Résumé

Le présent travail tente de réaliser des essais typologiques pour les périmètres irrigués (PI) du Gouvernorat d’El Kef (Nord-Ouest de la Tunisie), de dégager des groupes de périmètres homogènes en se basant sur un certain nombre de critères, de former un outil d’analyse performant aux décideurs et de renforcer la crédibilité des choix d’intervention. La typologie entreprise est basée sur des critères fonctionnels qui sont la superficie allouée aux céréales, aux cultures maraîchères, à l’arboriculture et aux cultures fourragères. La classification effectuée au moyen de la méthode AHP de Saaty a permis d’évaluer le vecteur de poids des critères d’entrée pour 87 périmètres irrigués et de les classer. Au terme de cette analyse, on retient quatre types de périmètres: les grands périmètres très diversifiés de la classe A, ceux moyennement diversifiés de la classe B, les petits périmètres appliquant un système monocultural de la classe C et enfin ceux de la classe D qui ne sont pas exploités. Les résultats issus de la typologie par la méthode AHP de Saaty et d’une autre méthode cartographique montrent des signes de similarité de l’ordre de 93 % et montrent que 2/3 des PI sont considérés globalement comme médiocres (système monocultural ou non exploité), 29 sont performants (très diversifiés) et 7 sont moyennement diversifiés.


Mots clés: Périmètre irrigué, El Kef, Typologie, Méthode AHP de Saaty, Cartographique

INTRODUCTION

Les périmètres irrigués tunisiens fournissent près de 35 % des produits nationaux agricoles nécessaires. Ils présentent seulement 8 % de la superficie de l’ensemble des exploitations agricoles du pays (environ 420.000 ha) et près de 1/3 se situent dans le « château d’eau de la Tunisie » (bassin versant de Mejerda). En plus de leur valeur ajoutée à l’économie nationale, les offres d’emplois directs, ces périmètres jouent un rôle important dans la sécurisation, la pérennisation et la régularisation des produits alimentaires de la Tunisie notamment durant les périodes de sécheresse. Dans ce contexte, un diagnostic et une typologie peuvent contribuer à mieux valoriser ces périmètres et améliorer leur gestion.

La typologie des périmètres irrigués est une question fondamentale qu’il faut prendre en compte pour mieux comprendre et interpréter les performances des exploitations agricoles. L’identification des groupes de périmètres relativement homogènes en fonction d’un certain nombre de critères, constitue un outil d’analyse performant et offre aux chercheurs et aux responsables professionnels des potentialités pour accroître la transparence et la crédibilité de la prise de décision d’une part, pour intervenir afin de remédier les défaillances d’autres part.

Le présent travail tente de construire par le biais d’une multitude de critères significatifs, un essai typologique pour les périmètres publics irrigués du gouvernorat d’El Kef. Le choix de ce site est motivé par l’hétérogénéité des structures agricoles et par l’expansion des surfaces allouées aux cultures irriguées ces dernières années (10,1 % des PI de la Tunisie et 30.25 % de ceux du bassin versant de Mejerda). Les essais typologiques basés sur une seule variable (topographie, climat, mode d’irrigation, superficie de l’exploitation agricole, production, sol, etc…) sont très limités et ne reflètent pas les spécificités fonctionnelles des parcelles agricoles. C’est ainsi que nous proposons une typologie basée sur l’utilisation de la méthode dite AHP (Analyse Multicritère Hiérarchique) de SAATY. Elle combine des variables réalistes qui sont liées directement à la fonctionnalité des périmètres irrigués. Les résultats issus de la typologie par approche statistique multicritères (AHP) ont été confronté ensuite à ceux issus de la typologie par profils prédominants (approche cartographique).

CONTEXTE GÉNÉRALE DE L’ÉTUDE

Le gouvernorat d’El Kef: un potentiel agricole

Situé au Nord-ouest de la Tunisie (figure 1), le gouvernorat d’El Kef couvre une superficie de l’ordre de 4965 km² et est-il fait partie du Haut Tell caractérisé par un relief accidenté avec une alternance de montagnes et de plaines ou de plateaux, orienté généralement Sud-ouest à Nord-est. L’altitude des montagnes varie entre 700 et 1200 m alors que celle des plaines loge entre 450m et 600 m (Mjejra, 2015). Ces caractéristiques topographiques ont des influences sur la classification des périmètres irrigués. Le gouvernorat d’El Kef, se caractérisé par un climat très variable dans le temps et dans l’espace, en effet, les conditions climatiques se dégradent de l’étage humide au Nord-ouest vers l’étage semi-aride au Sud-ouest ; l’hiver est rigoureux tandis que l’été est marqué par un déficit hydrique prononcé.

