Résumé

Une étude sur l’analyse socio-environnementale des indicateurs de la dynamique du climat vécus par la population riveraine de la Réserve Forestière de Masako a été réalisée dans le village Masako. 60 ménages ont été enquêtés sur base d’un questionnaire pré-élaboré. Les résultats révèlent qu’au niveau du village Masako, la population perçoit les changements climatiques à travers les indicateurs tels que les pluies précoces ou tardives, les vents violents, les chaleurs élevées, les érosions et les perturbations des saisons. L’impact le plus important de ces changements climatiques est perçu au niveau de l’agriculture où les cultivateurs évoquent le flétrissement des cultures par manque d’eau, la difficulté du brûlis pour des précipitations précoces et la prolifération des insectes ravageurs qui se traduit par une baisse de la production agricole affectant l’insécurité alimentaire des ménages. Mais d’autres secteurs comme celui de la pêche, la carbonisation et le petit commerce ne sont pas épargnés. L’ensemble de la population enquêtée note que les perturbations climatiques observées dans le milieu présentent des impacts négatifs sur les ressources de la Réserve Forestière de Masako tels que la diminution des produits forestiers autre que le bois (gibiers, chenilles, escargots, etc.).


Mots clés: Masako, perception socio-environnementaux, risques climatiques, RD Congo.

INTRODUCTION

En République Démocratique du Congo, comme partout en Afrique, l’agriculture reste encore traditionnelle et très dépendante de la répartition annuelle des précipitations. Prenant en compte les effets prévus des changements climatiques sur la répartition annuelle des précipitations, nous pouvons nous attendre à ce que le calendrier de précipitations ne puisse plus servir de repères saisonniers pour les semis et les récoltes (PNUD, 2010). Ainsi, l’agriculture sera alors très affectée par des changements de température et l’augmentation de CO2 (Bals et al., 2009; Janin, 2010).

D’ici 2020, certaines études prévoient des diminutions des récoltes des cultures pluviales de plus de 50% dans certains pays (Lung’ahi et al., 2009). A cause des températures élevées, d’autres prévoient pour la deuxième moitié du 21ème siècle, des rendements en déclin dans beaucoup des pays (Janin, 2010; PNUD, 2010).

Ces prévisions mettent en évidence la nécessité de développer des stratégies d’adaptation pour faire face à ces changements climatiques. Ainsi, de nos jours, l’adaptation des populations rurales aux changements climatiques et leurs impacts socio-environnementaux est devenue une priorité, car la survie de millions d’humains en dépend. Mais les mesures d’adaptation les plus efficaces et durables sont souvent celles prises à l’échelle locale et qui impliquent directement les personnes concernées. C’est en fonction de leur perception et de leurs connaissances endogènes du changement climatique que les producteurs adopteront des pratiques d’adaptation en réponse à ses conséquences négatives (Dimon, 2008).

Pour que les populations rurales adhèrent effectivement aux actions locales d’adaptation aux changements climatiques, celles-ci doivent intégrer leurs savoirs endogènes (Kanté, 2011). Prendre en compte ces connaissances quoiqu’empiriques dans les politiques de développement est l’un des meilleurs moyens de gagner la confiance des paysans et de les persuader de la nécessité d’adopter des stratégies d’adaptations (Roncoli et al., 2001).

Mais jusqu’à ce jour, la perception des communautés paysannes des divers indicateurs environnementaux de la dynamique du climat n’est pas clairement définie. En ce qui concerne les perceptions des indicateurs des changements climatiques et leurs conséquences socio-environnementales, on rencontre des points de vue très diversifiés dans les communautés paysannes africaines (ICSU, 2002; Mapfumo et al., 2009; Gnanglé et al., 2011). Devant cette situation, il est très important de comprendre, dans le contexte congolais, quels sont les indicateurs environnementaux de la dynamique du climat vécus par la population riveraine de la Réserve Forestière de Masako.

Toutefois, il est important de signaler que notre attitude dans cette étude consiste, non pas à reléguer au second plan les opinions et idées des communautés locales, mais plutôt à mettre en valeur leurs discours et représentations. Attacher ainsi plus d’importance aux savoirs locaux permettra de développer une approche «Botton-Up» d’adaptation au changement climatique au lieu d’imposer aux populations riveraines à la réserve Forestière de Masako un modèle de progrès et de connaissance conçu sur base de l’expérience ailleurs, ce qui risquerait de sacrifier des valeurs au profit des modèles.

