Résumé

La lutte antidopage dans le milieu hippique connaît deux approches distinctes qu’il s’agisse des substances illicites ou des molécules légitimement utilisées en thérapeutique équine mais possédant un caractère dopant. Le Sénégal étant dans une démarche de mise en place d’un contrôle antidopage en routine dans les disciplines équestre emprunte les pistes déjà établies. Toutefois, l’appellation contrôle des médications n’étant pas de routine au Sénégal, cet article écrit en trois sessions, s’est proposé de rappeler cet aspect qui est intimement lié à l’expression commune connue « contrôle antidopage » connue dans ce pays. Pour ce faire, la première session est consacrée au dopage dans le monde hippique avec pour rappel de l’évolution de la définition du dopage, des types de dopage et les classes des substances utilisées dans le dopage chez les chevaux. Ensuite, la deuxième session est conservée à la lutte antidopage et au contrôle des médications. Les recommandations à l’endroit de chacun des acteurs impliqués dans les courses des chevaux ont terminé la troisième session de cet article.


Mots clés: Lutte antidopage, contrôle des médications, acteurs des courses hippiques, Sénégal

INTRODUCTION 

A la recherche de plus de victoires, de plus de résultats et de gain, l’amélioration des performances des chevaux à travers le dopage s’est introduite dans les disciplines équestres et hippiques. Bien que le dopage ait commencé chez les athlètes grecs vers le VIème siècle avant J.C., ce n’est qu’à partir du XIXème siècle qu’il connait une grande ampleur surtout dans le domaine des courses hippiques (Wittevrongel, 2016). Face à cette tentation d’usage de substances dopantes dont les athlètes ont été les précurseurs et qui n’a pas échappé aux animaux dont principalement les chevaux, le contrôle antidopage est rapidement devenu une nécessité (Bonnaire, 2005). Mais depuis 2004, une nouvelle approche du contrôle antidopage existe dans le cadre européen. Les structures officielles ne parlent plus de «contrôle antidopage» mais de «contrôle de médications» (Toutain, 2005). Le même auteur affirme que cette évolution sémantique souligne l’importance de distinguer le contrôle des substances totalement interdites de celui concernant des médicaments légitimement utilisés pour traiter un cheval malade. En effet, «contrôle antidopage» est le terme communément utilisé au Sénégal qui est dans une démarche de lutte contre le dopage au niveau des courses hippiques. Cette dénomination prenant directement en compte le «contrôle des médications», l’objectif visé par cet article est de rappeler aux différents acteurs impliqués dans les courses de chevaux au Sénégal cet aspect et de leurs proposer des recommandations adéquates qui s’imposent. Pour ce faire, une première session est consacrée au dopage dans le monde hippique avec pour rappel de l’évolution de la définition du dopage, des types de dopage et les classes des substances utilisées dans le dopage chez les chevaux. Ensuite, la deuxième session est conservée à la lutte antidopage et au contrôle des médications. Nous terminerons par les recommandations à l’endroit de chacun des acteurs impliqués dans les courses des chevaux en troisième session.

Dopage dans le milieu hippique

La définition du dopage varie d’un pays à un autre mais elle a également évolué au cours du temps et avec l’apparition de nouvelles substances dopantes (Lavoisier, 2016).

Définitions du dopage

Les premières définitions du dopage apparurent au début du XXème siècle, sous le terme anglo-saxon «doping» et concernaient essentiellement l’administration de stimulants. Elles se limitaient à l’utilisation d’alcaloïdes et de leurs dérivés, ou d’excitants au sens large. Avec ces définitions toutes les molécules aux effets sédatifs utilisées aux fins de calmer un cheval avant une compétition étaient donc oubliées (Main De Boissiere, 2013).

Par la suite, les définitions ont évolué parallèlement aux méthodes et substances employées mais également avec la prise en compte de l’éthique sportive et du bien-être animal (Meuly, 2019).

La Fédération Internationale Médicosportive à Tokyo en 1964 a défini lors de la Conférence Internationale sur le doping, le dopage comme «l’administration ou l’utilisation par un athlète de toute substance étrangère au corps ou de toute substance physiologique prise en quantité anormale ou par une voie d’administration anormale avec l’intention d’augmenter de manière artificielle et injuste ses performances en compétition» (Giersak, 1994).

