Résumé

Le Programme d’Accélération de la Cadence de l’Agriculture Sénégalaise (PRACAS), conçu comme une déclinaison de la politique agricole du Plan Sénégal Émergent (PSE) principal outil de planification des politiques publiques sénégalaises, témoigne d’une rupture de par sa démarche participative et inclusive. Il a été initié en 2014 par le gouvernement sénégalais dans l’optique d’accroître les productions agricoles et par conséquent d’atteindre une autonomie alimentaire nationale. Ce programme a entraîné des dynamiques à l’échelle du bassin de l’Anambé. Ce dernier, aménagé dans une perspective de double culture irriguée annuelle, constitue un terrain privilégié de ce programme pour l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire, notamment en Haute Casamance. Cette étude évalue les impacts du PRACAS sur l’environnement agricole du bassin de l’Anambé. Elle s’appuie sur des enquêtes de terrain, des entretiens auprès de personnes ressources (techniciens, responsables d’Unions hydrauliques et de Groupement d’Intérêt Économique) mais également sur une analyse de statistiques agricoles collectées au niveau de la Société de Développement Agricole et Industriel du Sénégal (SODAGRI). Il ressort de ce travail que le PRACAS, malgré la persistance de l’insécurité alimentaire, a permis la réhabilitation du périmètre, la réception de matériel agricole et l’augmentation des superficies et des productions rizicoles dans la zone. Ces résultats ont incité l’État du Sénégal à étendre la zone d’intervention de la SODAGRI à toute la zone Sud du pays.


Mots clés: PRACAS, dynamique des espaces ruraux, insécurité alimentaire, productions rizicoles, bassin de l’Anambé

Introduction 

L’agriculture représente un des secteurs essentiels de l’économie du Sénégal. Elle contribue à hauteur de 17% au produit intérieur brut (PIB) (Ministère de l’Économie et des Finances du Sénégal, 2011). Elle est cependant peu diversifiée. Elle repose à la fois sur des cultures de rente (arachide, coton, etc.) et sur des cultures vivrières (mil, sorgho, maïs et riz). Les producteurs sont constitués essentiellement de petits exploitants qui pratiquent des assolements traditionnels. La plupart d’entre eux combinent cultures de rente et cultures vivrières de subsistance, tout en possédant quelques animaux, en élevage extensif. Cette agriculture est essentiellement pluviale et saisonnière. Elle est par conséquence exposée aux aléas climatiques.

L’État du Sénégal a initié des politiques et programmes destinés à accroître les productions agricoles, réduire la vulnérabilité des populations, satisfaire une demande alimentaire en croissance du fait de l’évolution très rapide de la population. Parmi ces programmes, on peut citer la Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA) initié en 2008, le Programme National d’Autosuffisance en Riz (PNAR) enclenché en 2009 et le Programme d’Accélération de la Cadence de l’Agriculture Sénégalaise (PRACAS). Dans le cadre de ce travail, c’est ce dernier programme qui est retenu, et l’accent est mis sur la culture du riz, principale culture au niveau des périmètres. Il a été initié en 2014 dans l’objectif d’intensifier le secteur agricole par une remobilisation des acteurs mais aussi par un effort considérable de mécanisation. Des zones ont ainsi été identifiées selon leurs potentialités, pour une meilleure contribution à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire au niveau national. Le bassin de l’Anambé a été choisi de par la possibilité d’une double culture en hivernage et en contre-saison qu’elle offrait, à côté de la vallée du fleuve Sénégal.

Malgré le caractère modeste des réalisations dans le cadre de ce programme dans la zone d’étude, le PRACAS a permis à la SODAGRI d’améliorer très sensiblement ses performances, comparées à ses résultats antérieurs, notamment en termes d’emblavures, d’équipements en matériel agricole, d’investissements agricoles, entre autres. Par contre, malgré l’importance des investissements supposés réalisés associés aux résultats encourageants de ce dernier quinquennat, les producteurs sont pour la plupart socialement et économiquement vulnérables (Sy et Mballo, 2017).

