, 2006). Le système d’irrigation reflète l’ordre social (Hammoudi, 1982) et ses caractéristiques manifestent l’histoire de la communauté et les relations de pouvoir et de conflits entre divers groupes sociaux (Mathieu et al., 2001).

Les dynamiques conflictuelles permettent de dévoiler les différents intérêts qui s’opposent sur un espace et les mécanismes de construction des collectifs (Melé, 2003). Elles constituent un espace d’observation propice à la compréhension et à l’analyse des modalités de gestion de partage de l’eau. Bien que l’observation de ces dynamiques ne soit pas chose aisée, l’eau en tant que moyen privilégié d’accès aux conflits pourrait permettre de lire et décrypter leurs dynamiques (Wateau, 1998). L’eau est à la fois trace de l’histoire des rapports sociaux et miroir de la société (Aubriot, 2004).

Méthodologie et zone d’étude

Pour analyser les dynamiques conflictuelles et cerner la complexité des relations sociales, des jeux d’acteurs et leurs logiques dans le système d’irrigation étudié, nous avons privilégié une étude qualitative. Nous avons réalisé des entretiens semi-structurés auprès de 50 irrigants choisis de façon à représenter la diversité des modes et des statuts d’accès aux ressources productives (eau et foncier): ayants-droit, non détenteurs de droit, autochtones et allochtones. Nous avons réalisé des entretiens avec des représentants de l’État et des services administratifs comme le Centre de Travaux (CT), la Direction Provinciale de l’Agriculture (DPA), la commune rurale et tous les acteurs extérieurs ayant des liens avec le périmètre étudié, en particulier des responsables à la Régie Autonome de la Distribution de l’Eau et de l’Électricité de Meknès (RADEM). Les entretiens portaient sur l’histoire de la communauté d’irrigants et le décryptage des liens sociaux entre différents groupes constituant le douar Ait Idir. Il s’agissait aussi de suivre l’évolution des modes de partage de l’eau et de gestion des conflits. Enfin nous avons analysé la nature des interventions externes et leur impact dans la gestion de l’eau et la structuration des groupes sociaux.

Le recours à l’observation directe de la gestion et du partage du tour d’eau était indispensable pour croiser les données recueillies et dénouer les mécanismes de construction des collectifs. Nous avons ainsi observé le système irrigué en suivant l’eau depuis la source jusqu’aux parcelles. Nous étions attentifs aux différentes techniques de transport et de répartition de l’eau au même titre qu’aux arrangements et aux tensions qui surgissent. Les observations s’étendaient aux moments et aux lieux de convivialités quotidiennes (café, champs, maisons, etc.) et à certains événements touchant à la collectivité (assemblée générale de l’AUEA en janvier 2015, élections locales de septembre 2015).

Le repérage des dynamiques conflictuelles se heurtait aux multiples antagonismes et intérêts divergent qui sont structurants dans le village Ait Idir où chacun des groupes met en avant sa version de l’histoire. Il s’est avéré nécessaire pour une meilleure compréhension de ces dynamiques complexes de croiser ces différentes versions et de trianguler avec d’autres sources de mémoire écrite, bien qu’elles soient particulièrement rares au niveau du terrain d’étude.

Nous avons adopté comme grille d’analyse le triptyque Ressources-Techniques-Règles inspiré de la démarche gestion sociale de l’eau (Sabatier et Ruf, 1995) permettant de « lire » un système irrigué (Aubriot, 2000). Les ressources renvoient aux potentiels naturels dont les individus et la collectivité disposent (eau, foncier…). Quant aux techniques elles englobent les méthodes et l’infrastructure utilisées pour l’irrigation (seguia, répartiteurs, retenues, forages, puits…). Enfin, en suivant l’eau « dans sa course quotidienne », nous avons analysé les différences entre les pratiques effectives d’irrigation observées et les règles de distribution que nous avions documentées à travers les entretiens (Aubriot, 2000). Une attention particulière aux changements opérés dans la trilogie Ressources-Techniques-Règles suite aux dynamiques conflictuelles visait à saisir les configurations des rapports sociaux et de recompositions de la communauté.

La séguia Tamda est l’une des 14 séguias du système irrigué de Bittit, qui est organisé en cinq associations d’usagers d’eau agricole (AUEA). Ces AUEAs ont été créées par l’Etat entre 1995 et 1996 pour avoir un interlocuteur officiel, mais elles n’ont été que progressivement et parfois partiellement appropriées par les communautés d’irrigants. Cette observation a déjà été faite pour d’autres périmètres communautaires au Maroc (Bekkari, 2009). Dans le cas de la seguia Tamda ce n’est qu’en 2000, peu après la mort de l’Amghar, que l’AUEA a été réellement investie par la communauté. Auparavant, pour gérer le tour d’eau, la jmâa désignait un aiguadier, nommé localement le Waqqaf. Le Waqqaf établissait annuellement la Jrida, une liste des bénéficiaires et des droits d’eau et gérait les conflits selon leur dimension et leur nature, et s’il n’arrivait pas à résoudre un litige, la jmâa intervenait.

Le système d’irrigation, alimenté par trois sources Lmir, Sbaâ et Taher (Schéma 1) avec un débit variable (de presque 1800 l/s entre 1975 et 1980 à 1660 l/s en 2004.) (Agence du Bassin de Sebou, 2008), a connu plusieurs interventions externes, techniques et institutionnelles. La seguia Tamda est alimentée uniquement par la source Taher.