La plus grosse révolution depuis fut la mise en place du concept de «substance prohibée» qui rend illicite le fait de faire courir un cheval ayant reçu un produit inscrit sur une liste donnée de substances interdites, quelle que soit la voie d’administration ou la dose reçue. En effet, jusque-là, les accusés justifiaient l’utilisation de certains médicaments en argumentant que les quantités n’étaient pas suffisantes pour avoir un effet sur le cheval et que le produit ne pouvait donc pas être considéré comme pharmacologiquement actif (Barboussat, 2007).

Gadot (2005) souligne que, s’Il est commun d’admettre que le dopage consiste en une manœuvre artificielle pour améliorer une performance, en utilisant des substances chimiques, ce que la société condamne, en réalité, ceci est trop restrictif et il convient d’étendre la notion de dopage à toute modification de la performance par l’usage de procédés ou de substances.

Le dictionnaire Larousse 2016, va alors définir le dopage comme le «fait d’administrer, d’inciter à l’usage, de faciliter l’utilisation, en vue d’une compétition sportive, de substances ou de procédés de nature à accroître artificiellement les capacités physiques d’une personne ou d’un animal ou à masquer leur emploi en vue d’un contrôle».

En France, dans les sports équestres, le règlement de la Fédération Française d'Équitation (FFE) donne la définition suivante: «le dopage consiste dans l’utilisation de produits pouvant modifier le comportement physique et/ou psychique et/ou dans l’utilisation de produits faisant obstacle à leur détection et susceptibles de nuire à la santé du cheval». L’article 233 du code des courses indique qu’ «aucun cheval déclaré partant ne doit receler dans ses tissus, fluides corporels ou excrétions, aucune substance ou métabolite de cette substance qui soit une substance prohibée ou aucune substance dont l’origine ou la concentration ne peut être rattachée à la nourriture normale ou habituelle» (Courtot et Jaussaud, 1990).

Comme le souligne (Meuly, 2019), il n’existe pas une définition universelle du «dopage» et bien que la définition varie d’un pays à un autre, au sein d’un même pays, les définitions varient selon l’organisme organisateur.

Types de dopage

Thomas Tobin cité par Meuly (2019) a établi 7 catégories de médication ou de dopage selon leur objectif d’utilisation:

Dopage pour gagner

À action aiguë, de courte durée, en utilisant des stimulants tels que les amphétamines, la cocaïne, les narcotiques (morphine, apomorphine…). À action chronique, en petites quantités mais de façon répétée sur plusieurs semaines, par administration de vitamines ou de stéroïdes anabolisants.

Dopage pour perdre

Il s’agit de l’utilisation de tranquillisants, sédatifs ou « épresseurs» administrés à fortes doses. Cette médication est rare, également illégale, et le plus souvent due à̀ une malveillance de la part d’un autre concurrent.

Dopage pour restaurer les performances habituelles

Il concerne les substances utilisées pour dissimuler un phénomène douloureux, notamment pour les problèmes locomoteurs. Les produits utilisés sont des AINS (phénylbutazone, kétoprofène, flunixine, etc.), des corticoïdes administrés par voie intra-articulaire pour contrôler les douleurs articulaires, des anesthésiques locaux pour bloquer la sensibilité nerveuse ou articulaire (lidocaïne, benzocaïne, etc.), des fluides et des électrolytes.

Dopage accidentel

Ce type de dopage a deux origines possibles soit une alimentation contenant des produits interdits (contaminants accidentels comme l’œillette contenant de la morphine dans les céréales), soit un résidu de traitement lorsqu‘un délai suffisant entre l’administration d’un médicament et la compétition n’a pas été respecté.

Dopage pour masquer d’autres substances

C’est le cas de l’utilisation de certains composés tels que la dipyrone, le polyéthylène glycol ou la thiamine qui peuvent interférer avec la détection d’autres produits non autorisés.

