Résumé

Au cœur du bassin du Sebou, la plaine du Saïss renferme un système aquifère composé de deux nappes superposées et inter-communicants, jouant un rôle considérable dans le développement socio-économique de la région, à travers la satisfaction des besoins en eau potable et d’irrigation. A partir des années 80 et avec l’avènement de la sécheresse, cette nappe a connu une forte surexploitation, se traduisant par un bilan annuel déficitaire de 100 Mm3. Cette problématique a suscité l’intérêt de la communauté scientifique,produisant ainsi une importante masse de données hétérogènes et dispersées, qu’il fallait intégrer dans un seul entrepôt de données. L’exploitation de cet entrepôt nous a permis d’évaluer l’évolution des ressources en eau souterraines du Saïss par le biais d’une cartographie indiquant la localisation des points d’eau et des sources, et des graphiques dressant l’évolution spatiale et temporelle de la piézométrie des nappes et des débits de sources. Certes, l’intégration des données spatio-temporelles dans un seul entrepôt de données afin de les exploiter et les analyser est considérée comme étant une étape primordiale dans le processus de construction d’un système d’aide à la décision. Toutefois, elle reste confrontée à plusieurs contraintes et limites telles que l’incertitude dans les différentes étapes du processus d’intégration.


Mots clés: Saïss, système aquifère, déficit, inter-communicants, intégration, entrepôt, incertitudes

INTRODUCTION

Caractérisé par un climat semi-aride, et face à des besoins croissants en eau dus à une croissance démographique et un développement agricole très importants, la plaine du Saïss communément connu par le bassin Meknès-Fès a connu ces dernières décennies des déficits importants en ressources en eau de surface, accentuées avec l’avènement de la sécheresse dans les années 80 (ABHS, 2006).

Afin de satisfaire les besoins en eau des différents secteurs (eau potable, industrie et agriculture), un recours à la ressource en eau souterraine s’est avéré une solution facile et de vigueur donnant naissance à une panoplie de points de prélèvement d’eau souterraine et une forte course au pompage. Subséquemment, la nappe du Saïss, un aquifère complexe et composé de deux nappes superposées (phréatique et profonde), a connu une surexploitation estimable avec un déficit annuel moyen de 100 Mm3 (ABHS, 2006).

De part son importance capitale dans le développement socio-économique de la région, à travers la satisfaction des besoins en eau potable des villes de Fès, Meknès et des centres avoisinants, et l’irrigation d’une superficie d’environ 49.725 ha (DRA, 2014), la nappe de Saïss a fait l’objet de plusieurs études et recherches qui ont permis la production d’une masse considérable de données. Néanmoins, cette masse de données reste hétérogène et dispersée dans des sources différentes, et souvent incomplètes. L’intégration des données spatio-temporelles dans un entrepôt s’avère une solution pertinente permettant le développement des outils d’aide à la décision.

L’objectif de cet article est de démontrer l’intérêt de l’intégration des données à travers l’exploitation de l’information issue de l’entrepôt de données relatives à la nappe du Saïss. Moyennant une cartographie bien riche et une représentation sous forme de graphiques, nous présentons l’évolution des ressources en eau souterraine dans la nappe de Saïss à travers l’évaluation des points d’eau, et l’analyse de la tendance de leur évolution dans le temps et dans l’espace.

Le présent article va contribuer à améliorer et enrichir les connaissances sur le fonctionnement d’une nappe aussi importante que celle du Saïss, du fait du rôle qu’elle joue dans le développement socio-économique au sein du bassin de Fès-Meknès.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Zone d’étude

Plaine du Saïss

Le bassin de Saïss (Fès- Meknès) s’étend une superficie d’environ 2100 km2 sur (100 km d’Ouest en Est et de 30 km du Nord au Sud), entre les coordonnées Lambert : 465

- l’oued Sebou à l’Est;

- l’oued Beht à l’Ouest;

- les rides prérifaines au Nord;

- la limite Nord du Causse moyen-atlasique au Sud.