Cette présente étude a pour objectif de contribuer à l’évaluation des impacts du PRACAS sur l’environnement agricole du Sénégal, et particulièrement dans le bassin de l’Anambé. S’y ajoute, l’analyse du mode de gestion des périmètres.

Matériel et méthodes

Affluent de la Kayanga dont la source se trouve en Guinée république, l’Anambé draine un bassin versant de 1 100 Km2. Ce cours d’eau coule suivant une orientation nord-sud jusqu’à sa confluence avec la Kayanga, à 10 km au sud de Kounkané (Dacosta et Gomez, 1998). Le bassin de l’Anambé est à cheval entre les départements de Kolda et de Vélingara. Il appartient à la région naturelle de la Haute Casamance.

Le diagnostic des types de sols montre une variation selon que l’on soit sur le plateau ou le bas-fond. Ainsi, nous pouvons avoir des sols peu évolués, hydromorphes, ferrugineux tropicaux lessivés ou encore des sols peu évolués d’érosion. A cela, s’ajoute les sols minéraux bruts.

Différents programmes et projets ont été entrepris dans ce bassin mais rares sont ceux qui en ont donné des résultats probants.

Les enquêtes ont essentiellement porté sur l’évolution des emblavures et des productions rizicoles avec la mise en œuvre du PRACAS, sur les opportunités créées par ce programme ainsi que la gestion des activités agricoles dans le bassin. L’accès à la base de données du répertoire des producteurs du bassin de l’Anambé a permis de mener les enquêtes en fonction des quatre unions hydrauliques. Pour chacune d’elles, nous avons interrogé 5 % des membres, soit au total 183 producteurs interrogés. Notre unité d’échantillonnage est l’union. On entend ici par union «une association de GIE appartenant au même secteur du grand périmètre». Nous avons fait un échantillonnage aléatoire assez représentatif des six secteurs (1, 2, 3, 4,5 et G) du périmètre aménagé. L’unité déclarante est le GIE et l’unité de référence est le producteur ou la productrice.

Des villages ont été également ciblés du fait qu’il était très difficile de trouver certains producteurs au niveau du périmètre. Cela s’explique par le fait que l’agriculture dans le bassin ne demande pas beaucoup de travaux manuels. Du labour à la récolte, ils utilisent le matériel agricole (tracteurs, moissonneuses, etc.). Nous avons travaillé en fonction des communes urbaines du bassin qui sont composées de villages. Nos enquêtes ont été menées dans 15 villages, à raison de trois villages par commune.

Les exploitations agricoles au niveau du Bassin de l’Anambé se caractérisent par une diversité socio-économique et organisationnelle. Pour comprendre les dynamiques d’organisation et de fonctionnement des activités ainsi que les besoins des producteurs, il est indispensable de faire une typologie des producteurs. Nous en avons identifié trois catégories, à savoir les petits producteurs (0,5 à 4 ha), les producteurs moyens (5 à 10 ha) et les gros producteurs qui peuvent emblaver jusqu’à 100 ha.

La formule suivante a été utilisée pour le calcul du taux de variation des productions, des superficies et des rendements:

où V (x) = variation de x, Va = valeur d’arrivée et Vd = valeur de départ.

Résultats

Gestion du périmètre aménagé du Bassin de l’Anambé

La SODAGRI a été créée en 1974 dans le but de faire des aménagements au niveau du Bassin de l’Anambé. L’idée à l’époque était de répondre à la problématique de la sécheresse advenue à la fin des années 1960 mais surtout de satisfaire une demande alimentaire qui ne cesse de croître du fait du croit démographique. Elle est chargée de l’aménagement et de la gestion des infrastructures effectuées dans la zone. Elle travaille avec des acteurs tels que la Fédération des Producteurs du Bassin de l’Anambé (FEPROBA) et les collectivités locales.

