Résumé

L’objectif de la présente étude a été de contribuer à la valorisation de la plante Quassia africana, plante médicinale à multiple usage. Une enquête ethnobotanique a été réalisée à travers un questionnaire soumis aux enquêtés sélectionnés. Les résultats indiquent que Q. africana traite 21 maladies dent le paludisme est le plus crédible. L’indice Vm montre que les groupes ethniques Yaka et Yombe possèdent une meilleure connaissance des usages de l’espèce végétale que les Mongo. Alors qu’en ce qui concerne l’indice IGKP, les trois groupes socio-culturels possèdent le même niveau de connaissance des usages de la plante. Cependant, les peuples Mongo accordent beaucoup plus d’importance à Q. africana (VUE=3,63) que les deux autres groupes socio-culturels notamment les Yaka (VUE=3,41) et les Yombe (VUE=3,38). Cette étude a permis ainsi de fournir des informations sur la perception des populations locales relative à la fréquence et à l’état de Q. africana en République démocratique de Congo. Etant donné que cette espèce est de plus en plus exploitée en Médecine Traditionnelle et considérée comme une ressource ou une source des revenus, il est dès lors indispensable de comprendre comment cette plante se développe (phénologie), se reproduit ainsi que ses exigences écologiques en vue de sa domestication.


Mots-clés: Pharmacopée traditionnelle, Quassia africana, indice de vulnérabilité, conservation, Kinshasa

INTRODUCTION

A travers le monde, les plantes ont toujours été utilisées comme médicaments. Ces phyto-médicaments sont considérés comme peu toxiques et doux par rapport aux médicaments conventionnels issus des industries pharmaceutiques (Arome et Chinedu, 2013). Ainsi, même actuellement, malgré le progrès de la synthèse organique, l’usage thérapeutique des plantes médicinales est d’actualité dans beaucoup de pays et surtout ceux en voie de développement, en l’absence du système médical moderne (Ngbolua et al., 2014). La pharmacopée atteint jusqu’à 75% d’importance relative des ressources d’approvisionnement pour les communautés forestières en République démocratique du Congo (RDC) (Mandjo et al., 2015). Les industries pharmaceutiques sont de plus en plus intéressées par l’étude ethno-botanique des plantes. L’Afrique dispose, à cet effet, d’une diversité importante de plantes médicinales (Dibong et al., 2011). Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus de 80% de la population en Afrique recourt à la Médecine Traditionnelle pour résoudre le problème de santé primaire (Ngbolua et al., 2011a, b).

Le recours aux plantes médicinales pour divers problèmes de santé est non seulement un choix, mais serait aussi lié à la pauvreté et aux coûts élevés des médicaments modernes (Mongeke et al., 2018; Inkoto et al., 2018; Ngbolua et al., 2018). En Afrique au Sud du Sahara, plus des de 70% de la population dépendent des ressources naturelles pour leur survie (Akabassi et al., 2017). La RDC, par sa diversité culturelle, la richesse et la diversité de sa flore, constitue l’un des réservoirs mondiaux de la biodiversité (Ngbolua et al., 2016a,b; Ngbolua, 2018; Bolia et al., 2019). Pour documenter et pérenniser ce savoir naturaliste, divers travaux de recherches ethnobotaniques ont été entrepris. Certains d’entre eux ont mené leurs études dans l’utilisation des plantes médicinales dans la ville province de Kinshasa. C’est le cas de Ngbolua et al. (2016a,b; 2018; 2019). Ces auteurs ont montré que Quassia africana est l’une de plantes les plus utilisées à Kinshasa. Cependant les groupes ethniques qui exploitent cette ressource n’ont pas été identifiés. Q. africana, est une espèce sauvage de la famille des Simaroubaceae. Sa distribution géographique s’étend du Cameroun au centre de la cuvette congolaise et à l’Angola (Ayafor et al., 1993; Sama et al., 2014). Une enquête ethno-botanique réalisée en RDC a montré que la plante est utilisée dans la partie ouest du pays pour la prise en charge du diabète (Masunda et al., 2019). Les données pharmacologiques démontrent que les différents organes de cette plante sont douées des propriétés antivirales, larvicides, anti-protozoaires et cytotoxiques (Apers et al., 2002; Parida et al., 2002).