Figure 1:.

La zone d’étude est dotée de diverses potentialités notamment agricoles qui lui permettent une importante contribution dans l’économie nationale. Le potentiel agricole s’étend sur près de 18 000 exploitations. La Superficie Agricole Utile représente plus de 70 % de la surface totale du gouvernorat (Atlas de gouvernorat, www.mehat.gov.tn). La céréaliculture est l’activité principale. Elle couvre en 2018 près de 43,3 % de la superficie totale du gouvernorat et 61,3 % de la SAU. Avec 40000 hectares, l’oléiculture occupe la deuxième position dans l’activité agricole (CRDA d’El Kef, 2017)

Les aménagements hydro-agricoles (barrages, lacs, retenues collinaires, forages,…) ont permis depuis quelques décennies une expansion de l’agriculture irriguée. Le gouvernorat compte en 2018 près de 42497 hectares (figure 1), soient 1/10 de la superficie totale irriguée en Tunisie et 1/3 de celle du bassin versant de Mejerda (carte agricole). Les Périmètres Publics Irrigués (PPI) sont au nombre de 54 et couvrent 5139 ha. Près de 1069 ha se localisent dans la délégation de Neber, profitant ainsi des eaux d’irrigation du barrage Mellègue (figure 1). Quant à ceux privés, ils sont plus vastes, ils couvrent 37358 ha et se localisent essentiellement dans les délégations de Dahmeni, El Gsour et Sers. Les puits superficiels et les forages constituent la principale source d’irrigation.

Les cultures fourragères dominent les superficies cultivées en irrigués (45.8 % des superficies) et se sont concentré au niveau de la plaine de Dahmani, les délégations de Sers et de Neber. Le développement des aménagements hydro-agricoles et la forte demande pour l’industrie agro-alimentaire sont à l’origine de l’aménagement de vastes vergers d’arboriculture fruitière (www.odno.nat.tn). Les parcelles les plus étendues se localisent dans la plaine de Dahmani, les délégations de Sers, de Neber, d’El Kef et de Tejerouine. Les plaines de Sers et de Dahmani, les périmètres de Oued Souani et El Gsour, regroupent les exploitations les plus importantes qui sont dédiées aux cultures maraîchères (enquête personnelle, 2018). De vastes superficies dédiées aux cultures maraîchères. La production sous serre et la production de saison se sont améliorées notamment dans les périmètres irrigués privés.

Des essais typologiques basés sur une seule variable

Les chercheurs et les économistes ont essayés de nombreux modèles de typologie. Certains sont à bases de surfaces et d’autres sont définies à partir de l’occupation du sol ou de la production. Le caractère commun entre ces essais typologiques réside dans le fait qu’ils sont tous basés sur une seule variable (topoclimat, source d’irrigation, production,…).

La topoclimat: Cette typologie est basée sur deux paramètres complémentaires, à savoir l’altitude et l’exposition

• Pour l’altitude, il apparut d’une façon générale que la plupart des périmètres irrigués sont localisés dans les hautes plaines. Toutefois, les périmètres qui ont des altitudes dépassant 600 m se localisent dans le Sud-Est (délégation d’El Gsour et de Sers) du gouvernorat et coïncide avec la limite de la variante sub-humide. La superficie totale de ces PI est estimée à 11645 ha (figure 2).

Figure 2:.

Dans la partie centrale du gouvernorat, ainsi que dans la délégation de Sers, figurent les PI qui sont majoritaires et qui ont des altitudes moyennes autour de 500 m. En revanche, ceux qui ont les altitudes les plus faibles (247-428 m) se localisent dans les environs nord de l’oued Mellègue (figure 2). Enfin, les périmètres irrigués d’altitude (plus que 750 m) se trouvent sur les versants nord de la Dorsale Tunisienne où règne la variante climatique semi-aride.

