Résumé

Dans la région de Fès-Meknès, notamment au Moyen Atlas, la culture du pommier est d’une importance capitale. En effet, elle occupe le deuxième rang des spéculations arboricoles de la région derrière l’amandier. Néanmoins, cette culture est sujette à une multitude de maladies, aux ravageurs et à l'infestation par les adventices. Une enquête sur les connaissances, les perceptions et les pratiques (CPP) des pomiculteurs en matière de lutte contre les ennemis du pommier et de changement climatique a été menée au printemps 2018 dans deux principales provinces productrices de pommes de la région Fès-Meknès. Chaque pomiculteur a déclaré avoir perçu en moyenne deux maladies et trois ravageurs dans son verger. La protection phytosanitaire a été effectuée par une combinaison de méthodes de lutte culturale et chimique. Tous les pomiculteurs enquêtés ont appliqué des traitements d’hiver et environ 60% d’entre eux ont adopté la surveillance des bioagresseurs par inspection visuelle avant d'appliquer des produits phytosanitaires. En outre, 42 % des répondants ont choisi ces derniers sur la base des informations reçues des revendeurs de pesticides et une moyenne de 20 traitements par an était appliquée dans chaque verger. Une analyse de régression multiple a montré que ni l'âge des pommiers ni le nombre d'applications de pesticides n'influaient sur le rendement. Quant aux conditions météorologiques défavorables, tous les vergers de pommier étaient affectés et les problèmes fréquemment ressentis étaient les gelées, la grêle, le vent chaud et la pénurie d'eau. 51 % des vergers étaient protégés avec des filets anti-grêle. Afin de réduire le taux d'applications de pesticides, l'agriculture biologique est une approche alternative et environ 40 % ont accepté de se convertir à cette pratique à condition que la facilitation du marché soit établie.


Mots clés: Vergers de pommiers, CPP des pomiculteurs, protection phytosanitaire, changement climatique, région Fès-Meknès, Maroc

Introduction 

La production de pommes joue un rôle primordial du point de vue socio-économique dans la région de Fès-Meknès au Maroc. C’est la principale source de revenus pour un large segment de petits et moyens agriculteurs dans les Moyen et Haut Atlas où le pommier est considéré comme l’une des cultures arboricoles les plus adaptées aux conditions édapho-climatiques. La région représente près de 38% de la production de pommes et 34% de la superficie cultivée du pays. Cette filière génère 3 millions de jours de travail et un chiffre d’affaires d’environ 10 milliards pour le pays (Alami, 2017).

Pour booster l’économie, la filière pomme reçoit un soutien et des incitations du gouvernement dans le cadre du contrat programme entre le gouvernement et la Fédération pour le Développement de l’Arboriculture au Maroc (FeDAM) pour la période 2011-2020. Le contrat-programme vise à améliorer le développement de la filière en augmentant la production, en promouvant et améliorant les conditions de valorisation des pommes, en développant des projets d’agrégation autour d’unités de valorisation et en renforçant les organisations professionnelles associées à cette filière (Anonyme, 2017b).

Malgré tous ces avantages, la production de pommes est confrontée à de nombreux problèmes et contraintes, notamment aux bioagresseurs et aux conditions météorologiques défavorables. Il est à noter que la filière manque de bonnes pratiques agricoles et de facilitation du marché (Anonyme, 2017a). Les contraintes liées aux pratiques phytosanitaires pourraient être surmontées en améliorant les connaissances, les perceptions et les pratiques (CPP) des pomiculteurs en matière de protection phytosanitaire.

Au Maroc, la protection phytosanitaire du pommier est coûteuse en raison du nombre élevé d’applications de pesticides. En outre, ces dernières dépendent de la situation de chaque verger et de la pullulation de bioagresseurs. Cela rend difficile l’établissement d’un calendrier de traitement (Oukabli, 2004). Les intrants chimiques ont suscité des inquiétudes face à la prise de conscience croissante des consommateurs. Les impacts du changement climatique sur l’agriculture deviennent de plus en plus importants dans la région. La production de pommes diminue considérablement en raison des fluctuations de la température et des précipitations. Ces conditions météorologiques défavorables constituent l’un des problèmes majeurs qui entravent la production de pommes (Maazouz, 2016). Par exemple, à Draa-Tafilalet, la région voisine de Fès-Meknès, cette production a diminué de 40% en 2016 (Jirrari, 2017) due aux conditions climatiques défavorables et à l’alternance de la productivité des arbres.