Dopage pour «diluer» d’autres substances

Il s’agit de l’usage de diurétiques (furosémide, acide éthacrynique, hydrochlorthiaside...) qui diminuent la concentration urinaire en substances dopantes, rendant leur détection plus difficile. De même, les inhibiteurs de la sécrétion tubulaire (probénécide) qui modifient la cinétique d’excrétion urinaire de certains composés.

Dopages divers

D’autres pratiques telles que des transfusions sanguines, l’administration d’érythropoïétine, de bicarbonates, d’antibiotiques ou la névrotomie palmaire et digitée qui supprime la perception de douleur provenant du pied peuvent également être rencontrées.

CLASSIFICATION DES SUBSTANCES DOPANTES

La classification des substances dopantes chez les chevaux de course retrouvée dans la littérature varie selon les auteurs mais son essence reste le même. Cette classification varie aussi qu’il s’agisse de courses hippiques ou des sports équestres. Deux classifications sont présentées dans cet article. Il s’agit de celle de Devoltz et celle de la Fédération Equestre Internationale (FEI).

Devolz cité par Lambolez (2011) a établi en 1995 une classification qui prend en compte l’origine et l’utilisation des substances. Ainsi, les substances dopantes peuvent être classées comme le souligne Lambolez en quatre catégories à savoir les dopants «vrais», les résidus de molécules thérapeutiques, les substances endogènes et les contaminants alimentaires.

La classification de la FEI rapportée par Meuly (2019) distingue les substances dopantes en deux grandes catégories à savoir les substances prohibées et les autres substances. Les détails de cette classification se trouvent dans la rubrique consacrée à cette dernière dans cette session.

Classification selon Devoltz

Les dopants majeurs

Les molécules appartenant à cette catégorie sont celles retrouvées dans les échantillons des chevaux réellement dopés et ne sont pas utilisées en thérapeutique classique chez le cheval. Ces substances sont administrées à des fins de tricheries évidentes et dans le seul but d’améliorer les performances du cheval. Parmi ces molécules on peut trouver des anabolisants naturels comme la testostérone ou la nandrolone ou synthétiques comme le stanozolol ou la boldénone. Les peptides, comme les hormones de croissance, entrent également dans cette catégorie.

Les résidus de molécules thérapeutiques

Les chevaux sont des athlètes qui sont susceptibles de subir des traitements médicaux curatifs et préventifs. C’est pourquoi il est relativement beaucoup plus fréquent de retrouver lors des contrôles ce genre de molécules que les dopants majeurs. Une enquête de terrain est menée systématiquement par les services vétérinaires pour déterminer si la molécule a été utilisée à des fins thérapeutiques ou non. Cette classe regroupe toutes les molécules thérapeutiques employées chez le cheval. Par exemple, une petite quantité d’AINS ou d’anesthésique local dans une articulation douloureuse peu de temps avant une épreuve, peut avoir un effet dopant, alors que les concentrations dans le prélèvement seront très faibles. Ces mêmes faibles concentrations peuvent aussi correspondre à des résidus d’un traitement par voie générale bien antérieur censé ne plus avoir d’effet au moment de l’épreuve.

Les contaminants alimentaires

Comme vu précédemment, certaines molécules susceptibles de positiver un contrôle anti-dopage peuvent être retrouvées dans l’alimentation du cheval. En effet, ces contaminations sont dues en majeures parties à l’introduction dans les aliments industriels de cosses de cacao qui ont une teneur assez élevée en bases xanthiques tel que la caféine, la théobromine ou la théophylline qui sont toutes des substances prohibées.

Les substances endogènes

Cette classe de substance comprend certaines molécules naturellement secrétées par le cheval et cette législation s’est faite au fur et à mesure des découvertes de différents cas. Par exemple, le seuil d’hydrocortisone a été mis en place à la suite de la détection d’un cas avec une concentration anormalement élevée de cortisone dans l’urine. Un taux endogène est toujours détecté pour ces substances mais elles peuvent être aussi administrées à des fins de dopage. C’est pour cela qu’un seuil de tolérance a été mis en place pour éviter l’utilisation abusive de ces molécules On peut retrouver dans cette liste des hormones naturelles comme la testostérone, la nandrolone ou le cortisol. On retrouve le même principe pour des substances qui peuvent être retrouvées dans l’alimentation naturelle du cheval. Parmi ces substances, on peut citer l’arsenic, l’acide salicylique ou la théobromine.