Le bassin est considéré dans l’ensemble comme un vaste synclinal subsident de direction E-W qui s’enfonce progressivement sous une couverture miocène et plio-villafranchienne pour se redresser rapidement au contact des rides prérifaines. Il s’inscrit entre deux repères structuraux différents par leurs âges et par leurs styles. La limite nord de la plaine s’étale dans le domaine prérifain tandis que la limite sud intéresse le domaine atlasique. Le prérif, qui limite la plaine au nord, présente un relief assez accidenté avec des formations rigides (calcaires, grés) qui pointent à l’intérieur d’un ensemble mollement plissé pour conférer au tout une structure de type iceberg. Des vallées étroites et profondément encaissées donnent un aspect de dents de scie (ABHS, 2006).

La limite atlasique au sud montre une structure sub-tabulaire (causse) disséqués qui accuse un pendage général vers le nord, où elle s’ennoie sous les formations miocènes et pliovillafranchiennes de la plaine (ABHS, 2006).

Un accident topographiquement franc, d’orientation globale WNW-ESE, appelé flexure d’Aïn Taoujdat, dénivelle nettement deux paliers: le plateau de Meknès (ou le Saïss de Meknès) à l’Ouest et la plaine du Saïss (ou le Saïss de Fès) à l’Est (Figure 2 et 3). Cet accident abaisse la plaine du Saïss par rapport au plateau de Meknès.

Le plateau de Meknès soulevé par rapport à la plaine de Saïss, présente des altitudes de l’ordre de 1000 m dans sa partie méridionale. Ces altitudes décroissent avec une pente moyenne de 12%o pour atteindre 500 m dans la partie septentrionale où le plateau se redresse brusquement au contact des rides prérifaines (ABHS, 2006).

Tout comme le plateau de Meknès, la plaine du Saïss a aussi une altitude décroissante du sud au nord (Figure 2). Elle passe de 700 m au Sud (limite Nord du causse d’Imouzzer Kandar et Sefrou) à 400 m dans la région de Fès. Comme le plateau de Meknès, la plaine du Saïss se relève très rapidement au contact des rides prérifaines (Jbel Tghat, Jbel Zalagh). La flexure de Ras El Ma, de direction sensiblement NE-SO, divise la plaine du Saïss en deux parties: la plaine d’Aïn Taoujdate à l’Ouest et la plaine de Fès à l’Est (ABHS, 2006).

Mis à part la flexure d’Aïn Taoujdate, qui sépare le bassin de Fès-Meknès en deux paliers différents, d’autres accidents ont aussi affecté le bassin. Les accidents du bassin se classent en deux origines différentes: ceux issus de la tectonique atlasiques qui se prolongent sous la plaine et qui constitue le substratum anté-néogène, montrent une direction NE-SW et ceux provenant de la tectonique rifaines montrent une direction croisée à la première NW-SE (ABHS, 2006).

Six flexures de direction NE-SW interrompent le plateau de Meknès (ABHS, 2006). Ce sont:

- La flexure d’Aïn Lorma;

- La flexure de Toulal, longue de 12 Km;

- La flexure de Koudiat Zouar à l’ouest de Boufekrane;

- La flexure de Boufkrane - Haj Kaddour, longue de 23 Km;

- La flexure de Souk Jemaa del Gour (ou El Hajeb – Sebâa Aïoun), longue de 25 Km;

- La flexure de Tiniza.

Nappe du Saïss

Le bassin du Saïss renferme un système aquifère composé de deux nappes (Figure 4):

- la nappe phréatique qui circule dans des sables, conglomérats et par endroits dans les calcaires lacustres du Plio-Villafranchien;

- la nappe profonde qui circule dans les calcaires dolomitiques du Lias et se met en charge sous l’épaisse série de marnes imperméables du Miocène (ABHS, 2006).