La plante est bien connue pour ses métabolites secondaires dont les alcaloïdes à noyau indole et la quassine (Luyengi et Vanhaelen, 1986). Dans une perspective de valorisation et de gestion durable des ressources phytogénétiques, la documentation de savoirs naturalistes locaux est donc indispensable. La présente étude a été initiée dans le but d’identifier le niveau de connaissances de trois groupes ethniques (Mongo, Yaka et Yombe) qui exploitent cette plante médicinale comme phyto-médicament à usage multiple à Kinshasa.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Description du milieu

La présente étude a été effectuée dans la ville province de Kinshasa. Cette ville est située entre 4° 18’ et 4° 25’ de latitude Sud et entre 15° 18’ et 4° 22’ de longitude Est, avec une altitude moyenne de 300 m au-dessus de la mer et elle est limitée au Nord et à l’Est par la province du Kwilu, au Sud par la province du Congo Central et à l’Ouest par la République du Congo. Kinshasa est bâtie sur la rive gauche du fleuve Congo appelé pool Malabo et elle est traversée par des nombreuses rivières dont les trois plus importantes (N’djili, N’sele et Mai-Ndombe) sont dites allogènes. Selon la classification de Koppen, son climat est de type Aw4 c’est-à-dire un climat tropical. Elle est aussi caractérisée par la présence d’une grande saison de pluie d’une durée de 8 mois (souvent entrecoupée d’une petite période sèche à cheval sur janvier et février), soit de mi-septembre à mi-mai, et d’une saison sèche pendant le reste de l’année (Ngbolua et al., 2016a,b). La végétation de Kinshasa se compose des forêts primitives dégradées, des savanes et des formations aquatiques et semi-aquatiques des vallées et pool Malebo. Elle appartient à la région guinéo-congolaise, au domaine du bassin congolais et au secteur de transition congolais-zambézien. La figure 1 donne la localisation géographique des sites d’enquête.

Méthodes

L’enquête ethno-botanique sur Q. africana (Baill.) a été réalisée dans les quartiers Kingabwa (Commune de Limete); Kingasani (Commune de Kimbanseke) et Matadi Mayo (Commune de Mont-Ngafula) selon les principes repris dans la déclaration d’Helsinki. La méthode d’échantillonnage stratifié probabiliste a été utilisée comme précédemment décrit dans nos travaux antérieurs (Ngbolua et al., 2019; Masengo et al., 2021). Elle consiste à diviser la zone d’étude en différente strates, représentées ici par les marchés et ménages et à y associer le même nombre d’enquêtés (60). Dans cette étude, Kinshasa a été stratifié en trois quartiers, chaque quartier représentant un groupe ethnique spécifique. L’enquête proprement dite a permis de savoir comment ces groupes ethniques utilisent cette plante et quelle a été l’abondance de l’espèce durant les années 2016, 2017 et en 2018. Un questionnaire d’enquête a été administré aux enquêtés en vue de répondre aux questions posées. L’enquête a été réalisée au sein de trois groupes ethniques suivant: Mongo, Yaka et Yombe. L’interview a été faite en langue locale (Lingala).

La taille de notre échantillon est constituée de 180 personnes dont 60 au quartier Kingabwa dans la Commune de Limete, 60 au quartier Kingasani dans la Commune de Kimbanseke et 60 au quartier Matadi Mayo dans la commune de Mont-Ngafula. Pour analyser les données le tableur Excel a été utilisé pour l’encodage des informations recueillies sur le terrain. L’importance de Q. africana pour les populations enquêtées a été déterminée par le calcul de la Fréquence d’Utilisation appropriée de la Plante (FUP) selon Akabassi et al., (2017) et Ngbolua (2020).

Avec Ne le nombre total des personnes interviewées; Rv, Rah et Raf sont respectivement le nombre des personnes âgées, adultes et jeunes interviewés qui utilisent au moins une propriété de Q. africana. L’usage est considéré comme crédible si et seulement si FUP est supérieur à 50%.