• En ce qui concerne l’exposition, près de ¼ des périmètres irrigués du Gouvernorat d’El Kef soit 11692 ha du total, sont exposés à l’Ouest et le Nord-ouest, sous l’effet des flux humides dominants et les plus arrosés dans la région (figure 3). Les périmètres orientés vers le Sud et le Sud-est sont estimés à 3336 ha, se trouvant à l’abri pluviométrique où l’insolation est plus intense (+30%), la température plus élevée et la sècheresse est plus accentuée. Par ailleurs, les périmètres situés dans les bassins abrités (exposition plate réparties sur 33 périmètres, avec près de 1/3 de la superficie totale des parcelles agricoles irriguées) sont plus sensibles aux contrastes climatiques (effet venteux des couloirs topographiques, effet de l’inversion thermique, couloirs à risque de grêle…) même sur des distances courtes (Henia, 2008).

Figure 3:.

La source d’irrigation

Les puits superficiels et les forages constituent la principale source d’irrigation des PI privés qui (qui représentent 94.4 % de la superficie totale irriguée du gouvernorat). Les techniques les plus utilisées et les plus répandues pour l’irrigation sont « l’aspiration » et « la goute à goute ou micro-irrigation ». Deux périmètres irrigués publics (Sidi Khiar et Nebeur) seulement profitent gravitairement des eaux du barrage Mellègue, soit une superficie de l’ordre de 1069.73 ha (tableau 1). Les périmètres d’Oued Souani, Oum Labrane, K9, Kassar et Ain Zarga représentent près de 978.76 ha et sont irrigués à partir des barrages collinaires. Ceux de Mdaïna et d’Oued Zina représentent des surfaces très faibles et sont irrigués par des sources naturelles.

Tableau 1:.

DONNÉES DE BASE ET APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

Les essais typologiques qui sont basés sur une seule variable sont très limités pour juger la performance et la diversité des activités dans les PI. En Plus, ces essais n’ont pas traduit en aucun cas le caractère fonctionnel des parcelles agricoles. Nous proposons, ainsi, une approche méthodologique fondée sur l’utilisation de la méthode dite AHP (analyse multicritère hiérarchique) de SAATY (Thomas L. SAATY, 1980). En plus de la simplicité de son utilisation, cette méthode combine des variables réelles qui sont liées directement à la fonctionnalité des périmètres irrigués. Elle est très utilisée par les agronomes et les économistes en Tunisie ou ailleurs, pour juger la performance et la diversité des activités agricoles au sein des exploitations agricoles cultivées en irrigué.

La typologie entreprise est fonction de quatre critères qui sont la superficie allouée aux céréales, au maraîchage, à l’arboriculture et aux fourrages. L’évaluation du poids des différents critères a permis de dégager plusieurs types (des périmètres irrigués avec une orientation productive très diversifiée, ceux moyennement diversifiés et ceux appliquant un système monocultural et enfin les périmètres non exploités ou délaissés). Les résultats issus de cette première méthode statistique ont été confrontés à ceux issues d’une méthode cartographique dite méthode des profils prédominants (figure 4).

Figure 4:.

Les données de base

La typologie des périmètres irrigués du gouvernorat d’El Kef s’appuie sur une base de données multi-sources à savoir :

- Les données issues d’une enquête socio-économiques réalisée pendant les mois d’avril et de mai 2018. Elle concerne 279 agriculteurs et couvre la majorité des périmètres irrigués du gouvernorat (application de la méthode d’échantillonnage empirique, figure 5). Les questionnaires touchent aux pratiques agricoles, aux superficies allouées aux différentes cultures, aux successions culturales, à la source d’eau utilisée, la technique d’irrigation adoptée et les risques climatiques habitués.

Figure 5:.

- Les statistiques et les rapports d’activités annuels (2013-2017) du Commissariat Régional au Développement Agricole (CRDA) d’El Kef.

- Les résultats de l’enquête nationale sur les structures des exploitations agricoles (2004-2005) élaborée par la direction générale des études et du développement agricole (Ministère de l’Agriculture et des Ressources Hydrauliques).

- Les statistiques sur les activités agricoles du gouvernorat issues du site officiel de l’Office de Développement du Nord-Ouest (www.odno.nat.tn).

- L’atlas numérique du gouvernorat d’El Kef, Ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire : www.mehat.gov.tn).

- Des données climatiques sur les phénomènes à risque qui ont touché la région (grêle, sécheresse …) issues de l’Institut National de Météorologie (2018).