Le changement climatique actuel étant d’abord une notion scientifique, nous voulons, grâce à cette recherche, éviter ce que Bertin et al., (2003) soulignent dans leur étude en montrant que le développement local est aujourd’hui une pratique institutionnalisée et instrumentalisée par les politiques venues d’en haut, qu’elles soient européennes, nationales ou régionales. Nous voulons ici replacer le changement climatique dans le contexte congolais en général, et celui de la Réserve Forestière de Masako en particulier. Ce n’est que de cette façon que nous pourrons espérer développer des pratiques d’adaptation prises dans leur réalité intrinsèque et qui se conforment à l’identité et traits particuliers de cette population (Bertin et al., 2003).

L’objectif de la présente étude est donc d’identifier les indicateurs environnementaux de la dynamique du climat tels que vécus par la population riveraine à la Réserve Forestière de Masako ainsi que leurs impacts sur l’agriculture dans le village et sur les ressources de la Réserve.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Milieu

Notre étude a été réalisée dans le village Masako autour de la réserve forestière portant le même nom. La Réserve forestière de Masako est située en République Démocratique du Congo, dans la Province de la Tshopo (anciennement District de la Tshopo de la grande Province Orientale), à proximité de la ville de Kisangani, à 14 Km de son côté Nord Est, sur l’ancienne route Buta, dans la collectivité Lubuya Bera, en face du village Batiabongena. Elle est localisée à 00°36’ latitude Nord et 25°13’longitude Est, entre 460-500 m d’altitude au niveau du gîte. Elle a une superficie totale de 2105 ha presqu’entièrement située dans la grande boucle de la rivière Tshopo, encore appelée «Boucle de Masako» (Juakaly, 2007).

A cause de sa proximité de la ville de Kisangani, Le climat de la réserve Forestière de Masako est globalement celui de la région de Kisangani, sauf quelques petites modifications (température et pluviométrie) dues à la présence du couvert végétal de la réserve et à son hydrographie assez dense, cette région est caractérisée par un climat du type «Afi» de la classification de Köpen. Dans cette classification, «A» désigne un climat chaud avec les moyennes mensuelles supérieures à 18°C; «f» le climat humide dont la pluviosité est répartie sur toute l’année; c’est-à-dire sans saison sèche absolue et dont la hauteur mensuelle des pluies du mois le plus sec est supérieure à 60 mm et «i» signale une très faible amplitude thermique. La température varie de 27,6°C à 28,9°C avec une moyenne annuelle de 28,3°C. Les précipitations sont abondantes toute l’année (supérieures à 1750 mm), mais inégalement réparties, avec une hauteur moyenne annuelle de 1782,7 mm. On observe un déficit pluviométrique en Janvier (55,5 mm) et Juillet (80,9 mm), périodes qui correspondent aux saisons subsèches de notre région. Les maxima par contre sont constatés en Avril (143,0 mm) et en Septembre (1991,0 mm), mois qui correspondent aux périodes des grandes pluies à Kisangani. Deux courtes périodes sèches (décembre-février et juin-août) et deux courtes périodes humides (mars-mai et septembre-novembre) y coexistent (Juakaly, 2007).

En RD Congo, la chasse et l’agriculture itinérante sur abattis brûlis sont reconnues comme les principales activités de survie des populations. Elles sont pratiquées depuis plus d’un siècle, comme dans la plupart des forêts africaines. La région de Kisangani renferme une population d’environ 2.163.000 habitants, soit 30 % de la population totale de l’ancienne Province Orientale dont plus de 80 % sont tributaires des forêts. D’une manière générale, l’activité principale du paysan de Masako est l’agriculture itinérante sur abattis brûlis. La mise en jachère dépasse rarement sept ans, si bien que le sol subit une forte pression dont l’issue est encore inconnue à ce jour.