Le niveau de Crédibilité Global des usages de la Plante (CGLP) est évalué par:

Où Nvc est le nombre des usages crédibles, Nvpc le nombre des usages probablement crédibles et Ntv le nombre total d’usages. La valeur de CGLP montre l’importance de l’évaluation des usages de l’espèce. Si CGPL˂25%; l’espèce peu important; 25≤CGPL˂50%: l’espèce faiblement important; 50≤CGPL˂75%: l’espèce assez important; 75%≤CGPL˂100%: l’espèce très important. L’organe de l’espèce le plus utilisé est identifié par le calcul de la valeur d’indice liée aux organes utiles (IVO) selon la formule suivante: IVO×100. Avec Nvo le nombre d’usages liés à l’organe et Nvt le nombre total d’usage identifiés (Akabassi et al., 2017; Ngbolua, 2020).

L’importance que les différents groupes ethniques accordent aux propriétés de la plante est identifiée par le calcul de la Fréquence d’usage des propriétés (FUPE) de la plante de chaque groupe ethnique.

Avec Rge le nombre d’usages identifiées dans chaque groupe ethnique et Ne le nombre total des personnes interviewées. Alors que l’indice de connaissance Globale (IGKPC) sur l’espèce est obtenue par:

Où Vm est le nombre total moyen d’usages cités par les personnes âgées, les adultes et les jeunes. Ce paramètre indique le niveau global de connaissance sur l’espèce au niveau de chaque groupe socio-culturel (Akabassi et al., 2017; Ngbolua, 2020).

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Caractéristiques ethniques des enquêtés

Les données du tableau 1 renseignent sur les caractéristiques ethniques des enquêtés.

Comme on peut le voir dans ce tableau, Q. africana sont utilisés par 127 personnes (soit 71%) dont l’âge est compris entre 18-50 ans et 53 personnes (soit 29%) de plus de 50 ans.

Catégories des enquêtés

Comme on peut le voir dans la figure 3, les usagers de Q. africana sont les guérisseurs et les vendeurs. Chez le peuple Mongo les usagers de Q. africana sont beaucoup plus des guérisseurs suivis des vendeurs. Alors que dans les deux autres ethnies la différence n’est pas significative entre les deux professions citées. La figure 3 donne la répartition des enquêtés en fonction de leur origine ethnique.

Abondances des produits

Les données du tableau 2 montrent la répartition des enquêtés en fonction de l’abondance de l’espèce durant les trois années.

Comme on peut le voir dans le tableau ci-dessus, l’espèce a été abondante en 2016 chez les Yaka et Yombe (88,3%) ainsi que les Mongo 83,3%, elle a été peu abondante en 2018 chez les Mongo (60%) suivi des Yaka (50%) et les Yombe (33,3%), enfin Q. africana devient rare en 2018 chez les Yombe (30%), chez les Yaka (28,3%) et chez les Mongo (20%). Ces résultats montrent que sur le plan environnemental (écologique), l’espèce Q. africana doit être conservée afin de prévenir sa disparition. D’où nécessiter de mise en place d’une politique visant l’exploitation durable des plantes médicinales en République démocratique du Congo.

Utilisations de plante

Le tableau 3 montre la fréquence d’utilisation appropriée de la Plante (FUPE) dans chaque groupe ethnique et le niveau de Crédibilité Global des usages de la Plante (CGLP).

Comme on peut le voir ci-dessus, l’indice FUPE classe en première position les groupes ethniques Yaka et Yombe (17,7%) suivi des peuples Mongo. Alors que le niveau de crédibilité global de toutes les propriétés de la plante (CGLP) révèle que Q. africana a peu d’importance médicinale (son indice CGLP inférieur à 25%) pour les trois groupes ethniques enquêtés. Cela peut être expliqué par le manque de consensus entre les usagers de cette plante dans le traitement des différentes maladies.

Valeurs d’usages des plantes

Le tableau 4 montre la valeur moyenne totale des usages (Vm) et indice de la connaissance globale (IGKPC) sur Q. africaca au niveau de chaque groupe ethnique.