- Un fond topographique issu d’un modèle numérique du terrain à haute résolution (Global Mapper, 2019).

La méthode AHP de SAATY

Principes de la méthode

Malgré que les typologies monocritère sont opérationnelles et d’usages simples, ils n’ont pas souvent le reflet de la réalité fonctionnelles des périmètres irrigués. Le choix d’une méthode par rapport à une autre est conditionné par quelques critères principaux tels que la clarté dans l’utilisation, la simplicité dans la mise en œuvre et dans l’évaluation des résultats obtenus et l’applicabilité sur le terrain étudié. Dans ce volet, la réalisation d’une typologie est souvent orientée vers les méthodes d’analyses couramment utilisées tels que les méthodes multidimensionnelles et les méthodes multi-variées soient l’analyse factorielle des correspondances ou la classification hiérarchique (Ben Harb, 2015).

Notre choix s’est finalement tourné vers l’analyse hiérarchique multicritères développée par le mathématicien Thomas L. SAATY en 1980 à travers une méthode dite « AHP » (Analytic Hierchy Process). Cette dernière, permet la comparaison et le choix entre des critères préétablis. Elle est utilisée aussi pour évaluer un vecteur de poids pour les différents paramètres retenus. La mesure d’une situation donnée est « fondée sur la dérivation de priorités relatives à partir de comparaisons par paires, partageant ainsi un attribut commun » (Saaty, 1994 ; Kendrick et Saaty, 2007).

La méthode AHP présente l’avantage d’être simple et adaptable, d’appréhender le monde réel. En outre, « il s’agit de la seule méthode qui permettre de vérifier la cohérence de l’ensemble des jugements de comparaison » (Svoray et al., 2005). L’application des poids sur les données relatives aux périmètres irrigués d’El Kef, offre la possibilité de procréer un score pour chaque périmètre irrigué pour le classer. Les calculs sont effectués à travers le logiciel Expert Choice (version 2000 trial) développé par Thomas L. Saaty en 1985.

Les critères retenus

Afin de surmonter les limites des méthodes monocritères et de bien cibler des critères fonctionnels, une approche basée sur les systèmes de production a été préconisée. Ce choix est justifié tout d’abord par la large utilisation par les chercheurs tunisiens (Hanafi et al, 2011 ; Hanafi et al, 2014 ; Ben Harb, 2015 ;…). En Outre, cette approche à l’avantage de construire une typologie qui fait appel à plusieurs critères touchant aux différents aspects des exploitations agricoles notamment la dimension relationnelle et fonctionnelle (Ben Harb, 2015). Dans ce volet, il est judicieux d’intégrer une notion fondamentale liée à l’agriculture tunisienne. Cette dernière est connue par la diversification des cultures et la distinction se fait souvent à la base de la superficie allouée pour chaque type de culture (figure 4). C’est la raison pour laquelle nous avons retenu 4 critères touchant à cette spécificité de diversification qui sont :

- Critère 1 : Les superficies allouées aux céréales.

- Critère 2 : Les superficies des cultures maraîchères.

- Critères3 : Les superficies des cultures arboricoles.

- Critère 4 : Les superficies des fourrages.

Les étapes de mise en œuvre

L’application de la méthode AHP passe par plusieurs étapes (figure 4). Elle demande en premier lieu l’élaboration d’une matrice de comparaison binaire pour chaque critère retenu en précisant une échelle allant de 1 (peu important) à 9 (extrêmement plus important) selon l’importance du paramètre (échelle définie par Saaty, 1991). Les poids attribués aux critères de classification (tableau 2) sont entièrement basés sur l’enquête du terrain (reflet des points de vue des acteurs) et les recommandations des experts des établissements publics (Commissariat régional au développement agricole d’El Kef, l’office de développement du Nord-Ouest, l’office des terres domaniales,…), ainsi que les statistiques de ces établissements.

Tableau 2:.

Il est nécessaire de calculer un ratio de cohérence RC pour indiquer la fiabilité des jugements de la matrice obtenue (Saaty, 1991 et 2008 ; Saaty & Sodenkamp, 2010). Le ratio de cohérence "RC" se calcule par l’équation suivante :

RC= IC/RI

Avec, RC : ratio de cohérence, RI : indice aléatoire et IC : l’index de cohérence, calculé comme suit :

IC = λ max -n/n-1

λ max : valeur propre maximale de chaque facteur dans le tableau de la matrice et "n" représente la taille de la matrice.