Ces deux nappes jouent un rôle considérable dans le développement socio-économique de la région, à travers la satisfaction des besoins en eau potable et l’irrigation d’une superficie d’environ 49 725 ha (DRA, 2014).

Elles communiquent entre elles par endroits, à travers des flexures et failles ou indirectement par drainance ascendante (ABHS, 2006). Mis à part son alimentation par son impluvium, par abouchement et par ré-infiltration des eaux d’irrigation, la nappe phréatique est alimentée également par une drainance du Lias. Le coefficient d’infiltration généralement admis pour ces plateaux est de 30% des précipitations reçues. L’alimentation par les flexures est réelle mais non visible (ABHS, 2006).

L’abouchement avec le Lias se fait au pied sur trois tronçons bien définis:

- tronçon d’Agouraï- el Hajeb: 18 Km

- tronçon môle primaire-route d’Immouzer du Kandar: 33 Km

- tronçon route de Sefrou- oued Sebou: 15 Km

Quant au Lias, il est affecté par une série de failles d’origine atlasique qui ont compartimenté l’aquifère profond en plusieurs panneaux isolés mais inter-communiquants. Le Lias n’affleure que très localement dans le bassin. Les affleurements sont localisés en bandes peu étendues au pied du causse moyen atlasique. Partout ailleurs, la nappe est captive sous une série puissante constituée par les marnes du Miocène. La nappe profonde est alimentée par les infiltrations pluviales et nivales sur les reliefs du Causse moyen Atlasique, mais également par ré-infiltration par retour des eaux d’irrigation. Par contre, au Nord dans la plaine du Saïss et le plateau de Meknès (à partir du J. Zerhoun), la présence de marnes tortoniennes imperméables et très épaisses empêche toute possibilité de recharge de la nappe du Lias à partir des eaux de surface.

Outre les prélèvements directs opérés à partir des forages captant la nappe profonde, on note que tout prélèvement opéré sur la nappe phréatique se répercute sur la nappe profonde du fait d’une drainance verticale compensatoire à partir des failles et flexures. C’est pourquoi la baisse du niveau de la nappe phréatique (0,2 à 0,4 m par an) est moins sensible que celle de la nappe profonde (1 à 3 m par an), alors que l’exploitation est plus concentrée sur la nappe phréatique. Ceci est à l’origine du retrait du champ d’artésianisme sur plus de 70% de l’étendu de la plaine (ABHS, 2006).

MÉTHODOLOGIE

Compte tenu de sa situation dans une plaine d’importance majeure dans le bassin du Sebou, de sa bonne productivité et du rôle qu’elle joue dans la satisfaction des besoins en eau, le complexe aquifère Fès-Meknès a suscité un grand intérêt. Depuis 1929, où Russo a fait un premier essai de classement des ressources hydrogéologiques de la région de Fès, plusieurs études et travaux se sont intéressés à étudier l’aquifère du Saïss en toute sa complexité. Ces recherches et études ont concerné tous les aspects, notamment la caractérisation de l’aquifère, la quantification et la qualification des ressources en eau souterraines contenues dans ces réservoirs.

Ces différents travaux ont contribué à construire une idée assez cohérente sur la structure et sur le fonctionnement de ce système aquifère et évidemment sur l’évaluation et l’évolution de ses ressources en eau. Toutefois, ces travaux ont donné naissance à plusieurs données hétérogènes et dispersées.

Ce travail vise à exploiter et faire fédérer les données et les informations produites par les travaux précédents, mais aussi les données récentes collectées en vue de produire de l’information pertinente sur la nappe de Saïss afin de mener la communauté scientifique et les décideurs à comprendre davantage le fonctionnement de cet aquifère et ensuite d’agir d’une façon intégrée à la protection et à la sauvegarde des ressources en eau souterraine dans le Saïss.