En plus de l’agriculture, les paysans s’adonnent à l’exploitation forestière artisanale et à la fabrication du charbon de bois qui sont d’autres activités destructrices des forêts. Suivant les saisons, la population riveraine de la réserve pratique la cueillette des champignons et des végétaux comestibles, le ramassage des chenilles et des escargots, la chasse à fusil et à chiens de chasse, la pêche à filet ou à nasse et la fabrication du vin de palme à partir d’Elaeis guineensis ou de Raphia gilletii. Elle trouve dans la forêt le nécessaire pour sa survie, notamment: bois de chauffe, bois de construction, plantes médicinales, viande de brousse, rotangs, pailles, etc… Souvent, les arbres à chenilles et les palmiers sont simplement abattus pour faciliter les opérations de ramassage des chenilles et de fabrication du vin.

Matériels

Notre étude étant à caractère socio-environnemental, des questionnaires d’enquête nous ont été d’une grande utilité pour la récolte des données. Ce questionnaire était composé de questions orientées de manière à permettre une compréhension de la perception des indicateurs environnementaux de la dynamique du climat par la population de Masako ainsi que les différents impacts qui en découlent. Des notes supplémentaires sur d’autres détails soulevés par la population ont été prises.

Méthodes

Nous avons recouru à la méthode inductive telle que décrite par Aktouf (1992) dans son ouvrage de Méthodes des sciences sociales. Cette méthode consiste à tenter des généralisations à partir de cas particuliers. Cela se fait concrètement en observant des caractéristiques précises sur un ou plusieurs individus (objets) d’une classe et afin de démontrer la possibilité de généraliser ces caractéristiques à l’ensemble de la classe considérée. C’est la succession «observation – analyse – interprétation – généralisation». Les enquêtes ont eu lieu au mois de Janvier 2019.

Notre enquête a été menée sous forme d’entretien avec un questionnaire préalablement conçu. Étant donné que l’étude a été menée dans une zone où la majorité de la population a un niveau d’instruction faible, l’enquête s’est réalisée sous forme d’une interview (entretien) avec la population de Masako. Ainsi la taille de l’échantillon était de 60 individus, en raison d’un représentant (homme ou femme) par ménage. Cet échantillon a été constitué par la méthode non probabiliste étant donné que la taille de la population ne nous était pas connue.

Les questions en français ont été traduites en lingala pour permettre à la population de bien s’exprimer lors des différents entretiens. Leurs réponses ont été fidèlement transcrites dans les questionnaires pour des analyses ultérieures.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Profil de la population d’étude

Plus de la moitié des enquêtés avaient vécus dans le village de Masako entre 1-35 ans. Mais environ 40% d’entre eux y sont nés et y ont vécu plus de 30 ans. La taille de ménage est très variable dans le milieu d’étude. Le nombre d’individus varie de 2 à 31 par ménage, avec une taille moyenne de 10 personnes par ménage. Plus de 50% des ménages comptent entre 7 à 12 individus. 100% des enquêtés pratiquent l’agriculture, même si des fois elle est associée à d’autres activités comme la chasse, la pêche ou le petit commerce.

Comme l’ont montré Dixon et al. (2001) qui indiquent que l’agriculture contribue à environ 20% du PIB du continent Africain, emploie 67% de main-d’œuvre et est la source principale de subsistance, l’agriculture est d’une importance capitale dans la zone d’étude. Cette situation mérite une attention particulière car, comme indiqué par Molua et al. (2010), les petits exploitants sont à l’origine de plus de 80% de la production agricole et fournissent de la nourriture à environ 600 millions de personnes en Afrique. De ce fait, si les perturbations climatiques affectent cette activité, c’est la survie des millions d’humains qui sera menacée.

Indicateurs de perturbations climatiques

Dans le village Masako, les enquêtés ont mis en évidence trois principaux indicateurs de perturbations climatiques (pluies précoces, vents violents et perturbation des saisons). Les travaux d’Ouédraogo et al. (2010), relatifs aux perceptions et stratégies d’adaptation aux changements des précipitations conduite dans les zones sahélienne, soudano-sahélienne et soudanienne du Burkina Faso, ont relevé les indicateurs similaires: baisse des pluies, dérèglement de la saison, irrégularité des pluies, poches de sécheresse, les fortes pluies, etc. De même, dans une étude menée au nord du Bénin (Dimon, 2008), 90% des enquêtés avaient indiqué qu’il y avait eu un changement dans le déroulement de la saison agricole. Les pluies arrivent tardivement, ce qui implique la baisse du nombre de jours de pluie. Les villageois soulèvent la manifestation de certaines poches de sécheresse pendant la saison de pluie mais également la persistance de la sécheresse. Guibert et al. (2010) ont relevé des perceptions paysannes similaires dans les réponses à un sondage conduit en zone cotonnière du Nord du Bénin.