Pour que la matrice soit cohérente, il faut que la valeur de RC soit inférieure à 0.1 (10 %). Concernant les PI d’El Kef, l’application a généré un RC de l’ordre de 1.17 %. Par conséquence, on peut affirmer que nos jugements sont cohérents. La dernière étape consiste à calculer les poids cumulés et générer un score qui sert de base pour classer chaque périmètre irrigué (figure 4).

Typologie des PI par l’utilisation "des profils prédominants"

Il s’agit d’une typologie qui reflète aussi les spécificités fonctionnelles des parcelles agricoles. La typologie entreprise est aussi fonction des superficies allouées aux quatre spéculations agricoles (céréales, maraîchages, arboricultures et cultures fourragères). Les valeurs moyennes issues des statistiques du CRDA et de l’enquête personnelle, ont servi de base pour calculer les taux relatifs aux superficies des différentes spéculations agricoles. La première étape consiste à créer pour chaque périmètre irrigué un diagramme à bandes (histogramme de répartition ou diagramme de fréquences) qui présente les superficies (même échelle de représentation). L’étape suivante consiste à faire une typologie en se basant sur les profils prédominants. C’est-à-dire, dégager des groupes de PI qui ont un profil semblable en commençant par des profils descendants jusqu’à ceux ascendants (hiérarchie des bandes dans chaque diagramme, figure 6). Ce type de classification est entièrement basé sur la perception visuelle, et en même temps, il garantit la représentativité des données et présente parfois plus de détails au sein de chaque groupe de PI.

Figure 6:.

SYNTHÈSES ET DISCUSSIONS

Typologie par la méthode AHP

Nous commençons l’interprétation des résultats par un classement des critères par ordre d’importance selon les valeurs accordées. Les poids cumulés sont présentés dans le tableau suivant :

Tableau 3:.

Au regard de ces premiers résultats, il est clair que le critère le plus important aux yeux des experts agronomes et praticiens dans l’agriculture en irriguée est le critère 4 "superficie des fourrages", ainsi la valeur 45,8% (+ 30.000 ha dans tout le gouvernorat, principalement dans les exploitations cultivées en irrigués, www.mehat.gov.tn) fait de lui un critère déterminant dans les décisions d’allocation des terres agricoles dans le gouvernorat d’El Kef.

La superficie allouée à l’arboriculture qui est estimée à 25,4% comme poids, est le deuxième critère important (+ 10.000 ha), quant à la superficie allouée au maraîchage, elle occupe le troisième rang en termes d’importance avec une valeur de 13,6%. Par ailleurs la superficie destinée aux céréales est le critère le moins important et le moins pris en considération par les acteurs de cette activité ayant comme poids 11,3%.

La typologie entreprise est fortement basée sur les scores générés par la méthode AHP (tableau 4). Toutefois, la définition des classes et leurs spécificités et entièrement induite des résultats de l’enquête nationale sur les structures des exploitations agricoles (2004-2005) élaboré par la DGEDA-MARH et des typologies construites par les chercheurs (Hanafi et al., 2014 ; Ben Harb, 2015). Dans ce volet, nous avons utilisé une classification de type ABC, qui est couramment utilisée par les gestionnaires et les agronomes. Elle permet de classer « les périmètres irrigués » en trois classes : A, B et C. Elle stipule qu’une plus grande attention est accordée aux périmètres dont la valeur est plus importante c’est à dire ceux de la classe A (Ben Harb, 2015). Les périmètres de moindres valeurs résident dans la classe C.

Tableau 4:.

