Résumé

Cette étude vise à évaluer la diversité, la densité et la chronologie des levées des adventices et déterminer l’influence de la fertilisation minérale sur cette dynamique. Des rectangles permanents (17/bloc) ont été placés aléatoirement dans deux (2) blocs de 100 m2. Dès la levée de la plante cultivée, les plantules d’adventices sont identifiées périodiquement (15-20 jours), dénombrées et éliminées. La flore est composée de 33 espèces réparties dans 28 genres et 9 familles avec une forte variabilité en fonction de l’année et de la fertilisation. Les indices de Shannon et Simpson indiquent que la diversité est généralement faible mais plus élevée dans les parcelles non fertilisées. Le nombre d’espèces répertoriées en conditions non fertilisées est respectivement de 20 aussi bien en 2016 qu’en 2017 contre 14 et 19 espèces en conditions fertilisées à la même période. Il y a plus de levées dans les parcelles non fertilisées (941 et 2226) que dans les parcelles fertilisées (716 et 1973), indépendamment de l’année. La flore est caractérisée par la dominance de cinq (5) espèces qui cumulent 91% des levées. Les tests de corrélation indiquent que la pluviométrie et le nombre de jours pluvieux ont un effet significatif sur la densité des levées mais pas sur la diversité. Cette étude doit être complétée par l’étude du stock semencier dont il existe une relation étroite avec la flore levée. La connaissance de cette relation pourrait aider à établir des modèles prédictifs pour suivre l’évolution des communautés d’adventices.


Mots-clés: Dynamique, Fertilisation, Flore adventice, Indice de diversité, Sorgho, Zone soudanienne

INTRODUCTION

Le sorgho (Sorghum bicolor [L.] Moench) est une céréale bien adapté aux régions tropicales semi-arides en raison de sa rusticité et de ses besoins modérés en eau (Chantereau et al., 2013). Cependant, les contraintes biotiques comme les adventices sont un frein à l’augmentation de la production du sorgho. Des études récentes ont montré que les mauvaises herbes peuvent occasionner entre 15 et 97% de chute de rendement (Arslan et al., 2016). De plus, il est admis que chaque semaine d’infestation se traduit par 3,6% de perte de rendement (Smith et al., 1990). Les dépenses dues à la lutte contre les mauvaises herbes sont estimées à plus de 35% des dépenses agricoles (Kumar et al., 2013) et l’usage d’herbicides dans des zones où près de 2/3 de la population vivent dans l’extrême pauvreté reste limité à cause de leurs coûts onéreux (ANSD, 2014). Il s’y ajoute les effets néfastes sur la santé, l’environnement et la biodiversité pouvant découler d’un usage non contrôlé de ces herbicides.

Au Sénégal, plusieurs travaux ont été entrepris pour étudier la végétation adventice et se sont focalisées pour l’essentiel sur leur caractérisation (Noba, 2002 ; Noba et al., 2004; Bassène et al., 2012 ; Bassène et al., 2014 etc.). Pourtant, selon, Noba (2002) pour permettre un positionnement précis des sarclages dans le calendrier cultural, il est de plus en plus nécessaire de comprendre la biologie des adventices dominantes et en particulier leur dynamique saisonnière. La connaissance de cette dynamique des levées en rapport avec le stock semencier, les pratiques culturales, le comportement germinatif des semences et les conditions d'humidité, constitue un outil essentiel pour prévoir les infestations dans les champs (Noba, 2002) et peut fournir un ensemble d'informations qui peuvent préciser les niveaux et dates d'interventions.

La présente étude a été entreprise durant les saisons culturales de 2016 et 2017 en Haute Casamance dans la zone subhumide du Sénégal. Elle avait pour objectifs (i) d'établir et de comparer la composition spécifique et la densité de levées des différentes espèces en station dans des conditions de fertilisation différentes pour identifier les adventices les plus dominantes et (ii) de mettre en évidence la chronologie des levées de ces espèces dans les différentes conditions au cours de plusieurs cycles culturaux du sorgho.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Site d’étude

L’essai a été mené durant les saisons des pluies de 2016 et 2017 dans la station de recherche du Centre de Recherches Zootechniques de Kolda (12° 53' Nord, 14° 57' Ouest) est situé dans la région naturelle de Casamance (Sénégal). Cette zone agroécologique est caractérisée par un climat de type soudanien avec une alternance d’une saison pluvieuse de 5 mois et d’une saison sèche de 7 mois. La pluviométrie moyenne annuelle varie autour de 1000 mm avec une forte variabilité au cours des années. Le cumul pluviométrique fut de 1060 mm en 44 jours pluvieux en 2016 et de 1336 mm en 56 jours pluvieux en 2017 (Tableau 1). En ce qui concerne la température de l’air, les minima étaient respectivement de 22 et 24° C en 2016 et 2017 alors que les maxima étaient de 33 et 34°C. L’humidité de l’air oscilla entre 52 et 92% en 2016 et en 2017, des taux d’humidité variant entre 54 et 92% furent enregistrés.