Gardant à l’esprit les problèmes d’ennemis de la culture de pommier et de changements climatiques affectant la production, notre enquête s’est concentrée sur la prise de décision des pomiculteurs, leurs connaissances, perceptions et pratiques en matière de gestion de ces problèmes. Les données recueillies ont été utilisées pour:

• Évaluer les problèmes liés aux bioagresseurs et au changement climatique que les pomiculteurs considèrent comme les plus importants;

• Caractériser les CPP des pomiculteurs en matière de gestion des ennemis du pommier, ainsi que leurs pratiques d’adaptation aux aléas climatiques dans les provinces d’Ifrane et de Sefrou.

Matériels et Méthodes 

Zone d’étude

Notre étude s’est déroulée dans deux principales provinces productrices de pommes, à savoir Ifrane et Sefrou, dans la région de Fès-Meknès au Maroc. En termes de répartition de la superficie du pommier dans la région, la province d’Ifrane représente environ 45%, suivie de la province de Sefrou (28%) et le reste se situe dans les provinces d’El Hajeb et de Boulemane (Alami, 2017). Cette région se caractérise par un climat allant du méditerranéen au continental avec un hiver froid et un été chaud. Par ailleurs, le climat froid et humide, très enneigé en hiver et tempéré en été, favorise la production de pommes dans les régions montagneuses (Courti, 2016).

Échantillonnage

Une enquête a été menée d’avril à juin 2018 dans les deux principales provinces productrices de pommes de la région de Fès-Meknès. Un échantillonnage en boule de neige a été adopté dans chacune des provinces. Au total, 46 pomiculteurs de sept communes: province d’Ifrane (8 à Ain Leuh, 3 à Dayat Aoua, 3 à Sidi El Makhfi, 8 à Tigrigra et 3 à Timahdite) et province de Sefrou (12 à Ait Sbaa et 9 à Laanoucer) ont été enquêtés.

Le questionnaire visait à fournir des informations sur les caractéristiques générales des pomiculteurs et de leurs vergers. Il visait également à évaluer les bonnes pratiques phytosanitaires, ainsi que les impacts du changement climatique sur la qualité et la quantité des rendements. Le contenu du questionnaire et le type de questions posées ont été convenus après des entretiens avec des informateurs clés. Nous devions tenir compte des principaux ravageurs et maladies d’importance économique pour la production de pommes. Leurs perceptions relatives aux aléas climatiques ont également été prises en compte. Enfin, un guide d’entretien avec les pomiculteurs basée sur un questionnaire a également démontré ces problèmes.

Analyse statistique

Les données de l’enquête ont été codées et l’analyse statistique réalisée à l’aide du logiciel statistique SPSS (version 20). Les pourcentages sont basés sur le nombre de répondants et, dans les cas où plusieurs réponses ont été obtenues, la taille totale de l’échantillon a été utilisée. Des tests paramétriques et non paramétriques ont été réalisés.

Résultats

Caractéristiques des pomiculteurs et de leurs vergers

L’âge des pomiculteurs variait de 22 à 80 ans et 50% d’entre eux dans les deux provinces étaient âgés de plus de 40 ans. Dans l’ensemble des répondants à l’enquête, tous les pomiculteurs au-delà de l’âge de 60 ans n’ont pas suivi un enseignement formel, 31,4% ont arrêté à l’école primaire, 20,0% au secondaire et 11,4% ont atteint le niveau de l’enseignement supérieur (Figure 1B). Presque tous les pomiculteurs interviewés étaient propriétaires de leurs vergers. Cela implique qu’ils avaient autorité dans la prise de décision en termes de pratiques phytosanitaires. Néanmoins, plus de pomiculteurs dans la province d’Ifrane étaient instruits que ceux de Sefrou.

L’âge des vergers de pommiers était compris entre 4 et 40 ans. Selon les enquêtés des deux provinces, 71,1 % des vergers avaient la superficie inférieur à 5 ha et 15,8 % de ceci supérieure à 15 ha (Figure 1B). De plus, les données recueillies ont montré que plus de 90% des vergers avaient moins de 5 ha dans la province de Sefrou, alors que ce segment ne représentait que 37,5 % à Ifrane. Une ANOVA unidirectionnel a été menée pour comparer l’effet de la superficie de vergers de pommiers entre les provinces. Ceci a eu un effet significatif [F (1, 43) = 7,610; P = 0,008]. 70 % des porte-greffes utilisés provenaient des pépinières locales, tandis que 30 % étaient importés de pays européens.