De ce tableau il ressort qu’en partant de la Vm, les groupes ethniques Yaka et Yombe connaissent mieux et possèdent une meilleure connaissance des usages de l’espèce par rapport au groupe ethnique Mongo. Alors qu’en ce qui concerne l’IGKP, les trois groupes ethniques possèdent le même niveau de connaissance des usages de la plante.

Organes d’utilisations

Le tableau 5 montre la fréquence d’usage des propriétés de Q. africana par les populations des quartiers d’études.

Il ressort de ce tableau 5 que les racines, feuilles, écorces et tiges de Q. africana sont utilisées par les populations enquêtées dans le traitement de 21 maladies parmi lesquelles on peut citer la faiblesse sexuelle, l’avortement, l’insuffisance rénale, les maux de ventre, la lombalgie, la règle douloureuse, le typhoïde, le paludisme, l’helminthiase, les rhumatisme, la dysenterie amibienne, l’obésité, la carie dentaire, les infections bactériennes, la hernie, le diabète, les maux de tête, les douleurs généralisés, l’hémorroïde, la fièvre jaune et le psoriasis.

Parmi ces usages, un seulement s’est révélé crédible, c’est notamment le paludisme (61,7 %). Il est à noter que sur la Fréquence d’Usage (FUP) des 21 usages de l’espèce entre les trois groupes ethniques enquêtés, il y a une prédominance de l’utilisation de la racine (20 usages en termes de citation), feuilles (18 usages), écorces (15 usages) et tiges (14 usages).

En ce qui concerne l’IVO, ce paramètre montre que la racine (30,9 %) est beaucoup plus utilisée suivi de la tige et écorce (23,3 % chacun) et la feuille (22,2 %) respectivement. Parmi les 21 usages médicinales identifiés, un seul est révélé être crédible (le paludisme). Sur le plan environnemental (écologique) l’utilisation des racines comme source des matières premières en médecine traditionnelle peut entraîner la disparition de cette espèce végétale. Nos résultats montrent aussi que les peuples Mongo accordent beaucoup plus d’importance à Q. africana (VUE=3,63) que les deux autres groupes socio-culturels notamment les Yaka (VUE=3,41) et les Yombe (VUE=3,38). Ces données confirment les résultats des travaux antérieurs sur l’attachement des peuples Yaka et Yombe aux plantes médicinales pour la prise en charge des maladies courantes à Kinshasa (Masengo et al., 2021). La présente étude montre aussi qu’un large consensus (FCI˃0,5) entre les personnes âgées les adultes et les jeunes de différents groupes socio-culturels est obtenu quant à l’utilisation de cette plante pour la prise en charge des soins primaires: FCI= 0,923 (Mongo); FCI= 0,912 (Yaka) et FCI= 0,915 (Yombe).

Indications, parties utilisées, mode de préparation et posologie

Les résultats sur les usages (Indications, parties utilisées, mode des préparations et posologie) de la plante sont indiqués dans le tableau 6.

Il ressort de ce tableau que Q. africana est indiquée aux personnes dans les traitements des diverses maladies telles que Lombalgie, maux de tête, faiblesse sexuelle, paludisme, helminthiase, maux de ventre, diabète, règle douloureuse, typhoïde, infection, hémorroïde et paludisme etc. Verre de bambou et pompe à purge sont utilisés comme des mesures posologiques. Alors que quatre modes de préparation des recettes sont utilisés, c’est notamment décoction, macération, infusion et mastication.

Modes de préparation

Comme on peut le voir dans la figure 4 que la décoction est le mode de préparation le plus utilisé dans toutes les trois tribus. En ce qui concerne la macération, une légère prédominance s’observe chez le peuple Mongo, suivi des Yaka et Yombe. L’infusion est moins utilisée dans la préparation des recettes à base de Q. africana. Alors que la mastication est beaucoup plus utilisée par le peuple Mongo, suivi des Yombe

L’indice de vulnérabilité de Q. africana est présenté dans le tableau 7.