Dans ce cadre, un travail d’intégration et d’analyse de données spatiotemporelles a été fait dans un entrepôt de données (Datawarehouse), permettant de donner à l’utilisateur une seule vue de l’ensemble des données structurées et organisées de façon à lui procurer une information ainsi que de produire une panoplie de cartes et de graphes.

Le choix de stockage de données a été porté sur l’entrepôt de données. En 1996, Inmon a définit un entrepôt de données comme « une collection de données, intégrées, non volatiles et historiées pour la prise de décisions». Dans un entrepôt de données, les données sont organisées en fonction des exigences analytiques des utilisateurs. Les entrepôts de données sont peuplés en utilisant différentes sources de données pour lesquelles ils fournissent une vision unifiée et homogène. Contrairement aux données opérationnelles qui ont une durée de vie limitée, les entrepôts de données doivent permettre une analyse historique (Bimonte, 2007).

Deux étapes sont considérées essentielles pour l’élaboration de l’entrepôt de données relatif à la nappe du Saïss:

- Le processus de l’ETL (Extract, Transfert, Load) qui est basé sur une opération d’extraction des données des différentes sources de données hétérogènes, puis les analyser et les transformer en des formats adaptés aux besoins pour la charger en fin de compte dans un entrepôt de données.

- L’architecture et le design de l’entrepôt de données. Nous avons choisis pour notre cas un schéma relationnel.

Pour l’élaboration de ce travail, on s’est basé principalement sur:

- les données d’inventaires menés par l’Agence de Bassin Hydraulique du Sebou (ABHS) en 2004;

- les données du Plan Directeurs des Ressources en eau souterraines du Sebou;

- les données d’une enquête sur terrain faite dans le cadre d’un projet de fin d’étude mené à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, au Département Eau Environnement et Infrastructures en 2014, dans trois communes rurales au niveau de la plaine du Saïss, « Ait Naamane », « Ait Bourzouine » et « Ait Harzallah » et qui a intéressé 320 points de prélèvements des eaux souterraines pour des fins d’irrigation. Ces trois communes sont localisées au Sud-Ouest de la plaine de Saïss, vers le début du causse Moyen Atlasique. Les points d’eau se trouvent exactement en dessus de la limite de la nappe de Saïss vers le Nord, entre des altitudes variant de 700 à 950 mNGM.

- des données sur l’évolution piézométrique jusqu’à 2014 de certains piézomètres au niveau de la nappe du Saïss, issues de l’ABHS.

Quant aux outils de traitement et d’analyse de données, nous avons travaillé avec PostGis comme outil de gestion de bases de données spatiales et Qgis comme outil de cartographie et de traitement de données.

RÉSULTATS

Évolution des points d’eau sur le bassin du Saïss

Avec l’avènement de la sécheresse des années 80 et le développement agricole qu’a connu la plaine, il y eu un recours massif à l’usage des eaux souterraines de la nappe de Saïss pour satisfaire les besoins en eau des différents usages, et particulièrement ceux de l’agriculture. La plaine a donc connu une surexploitation accrue des ressources en eau souterraines, comme seule ressource sécurisant la production, à travers la multiplication des différents dispositifs de prélèvements d’eau, dont plusieurs n’ont pas fait objet d’autorisations.

Les forages de prospection hydrogéologique ont commencé en 1949 et au début de 1985, on comptait 83 forages ayant touché ou traversé le Lias. Ce nombre a été porté à 193 au début de l’année 2002 (sans compter les ouvrages des particuliers). Le Causse moyen Atlasique a été reconnu également par plusieurs dizaines de forages, notamment durant la dernière décennie où le programme d’alimentation en eau potable du monde rural (PAGER) a été lancé (Amraoui, 2005).