L’analyse des sols est d’une importance primordiale en agriculture. Cela aide à déterminer la quantité d’intrants nécessaires pour remédier aux carences en éléments nutritifs. 20,0% des pomiculteurs enquêtés ont analysé leur sol au moins une fois tous les deux ans, 31,1 % tous les trois à cinq ans et 48,9 % n’ont jamais pensé à effectuer une analyse de sol. En outre, environ 67 % et 33 % des pomiculteurs dans la province d’Ifrane et de Sefrou respectivement ont déclaré avoir effectué l’analyse de l’eau d’irrigation.

Variation du rendement

Un rendement élevé constitue l’ambition de chaque agriculteur. D’après l’enquête menée dans les deux provinces, le rendement moyen au cours des cinq dernières années a varié de 16 à 40 t/ha. Cela a mis en lumière les fluctuations de la productivité dans les provinces. Le rendement moyen dans la province d’Ifrane et de Sefrou était respectivement d’environ 30 et 25 t/ha en 2017.

En général, les agriculteurs perçoivent l’application de pesticides pour lutter contre les ravageurs et les maladies dans le but d’obtenir des rendements plus élevés. Pour vérifier si des conclusions similaires pouvaient être tirées pour les pomiculteurs, nous avons effectué une analyse de régression linéaire multiple. Le modèle (R2 = 0,003; P > 0,05) basé sur l’âge des pommiers (coefficient de régression normalisé B = -0,028; P> 0,05) et l’application de pesticides (B = 0,041; P> 0,05) pourraient expliquer l’importante variation observée (Tableau 1). D’après l’analyse, le rendement n’était influencé par l’âge des pommiers ni par la quantité de pesticides appliquée.

Perceptions des pomiculteurs en matière de protection phytosanitaire

En réponse à la question concernant les principales maladies dans leur verger, chaque pomiculteur enquêté a mentionné en moyenne deux maladies (écart-type = 0,86). Indépendamment, les maladies les plus fréquemment signalées étaient la tavelure du pommier causée par Venturia inaequalis (Cooke) G. Wint. (82,6% des pomiculteurs) et oïdium du pommier (Podosphaera leucotricha Ell Et Ev) par 73,9% des pomiculteurs. Les pourritures racinaires (Phytophthora spp.) et le feu bactérien (Erwinia amylovora) ont été signalés par 21,7% et 8,7% des pomiculteurs respectivement. La présence des maladies dans le verger a été reconnue par les symptômes et les stades physiologiques des pommiers. Les pertes de rendement dues aux maladies n’étaient généralement pas connues par les pomiculteurs. Cependant, ils ont déclaré dépenser plus d’argent en insecticides et acaricides qu’en fongicides.

En ce qui concerne des principaux ravageurs, chaque pomiculteur en a mentionné en moyenne trois (écart-type = 0,98) appartenant à cinq familles d’insectes nuisibles: Tortricidae, Aphididae, Diaspididae, Tetranychidae et Psyllidae. Ils ont décrit les espèces de ces familles selon les dégâts et la période d’apparition au cours des stades phénologique du pommier. Environ 63% des répondants ont fait état du carpocapse (Cydia pomonella L.) Jusqu’à 67% ont mentionné les acariens tétranyques (Panonychus ulmi Koch et Tetranychus urticae Koch). 78% d’entre eux ont déclaré des attaques des pucerons notamment le puceron lanigère (Eriosoma lanigerum), le puceron vert (Aphis pomi De Geer) et puceron cendré (Dysaphis plantaginea Passerini). 30% d’entre eux ont signalé des cochenilles, une espèce très connue était le pou de Sans José (Quadraspidiotus perniciosus Comstock).

Protection phytosanitaire du pommier

Tous les enquêtés ont déclaré effectuer une taille d’hiver et en vert au cours de la croissance végétale. Cette phytosanitation est complétée par la désinfection après chaque taille avec de l’hypochlorite de sodium ou de composés de cuivre et mastiquer les plaies de taille pour éviter les maladies. Ils traitent également les outils de taille pour éviter le transfert de ces dernières dans le cas où elles se présentent. Après la taille, 50% des pomiculteurs enquêtés brûlent les rameaux, 23% les donnent comme incitations aux ouvriers agricoles et le reste les broient et réutilisent comme paillis dans le verger.