Classification de la Fédération Équestre Internationale (FEI)

Les substances prohibées

Le terme de substances prohibées regroupe les substances interdites et les substances contrôlées. Il est à noter que toutes les autres substances ayant une structure chimique ou un effet biologique similaire à ces molécules sont également interdites.

Une substance interdite est une substance que l’on ne devrait jamais trouver dans l’organisme d’un cheval. Les molécules interdites sont considérées comme ayant une action propre à modifier les performances du cheval au cours d’un effort. Il est interdit d’utiliser ces substances, à l’entraînement, pour les courses ou avant et pendant une compétition. Cela concerne des classes pharmacologiques entières notamment les substances anabolisantes, les hormones peptidiques et facteurs de croissance et assimilés, les hormones et modulateurs métaboliques.

Les substances contrôlées font partie de l’arsenal thérapeutique classique chez le cheval, mais sont tout de même interdites lors de courses ou de compétitions puisqu’elles ont vocation à soigner un animal malade, et qu’un animal sous traitement n’a pas sa place dans une compétition ou un entraînement. Le cheval peut de nouveau concourir lorsque les effets résiduels de ses traitements ont disparu.

Les autres substances

Les substances spécifiées ou à seuil

Récemment l’introduction du concept de «substances spécifiées» définit une substance qui permet, sous des conditions définies, de justifier la réduction d’une sanction lorsque le contrôle de l’athlète quant à cette substance est positif. La sous-classification à titre de substance «spécifiée» ou «non spécifiée» vise à reconnaître qu’il est possible qu’une substance se retrouve dans le corps d’un sportif par inadvertance, ce qui accorde au tribunal une certaine souplesse pour déterminer la sanction. Elles ne doivent pas être considérées comme moins importantes ou moins dangereuses que d’autres substances prohibées (c’est-à-dire interdites ou contrôlées).

Les substances exclues de la liste des substances prohibées

Certains des médicaments ne sont jamais recherchés car ils sont considérés comme ne possédant pas de propriétés qui seraient de nature à remettre en cause l’équité sportive. Il s’agit des:

• Substances antiparasitaires strictes à l’exception du lévamisole en raison de ses propriétés immunostimulantes;

• Substances anti-infectieuses strictes à l’exception des mélanges contenant d’autres substances (anti- inflammatoires ou anesthésiques locaux) et

• Les vaccins.

LUTTE ANTIDOPAGE ET CONTRÔLE DES MÉDICATIONS

Importance et enjeux de la lutte antidopage

L’utilisation de substances dopantes influençant les résultats en compétition, est perçue comme un moyen de tricherie et ainsi un moyen de tromper le public et les parieurs. Les enjeux des courses, notamment économiques, ont donc rapidement imposé de protéger les intérêts du parieur (Wong et Wan, 2014).

Dans le même esprit, les résultats obtenus en courses ont une incidence directe sur la sélection des chevaux. C’est pourquoi la volonté de préserver une compétition saine s’est imposée. Faire gagner des chevaux médiocres dopés c’est courir le risque qu’ils soient sélectionnés à tort comme reproducteurs, et à l’inverse perdre le potentiel d’un cheval non dopé de qualité quoique perdant (Gadot, 2005).

Enfin les deux derniers axes, non des moindres, mais ayant moins d’impact économique, sont le bien-être animal et l’éthique. La protection de la santé des sportifs, cavaliers et chevaux est devenue une des finalités du contrôle anti-dopage (Meuly, 2019).