Le canal principal a été bétonné en 1953 durant le protectorat, puis les canaux secondaires en 1984 et 1986 pour assurer l’alimentation en eau potable de la ville de Meknès, à partir de la maîtrise des pertes d’eau estimées à 60% du débit total des trois sources (van der Kooij et al., à paraître). Les 40% restant sont véhiculés dans le canal principal pour l’agriculture irriguée et sont répartis sur les Ait Ouallal et les Ait Ayach, les deux fractions tribales des Beni M’tir. Par conséquence, un enjeu de compétition et de tensions se cristallisait progressivement dans la répartition de l’eau agricole et l’eau potable gérée par la Régie Autonome de Distribution d’Eau et d’Électricité de Meknès (RADEM).

Le douar Ait Idir est bâti sur des factions complexes et hétérogènes structurées autour de deux principaux groupes. Les ayant droits englobent les Gharma et les Ait Idir constitués de quatre lignages. Les non détenteurs de droits sont formés de ceux qui se sont établis sur le territoire de façon plus récente que les ayants droits. Ces derniers sont considérés et se définissent comme des Rifains, des Sahraouis venant de Tafillalet, des Jablis, des Soussis, des Hyaynas et des OuladJamâa. Les Gharma eux-mêmes sont considérés par les Ait Idir comme des allochtones issus du sud du pays. Cette diversité d’origines sociales et géographiques et des rapports aux ressources productives (terre et eau notamment) animent des dynamiques conflictuelles multiformes. Le douar Ait Idir présente ainsi un cas d’étude pertinent pour l’observation des configurations de la communauté d’irrigants à travers le repérage de ces dynamiques conflictuelles et la mise en évidence d’une communauté peu perceptible a priori.

RÉSULTATS 

Le douar Ait Idir est structuré par des antagonismes historiquement ancrés entre divers groupes d’intérêts (Schéma 2). Nous proposons le décryptage de quatre dynamiques conflictuelles que nous avons repérées dans ce douar. La première (C1) revient sur la répartition de l’eau des sources entre la RADEM (eau potable pour Meknes) et les deux fractions de la tribu Beni M’tir: les Ait Ouallal et les Ait Ayach. Cette dynamique conflictuelle n’est pas spécifique à la seguia Tamda, car elle concerne l’ensemble du système irrigué de Bittit, mais le prélèvement effectué par la RADEM sur la source Taher a particulièrement affecté les séguias Tamda et Khlouf, situées directement à l’aval de cette source (schéma 1). La séguia Tamda dessert le douar Ait Idir et la seguia Khlouf dessert le douar Ait Mouha. Les deux douars font partie de la commune rurale de Bittit relevant des Ait Ouallal. Chaque seguia est gérée par une AUEA qui porte le même nom que la seguia.

La deuxième dynamique conflictuelle (C2) concerne les factions du douar étudié Ait Idir. La partie amont du douar est occupée par les Gharma et l’aval par les Ait Idir. Les Gharma revendiquent leur descendance d’origine chérifienne et le fait d’être plus anciennement installés dans la zone. Ils possèdent presque la moitié des droits d’eau de la seguia Tamda. Pourtant, ils sont vus par les Ait Idir comme ayants droit allochtones, originaires du sud du pays.

La troisième dynamique conflictuelle (C3) remonte au protectorat. Avec l’appui des autorités préfectorales, le caïd possédait un droit sur les terres estimé à 30 ha et un droit d’eau estimé à 1,5 fass sur la seguia Tamda. Selon les récits des villageois, les droits d’eau et de terre du caïd ont été d’abord exploités par ses anciens métayers dits Azzaba avant d’être achetés dans l’indivision par 4 investisseurs allochtones au début des années 1970. L’eau d’irrigation sur ces terres continue d’être qualifiée péjorativement d’eau des Azzaba en référence à ces anciens métayers.

La quatrième dynamique conflictuelle concerne les antagonismes entre deux types de familles qui se considèrent «ayant-droits»: des familles notables et leurs rivales. Les irrigants arrivés plus tard, qui disposent souvent de droits d’eau, sont propriétaires de terres mais ils sont considérés non ayant-droits. Ceux-ci se sont mobilisés dans cette dynamique conflictuelle pour appuyer les revendications d’une famille de notables ou d’une autre. Mais, ces non ayants-droit constituent désormais un groupe social qui s’impose dans ce territoire de par son effectif croissant et de par son ascension sociale en termes de droits d’accès aux ressources en eau.

Ces dynamiques conflictuelles sont visiblement structurantes dans le contexte d’étude et racontent l’épaisseur historique de construction d’alliance et de conflits autour des ressources productives (eau et foncier). Elles constituent de ce fait une bonne entrée pour cerner les espaces d’expression et de repli de la communauté d’irrigants. Bédoucha (1987) disait que l’eau raconte la société mais nous montrerons aussi que la société peut raconter l’eau. En effet, l’étude des dynamiques conflictuelles nous a permis de distinguer entre deux types de dynamiques conflictuelles, en fonction du sens et de la signification de cette relation dialectique: i) les dynamiques conflictuelles autour de l’eau qui dépassent le cadre de l’irrigation ii) les dynamiques conflictuelles qui s’opèrent loin de l’irrigation mais qui mobilisent l’eau de façon moins explicite et plus stratégique.

Des dynamiques conflictuelles issues du partage de l’eau

Les modes de répartition de l’eau et leur évolution renseignent sur l’histoire et les logiques des alliances et des dynamiques conflictuelles entre divers groupes sociaux. Il est alors possible de comprendre les éléments de l’organisation sociale au sein de la communauté des Ait Idir à partir de la lecture du système d’irrigation et l’analyse des modes de partage.