Les pomiculteurs enquêtés ont signalé l’utilisation des mêmes matières actives pour lutter contre la tavelure et l’oïdium du pommier. Un total de 9 fongicides systémiques appartenant aux classes de benzimidazoles (thiophanate-méthyle et carbendazime), de strobilurines (trifloxystrobine et de krésoxime-méthyle) et de triazoles (difénoconazole, myclobutanil, propiconazole, hexaconazole et tétraconazole) ont été répertoriées. La matière active systémique la plus utilisée était le thiophanate-méthyle (9,7%) (Figure 2). Cependant, les fongicides de contact ont été plus appliqués que les fongicides systémiques. Les composés soufrés étaient les plus utilisés (15,2%). En plus des traitements d’hiver, ces pomiculteurs ont signalé de 7 à 8 traitements par an.

Des ingrédients actifs tels que le fosétyl-aluminium, des régulateurs de croissance des plantes, REGALIS (Prohexadione-calcium) ont été déclaré par 30% des pomiculteurs pour contrôler le feu bactérien. De plus, ils ont tous signalé le renforcement d’une combinaison d’assainissement, de pratiques culturales et de traitement d’hiver pour gérer cette maladie.

Pour la lutte chimique contre les ravageurs, 42 insecticides homologués correspondant à 13 matières actives et 17 acaricides appartenant à 3 matières actives ont été répertoriés (Tableau 2). Chaque répondant a utilisé ces différentes matières actives à une moyenne de 5,81 (Erreur standard SE = 0,66). Il y avait une confusion sur les noms des matières actives, impliquant que chaque matière active pouvait être utilisée à plusieurs reprises en raison des noms commerciaux différents. Par exemple, on pourrait demander à un pomiculteur s’il effectuait la rotation des matières actives. Son affirmation en nommant différents noms commerciaux à un produit n’était pas conforme aux normes. En effet, une matière active, l’imidaclopride, a été utilisée sous quatre noms commerciaux différents, à savoir Confidore, Nupride, Pride et Imiducel.

Diverses méthodes de désherbage étaient adoptées par ces pomiculteurs. Parmi les répondants, 31,8% ont désherbé leur verger manuellement, suivis du désherbage mécanique (22,7%) et du désherbage chimique (15,9%). La combinaison du désherbage manuel et mécanique et du désherbage mécanique et chimique a donné le même pourcentage (11%). Ceux qui pratiquaient le désherbage chimique utilisaient peu de matières actives et la rotation de ceci pouvait être rare. Les herbicides utilisés dans les provinces étudiées étaient les suivants: NASA 36SL (glyphosate) et AFFINEX (5 g/l de carfentrazone-éthyl + 360 g/l de glyphosate d’isopropylamine).

Utilisation des produits phytosanitaires

Environ 60% des répondants ont déclaré la surveillance leurs vergers pour diagnostiquer les dégâts avant d’appliquer des pesticides (Figure 3). Ceci sert non seulement à lutter contre ravageurs et les maladies, mais également à détecter les dommages causés par les aléas climatiques. Malheureusement, ces pomiculteurs ne tiennent guère compte des seuils de nuisibilité avant de pulvériser les pesticides.

Le choix des produits phytosanitaires est d’une importance primordiale pour la protection des plantes et de l’environnement. 41,9 % des répondants ont eu recours à des revendeurs de pesticides. Plus important encore, 62 % pomiculteurs de la province de Sefrou comptaient davantage sur les revendeurs de pesticides que ceux d’Ifrane (23%). Le nombre d’applications de pesticides variait de 8 à 40 fois au cours de la saison de croissance et le nombre moyen de traitements était de 20. Jusqu’à 63% des agriculteurs ont effectué des traitements post-récolte avec des fongicides systémiques tels que le thiophanate de méthyle, le difénoconazole et la carbendazime.

Perception des pomiculteurs sur le changement climatique

Lorsque les pomiculteurs ont été enquêtés sur les principaux problèmes affectant la production, ils ont toujours mentionné les conditions météorologiques défavorables, notamment les gelées, la grêle, le chergui (Vent chaud et sec qui souffle du sud-est du Maroc), et la pénurie d’eau. Au cours de l’enquête, seuls quelques pomiculteurs ont signalé la pénurie d’eau et le chergui, bien qu’ils posent de graves problèmes. Il y a une perception selon laquelle la distribution des températures et des précipitations a subi un changement important en plus d’une augmentation globale des précipitations récemment. En fait, la température est parfois restée supérieure à la normale pendant la saison hivernale. Selon les pomiculteurs, des chutes de neige tardives en février et en mars ont entraîné une baisse des températures et donc un début tardif du printemps. Ils ont ajouté que cela perturberait le cycle de vie des ravageurs et des maladies. Le fruit est l’organe le plus vulnérable à être affecté par la grêle. En conséquence, la qualité des fruits est compromise par les blessures physiques et la réduction de la surface foliaire. De plus, le risque de pénétration de l’agent phytopathogène par le biais d’une blessure est plus grand. Les gelées peuvent causer une destruction totale des fleurs et des fruits. En raison de ces contraintes, plus de 65% des pomiculteurs de chaque province vérifient quotidiennement les prévisions météorologiques locales. Parmi des répondants, environ 51,3 % utilisaient des filets anti-grêle dans leurs vergers dont 75% et 25 % dans la province d’Ifrane et de Sefrou respectivement.