Il ressort de ce tableau que Q. africana est très vulnérable (Iv˃2,5). Ce résultat montre l’impact écologique de l’utilisation de Q. africana en ethnomédecine à Kinshasa. La vulnérabilité d’une plante dépend de sa fréquence d’utilisation, de son type morphologique, de son abondance dans le milieu, des usages qu’on en fait, des organes utilisés, du biotope, du mode de dissémination des diaspores, du stade de développement de la plante et de mode de collecte (Nzuki, 2016; Ngbolua, 2020; Masengo, 2021).

Il est aujourd’hui bien établi que la conservation de la biodiversité passe par sa valorisation et donc par la connaissance préalable de des biens et services qu’elle produit (Sinsi et Kampmann, 2010).

Q. africana représente ainsi un capital important à valoriser sur le plan pharmaceutique comme supplément aux médicaments conventionnels à cause du coût élevé des produits pharmaceutiques (Ngbolua et al., 2011a,b). A cet effet, la perte des connaissances traditionnelles médicales et de la biodiversité végétale peut constituer une menace sur la vie des populations qui en dépendent et ne disposant pas d’autres alternatives que la Médecine Traditionnelle. Q. africana étant une espèce très vulnérable au regard des résultats obtenus dans cette étude, l’agroforesterie peut constituer un meilleur système pour sa conservation ex situ. En effet, la restauration écologique des écosystèmes péri-urbains dégradés par Q. africana associé à certaines cultures économiquement rentables permettrait de créer les écosystèmes productifs (agroécosystèmes).

Partant de la revue de la littérature, c’est pour la première fois que la valeur d’usage et la relation entre connaissance locale, groupe ethnique et classe d’âge sont évalués sur Q. africana en RDC. Les résultats de la présente étude ont montré que les usagers de Q. africana sont des personnes adultes dont l’âge est compris entre 18-50 ans. Ces personnes âgées sont aussi sensées fournir des informations plus fiables, car elles détiennent une bonne partie des savoirs naturalistes qui fait partie de la tradition orale (Lakouéténé et al., 2009). Anyinam (1995) montre que la connaissance des propriétés et usages des plantes médicinales est acquise suite à une longue expérience accumulée et transmise d’une génération à l’autre. Benkhnigue et al. (2011) vont dans le même sens en montrant que l’expérience accumulée avec l’âge constitue la principale source d’information à l’échelle locale au sujet de l’usage des plantes en pharmacopée (Mandjo et al., 2015). L’étude réalisée à trois niveaux d’échelle sur la perception des populations locales relative à la fréquence de l’espèce a révélé que dans l’ensemble, l’espèce était abondante, peu abondant actuellement et qu’à l’horizon 2023 si rien n’est fait, on peut assister à sa disparition totale. Cette disparition progressive peut s’expliquer par l’utilisation excessive de la partie sensible de l’espèce qui est la racine. La racine entre dans la constitution des 21 usages médicinaux identifiés. Au niveau des connaissances ethno-botaniques, l’étude a révélée qu’il existe une différence entre les groupes ethniques en ce qui concerne la valeur d’usage. Les groupes ethniques Yaka et Yombe connaissent mieux et possèdent une meilleure connaissance des usages de l’espèce comparativement au groupe ethnique Mongo.

Ce résultat semble être une évidence car le nom commun populaire de l’espèce tire son origine dans la province de Bandundu et du Kongo Central dont la plante est surnommée Musungupeshi ou Divondankadi, un nom qui semblerait être très difficile à reconnaître pour la communauté Mongo.

La communauté Mongo enquêtée dans la Commune de Limete ne reconnaît la plante que par le nom local Diyala-ontomba. Les résultats de ce travail confirment que parmi les 21 usages identifiés, un seul a été révélé être crédible (le paludisme: 61,7 %). Les mêmes observations ont été faites par Ngbolua et al. (2016b). En ce qui concerne l’IVO, ce paramètre a montré que la racine (30,9 %) est beaucoup plus utilisée suivi de la tige et écorce (23,3 % chacun) et la feuille (22,2%) respectivement. Ainsi, il est sans doute que c’est une plante qui court un risque de disparition car la racine est l’une des parties où réside l’intégrité génétique des plantes, et que c’est l’un des organes destinés à la reproduction de la plante. Alors que le niveau de crédibilité global de toutes les propriétés de la plante (CGLP) révèle que Q. africana a peu d’importance médicinale (son indice CGLP inférieur à 25%) pour les trois groupes ethniques enquêtés.