Dynamique conflictuelle 1 (C1)-Ait Ayach-Ait Ouallal-RADEM: remise en question du partage historique de l’eau pendant les élections locales

La pénurie d’eau en aval était depuis longtemps source de conflits perpétuels entre les deux fractions des Beni M’tir, les Ait Ayach et les Ait Ouallal. Les premiers situés en aval accusaient les seconds de voler leur eau notamment après l’augmentation du prélèvement par la RADEM sur la source Taher en 1985. Autour de cette répartition, les conflits ont été accentués plusieurs fois en particulier pendant les élections communales après l’indépendance. Par conséquence, les Ait Ayach désignaient des aiguadiers pour contrôler le canal principal et, plusieurs campagnes de jaugeages ont été effectuées dont la dernière datait de 1994. Celle-ci a confirmé la diminution du débit autorisé aux Ait Ayach à l’époque du protectorat. Selon un rapport du conseil communal en 1994, les Ait Ouallal affirmaient pour leur part que le canal principal nécessitait une réhabilitation et qu’ils n’étaient pas responsables de compenser aux Ait Ayach les pertes en eaux causées par les fuites de ce canal. De même, les Ait Ouallal renvoyaient la responsabilité de cette diminution des débits à la RADEM, en soulignant que le nouveau prélèvement avait été effectué à travers une nouvelle conduite sans fermer l’ancienne ni connaitre le débit prélevé. Ce prélèvement a affecté directement les deux seguias Tamda (douar des Ait Idir) et Khlouf (douar des Ait Mouha) dont 40 % n’était pas encore bétonné à cette époque – toujours selon le même rapport du conseil communal - et qui étaient alimentées uniquement par la source de Taher. En effet, le prélèvement a modifié le rapport entre les débits des trois sources et automatiquement les droits des usagers des Ait Ayach et des Ait Ouallal qui sont calculés sur la base des débits de toutes ces sources depuis la construction du canal principal en 1953.

Juste après le prélèvement effectué par la RADEM en 1985, les Ait Idir et les Ait Mouha s’alliaient contre les Ait Ayach pour compenser la diminution du débit de la source Taher par une nouvelle répartition de l’eau entre les Ait Ouallal et les Ait Ayach, l’idée étant de partager la diminution sur l’ensemble du système irrigué d’Ain Bittit en intégrant l’eau des sources d’Ain Sbaâ et L’mir (Tableau 1, C1). Le conflit a abouti à la modification de la cote du calage des prises d’alimentation des seguias au niveau du répartiteur des Ait Ayach en aval (Tableau 1, C1).

Le développement de l’agriculture irriguée dans la commune de Bittit commençait ainsi à subir les effets de ce prélèvement, qui était aggravé par l’extension des superficies exploitées, en particulier de l’arboriculture. Cela a déclenché une deuxième dynamique conflictuelle. En effet, les agriculteurs des Ait Ouallal et des Ait Ayach se sont mobilisés ensemble pour faire face à la RADEM (tableau 1, C1). A la fin des années 1985, un comité représentant les sept douars des Ait Ouallal et quelques-uns des Ait Ayach a porté le conflit devant le ministère de l’agriculture. La réponse de l’Etat n’a pas tardé et en 1986 un projet de développement intégré a été mis en place. Ce projet a permis le revêtement d’environ 60 km des seguias secondaires, l’épierrage de 900 ha, le creusement de stations de pompage collectif et la construction d’écoles primaires et d’un lycée.

Pourtant, selon les Ait Idir, l’Etat devait réhabiliter le canal principal comme indiquait le contrat régissant le prélèvement de l’eau de Bittit vers Meknès. Par ailleurs, ils avançaient que l’estimation de 60% des pertes en eaux orientées vers la ville de Meknès par le protectorat était largement surestimée. Cette estimation, selon eux, n’avait pas pris en compte l’extension prévisible des superficies mises en culture.

Les alliances entre les Ait Idir et les Ait Mouha ou celles de tous les douars des Ait Ouallal montrent que la communauté d’irrigants peut s’affirmer plus largement en dépassant son territoire limité quand il s’agit de revendiquer un intérêt commun d’une partie tiers (ici la RADEM). Dans cette situation, les dynamiques conflictuelles s’estompent, du moins temporairement, pour faire valoir l’intérêt commun. La communauté ici, prend une dimension et des contours plus étendus (Tableau 1, C1).

Dynamique conflictuelle 2 (C2)- Gharma-Ait Idir: les notables se positionnent comme médiateur entre offre et demande en eau

Les Gharma sont privilégiés en termes de position géographique et de droits d’eau, tout en ayant peu de terres à l’intérieur du périmètre irrigué. Ils sont en amont près de la source, à l’amont des deux tertiaires de la seguia Tamda et possèdent 4 fass de l’ensemble de 9,5 fass sur la seguia Tamda. Ils disposaient donc d’une quantité d’eau excédentaire qu’ils louaient dans le passé aux Ait Idir situés en aval. Le tour d’eau des Gharma est de 12 jours et leurs droits loués sont utilisés dans les deux tertiaires de la seguia Tamda où le tour d’eau des Ait Idir est de 14 jours. La conversion des deux tours suite à cette location génère 48 heures supplémentaires sur chaque droit loué par tour.