• Les grands périmètres très diversifiés (A) : Ce type regroupe 34.48 % des périmètres avec une superficie totale estimée à 25439.63 ha (tableau 4). Ils appartiennent majoritairement au secteur privé et ils ont une orientation productive très diversifié (se basant sur les quatre types de cultures). Du point de vue répartition spatiale, les PI qui constituent ce groupe se localisent principalement dans les délégations de Kalaa Khasba, Sers, El Kef Ouest et Neber (figure 7). Ils se caractérisent par de grandes exploitations qui appartiennent aux périmètres dites de sauvegardes (anciens périmètres). Le périmètre de « Kalaâ Khesba 1» et de « Sers » ayant obtenus les meilleurs scores avec respectivement 0.67 et 0.61. Le premier présente un réseau dense de canalisation et géré par une association d’usagers (groupement de développement agricole) aisée et représente un exemple de réussite. Le second dispose de puits de surface et géré par des privés. Ce diagnostic montre que les exploitations de la classe A sont parmi les plus performantes

• Les périmètres moyennement diversifié (B) : La classe B regroupe 8% des périmètres soit 7 avec une surface estimée à 7256,62 ha. Ils se localisent dans la partie Sud du gouvernorat (+6000 ha dans la délégation de Kalaât Snan (figure 7)). Ils constituent des exploitations avec des superficies moyennes et des stratégies de diversification sont sont modestes. Le périmètre irrigué de « Sraa Ouerten 5 » a obtenu le score de 0.20 malgré les entraves majeures (manque d’encadrement en matière de conduite des cultures). Ces périmètres représentent un défi, en effet, bien que leurs moyens financiers sont modestes, les coûts élevés de la production en irrigué, les agriculteurs de ces PI fournissent des efforts considérables pour maximiser leurs marges brutes.

• Les périmètres avec un système monocultural (C) : Ce type regroupe 29.88 % des périmètres irrigués du gouvernorat, soit 26 (7282,43 ha). Les exploitations de ce système monocultural (sous exploitation) se localisent principalement dans les délégations d’El Gsour, Jerissa et El Kef Est. Le périmètre de « Abida » présente le score le plus bas généré de la classification, soit 0.007. Ces périmètres sont en pleines crises, en effet, ceux privés souffrent d’une infrastructure hydraulique défaillante qui engendre la perte de quantités importantes d’eau, ceux étatiques soufrent surtout d’une mauvaise gestion sociale (conflits majeures entre les usagers et les GDA, endettement envers les GDA, …) et ils utilisent des techniques d’irrigation traditionnelles et des cultures peu rémunératrices. Par conséquent, ces périmètres se caractérisent par des taux d’exploitation de plus en plus faibles allant jusqu’à l’abandon total de la parcelle. Dans ce contexte, une attention particulière doit être accordée aux exploitons de ce type qui affirment que les charges de production sont élevées et les risques du marché sont importants.

• Les périmètres non exploités (D) : Cette classe concerne 27.58% de l’ensemble des PI du gouvernorat (figure 7) avec une superficie totale évaluée à 2694.32 ha. Elle touche des petits périmètres souvent étatiques qui souffrent d’un modèle de gestion en défaillance. Les exploitations de ce dernier type sont caractérisées par le vieillissement dans le réseau de canalisation qui ne permet plus d’irriguer aujourd’hui. Les agriculteurs de ces petites exploitations se heurtent à des problèmes financiers et ils ne peuvent plus couvrir les charges de la production en irrigué (tarification de l’eau, main d’œuvre, semences,…). Par ailleurs, les exploitants enquêtés de ces périmètres perçoivent que l’agriculture n’est plus un secteur rentable (secondaire) et cherchent d’autres opportunités dans des petits commerces de contrebandes. Le périmètre irrigué d’El Houdh V n’a fonctionnée que quelques années après sa mise en eau.

Figure 7:.

Particularités de la typologie par la méthode graphique (profils prédominants)

Par rapport à la méthode AHP de Saaty, la typologie basée sur les profils prédominants montre beaucoup plus de détails sur la nature et les fréquences de l’utilisation des différentes spéculations (Taux d’exploitations). Il s’avère possible de dégager des variantes sous les classes des grands périmètres très diversifiés (la classe A) et des périmètres moyennement diversifiés (la classe B). En revanche, les estimations (nombre de périmètre et superficies) concernant les classes (C) et (D) sont presque identiques (tableaux 4 et 5).

Tableau 5:.

• La classe des grands périmètres avec les variantes (A1) et (A2) :

La variante A1 représente 26.4 % des PI avec une superficie totale estimée à 24078.03 ha. L’histogramme des spéculations agricoles du PI nommé Kalaa Khasba 1 (délégation de Kalaa Khasba) constitue l’exemple représentatif (plus typique) de la sous classe A1 (figure 8). Le taux d’exploitation est évalué à 93 %. Les parcelles agricoles de cette variante sont assez diversifiées avec une nette dominance des cultures fourragères (45 % de la superficie du périmètre). L’arboriculture constitue la deuxième spéculation dominante, elle occupe près de 30 % de la superficie totale.