Selon l’Agence de bassin hydraulique du Sebou, on dénombre actuellement environ 12.000 points d’eau sur la plaine du Saïss. Les points d’eau ont connu une évolution remarquable depuis les années 70. Le nombre de points d’eau a grimpé de 700 points avant 1970 pour arriver à environ 1.500 points en 1980. A partir de cette année, on enregistre une croissance presque linéaire des points d’eau jusqu’à arriver à 12.000 points en 2012 avec une moyenne de 330 points annuellement (Figure 5).

Localisation, types et caractéristiques des points d’eau

Localisation et types de points d’eau

La figure 7 présente la localisation de l’ensemble des points d’eau se trouvant sur la plaine de Saïss. Cette carte est donc le fruit du travail d’intégration de données de différentes sources, élaborée dans le cadre de ce travail. Les types d’ouvrages qu’on retrouve dans la plaine sont principalement de trois types (Puits, Forages, Puits-Forages).

On note une prédominance des puits et un nombre important de forages et de puits-forages. Les puits sont localisés sur des formations du quaternaires, principalement sur les calcaires lacustres du Plio-villafranchien. Quand aux forages et puits-forages, ils se retrouvent plutôt vers le sud de la Nappe du Saïss.

Pour illustrer l’évolution des types des dispositifs de prélèvement à partir des eaux souterraines du Saïss, nous avons pris l’exemple des 3 communes de la province d’El Hajeb (à la limite Sud de la plaine du Saïss), qui ont fait l’objet de l’enquête effectuée en 2014. En analysant les données relatives aux points d’eau à vocation agricole se trouvant dans cette zone, on constate une tendance nette au surcreusement par sondage et à l’approfondissement des puits. Cette tendance s’est particulièrement accentuée à partir de 1998 et surtout durant les années de sécheresse telles que 2001/2002 (Figure 6). Cette tendance au surcreusement n’est que la conséquence directe de la baisse du niveau d’eau de la nappe et l’assèchement des ouvrages de captage (El Kinani et Ben Hammadi, 2014).

Caractéristiques des points d’eau

Profondeur des points d’eau

Initialement, l’exploitation des ressources en eau souterraines de la plaine de Saïss se faisait à partir de la nappe phréatique. Désormais, l’exploitation de la nappe profonde se fait à travers des forages et des puits approfondis en forages captant également les eaux de la nappe phréatique. L’interaction naturelle par drainance entre les deux nappes, se trouve accentuée par une interaction artificielle.

La surface de l’eau de la nappe phréatique (mesurée en février-mars 2005) par l’ABH du Sebou se situe généralement entre 10 et plus de 40 m de profondeur. Au Nord du bassin, les profondeurs sont faibles; généralement inférieures à 20 m. Au Sud et à l’Ouest du bassin, la profondeur de l’eau est généralement supérieure à 30 m. Au centre, cette profondeur est comprise entre 25 et 35m (ABHS, 2006).

L’enquête de 2014 a révélé que les profondeurs des points d’eau recensés varient entre un minimum de 17 m et un maximum de 220 m, soit une moyenne d’environ 70,5 m. Ainsi, les points de prélèvement peuvent être regroupés en six classes selon leurs profondeurs. L’enquête effectuée lors de la préparation du projet de fin d’études (El Kinani, Ben Hammadi, 2014) a montré que la moyenne de la profondeur de la nappe phréatique reste en moyenne de 0 à 40 m (Figure 8).

Piézométrie de la nappe

La piézométrie de la nappe du Saïss a fait l’objet de plusieurs études. Ce travail prendra en considération les résultats de ces études et les nouvelles acquisitions. Pour analyser la dynamique de la piézométrie dans la nappe du Saïss, nous avons choisis quatre piézomètres pouvant représenter l’état général de la nappe: IRE n° 290/22; 1197/15; 2366/15 et 2792/15.