En 1983, un conflit a été déclenché autour de ces heures supplémentaires et sur ceux qui en devraient bénéficier, est-ce les Gharma propriétaires des droits d’eau loués ou les Ait Idir qui s’estiment « propriétaires » de la seguia Tamda. Suite à ce conflit, les Ait Idir refusaient le passage de l’eau des premiers dans leur seguia (Tableau 1, C2). Les notables des Ait Idir détenteurs de pouvoir de décision au sein de la communauté sont constitués par trois familles. De l’une d’elles était issu l’Amghar et elle possédait 50 ha et 108 heures d’eau. Les deux autres familles détenaient un peu moins que la première en termes de droits d’eau mais elles ont investis en achat de terres et disposent aujourd’hui entre 80 et 100 ha chacune. Ces notables se sont saisis de la situation conflictuelle entre les Ait Idir et les Gharma en mettant en place un arrangement avec ces derniers afin de résoudre ce conflit en 1983. L’arrangement consistait à permettre aux Gharma de passer leur eau dans la seguia à condition de louer tout leur excès d’eau aux notables des Ait Idir qui à leur tour le relouaient et bénéficiaient des heures supplémentaires. Ainsi, par cet arrangement les notables disposaient de plus de droits d’eau qu’ils utilisaient pour garantir la loyauté des villageois et l’emprise sur la gestion de l’affaire locale (Tableau 1, C2). Ceci a duré des années jusqu’à la mort de l’Amghar en 1998. Par la suite, les Gharma commençaient à louer leur eau individuellement et bénéficiaient de ces heures supplémentaires. La disparition de cette notabilité qui avait le pouvoir d’intermédiation et d’influence entre les Gharma et les Ait Idir a généré une redéfinition des rapports entre les groupes et un repositionnement social des nouveaux allochtones (notamment les Fassis, les Jablis et les Hyaynas). Ce changement est renforcé également par l’ascension d’un groupe de jeunes scolarisés dans la communauté des Gharma ayant des ambitions de changement des pratiques et des rapports sociaux au sein de la communauté (Tableau 1, C2).

Cette dynamique conflictuelle a aussi concerné une nouvelle ressource en eau. En effet, pour améliorer le débit de la seguia Tamda et compenser le manque d’eau aux moments de pointe en été, les Ait Idir décidaient d’exploiter collectivement l’eau d’une station de pompage réalisée par l’Etat en 1986 sur les terres des Gharma. Les notables des Ait Idir et les Gharma considéraient ce forage collectif comme une menace puisqu’il allait générer une abondance en eau et automatiquement une baisse de prix de location de l’eau. Ils le bloquaient par de grosses pierres et en empêchaient l’exploitation sous prétexte que le puits s’effondrait (Tableau 1, C2). Les autres agriculteurs qui avaient intérêt que ce forage collectif soit installé voyaient ce blocage comme une continuité d’ingérence des notables et des Gharma dans les enjeux locaux. Jusqu’aujourd’hui, ce forage collectif n’est pas encore fonctionnel.

Des dynamiques conflictuelles ne se rapportant pas à l’eau: la communauté raconte l’eau

La régulation de partage de l’eau ne peut être appréhendée indépendamment des rapports sociaux et de l’organisation sociale. Le repérage des dynamiques conflictuelles dans le douar Ait Idir montre que certaines dynamiques ne se rapportent pas directement à l’eau, objet central d’action collective dans ce territoire. Pourtant, l’analyse de ces dynamiques révèle que l’eau est instrumentalisée pour reconsolider la légitimité de certains groupes sociaux sur le territoire et exclure d’autres, pour reconquérir des ressources (eau notamment) et/ ou pour se repositionner socialement par d’autres groupes, autrefois marginalisés. Nous présenterons l’exemple de deux dynamiques conflictuelles structurantes dans la communauté des Ait Idir laissant comprendre que les tensions entre les différents groupes sociaux et les jeux de pouvoir trouvent leur écho dans la gestion de l’eau.

Dynamique conflictuelle 3 (C3)- Ait Idir- Investisseurs: instrumentaliser l’histoire pour récupérer les droits d’eau ancestraux

Les notables des Ait Idir considéraient les droits d’eau des Azzaba achetés par les investisseurs comme leurs droits usurpés au temps du protectorat par le caïd. Il fallait donc les récupérer après sa mort. Dans cette perspective, ils ont exploité plusieurs éléments contextuels en leur faveur; d’abord leur connaissance fine des règles de gestion, le fait que les droits des investisseurs ne sont pas individualisés formellement et enfin le fait que ces derniers se situent en aval de la seguia Tamda. En 1971, les notables ont commencé à encourager le vol d’eau au moment du tour d’eau des investisseurs par les irrigants en amont, sans l’application d’aucune sanction. Tout le monde en profitait et détournait l’eau des Azzaba malgré le fait que cette pratique est interdite par les coutumes. Ce vol a créé une pénurie extrême d’eau en aval (tableau 1, C3).

Deux années après, à cause de cette pénurie, les investisseurs décidaient de louer leurs droits d’eau, qu’ils ne pouvaient de toute façon obtenir, et creuser des forages pour leur propre irrigation. Mais les notables qui jouaient le rôle d’intermédiation et de mobilisation de la communauté, exigeaient dans ce cas la préséance du tour d’eau principal de 14 jours sur celui des investisseurs qui est à 18 jours (tableau 1, C3). Cette situation a rendu la location de l’eau des investisseurs moins facile et les a obligés de négocier avec les Ait Idir et de se soumettre à leurs conditions dont la première est d’abord la conversion de leur tour d’eau à celui des Ait Idir. Cette conversion leur a couté un demi fass comme prix de passage par la seguia des Ait Idir sans compter les 4 jours qui ont été supprimés de leurs droits d’eau calculés en fonction d’un tour d’eau de 18 jours. En somme, les investisseurs ont perdu environ 312 heures d’eau durant ces négociations (Tableau 1, C3). Le prix de passage appelé localement « hak seguia » (droit de la seguia) montre que pour utiliser l’ouvrage de la communauté par ceux qui sont considérés comme extérieurs, il faut s’acquitter d’un prix. Le demi fass dont les investisseurs ont été dépossédés a été distribué sur les deux tertiaires pour augmenter le débit de la seguia. De plus, les investisseurs confiaient leurs droits d’eau aux notables des Ait Idir pour acheter la paix sociale et garantir la location de leurs droits d’eau dans la seguia Tamda. Ils louaient tous leurs droits aux notables qui à leur tour les relouaient aux autres agriculteurs.