La lutte antidopage a évolué avec l’évolution de la définition du «dopage». Auparavant, seule l’administration d’un produit pharmacologiquement actif sur les aptitudes physiques ou psychiques du cheval était considérée comme une fraude (Giersak, 1994). Ainsi, la lutte antidopage tente constamment de s’adapter aux nouvelles méthodes de dopage. En ce qui concerne les cas de dopage mettant en cause des substances chimiques, la lutte contre, passe par des analyses de laboratoires. Il importe alors aux laboratoires de contrôle de disposer des méthodes analytiques capables de prouver une tentative de dopage. En effet, si la seule présence d’une substance dite «interdite» traduit un cas de dopage, ceci n’est pas le cas avec les substances dites à «seuils» et celles dites «contrôlées» à l’exemple des antiinflammatoires non stéroïdiens ou d’autres médicaments utilisés à but thérapeutique chez le cheval mais possédant un caractère dopant. Il est remarqué comme le souligne (Bruyas, 2013) que certains cavaliers utilisent ainsi des «cocktails» de plusieurs antiinflammatoires non stéroïdiens différents, à des doses faibles, de façon à ce que leurs présences ne soient pas dépistées, mais qu’ils soient tout de même efficaces grâce à leurs actions cumulatives. A cette remarque, il en ressort que les enjeux analytiques sont bien réels et conditionnent d’une part la lutte antidopage.

Orszag (2008) souligne qu’à la différence des substances illicites qui relèvent du contrôle antidopage sensu stricto car tout est mis en œuvre pour détecter la moindre trace, il est préférable de parler de contrôle des médications lorsque l’on fait référence aux nombreuses autres substances médicamenteuses dont l’usage médical s’avère parfaitement légitime.

Contrôle des médications dans la lutte antidopage: principe

Toutain (2005) a affirmé que les Autorités hippiques européens ont souligné qu’il importe de de bien distinguer les contrôles de substances totalement interdites (anabolisants, psychostimulants, etc.) de ceux concernant des médicaments légitimement utilisés pour traiter un cheval malade. Pour ce qui est des substances totalement interdites, il s’agit uniquement lors des contrôles analytiques de détecter l’absence ou la présence de ces dernières. Comme le dit Meuly (2019), cette approche est donc binaire (présence ou absence) et n’appelle pas à un jugement biologique et scientifique quant à la signification des concentrations mesurées. On parle de contrôle d’exposition.

En revanche, dans le contrôle des médications, ce n’est pas la seule présence d’une substance médicamenteuse qui est à rechercher mais sa présence à une concentration encore active lors des épreuves ou à l’entrainement. Ce sont les effets pharmacodynamiques d’un traitement qui sont condamnés. Dans cette approche, la grande différence avec le contrôle de l’exposition repose sur la nécessité d’un jugement biologique sur la signification des concentrations mesurées (Toutain et Lassourd, 2002).

A cet effet, que faire pour éviter des sanctions qui peuvent être liées au contrôle de médications et favoriser la lutte antidopage chez les chevaux de course ?

Recommandations aux acteurs des courses de chevaux au Sénégal

D’une manière générale, il s’agit de faire appel à une prise de conscience de tous les acteurs des courses de chevaux face à l’importance de faire courir des chevaux sans substances ou procédés à les faire doper. Spécifiquement, il s’agit de fournir des dispositions adéquates aux différents acteurs vis-à-vis du contrôle des médications mais aussi de favoriser la lutte antidopage dans les courses de chevaux au Sénégal pour une bonne image de cette discipline sportive. Les recommandations citées relèvent de la plupart de la synthèse bibliographique.

Aux vétérinaires praticiens

À la suite d’un contrôle positif, les vétérinaires traitants peuvent être impliqués dans la procédure à plusieurs titres. D’une part du fait de leur prescription et d’autre part du fait des conseils associés à cette prescription. Dans ces deux situations quelques pièges sont à éviter et des dispositions sont à prendre.

Une ordonnance doit être rédigée systématiquement, même pour les traitements que le vétérinaire administre lui-même et elle doit comporter les mentions obligatoires exigée pour toute ordonnance. Des duplicatas de ces ordonnances doivent être conservés un an afin de pouvoir justifier tout traitement.