Tableau 1:.

Facteur étudié et dispositif expérimental

La dynamique des levées a été étudiée dans 2 traitements en condition non fertilisée (F0, témoin non azoté), mode le plus répandu dans la zone et en condition fertilisée (F1, fertilisation en engrais minéral). Dans chaque traitement ou bloc, un échantillon de 17 rectangles permanents de 50 x 12 cm de côtés est implanté au hasard (Barralis & Chadoeuf, 1980). Ainsi 17 x 2 (F0 et F1) soit 34 rectangles permanents ont été implantés chaque année dans 2 parcelles de 100 m² chacune.

Conditions culturales

Le terrain expérimental a été labouré en passages croisés et nivelé avec un tracteur. Un semis manuel en raison de 4 à 6 grains a été effectué en condition humide dans des rectangles permanents ayant les dimensions suivantes : 50 cm pour la longueur 12 cm pour la largeur. Pour le bloc fertilisé, un apport d’engrais de fond de type NPK (15-15-15) a été effectué au moment du semis en raison de 150 kg.hectare-1, puis de l’urée 46% (100 kg.hectare-1) est apporté en 2 fractions égales après démariage (15 jour après semis, et à l’initiation paniculaire (60 JAS)). Pour le bloc non fertilisé, aucun apport d’engrais n’a été effectué ni au semis, ni durant le cycle cultural.

Dès la levée de la plante cultivée, les plantules d’adventices sont identifiées périodiquement, dénombrées et éliminées successivement dans les rectangles permanents. La détermination des plantules a été faite grâce aux flores de Merlier & Montégut (1982); Le Bourgeois & Merlier (1995) etc. Ces conditions ne subissent aucun binage mais subissent par contre le démariage à 2 pieds autour du 15e jour après semis. Les dénombrements ont lieu en moyenne tous les 15-20 jours après la levée du sorgho jusqu’à la maturité. Le nombre de relevé a été fonction de l’étalement de la saison pluvieuse.

Traitement des données

L’étude de la dynamique de levées des adventices et sa variabilité en fonction des conditions culturales et climatiques ont été évaluées en zone soudanienne du Sénégal à partir d’un ensemble d’indice de diversité.

La Richesse spécifique : la richesse spécifique est le nombre total d’espèces présentes sur un site d’étude à un moment donné.

L’abondance : l’abondance, est le nombre d’individus d’une population donnée présent par unité de surface ou de volume (Ramade, 2003).

Indice de Shannon (H'): Exprimé en bit, son évaluation se fait à partir du nombre d’espèces contenu dans un peuplement et des individus de chaque espèce de ce peuplement (Booth et al. 2003): H' = -Σ (pi ln pi) où pi = nombre d’individus de l’espèce i.

Indice de Simpson : considéré comme une variante de l’indice de Shannon, Simpson mesure la probabilité que deux individus sélectionnés au hasard appartiennent à la même espèce (Heip et al., 1998). L’indice repose essentiellement sur l’abondance et donne plus de poids aux espèces dominantes (Heip et al., 1998). Sa formule: D = Σ Ni (Ni-1)/N (N-1) où Ni : nombre d'individus. N : nombre total d'individus. Cet indice tend vers une valeur de 0 pour indiquer le maximum de diversité, et une valeur de 1 pour indiquer le minimum de diversité.

Le traitement des données s’est fait avec le logiciel R version 3.6.2. Library (ggplot2, Performance Analytics).

RÉSULTATS

Structure de la flore en fonction de l’année et de la fertilisation minérale

L’étude en station de la dynamique des levées sur deux années successives a permis de répertorier 33 espèces réparties dans 28 genres et 9 familles (Tableau 2). Cette flore est essentiellement composée de plantes annuelles (thérophytes). Deux géophytes (Cyperus esculentus et Cyperus rotundus) et une phanérophyte (Dicrostachys cinerea) sont les seules plantes pérennes répertoriées.