A partir de 2006, les notables des Ait Idir creusaient des forages individuels. Ils les utilisaient pour usage sur leurs exploitations, mais louaient aussi cette eau à d’autres irrigants. Ils versaient ainsi l’eau qu’ils louaient dans la seguia Tamda et les prix de location d’eau devenaient de plus en plus dérisoires. Pour légitimer la location de l’eau des forages, les notables l’offraient gratuitement aux moments du semis pour éviter les conflits causés par la pénurie et pour aussi gagner la loyauté des villageois notamment aux moments des élections. De plus, les notables utilisaient cette eau pour arroser leurs parcelles en cas de besoin sans attendre leur tour. Cette intrusion de l’eau privée (Tableau 1, C3) dans la séguia collective, autrefois interdite par les règles communautaires est aujourd’hui tolérée par la communauté grâce à l’augmentation de la ressource disponible.

A partir de 2008, les investisseurs commençaient à vendre leurs droits d’eau, puisque la location était de plus en plus difficile. Comme la moindre répartition dans la seguia est le fass, il doit y avoir au minimum un droit ou un ensemble de droits qui arrivent au débit d’un fass (24 l/s) pour pouvoir guider l’eau d’un quartier de parcelles à un autre. Par la vente progressive, les droits d’eau des investisseurs avaient diminué et étaient devenus insuffisants pour acheminer l’eau de la seguia à l’aval sans le complément par d’autres droits. Les Ait Idir refusaient de compléter les droits des investisseurs ni de leur louer ou vendre l’eau (Tableau 1, C3). C’est ainsi que la communauté se manifeste plus largement en se fondant sur un ancrage historique et territorial. Cet ancrage est dédoublé par la revendication d’un droit sur l’ouvrage hydraulique qui est « la seguia ». Ainsi, les notables des Ait Idir ont réussi à déposséder jusqu’à présent 3 investisseurs de leurs droits et ainsi à récupérer les «droits d’eau ancestraux».

Dynamique conflictuelle 4 (C4)- Parmi les Ait Idir: l’ascension sociale des non ayants droit

La famille dont le chef est autrefois l’Amghar, est propriétaire de droits importants d’eau (1/3 fass) et de terre (50 ha). Elle gérait les terres collectives, le conseil communal depuis 1992 et l’AUEA depuis sa création en 1996. Cette gestion se faisait en alliance avec une famille des ayants droit puissante également en termes de droits d’eau (1/4 fass) et de terre (80 ha) et anciennement membre de la jmâa. Une autre famille ayant droit est devenue récemment rivale des familles puissantes en achetant plus de droits de terres et d’eau par ses fils qui occupent des fonctions générant des revenus importants. Les droits de cette famille sont restés longtemps invariables (une nouba d’eau et 10 ha de terre). Récemment avec l’ascension de ses fils, elle a commencé à acheter plus de terres (10 ha) et ses membres ont pris des postes de responsabilité au conseil communal depuis 2010. Cette famille rivale a fait l’alliance avec les non ayants droit, devenus importants sur le plan démographique pour écarter la famille de l’Amghar de la gestion de l’affaire locale et de la scène politique. En 2010, elle a réussi à détenir à la fois la présidence du conseil communal et de l’AUEA (Tableau 1, C4). En contrepartie, les non ayants droit ont amélioré leur situation au niveau des routes, d’électrification et de l’adduction en eau potable. Ils sont également représentés pour la première fois dans le conseil communal par un représentant non ayant droit. C’est ainsi que les non détenteurs de droits, appuyés par la famille rivale, sont devenus progressivement un acteur incontournable dans ce jeu de pouvoir et de conflits au sein de la communauté (Tableau 1, C4).

Si les non ayants droit sont devenus importants dans le jeu démocratique local grâce au facteur démographique, il n’en est pas de même pour le contrôle des ressources productives. Ils ne possèdent pas suffisamment de droits à la terre et de droits d’eau pour pouvoir écarter la puissante famille de l’Amghar qui gérait les terres collectives depuis l’indépendance et qui a remis la main sur la gestion de l’eau en présidant une nouvelle fois l’AUEA en 2012. Mais les non ayants droit influencent la gestion des affaires locales. Ils se sont mobilisés du côté de la famille rivale et ont réussi à bloquer un projet de la mise en bouteille de l’eau potable sur les terres collectives initié par la famille de l’Amghar. Ils avançaient que les forages qui allaient être installés par le projet assécheraient la nappe et peut être seraient exploités pour détourner l’eau vers d’autres endroits à travers des conduites souterraines. Ce projet est donc considéré par eux comme une véritable menace de la nappe phréatique et pour l’avenir de toute la communauté. Il constituait aussi une occasion pour mobiliser plus de gens contre la famille de l’Amghar. On voit bien dans cette conflictualité un processus d’ascension sociale qui a permis de réorganiser les rapports de forces et par là même les hiérarchies sociales locales.

DISCUSSION

Nous avons montré que lire les périmètres irrigués à travers les dynamiques conflictuelles, se matérialisant dans le triptyque ressources, techniques, règles, est utile pour analyser ce qui fait communauté. Les conflits sont centraux dans la gestion de l’eau (Chauveau et Mathieu, 1998), et engendrent une transformation de régulation de son partage (Torre et al., 2006). Ainsi, l’eau est vue comme toile de fond des conflits (Wateau, 2002) et de la société (Bédoucha, 1987). A travers cela, la communauté –elle même, en forte évolution et transformation – se révèle.