Cela peut être expliqué par manque de consensus entre les usagers de cette plante dans le traitement des différentes maladies. Par ailleurs, les populations locales enquêtées reconnaissent que la décoction, la macération, l’infusion et la mastication des parties (graines, fruits, feuille et tiges) de l’espèce donnent une lotion très riche permettant de traiter diverses affections internes et externes telles que la lombalgie, les maux de tête, la faiblesse sexuelle, l’helminthiase, les maux de ventre, le diabète, la règle douloureuse, la fièvre typhoïde, l’infection, l’hémorroïde et le paludisme. Ces résultats sont similaires aux études ethno-botaniques de Ngbolua et al. (2016b), Fundiko et al. (2017) et Longanga et al. (2000) qui ont signalé qu’en RDC, les écorces des racines et les feuilles de Q. africana sont utilisées pour soigner diverses maladies telles que le paludisme, la hernie, la dysenterie amibienne, la gastrite, la diarrhée et la fièvre typhoïde. En fin, les résultats sur mode de préparation des recettes ont montré que la décoction est le mode de préparation le plus utilisé dans toutes les trois tribus. Ces résultats sont similaires à ceux de Ngbolua et al. (2016b) ayant démontré que la décoction est plus utilisée dans la préparation des recettes à base des plantes médicinales à Kinshasa.

CONCLUSION

La présente étude a été initiée dans le but de contribuer à la connaissance ethno-botanique de Q. africana utilisée en Médecine Traditionnelle Congolaise. Cette étude a permis de fournir des informations sur la perception des populations locales relative à la fréquence et à l’état de Q. africana en RDC. Vingt-et-un (21) usages ont été identifiés et montrent suffisamment l’importance de Q. africana dans la prise en charge des certaines maladies courantes. Les résultats obtenus à l’issue de cette étude amènent à conclure que les racines de Q. africana sont plus utilisées dans la préparation des recettes destinées à traiter les différentes maladies. Étant donné que cette espèce est de plus en plus exploitée en Médecine Traditionnelle et considérée comme une ressource ou une source des revenus, il est important de comprendre comment elle se développe (phénologie), se reproduit ainsi que ses exigences écologiques en vue de sa domestication.

RÉFÉRENCES 

Akabassi G.C., Padonou E.A., Chadare F.J., Assogbadjo A.E. (2017). Importance ethnobotanique et valeur d’usage de Picralima nitida (stapf) au Sud-Bénin (Afrique de l’Ouest). Int. J. Biol. Chem. Sci., 11: 1979-1993.

Anyinam C. (1995). Ecology and ethnomedicine: exploring links between current environmental crisis and indigenous medical practices. Social Science and Medicine, 4: 321-329.

Apers S, Cimanga K, Berghe DV, Meenen E.V, Longanga A.O, Foriers A, Vlietinck A., Pieters L. (2002). Antiviral Activity of Simalikalactone D, a Quassinoid from Quassia Africana. Planta Med., 68: 20-24.

Arome D., Chinedu E. (2013). Evaluation of anti- proliferative activities of ethanolic extract of Sarcocephalus latifolius fruit and Paullina pinnala leaf. Journal of Pharmaceutical and Biosciences, 1: 124-127.

Ayafor F.J., Tchuendem K.M., Mbazoa M.C., Ngadjui T.B., Tillequin F. (1993). CNMR and spectral data of 4-methylthiocanthin-6-one from Quassia africana. Bull. Chem. Soc. Ethiop., 7:121-124.

Benkhnigue O., Zidane L., Fadli M., Elyacoubi H., Rochdi A., Douira A. (2011). Étude ethno-botanique des plantes médicinales dans la région de Mechraâ Bel Ksiri (Région du Gharb du Maroc). Acta. Bot. Barc., 53: 191-216.