Quant à la deuxième variante (A2), elle regroupe 6 PI (691,62 ha). Le profil prédominant du PI nommé Sidi Abdelbasset 2 (Délégation de Tejerouine) est choisi comme exemple représentatif de la sous classe A2 (figure 8). La céréaliculture domine les spéculations avec un taux d’occupation de l’ordre de 30 % suivie de l’arboriculture (27 %). Le taux d’exploitation globale est de l’ordre de 75 %. Le périmètre irrigué de Sidi Khiar qui appartient à la classe A selon la typologie de Saaty, figure dans la classe des périmètres irrigués sous-exploités ou non exploités en appliquant la méthode des profils prédominants (le taux d’utilisation du sol ne dépasse pas 3 %, enquête personnelle, 2018).

Figure 8:.

• La classe des périmètres moyennement diversifié avec les variantes B1, B2 et B3 :

Ce sont les mêmes PI prédits par la méthode de Saaty, seulement la méthode cartographique montre trois variantes avec trois histogrammes typiques. La variante B2, regroupe trois périmètres dont celui typique d’Ouled Boughanem qui présente un taux d’exploitation de l’Ordre de 62 %. L’arboriculture (photo 1) est la spéculation la plus dominante avec taux d’occupation qui varie autour de 40 %.

Photo 1:.

Le PI de Kalaa Khasba 5 (délégation de Kalaa Khasba) représente la variante B2 avec une superficie totale estimée à 226 ha (Tableau 5). Ce périmètre est orienté vers les cultures maraîchères de saison (+ 40 % de la superficie). Avec un taux d’occupation de l’ordre de 39 %, et de 51 %, les cultures maraîchères, dominent aussi respectivement les spéculations du PI de Sraa Ouerten 5 (typique de la variante B3) et d’El Kef 14 (typique de la classe C).

Limite des méthodes et problèmes des cultures irrigués dans le gouvernorat d’El Kef

Limites des méthodes

Les deux méthodes utilisées (AHP de Saaty et Profils prédominants) ont globalement, prédit et classés les PI de la même façon. Le taux de similarité a atteint 93 %. Cette valeur, confirme l’efficacité de l’une et de l’autre. Toutefois, cette recherche présente quelques limites qui sont liées principalement à l’approche. Dans ce volet, il est judicieux de rappeler que la méthode AHP a été parfois remise en cause. En effet, « la comparaison deux à deux d’éléments d’un même niveau, supérieur à sept, peut parfois s’avérer compliqué pour les experts » (Dodd et al., 1995). Ce constat est résolu dans ce travail, vu que les poids de pondération (échelle d’importance) n’ont pas dépassé la valeur « 5 ».

En dépit de ses apports, la typologie par la méthode AHP est trop soumise à la subjectivité, notamment dans le processus d’intégration des critères. Certains, estiment que cette approche est toujours influencée par la vision et les valeurs personnelles du répondant (Ben Harb, 2015). C’est le cas du PI de Sidi Khiar qui a reçu de fortes coefficients d’exploitation par les experts, alors qu’en réalité les parcellaires agricoles sont sous-exploités.

La méthode cartographique dite « profils prédominants » renseigne sur les spéculations qui dominent l’agriculture irriguée et sur le taux d’exploitation. La classification se fait visuellement à l’aide des profils typiques issus des histogrammes de fréquences (histogramme de répartition des spéculations). La hiérarchie des bandes dans un histogramme défini l’ordre descendant ou ascendant et traduit donc le poids et l’importance des spéculations. Il s’agit d’une excellente méthode de typologie. La difficulté réside dans le temps énorme nécessaire pour la conception des histogrammes à bandes au nombre des PI étudiées et dans le tri minutieux exercer pour dégager des profils typiques.

Quelques problèmes soulevés des pratiques agricoles en irrigués

Le gouvernorat d’El Kef dispose de grands bassins de production en irrigué. Cependant, les résultats des deux classifications ont prouvé que près 25 PI (3364 ha) sont en friche prolongée. D’autres PI (7106 ha) présentent un taux d’exploitation très faibles avec une orientation monoculturale. Il est clair à noter que le potentiel du gouvernorat est largement sous exploité et que les PI publics ou privés sont aujourd’hui confrontés à de nombreux problèmes qui limitent amplement leur fonctionnement.