L’analyse de l’historique des données issues du réseau de mesures de l’ABHS (Figure 8), montre que le niveau piézométrique dans la nappe phréatique a tendance à baisser d’année en année depuis la période de la pluviométrie d’équilibre (en l’occurrence 1980). Néanmoins, les années humides 2008-2009 et 2009-2010 ont eu un impact très positif sur le niveau piézométrique de la majorité des points d’eau. Les apports enregistrés au niveau du bassin du Sebou, et notamment le bassin du Saïss, durant ces deux années, ont contribué à la recharge de la nappe du Saïss.

Cette réalité s’affirme clairement au niveau de la nappe phréatique (Figure 9). A titre d’exemple, l’évolution piézométrique de 1970 à 2014 du point d’eau IRE N°1197/15 se trouvant à la limite Nord Est de la nappe du Saïss, où les années sèches, particulièrement les années hydrologiques (1983, 1985, 1992 et 2000), ont impacté sur le niveau de la nappe du sol qui a régressé passant de 3.5 m en moyenne à 8,5 m par rapport au sol.

Cependant, vers le côté Sud Est de la nappe du Saïss, au niveau du point d’eau IRE N°2366/15, le niveau piézométrique par rapport au sol est plus profond en comparaison avec le coté Nord de la nappe, oscillant aux alentours de 38 m. L’évolution du niveau d’eau dans ce point d’eau a connu plusieurs périodes de 1993 à 2014. Une période d’approfondissement de la nappe dans les années de sécheresse au début des années 90, un redressement vers la fin des 90’s et puis une régression avec l’avènement d’une autre période de sécheresse en 2000 et qui a perduré presque 8 ans arrivant jusqu’à 45 m en dessous du sol. Il fallait attendre 2008, où les apports importants des années humides qui ont suivi, ont pu remonter le niveau de la nappe à environ 30 m par rapport au sol.

Au niveau de la nappe profonde, le niveau piézométrique enregistre des baisses importantes, dépassant 90 mètres vers le panneau de Haj Kaddour et ce depuis les années 80 (Figure 8). En effet, la nappe a connu un rabattement important et continu au niveau du point d’eau IRE N°290/22 depuis 1980 jusqu’à 2008 dépassant les 90 m en dessous du sol (90 m en 30 ans). De 2008 jusqu’à 2014, le niveau a pu se stabiliser grâce à la recharge de la nappe due aux apports d’eau enregistrés ces dernières années.

Équipement de pompage et énergie

En se basant sur les études antérieures, notamment l’étude d’inventaire des redevables d’eau d’irrigation et d’alimentation en eau potable et industrielle et à partir des nappes de la plaine de Fès-Meknès établie par l’ABHS ainsi que les résultats de l’enquête établie en 2014 dans 3 communes de la province d’El Hajeb, on s’aperçoit que l’énergie dominante utilisée pour le pompage est l’énergie thermique. En effet, les moteurs à Gaz Butane sont les plus courants (80,6 %), alors que ceux au Gasoil ne sont présents que chez 6,7% des agriculteurs enquêtés (El Kinani et Ben Hammadi, 2014).

Quand au type de pompes, l’inventaire de 2004 a fait ressortir qu’il y a trois types de pompes utilisées dans la plaine du Saïss, qui sont les pompes à axe vertical (71 %), suivies des pompes immergées (27 %) et des pompes à axe horizontal (3 %), à l’exception de la province de My Yaâkoub où le type à axe verticale l’emporte largement sur les autre types de pompes. Cependant, l’enquête de 2014 a révélé que pour le 3 communes d’El Hajeb, on utilise deux types de pompes (El Kinani et Ben Hammadi, 2014):

- les Pompes à axe vertical qui représente 87,3% des pompes inventoriées et sont utilisées dans des zones où les niveaux de la nappe sont profonds ou par des agriculteurs qui ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour équiper leurs ouvrages de captage par des pompes immergées.

- les Pompes immergées représentant 12,7% des pompes. Ces pompes équipent essentiellement les ouvrages dans des zones de moyenne bathymétrie ou dans les ouvrages de haute profondeur qui existent dans des exploitations à grande capacité financière notamment des nouveaux investisseurs dans la zone et qui font généralement de l’arboriculture.