Bolia N.E., Bosanza J.B.Z., Mongeke M.M., Ngbolua K.N. (2019). Études dendrométrique et floristique des forêts mixte et mono-dominante à Gilbertiodendron dewevrei d’une concession forestière en République Démocratique du Congo. Rev. Mar. Sci. Agr. Vet., 7: 110-117.

Dibong S.D., Mpondo M.E., Nigoye A., Kwin M.F., Betti J. L. (2011). Ethnobotaniqueetphytomédecine des plantes médicinales vendues à Douala, Cameroun. Journal of Applied Biosciences, 37: 2496-2507.

Fundiko CM-C., Mandango M.A., Mutambala M.B. (2017). Ethnobotany of plants used in the treatment of diseases of the digestive system in Kinshasa and neighborhood, Democratic Republic of the Congo. International Journal of Innovation and Scientific Research, 31: 194-203.

Inkoto L.C., Bongo N.G., Kapepula M.P., Masengo A.C., Gbolo Z.B., Tshiama C., Ngombe K.B., Iteku B.J., Mbemba F.T, Mpiana P.T., Ngbolua K.N. (2018). Microscopic features and chromatographic fingerprints of selected congolese medic- inal plants: Aframomum alboviolaceum (Ridley) K. Schum, Annona senegalensis Pers. and Mondia whitei (Hook.f.) Skeels. Emergent Life Sciences Research, 4: 1-10.

Lakouéténé D.P.B., Ndolngar G., Berké B., Moyen J.M., Komba E.K., Zinga I., Silla S., Millogo-Rasolodimby J., Vincendeau P., Syssa-Magalé J.L., Nacoulma-Ouedrago O.G., Laganie R., Badoc A., Chèze C. (2009). Enquête ethno-botanique des plantes utilisées dans le traitement du paludisme à Bangui. Bull. Soc. Pharm., 148: 123-138.

Longanga O.A., Vercruysse A., Foriers A. (2000). Contribution to the ethnobotanical, phytochemical and pharmacological studies of traditionally used plants in the treatment of dysentery and diarrhea in Lomela area, Democratic Republic of Congo (DRC). J. Ethnopharmacol., 71: 411- 423.

Luyengi L., Vanhaelen M.(1986). Indol alkaloids and quassin from Quassia africana. Journal of Natural Products, 49: 940.

Mandjo B.L., Paulus J., Musibono D.E. (2015). Transmission culturelle des saviors naturalistes locaux chez les pygmies Bantou et les Ntomba de la région du Lac Tumba, R.D Congo. Inter. Journal of Innovation and Scientific Res., 16: 114-127.

Masengo C.A., Bongo N.G., Robijaona B., Ilumbe G.B., Ngbolua K.N., Mpiana P.T. (2021). Étude ethnobotanique quantitative et valeur socioculturelle de Lippia multiflora Moldenke (Verbenaceae) à Kinshasa, République Démocratique du Congo. Rev. Mar. Sci. Agron. Vét., 9: 93-101.

Masunda T.A, Inkoto L.C., Bongo N.G., Oleko Wa Oloko J.D., Ngbolua K.N., Tshibangu D.S.T., Tshilanda D.D, Mpiana P.T. (2019). Ethnobotanical and Ecological Studies of Plants Used in the Treatment of Diabetes in Kwango, Kongo Central and Kinshasa in the Democratic Republic of the Congo. International Journal of Diabetes and Endocrinology, 4: 18-25.

Mongeke MM, Ngbolua KN, Bakola RD, Inkoto CL, Elikandani PN, Mowuli CY (2018). Survey on the plants used in Traditional medicine by Bambenga: Pygmy from Dongo Sector (Territory of Kungu, Province of Sud-Ubangi) in Democratic Republic of the Congo. Rev. Mar. Sci. Agron. Vét., 6: 469-475.

Ngbolua K.N. (2020). Ethnobotanique quantitative: Approches méthodologiques pour l’évaluation et la valorisation du savoir endogène en régions tropicales. Éditions Universitaires Européennes, Riga: Latvia.