Les espaces d’affirmation de la communauté

Le système d’irrigation

L’analyse des dynamiques conflictuelles nous a permis d’identifier les moments et les espaces d’émergence et de «repli» de la communauté dans un système qui semblait verrouillé. La matérialisation des dynamiques conflictuelles est observable dans tous les éléments du triptyque Ressources-Technique-Règles. Elle se traduit par une appropriation des ressources en eau existantes ou la création de nouvelles ressources en eau, une réadaptation de l’infrastructure d’irrigation (forages, répartiteurs, canaux d’irrigation) ou encore par la mobilisation opportuniste des règles de partage et de distribution de l’eau. A travers ces dynamiques conflictuelles, la communauté se donne à voir par la réorganisation des irrigants pour définir la position des nouveaux arrivés dans la communauté, la mobilisation de tous les usagers de l’eau agricole pour faire face à l’intervention externe de la RADEM, ou bien par le repositionnement de nouveaux groupes comme acteurs pesants dans l’affaire locale à travers l’AUEA et les élections communales. De ce fait, la communauté est dynamique et ses contours s’élargissent ou se contractent en fonction des dynamiques conflictuelles et des enjeux qui les animent (partage, des jeux d’alliance, etc.).

La «lecture» du système d’irrigation dans ses trois dimensions se révèle intéressante pour identifier l’organisation sociale de la communauté des Ait Idir. L’organisation technique de l’irrigation est indissociable de l’organisation sociale (Riaux, 2006) et le système d’irrigation constitue un espace d’affirmation des groupes sociaux. Les non ayants droit par exemple possèdent des droits de terre et d’eau dans des espaces de marge irrigués par des séguia considérées localement moins importantes. Les nominations des seguias, seguia des Mellaka renvoyant aux propriétaires par achat des droits de terre et d’eau, ou seguia des Jomouâ désignant les irrigants héritiers de droits, relèvent l’histoire des groupes et définissent également les relations de pouvoir et les différences entre eux en termes de l’autochtonie et de l’ancrage au territoire. Chaque seguia tertiaire renvoie aux lignages propriétaires et constitue un support de légitimation et de l’appartenance à un groupe de filiation et de descendance ou encore à un évènement historique. L’utilisation de l’ouvrage de la communauté par des tiers n’est possible que si ce dernier s’acquitte d’un prix de passage qui dessine les limites entre les propriétaires de l’ouvrage et les non propriétaires. Dans ce contexte, l’eau raconte visiblement la communauté (Bédoucha, 1987).

La gestion de l’AUEA

C’est à travers cette institution qu’un groupe de jeunes ayants droit et non détenteurs de droit d’eau et de la terre a pu accéder d’une manière légitime aux espaces de gestion autrefois monopolisés par les plus âgés, membres de la jmâa et issus des familles les plus influentes. L’AUEA, qui est restée pendant quelques années une coquille vide, a ainsi été appropriée par certains acteurs locaux pour qui cette institution présentait une opportunité de changement (Bekkari, 2009). L’AUEA représente une opportunité d’ascension sociale et de formation de nouveaux leaders de jeunes des non ayants droit. Elle est aussi un espace de conflits entre les deux familles puissantes des ayants droit qui essaient de se positionner sur l’échiquier locale et de gagner plus de pouvoir. Ainsi, l’AUEA constitue une nouvelle structure publique révélatrice d’enjeu de pouvoir et de conflits. Elle est une occasion de changement de gain ou de perte pour les irrigants (Mathieu et al., 2001; Benali, 2006) et un tremplin pour se positionner par rapport aux jeux de pouvoirs locaux (Kadiri et al., 2010).

En observant les dynamiques conflictuelles au sein de l’AUEA Tamda, on comprend bien les différents groupes qui se structurent autour de cette institution. Les notables considèrent l’AUEA comme leur propriété et sa gestion est un droit qu’ils ont hérité et légitimé par la coutume. D’autres familles rivales se sont alliées aux non détenteurs de droit pour se positionner dans la gestion de l’affaire locale à travers l’AEUA. D’autre part on rencontre un groupe de jeunes des non ayants droit qui ont compris que l’AUEA est une nouvelle forme d’organisation qu’il faut investir pour changer la hiérarchie traditionnelle au sein du douar.

Les élections communales

La pénurie d’eau et son accès difficile accentuent les conflits entre les irrigants. Pourtant ces tensions ne sont pas liées qu’à la rareté de l’eau, mais aussi au fait que l’eau est mobilisée comme un moyen pour parvenir à d’autres objectifs (Wateau, 2002). En effet, l’eau comme une préoccupation essentielle de toute la communauté est souvent mobilisée par les notables pour leurs intérêts personnels. Ils ravivaient des conflits autour de l’eau et les instrumentalisent par la suite comme des opportunités d’intervention et d’intermédiation afin de se positionner aux élections communales ou parlementaires. La société raconte donc aussi l’eau.

Les rivalités politiques sont très visibles dans la gestion de l’eau comme instrument de pouvoir. Elles sont en grande partie la raison d’une concurrence accrue entre les agriculteurs notamment les notables qui essaient par tous les moyens de former une base d’alliance avec différents groupes à travers la gestion de l’eau. Les notables des Ait Idir constituaient avec ceux des Ait Mouha une coalition pour élargir leur représentativité politique et leur pouvoir dans les douars de la commune à travers l’implantation de leurs alliés dans les bureaux des cinq AUEA de la commune. Un impact immédiat de ces rivalités politiques a été observé sur la composition du nouveau bureau de l’AUEA Tamda. En 2010, confortée par le soutien des non ayants droit, la famille rivale de la famille de l’Amghar qui gérait le conseil communal depuis 17 ans et l’AUEA depuis sa création en 1996 a gagné les élections communales et obtenu la présidence de l’AUEA. Les intérêts politiques sont générateurs d’alliances et de conflits au sein du douar Ait Idir. Le moment des élections est crucial dans l’affirmation des groupes sociaux et de la communauté. C’est là où le «nous» de différents groupes ou d’alliance de groupes et de familles s’affirme et se met en avant. L’eau est instrumentalisée par les groupes et les alliances opposés pour renforcer leur position politique et anéantir celle des autres (Kadiri et al., 2010).