Approche alternative: sensibilisation des pomiculteurs à la production biologique

Tous les pomiculteurs enquêtés dépendaient de la combinaison des méthodes de lutte culturale et chimique et il n’y avait aucun cas de lutte biologique signalée. De plus, il n’existait aucune session de formation à la gestion intégrée des ennemis de la culture du pommier. Certains pomiculteurs avaient entendu parler des ennemis naturels, mais ils ont dit qu’ils ne pourraient pas les utiliser ou les contrôler en cas de traitement. En outre, aucun rapport sur les vergers biologiques dans les deux provinces n’a été signalé. En fait, 60% d’entre eux ont admis ne pas avoir de connaissances en matière de lutte biologique. Tous ces pomiculteurs n’ont jamais été formés aux méthodes de contrôle biologique et aucune agriculture biologique n’a été constatée dans les provinces. Néanmoins, 40,5% des agriculteurs étaient disposés à se convertir à l’agriculture biologique dans les temps à venir (Figure 4). Cela dépend de la création d’un marché pour leurs produits et des exigences en matière de formation. À l’inverse, d’autres ont expliqué les difficultés et les connaissances impliquées, notamment en ce qui concerne les ennemis naturels de l’agriculture biologique et leur mise en œuvre.

Discussion 

Concernant les résultats obtenus sur les CPP des pomiculteurs, ces producteurs n’ont pas réussi à optimiser le rendement. En effet, les fluctuations de la productivité pourraient être surmontées par des décisions très judicieuses sur les pratiques phytosanitaires. Leurs perceptions relatives aux organismes nuisibles sont faibles. En outre, le nombre d’application des pesticides était, dans une certaine mesure, très élevé. Ces pomiculteurs ont à peine utilisé la méthode de lutte biologique ce qui leur permettrait de diminuer l’utilisation des pesticides de synthèse.

Les principaux ravageurs qu’ont signalés les pomiculteurs dans la province d’Ifrane et de Sefrou ont été décrits indépendamment comme les principaux organismes nuisibles à la culture du pommier dans la région de Fès-Meknès (Hmimina, 2017, Sekkat, 2015, Sekkat, 2017a, Sekkat, 2017b). En effet, les pucerons, le carpocapse et les acariens tétranyques ont été mentionnés par plus de 60% des répondants et 30% d’entre eux ont signalé des cochenilles.

Selon Ajaanid (2016), les principales maladies du pommier au Maroc sont la tavelure du pommier, l’oïdium du pommier, le feu bactérien, les pourritures racinaires, et la pourriture brune. Au cours de notre enquête, quelques pomiculteurs ont pu décrire les symptômes des maladies en fonction des organes attaqués et des stades phénologiques du pommier. Bien que d’autres maladies aient entraîné des pertes de rendement énormes en cas d’épidémie, 82,6% et 73,9% des pomiculteurs ont mentionné respectivement la tavelure et l’oïdium.

La lutte chimique contre la tavelure et l’oïdium du pommier à la même période avec les mêmes produits peut sembler économiquement raisonnable. Mais le problème de l’efficacité des traitements et du cycle de deux maladies s’impose. Les pratiques d’assainissement constituent une approche fondamentale de la lutte contre les ravageurs et des maladies dans les tactiques de gestion intégrée. La lutte chimique contre les pourritures racinaires et le feu bactérien s’effectue en utilisant le fosétyl-aluminium. La protection pourrait également être assurée par la combinaison de métalaxyl et de fosétyl-Al aluminium. Pour contrôler le feu bactérien, des mesures préventives telles que l’utilisation de composés de cuivre et les pratiques d’assainissement peuvent être appliquées fréquemment dans un verger (Sekkat, 2017b) . Les composés du cuivre sont fongistatiques et bactériostatiques. Il est nécessaire d’adopter un raisonnement en faveur d’une gestion intégrée et durable des maladies du pommier afin de minimiser leurs effets sur les rendements à court, moyen et long terme (Ajaanid, 2016).