Il existe une variation des espèces en termes de richesse et de diversité aussi bien selon les années que les conditions culturales. Le nombre total d’espèces recensées est passé de 23 en 2016 à 25 en 2017. Il existe une plus grande diversité en condition non fertilisée comparée à la condition fertilisée. Ainsi, le nombre d’espèces répertoriées en conditions non fertilisées est respectivement de 20 aussi bien en 2016 qu’en 2017. En conditions fertilisées (F1), la flore était composée de 14 espèces en 2016 et 19 espèces en 2017. Parmi les 33 espèces répertoriées, 9 ont été rencontrés dans l’ensemble des relevés. Ces espèces forment le pool des adventices les plus communes des cultures du sorgho en Haute Casamance. Il s’agit de Dactyloctenium aegyptium, Digitaria horizontalis, Fimbristylis hispidula, Hyptis suaveolens, Cyperus amabilis, Kyllinga squamulata, Mariscus squarrosus, Mitracarpus villosus et Spermacoce stachydea. A côté de ce groupe, il existe d’autres espèces dont la présence est fonction de l’année. Ainsi, les espèces telles que : Digitaria exilis, Mariscus hamulosus, Cyperus cuspidatus, Cynodon dactylon, Dicrostachys cinerea, Eragrostis tremula et Indigofera hirsuta ne sont rencontrées que durant la première année d’expérimentation. La présence de Cassia absus, Cyperus esculentus, Merremia pinnata, Sida rhombifolia, Monechma ciliatum, Oldenlandia corymbosa, Pennisetum pedicellatum, Phyllanthus amarus, Stylosanthes fruticosa et Brachiaria lata n’a été notée qu’à la deuxième année d’expérimentation. Aussi, la fertilisation a un effet disparate sur la distribution des espèces. Ainsi, Cyperus cuspidatus, Cynodon dactylon, Dicrostachys cinerea, Eragrostis tremula, Indigofera hirsuta, Cassia absus, Oldenlandia corymbosa, Phyllanthus amarus et Stylosanthes fruticosa n’ont été répertoriées que dans les parcelles non fertilisées. Tandis que, la présence de Crotalaria retusa, Monechma ciliatum, Pennisetum pedicellatum et Brachiaria lata a été exclusivement notée dans des parcelles ayant reçues un apport d’engrais azoté.

Tableau 2:.

Importance relative des levées en fonction des conditions de fertilisation et de l’année

L’étude de la densité des levées en fonction de l’année et des conditions de fertilisation montre que les levées sont plus importantes en 2017 (4199 individus), comparée à 2016 (1657 individus) (Figure 1). En valeur absolue, il y a plus de levées dans les parcelles non fertilisées que dans les parcelles fertilisées indépendamment de l’année. Ainsi, 941 et 2226 individus levés ont été enregistrées en conditions non fertilisées respectivement en 2016 et 2017 contre 716 et 1973 levées en condition fertilisées à la même période. En moyenne 235 et 318 individus.m 2 ont émergé respectivement en 2016 et 2017 en condition non fertilisée toutes les quinzaines alors que la densité de levée est respectivement de 179 et 282 individus.m2 en 2016 et 2017 en cas d’apport de fertilisants minéraux.

Figure 1:.

Effet de la fertilisation et de l’année sur les adventices majeures

En 2016, la flore était dominée par quatre espèces que sont Kyllinga squamulata, Mariscus squarrosus, Dactyloctenium aegyptium et Digitaria horizontalis qui cumulaient 92% et 78% des plantes émergées respectivement dans les parcelles fertilisées et non fertilisées (Figure 2). En 2017, en plus de ces quatre espèces, s’est ajoutée Hyptis suaveolens qui constituait respectivement 37,9 et 26,5% des levées totales d’adventices en conditions fertilisées et non fertilisées. Les espèces Fimbristylis hispidula (3%) et Mitracarpus villosus (2,2%) forment un groupe d’espèces secondaires mais régulières. Le reste de la flore (26 espèces) est caractérisé par des levées faibles et irrégulières. Il ressort surtout de cette étude que, indépendamment de l’année et de la fertilisation, la flore de la dynamique est caractérisée par la dominance de cinq (5) espèces qui cumulent 91% des levées. Il s’agit de Hyptis suaveolens (22,8%), Kyllinga squamulata (21,7%), Mariscus squarrosus (19,4%), Dactyloctenium aegyptium (16,9%) et Digitaria horizontalis (9,8%).Toutes ces espèces présentent un comportement irrégulier vis-à-vis de la fertilisation minérale à l’exception de Kyllinga squamulata qui est plus abondant dans les parcelles non fertilisées quel que soit l’année.