Même si à Masako on n’observe pas encore certains indicateurs relevés dans d’autres études (Bambara et al., 2013; Ouédraogo et al., 2010) comme la violence des tonnerres durant toute la saison pluvieuse, la disparition des pluies accompagnées de grêle, la fréquence d’apparition d’arc-en-ciel en début de saison pluvieuse, la diminution de la rosée, les résultats obtenus dans cette étude montrent que la population de Masako est consciente des changements climatiques en cours et perçoit bien les différents indicateurs environnementaux de la dynamique du climat dans leur milieu.

Impacts négatifs des perturbations climatiques à Masako

Au regard du tableau 1, nous constatons que les perturbations climatiques entraînent plusieurs impacts négatifs sur les activités agricoles de la population de Masako. En général, plus de 45 enquêtés (Incidence: 1) déplorent la baisse de leurs productions agricoles entraînant l’impact négatif sur la sécurité alimentaire des ménages, ce qui entraîné la diminution de la disponibilité de nourriture; la rareté des gibiers qui réduit la consommation des produits carnés au niveau des ménages et la pêche moins productive qui oblige la population à aller chercher les poissons fumés ou salés à Kisangani. Cette baisse de production agricole est liée à d’autres conséquences des perturbations climatiques. C’est notamment, le cas des difficultés de brûlis lors des pluies précoces cités par plus de 45 enquêtés (Incidence: 1). Certains parlent de pluies abondantes sur des courtes périodes qui entraînent une prolifération des mauvaises herbes (Incidence: 1). Enfin, les autres enquêtés (Incidence: 4) disent qu’ils éprouvent des difficultés pour semer leurs champs lorsque les pluies arrivent tardivement que d’habitude.

En dehors de l’agriculture, les autres activités telles que la chasse, la cueillette, la fabrication de charbon de bois, la pêche et le petit commerce sont également touchés par ces impacts négatifs. S’agissant des stratégies adoptées pour faire face à ces changements, les avis sont partagés. Certains se remettent à Dieu (aucune stratégie), d’autres diversifient les cultures ou adoptent des activités alternatives (élevage, petit commerce), d’autres encore préconisent le sarclage régulier, le suivi et l’adaptation du calendrier agricole selon les aléas du climat ou le semis des cultures à cycle court (3 mois) comme le riz, le niébé, l’arachide et le soja.

Les impacts constatés sur l’agriculture et les autres activités telles que la chasse, la carbonisation à Masako rejoignent le constat fait dans plusieurs études (Agossou et al., 2012; Doussou-Yovo et al., 2017). Ces auteurs indiquent que les changements climatiques actuels qui entraînent des impacts négatifs sur l’agriculture se manifestant par une diminution de la productivité agricole. Les études de Boko (1988), Afouda (1990) et de Ogouwalé (2004) confirment la perception de la population de Masako en montrant que même au Bénin, la péjoration pluviométrique induit une réduction de la durée de la saison agricole, avec comme conséquence la baisse de la production. En ce qui concerne l’agriculture, les études antérieures dans d’autres régions d’Afrique ont montré, de même que la présente étude, que les impacts négatifs proviennent généralement de la modification annuelle de la répartition des précipitations. C’est ainsi qu’au Bénin, Agossou et al. (2012) suggèrent la révision officielle du calendrier agricole par les cadres compétents en la matière, notamment les chercheurs, pour s’adapter aux modifications actuelles du climat. C’est à cette modification de calendrier suivant les perceptions des producteurs qu’avaient abouti Brou et al. (2005) en Côte d’Ivoire. A la lumière de cette étude, cette révision du calendrier agricole serait aussi d’une grande utilité dans le contexte de la République Démocratique du Congo en général et de Masako en particulier.