Une bonne gestion des traitements de l’animal doit permettre de l’amener exempt de toutes substances prohibées au moment des courses ou compétitions. Quant aux prescriptions chez un cheval à l’entraînement, elles doivent être raisonnées et judicieuses. En voici quelques dispositions pratiques:

• Pour le choix du principe actif, la priorité est donnée aux médicaments ayant une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour l’espèce équine. En l’absence de spécialités adaptées, le vétérinaire peut prescrire un médicament ayant l’AMM pour une autre espèce animale ou un médicament humain. Au sein d’une même classe thérapeutique et pour une efficacité équivalente, la molécule ayant la demi-vie d’élimination la plus courte sera privilégiée ;

• Pour la forme galénique la mieux adaptée (sels, esters, complexes...), elle est choisie en fonction du profil pharmacocinétique recherché. Dans tous les cas, les formes à libération prolongée sont à éviter ;

• Pour la voie d’administration la plus sûre, la voie intraveineuse est à privilégier. Pour les traitements par voie orale, il est préférable d’administrer le traitement à la seringue directement dans la bouche de l’animal, afin de diminuer les risques de contamination des autres chevaux de l’écurie;

• Pour le temps limite de détection des traitements administrés lors du contrôle à ne pas confondre avec le délai d’attente donné par le fabricant. A cet effet, toujours demander aux propriétaires de faire un contrôle de dépistage avant toute compétition. Il importe de se rappeler que le temps de détection varie aussi d’une spécialité pharmaceutique à un autre même si c’est le même principe actif.

Le vétérinaire est l’interlocuteur privilégié pour donner au cavalier et au propriétaire de l’animal des conseils pédagogiques concernant:

• Les risques de contamination des écuries lors des traitements médicamenteux;

• L'utilisation des compléments alimentaires;

• La composition et les risques liés aux différents traitements administrés aux animaux;

• La gestion des traitements dans le temps par rapport aux épreuves;

• La gestion de la pharmacie de l’écurie et la tenue d’un classeur de prescriptions.

Le vétérinaire doit s’assurer de ne pas être en infraction en demandant un contrôle de dépistage suite à une utilisation de préparation extemporanée ou de phytothérapie ou d’homéopathie chez le cheval traité pour être exempt de toute poursuite judiciaire.

Pour informer des risques encourus en matière de dopage, il faut en être soi-même informé, d’où la nécessité de maintenir ses connaissances à jour sur le plan scientifique. Ceci est valable aussi bien pour le vétérinaire que le pharmacien d’officine.

Aux pharmaciens d’officine

Du fait de leur responsabilité dans la délivrance des médicaments vétérinaires et la prévention de la santé humaine et animale, les pharmaciens d’officine ont un rôle majeur à jouer dans la lutte contre le dopage chez les chevaux de course. Le pharmacien d’officine doit travailler en collaboration avec les vétérinaires pour fournir des conseils avisés aux cavaliers. Toutefois il est nécessaire d’être vigilant afin que ces informations ne puissent pas faciliter l’usage des médicaments à mauvais escient.

Aux laboratoires pharmaceutiques

Les laboratoires pharmaceutiques peuvent mener diverses actions afin de limiter les risques liés au dopage. Ils peuvent proposer des temps de détection et délais d’attente pour les molécules les plus couramment utilisées en médecine vétérinaire (de la même façon qu’ils fixent les LMR). Ceci permettrait aux vétérinaires de pouvoir comparer les molécules d’une même classe pharmacologique et de pouvoir choisir celle possédant le délai d’attente le plus court.

Au Laboratoire de Contrôle des Médicaments Vétérinaires (LACOMEV)

Le LACOMEV doit pouvoir disposer des méthodes analytiques de contrôle capable de détecter à des degrés de traces pour les substances dites interdites et capable de confirmer des concentrations plasmatiques et urinaires résiduels pharmacologiquement actifs pour les médicaments. En ce qui concerne l’application et les difficultés liées aux contrôles des médications, le LACOMEV doit s’imprégner des expériences des autres laboratoires spécialisés dans le contrôle antidopage.

Aux Autorités en charge des courses hippiques au Sénégal (Direction du Développement Équin et le Comité National de Gestion des courses de chevaux)

Il s’impose aux autorités en charge des courses hippiques d’organiser des journées de sensibilisation impliquant chacun des acteurs de la filière sur la lutte antidopage où le cas spécifique du contrôle des médications sera relevé. En outre, ils doivent permettre aux vétérinaires praticiens de disposer de la liste les médicaments disposant d’une AMM chez le cheval ainsi que celle des substances prohibées et des actualisations qui sont faites.