DAAE= Dactyloctenium aegyptium ; DIHO= Digitaria horizontalis ; HYSU= Hyptis suaveolens ; KYSQ= Kyllinga squamulata ; MASQ= Mariscus squarrosus

Figure 2:.

Variation de la diversité et de l’abondance des espèces en fonction de l’année et de la fertilisation

L’indice de Shannon-Weaver (H’) a varié entre 1,55 et 1,93 bit (Tableau 3). L’indice de diversité (H’) le plus élevé est enregistré dans les conditions non fertilisées à la première année d’expérimentation. Cette situation dénote non seulement de l’importance de la diversité des espèces dans cette condition mais aussi de la répartition plus équitable des individus comparés aux autres conditions. Le faible indice de diversité (H’) rencontré en condition fertilisée coïncide d’une part avec une faible richesse spécifique (14 espèces) et d’autre part, avec la dominance de trois espèces Mariscus squarrosus, Kyllinga squamulata et Dactyloctenium aegyptium qui représentent 83% des individus levées. Donc l’apport de fertilisants chimique a tendance à réduire la diversité certainement en stimulant la levée des espèces les plus nitrophiles dont le développement étouffe la levée des espèces oligotrophes, tendant à uniformiser la flore.

L’analyse du Tableau 3 indique une diversité assez faible dans l’ensemble des sites. Cependant, l’indice de Simpson (D) le plus élevé est enregistré dans la condition non fertilisée de 2017 et présente le peuplement le moins régulier. Il est suivi par la condition non fertilisée de 2016 et des conditions fertilisées de 2016 et 2017. La régularité augmente avec l’apport de fertilisants chimiques, avec une équitabilité qui décroit.

Tableau 3:.

Importance et chronologie des levées au cours du cycle cultural

L’évolution du nombre d’individus levés dans le cycle cultural dépend de l’année et de la fertilisation minérale (Figure 3). En effet, à la première année d’expérimentation, le nombre de levée des espèces atteint le pic au 30e jour après semis en F0 (427 individus.m 2) et au 45e jour après semis en F1 (252 individus.m 2) correspondant à la phase de montaison du sorgho. Ce nombre diminue en fin de cycle correspondant à la quatrième date d’observation marquée par un arrêt brusque des pluies en fin de la deuxième décade du mois de septembre. Cependant, le plus faible nombre de levées a été observé au début de l’installation de la culture correspondant au stade 1-3 feuilles des plantules de sorgho. La pause pluviométrie de deux semaines intervenue juste après l’installation de la culture pourrait expliquer les faibles levées notées. En 2017, les pics de levée ont été observés à la deuxième et à la troisième date de lecture correspondant respectivement à la levée des plantules de sorgho et au début de la montaison. A ces dates, 730 et 603 individus.m 2 ont été dénombrés respectivement en F0 et en F1. Cependant, après ces relevés, le nombre d’individus répertoriés n’a cessé de décroitre pour atteindre un minima de quatre (4) individus à la phase remplissage-maturation des grains de sorgho. Il ressort de cette étude que, indépendamment des variabilités annuelles et de l’apport d’engrais minérale, plus de la moitié des levées s’échelonnent durant la phase de croissance de la culture entre les stades trois feuilles et le déploiement de la feuille drapeau du sorgho.

Figure 3:.

Relation entre la dynamique des levées et les paramètres climatique et cultural

Une corrélation significative et positive entre la densité (NI) des variables Pluviométrie (Pluvio) et Nombre de jours de pluie (NJP) a été observée (Figure 4). A contrario, la corrélation entre la diversité (H’) et la pluviométrie ainsi que les jours pluvieux est quasi-nulle. Le même cas est noté entre les levées (Nombre d’individus) de la diversité. Autrement dit, même si les levées peuvent être très importantes durant une année humide, elles sont dominées par un faible groupe d’espèces, sans doute les mieux adaptées aux perturbations de l’agrosystème.

NE= nombre d’espèces ; NI= nombre d’individus ; NJP= nombre de jour pluvieux ; Pluvio.= Pluviométrie

Figure 4:.