Le changement climatique est une préoccupation mondiale et les pomiculteurs l’ont compris en raison de conditions météorologiques défavorables telles que les faibles besoins en froid, la grêle, les gelées, la pénurie d’eau et le chergui. Maazouz (2016) souligne que le changement climatique est l’une des principales contraintes au développement de la filière pomme au Maroc. Selon certains auteurs (Botzen et al., 2010), les dommages causés par la grêle augmenteront de 25 à 50% d’ici 2050 à l›avenir si le réchauffement climatique entraîne une nouvelle augmentation de la température.

Les filets anti-grêle ont été utilisés par certains agriculteurs des deux provinces. Ces filets ont également des effets sur le microclimat, la croissance des pommiers, la fructification et la qualité des fruits. Toutefois, l’installation de filets anti-grêle coûte très cher, même s’il s’agit d’un investissement à long terme. Plus de 65% des agriculteurs des deux provinces ont déclaré vérifier quotidiennement les prévisions météorologiques locales, ce qui les aidera également à lutter contre les ravageurs. D’autres mesures d’adaptation des agriculteurs au changement climatique, telles que le passage à de nouvelles variétés (les variétés à faible besoin en froid et à rendement élevé), le choix de production agricole, la technique de l’irrigation goutte-à-goutte, la récolte d’eau pluviale, l’utilisation de compost, etc., pourraient remédier à ces contraintes.

Les vendeurs de pesticides et des autorités impliquées dans la protection des végétaux jouent un rôle important en fournissant des informations et des conseils sur la sélection des pesticides aux pomiculteurs. Les perceptions des pomiculteurs vis-à-vis de l’environnement pourraient être évaluées sur la base de leurs priorités lors de l’achat de pesticides spécifiques, telles que les coûts, l’efficacité et la sécurité environnementale. 41,9% des habitants de la région interrogée avaient recours à des vendeurs de pesticides.

Il existe de nombreux ennemis naturels pour la lutte biologique contre des pucerons, le carpocapse et des acariens tétranyques (Ajaanid, 2016; Hmimina, 2017; Sekkat, 2015). Malheureusement, la lutte biologique n’a pas été signalée dans les provinces. Les agriculteurs ont signalé les difficultés rencontrées pour acquérir des connaissances sur la lutte biologique. La lutte biologique contre les insectes nuisibles dans les vergers de pommiers est une partie importante des programmes de lutte intégrée, nécessitant davantage de recherche et d’application.

Une alternative à la production de pommes conventionnelle est une approche de production biologique. Cela aiderait à remédier aux impacts négatifs de l’utilisation de pesticides sur la santé des opérateurs et sur l’environnement. En effet, 40,5% des agriculteurs étaient disposés à se convertir à l›agriculture biologique dans les temps à venir. Cela dépend de la création d’un marché pour leurs produits et des exigences en matière de formation.

Conclusion 

Nul doute que les résultats de cette enquête sur les pratiques de production de pommes dans la région de Fès-Meknès ont montré que la culture du pommier est confrontée aux maladies, aux ravageurs, à l’infestation d’adventices et aux mauvaises conditions météorologiques. Les conditions météorologiques sont des facteurs environnementaux importants affectant la production des pommes. En ce qui concerne l’approche alternative à la lutte chimique, le FeDAM a besoin d’un plaidoyer pour la mise en place d’une facilitation du marché et de subventions afin de motiver les pomiculteurs qui souhaitent se convertir à la production de pommes biologiques. Les interventions publiques suivantes devraient être envisagées pour promouvoir la filière pommes dans les provinces d’Ifrane et de Sefrou:

• Former les pomiculteurs à améliorer leurs connaissances sur les ravageurs et les maladies et à sensibiliser davantage au changement climatique;

• Superviser les revendeurs de pesticides afin qu’ils fournissent des informations claires et standard aux pomiculteurs afin d’éviter toute confusion entre noms commerciaux et matières actives;

• Assurer la transparence de l’information et une meilleure communication entre les pomiculteurs sur la gestion intégrée des ennemis de la culture du pommier;

• Créer une plateforme pour la production de pommes biologiques.

Références

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Botzen W., Bouwer LM., Van Den Bergh J. (2010). Climate change and hailstorm damage: Empirical evidence and implications for agriculture and insurance. Resource and Energy Economics, 32: 341-62.

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