Qu’est ce qui fait communauté et comment est-ce qu’elle se révèle ?

Le conflit entre les Ait Idir et les investisseurs nous renseigne sur deux processus différents de l’affirmation d’une communauté. Un processus de recomposition et un processus de construction. Au premier lieu, la communauté se recompose et se consolide pour s’étendre à tous les groupes sociaux partageant le territoire dans leur hétéroclisie (autochtones/ allochtones, ayants droit/ non ayants droits). Les conflits intra-groupes se dissolvent pour faire face à des groupes considérés comme étrangers (investisseurs, RADEM, par exemple). C’est le cas de la mobilisation de tous les groupes autour des notables pour expulser les investisseurs considérés comme concurrents et envahisseurs d’un terrain qui appartenaient à leurs ancêtres et spoliés pendant le protectorat. L’achat de la terre et de l’eau n’a pas permis à ces investisseurs d’intégrer la communauté. A contrario, il fallait s’acquitter de certains dons agonistiques (Mauss, 1924) pour acheter la paix sociale (le droit de passage par la seguia par exemple). Il est à souligner que le grand bénéficiaire des droits d’eau «récupérés» sont les notables et non pas tous les irrigants.

En second lieu, les investisseurs qui ne partagent pas au début de relations de proximité ni de liens historiques, se trouvent contraints à se mobiliser en commun pour négocier avec les Ait Idir. En effet, l’intérêt partagé est déterminant dans le regroupement des investisseurs. Ainsi, le fait que les Ait Idir soient organisés autour d’un référent historique commun, oblige les investisseurs de s’organiser et donner naissance à un groupe organisé pour pouvoir faire face aux Ait Idir et préserver leurs droits. Ils dépassaient les tensions entre eux, relevant de l’ambigüité de leurs droits de terre et d’eau causée par l’achat dans l’indivision et s’unissaient afin de négocier d’une même voix avec les Ait Idir.

Dans le cas des antagonismes parmi les ayants droit, les non ayants droit s’étaient mobilisés par les premiers. Toutefois, ces derniers s’alliaient avec une famille des ayants droit pour se procurer une légitimité qu’ils ne possédaient pas et que leurs adversaires mettaient en avant en tant qu’autochtones et ayants droit. Ces conflictualités renvoient à deux logiques contradictoires qui s’opèrent dans le territoire, l’une relevant des groupes qui dominaient et qui cherchaient à maintenir leur position de leaders et l’autre concerne ceux qui étaient exclus et qui trouvaient des stratégies d’affirmation. Ce jeu dynamique de conflits favorisait la recomposition de la communauté et la construction de nouveaux acteurs collectifs.

Dans le passé, l’Amghar jouait un rôle structurant dans la fédération de la communauté en se positionnant comme intermédiaire dans les conflits entre groupes sociaux (Gharma, Investisseurs, Ait Idir). Aujourd’hui la notabilité se repositionne autrement avec l’ascension d’autres groupes sociaux, par exemple les jeunes. Les espaces d’émergence de la communauté évoluent donc aussi. Ces jeux de conflictualité montrent que les tensions entre les différents groupes sociaux sont constamment en transformation (Houdret, 2008), de même que les configurations sociales (Riaux, 2006) au sein de la communauté des irrigants.

La révélation de la communauté est étroitement liée à la configuration des éléments qui ont contribué auparavant à sa construction. Par exemple, le changement des règles de tour d’eau des Ait Idir a engendré automatiquement l’apparition des heures excédentaires dans les droits d’eau des Gharma loués à la seguia Tamda. Ce changement était à l’origine de l’arrangement établi entre les notables des Ait Idir et les Gharma comme deux groupes d’intérêts. De plus, la redéfinition des règles de partage et leur manipulation opportuniste au détriment des investisseurs ont donné naissance à une organisation commune de ces derniers et à la construction d’une nouvelle coalition. La communauté d’irrigants s’affirme lorsque les changements touchent aux règles de partage ou au réseau d’irrigation, fondements de la communauté d’irrigants selon Mouton (2009) et facteurs de maintien de l’équilibre social au sein des communautés (Dahou, et al., 2011).

Les interventions exogènes sont structurantes dans la configuration de la communauté des irrigants. La révélation de la communauté des irrigants des Ait Idir comme ayants droit se réfère au moment de recensement et de la publication de leurs droits d’eau et de terre par le protectorat au bulletin officiel en 1949. Les Gharma, en tant qu’ayants droit s’affirmaient souvent comme communauté reconnue par le Makhzen avant même le protectorat. Les interventions externes étaient source de la mise en question de la hiérarchie traditionnelle et de l’appropriation inégale de la ressource par les groupes défavorisés (Mathieu et al., 2001). Plus encore, par la légitimation de l’installation de certains groupes et la négation du droit d’autres, l’État devient indirectement partie prenante dans les communautés d’irrigants souvent perçues comme dotés d’autonomie et de règles de gestion vigoureuse. De plus dans le cas des Ait Idir, l’ingérence de l’État au sein de la communauté se multiplie à travers la forte présence notabiliaire ayant historiquement bénéficié de position privilégiée durant la période du Makhzen, du protectorat et de l’Etat indépendant. A travers sa forte intervention dans le territoire des Ait Idir, l’Etat continue à peser sur les stratégies de développement au périmètre. Il s’affirme de deux manières différentes dont l’une légitime l’autre. Il s’affiche comme une entité administrative mais aussi comme une partie prenante dans les dynamiques conflictuelles à travers la RADEM.