DISCUSSION

L’étude de la dynamique de la flore adventice en zone subhumide du Sénégal a montré que celle-ci est largement dominée par les thérophytes contrairement au vivaces qui ne sont représentées que par trois espèces. Ce succès des thérophytes est due à leurs adaptations aux variations des conditions climatiques et aux perturbations culturales (Traoré, 1991) contrairement aux vivaces dont les travaux agricoles laissent peu de chance d’installation (Traoré & Maillet, 1992). En Haute Casamance, l’abandon des jachères de longue durée conséquence d’une pression anthropique de plus en plus accrue, réduit considérablement la présence des plantes pérennes. Cependant, certains de ces vivaces comme le Cyperus rotundus persiste dans l’écosystème agricole. L’espèce se reproduit aussi bien par voie végétative sous forme de bulbes et d’éclats lors du sarclage que par les graines (Merlier & Montégut, 1982 ; Ljevnaić Mašić et al., 2015). En Haute Casamance, les repousses de l’espèce par section de la tige lors du sarclage sont généralement observées durant les périodes de forte humidité (mi-août - fin-septembre). L’analyse de l’occurrence des espèces a montré une forte variation d’une année à l’autre. Toutefois, il existe un pool d’espèces caractérisé par leur fréquence d’occurrence élevée (Dactyloctenium aegyptium, Digitaria horizontalis, Fimbristylis hispidula, Hyptis suaveolens, Cyperus amabilis, Kyllinga squamulata, Mariscus squarrosus, Mitracarpus villosus et Spermacoce stachydea). Cette variabilité est la conjonction de facteurs culturaux, des facteurs spécifiques intrinsèques, de la topographie dans la sélection et l'établissement des espèces les plus fréquentes et probablement les plus nuisibles (Fontanel, 1988; Loudyi et al., 1995). Selon certains auteurs (Traoré, 1991 ; Loudyi et al. 1995 ; Le Bourgeois et Marnotte, 2002) les variations de la flore observées dans les agrosystèmes sont le résultat de la spécificité de la culture mais aussi des itinéraires associés. En effet, la culture joue un rôle majeur dans la sélection de la flore suivi du précédent cultural. Des facteurs comme les paramètres physico-chimiques du sol, la pluviométrie et la topographie interviennent aussi dans les processus de sélection de la flore au sein des écosystèmes agricoles (Fried et al., 2008).

Selon Fried et al. (2008), avec les perturbations comme la moisson et le labour, seul les espèces les plus adaptées subsistent et continuent de réalimenter le stock en semences du sol et au fil des années ce phénomène amplifie les différences entre espèces et modifie profondément la composition des communautés adventices en ne laissant la place qu’aux espèces les mieux adaptées.

L’analyse de nos résultats montre une grande variabilité des levées d’une année à l’autre et au sein de la même année en fonction des conditions culturales. Ainsi, les résultats indiquent que dans des conditions expérimentales comparables, il y a plus de levées (4199 individus) en 2017 qu’en 2016 (1657 individus). Cette explosion des levées de l’année 2017 pourrait être liée à l’humidité due aux records de précipitations enregistrées au cours de cette année. En effet, 1336 mm de pluie ont été enregistrés en 2017 au cours de 56 jours pluvieux de fin mai à mi-octobre alors que l’année précédente avait enregistré 1060 mm de pluie au cours de 44 jours pluvieux et que la normale climatique des 30 dernières années est de 1191 mm de pluie. En zone tropicale, la plupart des inhibitions à la germination sont supprimées lorsque le sol est suffisamment humide et les graines bien imbibées, contrairement aux conditions de stress hydrique (Prohmchum, 1993 ; Noba, 2002).

La dynamique des levées au champ dépend des caractéristiques culturales (Barralis et al., 1996) mais aussi du stock semencier du sol. Or, la relation entre le stock semencier et les levées au champ peut varier en fonction des conditions climatiques notamment la température et l’humidité du sol, mais elle varie aussi en fonction du type de sol qui influence le comportement germinatif des semences dans les champs (Roberts & Hewson, 1971).