Évolution des sources

Les sources et les oueds dans la plaine du Saïss constituent deux systèmes hydrauliques extrêmement liés. Tous les oueds, à leur passage dans le bassin, drainent les deux nappes (phréatique et profonde) à travers des résurgences des eaux souterraines ou de sources.

Le bassin de Fès-Meknès est drainé par une multitude de sources (Figure 10), caractérisées par (ABHS, 2006):

- la variabilité de leurs débits (quelques l/s à plus d’un m3/s);

- leur origine qui peut être la nappe phréatique, profonde ou un mix;

- leur température.

On distingue ainsi plusieurs types de sources (Essahlaoui, et al., 2001):

- les sources issues essentiellement des calcaires liasiques: A. Chkeff, A. Bourkaiz, les sources thermo-minérales: A. Skhounate (38 °C), A. Sidi Harazem (30 à 33 °C) et A. Moulay Yacoub (54 °C);

- les sources d’origine mixte (Lias et Plio-Quaternaire): A. Ben Kazza, Amellal, Ghara, Smène, Ras El Ma, etc;

- les sources d’émergence de la nappe phréatique, situées généralement en bordure des oueds peu encaissés (oued Ouislan, Jdidah et Madhouma, EL Kell, N’ja, etc).

Les campagnes de Février-Mars et de septembre 1984 menées par l’ABHS, ont concerné 60 sources, groupes de sources et oueds. Le total des débits mesurés variait respectivement entre environ 10,2 et 11,0 m3/s. En Mars-Avril 2005, l’ABH du Sebou a mené une campagne de jaugeage qui a concerné 49 sources, totalisant un débit d’environ 1500 l/s (environ 47 Mm3/an) (ABHS, 2006). Le débit total du drainage naturel des aquifères (oueds et sources) du bassin s’élève à environ 2,3 m3/s (environ 72 Mm3/an), ce qui représente une baisse d’environ 80 % par rapport à la situation de 1984. Cette baisse est la conséquence directe des déficits pluviométriques accumulés dans le bassin (notamment depuis le début 1980) et de l’augmentation des prélèvements (agricoles et d’AEP) dans les nappes constituant le bassin de Fès-Meknès. Par conséquent, le déficit d’écoulement dans les oueds est un résultat direct de la chute du débit des sources.

Depuis la rupture du régime pluviométrique d’équilibre à partir des années 80, toutes les sources du bassin ont accusé une baisse de débit allant de quelques dizaines de pour cent à cent pour cent. Il fallait attendre les années humides à partir de 2008, particulièrement les années hydrologiques 2008/2009 et 2009/2010 pour voir la tendance de l’évolution des débits des sources au niveau de la plaine du Saïss se redresser. La figure 11 montre que pour les quatre sources prises comme exemples (IRE n° 853/22, 107/22, 2997/15 et 889/15), il y a un effet de régression suivie par une rehausse des débits de source. En effet, la pluviométrie importante qu’a connue la plaine ces dernières années a eu un impact très positif sur le débit de la majorité des sources.

Certes, la diminution des débits des sources du piémont est en grande partie due à celle des apports pluviométriques dans le Causse. Par contre dans la plaine, c’est la sur-exploitation des ressources qui est la principale cause des baisses de débits et des niveaux piézométriques.

DISCUSSION

Intégration des données: difficultés et limitations

L’intégration des données spatio-temporelles dans un entrepôt de données s’avère certes une solution très efficace pour l’élaboration d’un système d’aide à la décision. Néanmoins, outre la disponibilité d’une donnée complète, nous avons rencontré une série de difficultés lors du processus d’intégration des données relatives à la nappe du Saïss, particulièrement l’hétérogénéité et la distribution des données.

En effet, pour ce travail, l’hétérogénéité est de 3 types:

- Syntaxique: La donnée est sous différents formats. Exemple: l’information sur un point d’eau est trouvée sous format shapefile, raster, tableur, …etc.