Ngbolua K.N., Inkoto L.C., Mongo L.N., Masengo A.C., Masens Da-Musa Y.B., Mpiana P.T. (2019). Études ethno-botanique et floristique de quelques plantes médicinales commercialisées à Kinshasa, République Démocratique du Congo. Rev. Mar. Sci. Agr. Vet., 7: 118-128.

Ngbolua K.N. (2018). Données préliminaires sur la biodiversité du Nord-Ubangi en République démocratique du Congo. Éditions Universitaires Européennes, Riga: Latvia.

Ngbolua K.N., Inkoto C.L., Bongo G.N., Lufuluabo GL., Kutshi N.N., Masengo C.A., Kavumbu S.M., Gbolo B.Z., Tshilanda D.D., Mpiana P.T. (2018). Microscopy features, Phytochemistry and Bioactivity of Mondia whitei L. (Hook F.) (Apocynaceae): A mini-review. Discovery Phytomedicine, 5: 34-42.

Ngbolua K.N., Shetonde O.M., Mpiana P.T., Inkoto L.C., Masengo C.A., Tshibangu D.S.T., Gbolo Z.B., Baholy R., Fatiany P.R. (2016a). Ethno-pharmacological survey and Ecological studies of some plants used in traditional medicine in Kinshasa city (Democratic Republic of the Congo). Tropical Plant Research, 3: 413-427.

Ngbolua K.N., Mandjo B.L., Munsebi J.M., Masengo C.A., Lengbiye E.M., Asamboa L.S., Konda R.K., Dianzuangani D.L., Ilumbe M., Nzudjom A.B., Kadimanche M., Mpiana P.T. (2016b). Études ethnobotanique et écologique des plantes utilisées en médecine traditionnelle dans le District de la Lukunga à Kinshasa (RD du Congo). International Journal of Innovation and Scientific Research, 26: 612-633.

Ngbolua K.N., Mpiana T.P., Mudogo V., Ngombe KN., Tshibangu S.T.D., Ekutsu E., Kabena N.O., Gbolo Z.B., Muanyishay L.C. (2014). Ethno-pharmacological survey and floristical study of some medicinal plants traditionally used to treat infectious and parasitic pathologies in the Democratic Republic of Congo. International Journal of Medicinal Plants, 106: 454-467.

Ngbolua K.N., Rafatro H., Rakotoarimanana H., Urverg R.S., Mudogo V., Mpiana P.T., Tshibangu D.S.T. (2011a). Pharmacological screening of some traditionally-used antimalarial plants from the Democratic Republic of Congo compared to its ecological taxonomic equivalence in Madagascar. Int. J. Biol. Chem. Sci., 5: 1797-1804.

Ngbolua K.N., Rakotoarimanana H., Rafatro H., Urverg R.S., Mudogo V., Mpiana P.T., Tshibangu D.S.T. (2011b). Comparative antimalarial and cytotoxic activities of two Vernonia species: V. amygdalina from the Democratic Republic of Congo and V. cinerea subsp vialis endemic to Madagascar. Int. J. Biol. Chem. Sci., 5: 345-353.

Nzuki B.F. (2016). Recherches ethno-botaniques sur les plantes médicinales dans la Région de Mbanza-Ngungu, RDC. Thèse de Doctorat (PhD), Faculté des Sciences en Bio-Ingénierie, Université de Gand, Belgique, 349 p.

Parida M.M., Upadhyay C., Pandya G., Jana A.M. (2002). Inhibitory potential of neem (Azadirachta indica Juss) leaves on dengue virus type-2 replication. J Ethnopharmacol., 79: 273-8.

Sama W., Ajaiyeoba O.E., Choudharyc I.M. (2014). Larvicidal properties of simalikalactone D from Quassia africana (Simaroubaceae) Baill. and Baill. on the malaria vector Anopheles gambiae. Afr. J. Trad. Complement Altern. Med., 11:84-88.

Sinsi B., Kampmann D. (eds) (2010). Atlas de la biodiversité de l’Afrique de l’Ouest. Tome I: Benin. Cotonou & Frankfurt/Main.