L’azote a aussi un effet sur la densité des levées. En effet, et indépendamment de l’année, les plus grandes levées sont observées dans les conditions n’ayant pas reçus d’apport d’engrais azoté. Selon, Valantin-Morison et al. (2008), les espèces nitrophiles ont un fort développement foliaire et donc une compétition plus efficace pour la lumière entrainant l’étouffement des autres espèces dont la biomasse et la densité baissent. Plus que les conditions de fertilisation, l’année semble avoir un effet plus significatif sur la variabilité des levées. D’ailleurs, plusieurs auteurs (Robert, 1984 ; Loudyi, 1995 ; Noba, 2002) ont relevé la primauté de l’humidité et du travail du sol sur la germination des adventices comparé à la fertilisation. Si une forte humidité permet de lever la dormance des graines en zone tropicales (Roberts, 1984 ; Prohmchum, 1993), les opérations culturales tel que le labour pratiqué dans notre étude permettent de diviser par 10 les levées des adventices au champ (Valantin-Morison et al., 2008). Cependant, l’efficacité du labour dépend fortement du cortège floristique puisqu’il est prouvé que le travail du sol peut stimuler de plus de 20% la levée des espèces les plus adaptées aux agrosystèmes comme notamment le Commelina benghalensis (Le Bourgeois et Marnotte, 2002). En résumé et à part quelques exceptions, les adventices ont des périodes préférentielles de levée qui dépendent de l’évolution des taux de dormances, de leur caractères intrinsèques et des variabilités climatiques notamment la température et l’humidité (Valantin-Morison et al., 2008). Les indices de Shannon et Simpson ont ressorti une abondance et une diversité plus élevées dans les traitements n’ayant pas reçu d’engrais minéral. Des auteurs (Fried, 2007 ; Mbaye, 2013) ont relevé l’importance de la richesse floristique sur des sols pauvres alors que l’usage d’engrais azotés a tendance à favoriser les espèces généralistes et nitrophiles au dépens des espèces oligotrophes qui régressent et finissent par disparaitre du paysage agricole. Cependant, même si la flore est plus diversifiée dans les traitements non azotés, la diversité globale reste généralement faible. En effet, les indices de Shannon en dessous de 2,5 caractérisent des milieux peu diversifiés où l’on note généralement la dominance d'une seule espèce ou d'un petit nombre d'espèces sur l'ensemble des espèces de la communauté (Blondel, 1995 ; Boukli Hacene, 2012). Dans cette étude, le cortège floristique est dominé par un groupe de 5 espèces qui cumulent plus de 90% des levées (Hyptis suaveolens, Kyllinga squamulata, Mariscus squarrosus, Dactyloctenium aegyptium et Digitaria horizontalis). La même tendance fût observée dans le Bassin arachidier sénégalais en zone soudano-sahélienne (Noba, 2002 ; Noba et al., 2004 ; Bassène et al., 2012). Toutefois, ni la présence, ni la dominance de Hyptis suaveolens n’ont été relevées par les auteurs précédents. En Haute Casamance, l’espèce est devenue l’une des plus grandes contraintes culturales et au-delà même à la disponibilité du pâturage du fait de la pression qu’elle exerce sur les graminées fourragers dans une zone à vocation agropastorale. Par ailleurs, il existe une forte similarité dans la composition floristique même si des disparités peuvent apparaitre en fonction de la pratique culturale et/ou de l’année. Ces variations sont dues à de nombreux facteurs et notamment la pluviométrie, la température qui peuvent fortement influencer la structure et la variabilité des communautés adventices (Tang et al., 2014).

CONCLUSION

Ce travail a été entrepris dans le but de mieux connaitre et d’appréhender la dynamique de levée des adventices en zone subhumide du Sénégal et de comprendre l’effet de différentes facteurs à la fois environnementaux et agronomiques responsables de la variabilité de cette dynamique. Il ressort de cette étude que la flore est composée de 33 espèces, essentiellement des thérophytes, pouvant variée d’une année à l’autre et au cours de la même année en fonction des conditions culturales. Les indices de Shannon-Weaver et Simpson indiquent une diversité généralement faible surtout en cas d’apport de fertilisants minéraux. Ainsi, les espèces sont en général plus nombreuses dans les conditions non azotées. Toutefois, la majorité des espèces de la flore n’a pas une spécificité par rapport à une condition de fertilisation. Cette uniformisation de l’espace cultural se caractérise par la dominance d’un petit groupe d’espèces qui cumule 91% des levées à savoir Hyptis suaveolens (22,8%), Kyllinga squamulata (21,7%), Mariscus squarrosus (19,4%), Dactyloctenium aegyptium (16,9%) et Digitaria horizontalis (9,8%). Il ressort de cette étude que, indépendamment des variabilités annuelles et de l’apport d’engrais minéral, plus de la moitié des levées s’échelonne durant la phase de croissance du sorgho entre les stades trois feuilles et le déploiement de la feuille drapeau de la culture. Par ailleurs, il existe une corrélation significative entre la densité des adventices et la pluviométrie ainsi que le nombre de jours pluvieux.

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Annexe 1:.