- Schématique où sémantique: les données sont stockées dans différentes bases de données avec des schémas différents d’organisation de données. Exemple: les inventaires des points d’eau ont été faites pour différentes zones dans la plaine du Saïss à différentes dates et leurs données ont été stockées et organisées dans différents systèmes de base de données.

- Sémantique: une donnée est identifiée différemment. Exemple: une source d’eau peut avoir un nom comme elle peut avoir un identifiant de ressource en eau (N° IRE).

Mis à part les difficultés relatives à l’hétérogénéité et la distribution des données, une question se pose sur la fiabilité des données et par conséquence la pertinence des données. Les incertitudes sur les données se manifestent dans notre cas sous plusieurs formats:

- Incertitude sur la source des données et sur les données elles même.

- Incertitude sur chacune des étapes du processus d’intégration des données, à savoir l’extraction, l’analyse et la transformation, et le chargement des données dans un entrepôt de données.

Nappe phréatique et nappe profonde: quelles interactions ?

Nous avons vu que les deux nappes communiquent entre elles par endroits, à travers des flexures et failles ou indirectement par drainance ascendante, et que tout prélèvement opéré sur la nappe phréatique se répercute sur la nappe profonde.

Après l’analyse de l’existant en termes d’études, de recherches, et aussi des données collectées et traitées, il était difficile d’imaginer la structure détaillée des deux aquifères et peu de pistes mènent vers l’explication du fonctionnement du système aquifère et des relations ou des canaux de communications résidents entre la nappe phréatique du plio-quaternaire et la nappe profonde du Lias. L’information trouvée se base généralement sur des analyses et des constats qui restent moyennement superficielles et nécessitent davantage d’investigations pour décrire en détail la circulation de l’eau entre ces deux couches.

CONCLUSION 

Le présent travail vient compléter une série d’études et de recherches réalisées dans le Saïss ayant pour objectif d’améliorer les connaissances en matière de la maîtrise et de gestion des ressources en eau souterraine. Une prise de décision ne pourrait avoir lieu que si elle se base sur une information sure et fiable. Nous avons essayé de prouver par ce travail l’importance d’une approche nouvellement apparue dans le domaine de la gestion des ressources en eau, et particulièrement souterraines, qui est l’intégration de données spatio-temporelles dans un entrepôt de données. En dépit de ses vertus, cette approche reste tributaire de la fiabilité des données elles même et limitée par l’incertitude touchée dans les différentes étapes du processus. L’exploitation de ces données traitées et organisées nous a permis de dresser l’état des lieux des ressources en eau souterraines du Saïss et de comprendre leur évolution à travers la production de cartes et de graphiques.

La multiplication des points d’eau dans un temps record, leurs approfondissements et leurs équipements continu par des systèmes de pompages de plus en plus puissants viennent affirmer la surexploitation de la nappe de Saïss et confirmer qu’on est dans une situation de course au pompage. En effet, l’analyse de l’historique de la piézométrie, de la profondeur des points d’eau et le débit des sources au niveau de la nappe du Saïss montrent que les conditions climatiques sévères qu’a connu la plaine du Saïss et les prélèvements excessifs des ressources en eau souterraines pour subvenir aux besoins en eau croissants de la région, ont influencé négativement la réserve du système aquifère du Saïss. Cette tendance à la baisse a connu un léger redressement avec les apports en eau enregistrés depuis 2008.

L’impact des prélèvements via des points d’eau touchant les 2 nappes superposées, est plus grave sur la nappe profonde que sur la nappe phréatique. Ceci confirme l’existence de canaux de communications entre les 2 nappes. Cependant, les efforts déployés jusqu’à maintenant pour la compréhension du fonctionnement de ce système complexe, restent limités et méritent d’être approfondis davantage.

RÉFÉRENCES CITÉES 

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