De l’acquisition de matériel agricole et de sa répartition

Dans le bassin de l’Anambé, un important matériel agricole a été acquis en 2015 dans le cadre du PNAR et du PRACAS. En effet, dans le cadre du Projet d’Appui à la Sécurité Alimentaire et à l’Élevage (PASAEL), de petits équipements agricoles ont été acquis par la SODAGRI. Il s’agit de 15 motoculteurs équipés, 15 motofaucheuses, 15 batteuses, 15 décortiqueuses et 23 tracteurs. Ce matériel est réparti dans les différentes communes de la région de Kolda.

Au total, trois PNAR ont été élaborés au Sénégal, avec des objectifs différents. Le premier visait l’autosuffisance en 2012, le second en 2015 et le dernier en 2017.

Pour nous, il faut une cohabitation des deux types d’agriculture pour prétendre atteindre les objectifs que s’est assigné l’État. Dans la même logique, il faudrait une complémentarité entre exploitation familiale et celle d’entreprise.

La plupart du matériel a été mis en place au niveau des chefs-lieux de communes alors qu’il devait être acheminé directement dans les vallées bénéficiaires.

Mode de fertilisation des sols du bassin

Les résultats des enquêtes révèlent que 82 % des producteurs accèdent aux intrants par emprunt. Les producteurs intervenant dans les périmètres aménagés de la SODAGRI empruntent les intrants au niveau des Unions. Cette dette sera remboursée après la récolte en nature (riz) ou en espèces. Ils utilisent la fumure animale pour amender leurs champs même s’il faut noter que cette pratique est très faiblement pratiquée dans les périmètres aménagés.

La majorité des producteurs (91 %), utilise l’engrais chimique contre une minorité (9 %) qui continue à pratiquer la technique de la stabulation bovine. Les champs en jachère sont transformés en étables pour au moins une année.

Après chaque passage du bétail, il s’en suit une concentration d’humus dans les champs. Il faut noter que la stabulation bovine joue un rôle important pour le relèvement des rendements agricoles mais reste encore insuffisamment développée dans le bassin de l’Anambé. Même si, selon les travaux de Pélissier (1966), tout Foulacounda dispose du bétail et a certainement envie d’en accroître, la question de la stabulation comporte des variables complexes.

Du point de vue social, l’évolution des mentalités est une réalité certes globalement bien appréciée, mais aussi un couteau à double tranchant. En effet, dans les villages environnants des périmètres irrigués du bassin de l’Anambé cette évolution est favorisée par un certain nombre de facteurs tels que l’école et la proximité des établissements urbains. L’influence culturelle de ces dernières, s’accommode difficilement avec la vie traditionnelle du monde rural, notamment en matière d’intégration de l’élevage à l’agriculture. Le soir par exemple, les heures propices au regroupement des bovins sur le terrain à fumer coïncident avec celles du jeu favori des enfants, en l’occurrence le football ou alors celles d’apprentissage et de révision de leçons.

Mode d’organisation autour des secteurs

La dimension «organisation» constitue un axe indispensable pour l’atteinte des objectifs d’autosuffisance dans le bassin. Les producteurs s’organisent ainsi en famille (86,9 %) ou individuellement (12,6 %) pour mener à bien leurs activités agricoles au niveau des périmètres aménagés (Figure 2).

Les activités agricoles sont planifiées en fonction des membres de la famille. Tout se passe entre les membres de la famille.

Les Organisations de Producteurs (OP) se caractérisent par un manque de moyens matériel et financier, la pauvreté, un déficit criard de systèmes d’information et de communication internes et les manipulations dont elles ont été victimes durant une période conflictuelle engagée avec la SODAGRI. Cette situation a engendré des velléités de création de la nouvelle génération de Sections Villageoises et une atmosphère généralisée de suspicion et de méfiance entre elles et la Société.