L’alliance de certains ayants droit aux non détenteurs de droit, ou encore celle des notables des Ait Idir aux Gharma illustre l’importance de l’intérêt commun dans la mobilisation des groupes ou des individus comme le souligne Reynaud (1989). Un intérêt partagé peut unir des groupes n’ayant pas de très forts liens pour fonder un projet commun pour lequel les membres s’organisent en respectant un certain nombre de règles et de valeurs souvent périodiques en fonction des fins escomptées par chacun d’eux. Pourtant ce projet commun masque des intérêts divergents. Par exemple, dans son alliance aux non détenteurs de droits, la famille rivale avait pour objectif le positionnement au conseil communal, alors que les non ayants droit visaient par cette coalition l’amélioration de leurs conditions de vie (électrification, adduction en eau potable, route).

L’affirmation de la communauté d’irrigants se consolide et se légitime par la revendication d’une référence commune qui constitue l’identité de cette communauté et garantit sa pérennité. Cette référence facilite la mobilisation des groupes sociaux comme elle dissimule les intérêts opportunistes de certains. Les références mobilisées par la communauté des Ait Idir sont multiples et changent en fonction des situations conflictuelles. Le conflit entre les Ait Idir et les nouveaux investisseurs et la solidarité des premiers contre les seconds, révèle un sens « affectif » de la communauté au sens de Parret (2002). Cette communauté se réfère au lignage plus qu’aux intérêts économiques qui ne sont pas négligeables au moins pour les notables bénéficiaires des droits ancestraux « récupérés ».

La référence ethnique est aussi mobilisée par les Ait Idir et par les Gharma. Elle a permis d’asseoir les fondements de la communauté de chacun d’eux pour faire face à l’autre. Les Ait Idir le mobilisent encore contre les non ayants droit ou les investisseurs. La persistance de la dénomination «eau des Azzaba», dégradante à l’égard des investisseurs évoque un rejet symbolique et une exclusion des nouveaux arrivés qui sont considérés comme allochtones. Par ailleurs, l’ancrage au territoire et l’histoire commune assoient les bases d’une communauté chez les Ait Idir ayants droit contre les non détenteurs de droit. La référence sur laquelle se base la communauté peut se nourrir soit de la tradition soit de la modernité en mettant en avant les nouveaux besoins des groupes (Ruf, 2005).

Le changement des références et la reconfiguration des groupes en fonction des intérêts collectifs expliquent la capacité des agriculteurs de mettre en place dans plusieurs situations, différentes stratégies individualistes comme le montre Lecestre (2003) dans une communauté du Haut Atlas. Ce changement de références peut être mobilisé aussi pour construire une légitimité sur un territoire où les dynamiques conflictuelles structurent la recomposition des groupes sociaux et l’accès aux ressources comme c’est le cas de la communauté des Ait Idir. Ici, la communauté d’irrigants ne fait pas référence à des origines anciennes ou à une histoire ancienne et plusieurs lignages comme dans le Haut Atlas. Il s’agit plutôt d’une communauté relativement récente qui se construit et se recompose perpétuellement pour faire fonctionner le système d’irrigation et légitimer son existence.

La compréhension des logiques et pratiques des acteurs à travers l’analyse des dynamiques conflictuelles offre un champ fertile pour orienter les politiques de développement. Le décryptage des dynamiques conflictuelles constitue ainsi une bonne entrée pour adapter les modèles du développement au niveau local et pour saisir les modes de gestion des ressources communes à des échelles plus générales. L’intérêt de cette approche est qu’elle considère la communauté comme un produit social mouvant et dynamique et non pas comme une entité figée. Elle tient aussi compte de la diversité des intérêts et logiques d’acteurs et leur évolution. De ce fait, elle permet d’éviter un nombre de risques non négligeables relatifs à cette diversité de stratégies et aux jeux opportunistes des acteurs. Le blocage de forage collectif illustre comment les initiatives de développement peuvent se heurter à des intérêts individuels et des conflits latents. Sans la compréhension des dynamiques conflictuelles et des configurations d’acteurs, les raisons d’échec de ces initiatives seraient passées inaperçues.

CONCLUSION 

L’analyse des dynamiques conflictuelles nous renseigne sur la relation entre le changement des modes de gestion de l’eau et la recomposition des groupes au sein de la communauté. La mobilisation des groupes se révèle au moment des conflictualités et les relations que ces groupes entretiennent entre eux sont liées à la fois à l’objectif partagé et à des logiques individuelles. Les dynamiques conflictuelles sont ainsi centrales dans la recomposition des groupes et la révélation du sens de la communauté.

Les conflits découlant de dichotomies multiformes (amont/aval, autochtones/ allochtones, ayants droit/ non ayants droit, fractions dominantes/ fractions dominées, chérifs/non chérifs, etc.) ressurgissent en permanence et se matérialisent dans le partage et la gestion de l’eau agricole. Ils se matérialisent non seulement à travers des affrontements d’intérêts mais aussi à travers des relations agonistiques introduisant des formes de coordination et de construction de nouveaux liens autour des ressources en eau (Geertz, 1972). Le décryptage de la complexité des dynamiques conflictuelles rend la communauté d’irrigants plus perceptible dans ce contexte (alliances, nouvelles régulations…).

La communauté d’irrigants est un construit social qui n’est pas immuable. Elle change selon l’intérêt des individus et des groupes et la référence mobilisée. La multitude de références et la mobilisation à géométrie variable des groupes dans les situations conflictuelles illustrent les recompositions sociales fortes vécues par la communauté d’irrigants des Ait Idir. Elles montrent également la fragilisation de l’enracinement de cette communauté suite aux interventions externes du Makhzen, du protectorat et de l’Etat marocain.

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