Selon Besada et Sewankambo (2009), beaucoup de régions en Afrique ont répondu aux impacts du changement climatique. Par exemple, face aux précipitations irrégulières qui avaient aggravé la déforestation sur les pentes, les habitants de la région du lac Olbollosat, dans le centre du Kenya, avaient fournis des efforts pour réduire cette déforestation à travers la reforestation. De même au Bénin, Agossou et al. (2012) signalent que les paysans adoptent des stratégies variées: la combinaison des cultures, adoption des cultures adaptées aux nouvelles contraintes climatiques, etc. C’est plus ou moins le cas à Masako où la population préconise le sarclage et binage des champs de cultures et le changement des cultures. Mais en même temps beaucoup des paysans, à cause de leur pauvreté n’ont pas de stratégie d’adaptation, ce qui confirme le point de vue de Sabaï et al. (2014) qui ont montré que les contraintes financières sont les principales barrières à l’adaptation des populations rurales aux changements climatiques.

Impact sur les ressources naturelles de la Réserve Forestière de Masako

A Masako, la totalité des enquêtés (100%) ont révélé que les perturbations climatiques observées dans le milieu présentent des impacts négatifs sur les ressources de la Réserve Forestière de Masako tels que la diminution des produits forestiers autre que le bois (gibiers, chenilles, escargots, etc.).

Ceci rejoint l’affirmation de Gregory et al. (2005) qui affirment que dans certaines régions d’Afrique sévit déjà le changement climatique qui altère la dynamique de sècheresse, de précipitation et de chaleur. Il induit également d’autres contraintes secondaires telles que la dispersion des pestes, la compétition accrue pour les ressources conduisant à la perte de la biodiversité (Gregory et al., 2005). Ceci, selon les dires des paysans, est vrai car la baisse de la production agricole induit l’accroissement de la pression sur les ressources de la Réserve mettant ainsi en péril leur renouvellement.

Significations culturelles

A Masako, 46,7% des personnes enquêtées ont évoqué que les changements observés découlent d’une désapprobation divine (Dieu n’est pas content d’eux). En outre, un groupe constituant 23,3% indique que l’environnement n’est plus favorable pour eux; un autre groupe représentant 20% explique que ces perturbations sont liées à la colère des ancêtres. Enfin, 10% d’enquêtés n’ont pas d’explications pour les changements observés dans leur milieu.

Le taux élevé des personnes citant la désapprobation divine comme signification culturelle des changements climatiques est certainement dû à la domination du christianisme en République Démocratique du Congo en général, et dans la région de Kisangani en particulier. Mais il pourrait aussi être expliqué par le faible taux de scolarisation de la population sous étude.

L’explication des changements climatiques par une désapprobation divine laisse une grande partie de la population dans un état d’inaction. Considérant que les changements climatiques sont d’origine divine, cette franche de la population n’adopte aucune stratégie pour y faire face. C’est ainsi que la majorité d’enquêté ont déclaré n’avoir rien d’autres à faire que de se remettre à Dieu pour résoudre le problème. Cette situation est commune à d’autres régions d’Afrique. Dans une étude similaire au Bénin, Sabaï et al. (2014) associent cette manière de penser à la pauvreté de la population. D’après ces auteurs, pendant que les populations riches et moyennement riches développent des stratégies nouvelles pour faire face aux changements climatiques, les plus pauvres se remettent à Dieu à travers la prière.

CONCLUSION

Contrairement à ceux qui pensent que les populations rurales ne savent rien des perturbations climatiques en cours, cette étude montre bien au contraire que la population riveraine à la Réserve Forestière de Masako en général et celle de Masako en particulier perçoit très bien les indicateurs de la dynamique du climat dans leur milieu. Ils constatent déjà les impacts négatifs des perturbations climatiques sur leurs activités socio-économiques et en ont bien conscience dans leur vécu quotidien.

La prise en compte de ces savoirs endogènes dans l’élaboration des stratégies d’adaptation pourrait être un meilleur moyen d’impliquer cette population dans la lutte pour leur survie. Nous soutenons ainsi l’opinion de Mwabila (2000) qui écrit à juste titre que “face à la faillite des stratégies du développement proposées jusqu’ici aux pays du tiers monde, particulièrement à l’Afrique, la nécessité se fait sentir de repenser la théorie, les pratiques et les stratégies du développement ”.

Il faut donc concevoir un modèle d’adaptation aux changements climatiques basé sur les réalités africaines, problèmes ainsi que les moyens matériels et humains, pour préparer le continent à faire face aux grands défis qui nous sont lancés en rapport avec la problématique actuelle du climat.

RÉFÉRENCES

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