Concernant les PI privés, les difficultés touchent surtout au manque d’encadrement des agriculteurs en matière de conduite des cultures, à la difficulté d’accéder aux financements par les agriculteurs qui disposent de petites exploitations et qui se trouvent incapables de couvrir les charges nécessaires pour l’électricité, la main d’œuvre, les engrais chimiques, les semences,…A cela s’ajoute les problèmes liés à l’irrigation. En effet, le début est devenu faible pour les forages et ressources naturelles. Ceci est dû essentiellement à la surexploitation des nappes phréatiques notamment dans les délégations de Sers, Dahmani et Tejerouine. L’exploitation globale est estimée à 26 Mm3 pour une réserve de seulement 25 Mm3 (www.mehat.gov.tn).

La vétusté du réseau, associée à des difficultés techniques de conception est parmi les difficultés des PPI. En effet, le CRDA ne dispose pas de moyens suffisants pour parvenir à faire la maintenance convenable. Dans ce contexte, nous rappelons également l’endettement cumulé vers les groupements de développement agricole et la société tunisienne d’électricité et du gaz qui entrave le processus d’irrigation. En outre, confier la gestion des PPI aux GDA et le désengagement quasi total de l’Etat a conduit à la diminution des subventions faites pour les allocations de l’eau d’irrigation et à l’augmentation tarifaire des volumes facturés aux usagers (CNEA-BRLI, 1996). Des conflits d’intérêt entre les usagers et les GDA ont été remarqués partout dans les PI du bassin versant de Mejerda (SCET & HYDROLAN, 2002 ; Samaâli, 2019).Ceux-ci rend le processus associatif autour d’un objectif commun difficile et les relations de gestion établies entre le CRDA et les GDA ont besoins d’être redéfinies en fonction des conjonctures actuelles. A remarquer également que les périmètres d’altitude sont exposés au risque de gel et de grêle alors que ceux abrités sont exposés au risque de la sècheresse qui prend de l’ampleur dans ces fiefs.

CONCLUSION

A la lumière de cette étude, deux démarches typologiques fondées sur l’analyse multicritères et sur les profils prédominants ont été opéré à la filière de l’agriculture irriguée d’El Kef. Les résultats statistiques et cartographiques ont montré une grande divergence entre des grands périmètres qui ont opté pour une stratégie d’intensification, de diversification de maitrise de l’environnement et de commercialisation et des petits périmètres sous exploités et en pleine crise. Certes, ce travail a permis de disposer d’un outil performant et simple pour la prise de décision et l’intervention en matière de gestion des périmètres irrigués.

Le diagnostic mené à travers les deux méthodes a permis de constater un certain « boycott » des cultures fortement consommatrices de l’eau tel que les cultures maraîchères avec un recours à la céréaliculture et l’arboriculture fruitière. D’ailleurs, ces transformations dans la structure sont observées dans la plupart des PI du bassin versant de la Mejerda. La particularité du Gouvernorat du Kef ce traduit à travers l’importance des cultures fourragères dans le paysage agraire. Ce choix qui est renforcé par une orientation vers l’élevage bovin, vise (malgré le coût) à maximiser les marges brutes des agriculteurs et constitue un moyen d’adaptation. Un part important de l’approvisionnement du gouvernorat en matière de produits maraîchères provient des micro-exploitations à caractère familiale (microfundia).

Dans le gouvernorat d’El Kef ou ailleurs, l’agriculture irriguée tunisoise va subir encore de forte pression et la situation est alarmante. En effet, la Tunisie a connu ces dernières années une période de stress hydrique liée aux changements globaux qui viennent notre planète. Par conséquent, l’eau est devenue une ressource rare à cause de la forte demande déclenchée par la croissance démographique, économique,…Un plan particulier d’intervention (PPI) est fortement recommandé dans les actions et les programmes de développement prochains. L’objectif est de valoriser le secteur irrigué, de remodeler les plans de gestion, sensibiliser les agriculteurs à adopter des techniques d’irrigation douces (goute à goute ou micro-irrigation) et surtout l’adaptation d’une approche participative de gestion au niveau local.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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