Aux jockeys, aux entraîneurs et aux propriétaires des chevaux

Il importe aux jockeys, aux entraîneurs et aux propriétaires des chevaux de montrer leur bonne foi dans la lutte contre le dopage en respectant les consignes en vue de préserver l’image des courses de chevaux au Sénégal et par là assurer le bien-être et le programme de sélection des chevaux.

CONCLUSION 

Il est aujourd’hui connu dans la lutte antidopage chez les chevaux de course deux types de substances pour lesquelles les Autorités hippiques ont choisi d’adopter des stratégies différentes pour en contrôler l’usage. Les substances illicites qui n’ont pas leur place dans un contexte sportif telles que les anabolisants dont la moindre trace d’exposition traduit un dopage et les molécules utilisées légitimement comme les médicaments mais possédant un caractère dopant à l’exemple des tranquillisants et des anti-inflammatoires non stéroïdiens où un jugement biologique est porté sur les niveaux de concentrations urinaires et plasmatiques détectés. Cette approche dans la lutte antidopage exige de chacun des acteurs des dispositions pratiques en particulier au Sénégal où l’expression «contrôle antidopage» englobe directement celle «contrôle des médications». Les informations ainsi que les recommandations formulées dans cet article serviront d’indications pratiques à chacun des acteurs des courses de chevaux au Sénégal.

BIBLIOGRAPHIE

Barboussat C. (2007). Chevaux de courses, chevaux de sport et contrôle anti-dopage: situation en 2006. Thèse Doc. Pharm., Grenoble.

Bonnaire Y. (2005). Contrôle des substances prohibées chez les chevaux: aspects techniques et nouvelles perspectives. Bull. Acad. Vét. France, 158: 47-50.

Bruyas J-F. (2013). Lutte contre le dopage dans les sports hippiques et équestres en France : principes et pratiques.Bull. des GTV, 71: 81–89.

Courtot D. et Jaussaud P. (1990). Le contrôle anti-dopage chez le cheval. INRA éd. Paris, 156 p.

Gadot P-M. (2005). Réglementation de la lutte contre le dopage du cheval. Bulletin de l’Académie Vétérinaire France, Tome 158.

Giersak F. (1994). Évolution et perspectives du contrôle antidopage chez le cheval. Thèse Doct. Vét., Lyon.

Lambolez P.-E. (2011). Aspects réglementaires et techniques de la lutte contre le dopage dans le milieu équestre: Conséquences sur les performances. Thèse Doct. Pharm., Nancy.

Lavoisier S. (2016). Contribution à l’élaboration d’une méthode indirecte de détection du dopage aux bêtabloquants et alpha2- agonistes chez le cheval. Thèse Doc. Vet., Alfort.

Main De Boissiere A. (2013). La lutte contre le dopage chez l’athlète équin: étude rétrospective portant sur 703 cas dépistés entre 2007 et 2011 en sports équestres et courses hippiques. Thèse Doct. Pharm., Nantes.

Meuly A. (2019). Pharmacocinétique du diazepam chez le cheval dans le cadre de la lutte anti-dopage. Thèse Doc. Vet., Toulouse.

Orszag A. (2008). Cinétiques d’élimination plasmatique et urinaire de la phénylbutazone chez le cheval dans le cadre de la lutte anti-dopage: application au contrôle des médications. Thèse Doc. Vet., Toulouse.

Toutain P.L. (2005). Du contrôle anti-dopage aux contrôles des médications chez le cheval: l’approche européenne. Bulletin de l’Académie Vétérinaire France, Tome 158.

Toutain P.L. et Lassourd V. (2002). Pharmacocinetic/pharmacodynamic approach to assess irrelevant plasma or urine drug concentrations in post-competition samples for drug control in the horse. Equine Veterinary Journal, 34: 242-49.

Wittevrongel G. (2016). Les médicaments délivrés à l’officine interdits chez les chevaux de compétition et chez ceux destinés à l’alimentation humaine. Thèse Doct. phar., Limoges.

Wong J. K. Y., Wan T. S. M. (2014). Doping control analyses in horseracing: A clinician’s guide. The Veterinary Journal, 200: 8-16.