Par ailleurs, la plupart des membres n’arrivent pas à comprendre l’utilité des structures paysannes. La caution solidaire ne fonctionne pas au sein de celles-ci qui sont toutes des Groupements d’Intérêt Économique (GIE). En effet, la solidarité affichée pour la négociation du crédit ou de tout autre appui extérieur n’est que factice, puisqu’au cours de la mise en œuvre chacun va de son côté en oubliant l’organisation qui l’a soutenue dans l’obtention du crédit ou des appuis de toute nature. De même, les règles établies et les engagements pris ne sont généralement pas respectés. De plus, l’absence de formation des producteurs peut être considérée comme étant à l’origine de toutes les difficultés rencontrées par les OP en matière de structuration, de fonctionnement et de gestion. Elle se manifeste à travers la faiblesse des ressources humaines de qualité dans les OP. De ce fait, les aptitudes et les compétences que les membres de celles-ci devaient avoir en matière de planification, de conduite et d’établissement de bilans analytiques des campagnes agricoles ne sont pas acquises.

Dans le cadre de la campagne hivernale 2013, toutes les catégories de producteurs ainsi que les personnes-ressources interrogées reconnaissent que les intrants agricoles, notamment les semences et les engrais, ont été mis en place à temps par rapport aux années précédentes (SOW, 2013). En témoignent, les résultats de nos enquêtes qui révèlent que 82 % des personnes interrogées affirment que les intrants arrivent à temps. Les producteurs y accèdent soit par emprunt ou encore par achat. En cas de besoin, ils se rendent au niveau des magasins des Unions.

Modalités d’obtention de parcelles au niveau périmètre irrigué du bassin

Dans le système d’organisation mise en place par les Unions Hydrauliques, une personne physique ne peut accéder au périmètre aménagé sans être membre d’un Groupement d’Intérêt Économique (GIE) affilié à l’Union. Ainsi, au niveau de ces Unions hydrauliques, membres de la FEPROBA, les attributaires du foncier aménagé sont des GIE familiaux ou villageois. De ce fait, il appartient à ces derniers de redistribuer les parcelles obtenues à leurs membres. La majeure partie des exploitants du périmètre aménagé se sont intégrés dans ce système.

Les producteurs s’organisent en GIE (72,7 %) pour y obtenir des parcelles. S’y ajoutent des producteurs qui ont accédé au périmètre par héritage (13,7 %), par prêt (5,5 %), etc. Paradoxalement, un producteur démissionnaire ou exclus d’un GIE ne perd pas sa parcelle au profit de l’organisation car le Conseil municipal est la seule institution, habilitée à lui retirer la terre.

Il y a également des producteurs individuels autochtones ou allochtones qui ont pu accéder au grand périmètre (06 secteurs) en étant affectataire de parcelles, en leur nom propre ou au nom de leur GIE. Parallèlement à ces deux (02) circuits, il existe des personnes physiques autochtones ou allochtones qui ont accédé au périmètre aménagé, par le canal de la SODAGRI et des OP (Unions Hydrauliques, Sections Villageoises, etc.). Ils sont minoritaires par rapport aux groupes précédents. Nos enquêtes ont révélé que la majorité des populations autochtones éprouve d’énormes difficultés pour accéder au périmètre. Certains d’entre elles qui en disposent, rêvent d’augmenter leurs emblavures chaque année.

Analyse de l’évolution des emblavures et des productions dans le Bassin de l’Anambé avant et pendant le PRACAS

Cette section analyse l’évolution des emblavures et des productions dans le bassin de l’Anambé.

De l’évolution des emblavures et des productions dans le Bassin de l’Anambé avant le PRACAS

Les statistiques agricoles et rizicoles en particulier, fournies par la SODAGRI, montrent une évolution en dents-de-scie aussi bien pour les superficies que pour les productions. Cette situation n’a pas permis d’atteindre les objectifs d’autosuffisance alimentaire dans la zone, encore moins de contribuer significativement à celle nationale. Différents programmes et projets ont été déroulés dans ce bassin mais jamais l’objectifs d’emblaver les 5 000 ha n’a été atteint.

Évolution des superficies rizicoles avant le PRACAS

Globalement l’évolution des emblavures est irrégulière dans le bassin de l’Anambé de 1986 à 2013. Malgré la superposition de politiques agricoles, les superficies ont toujours été inférieures à 1 500 ha jusqu’à la fin des années 1990 dans ce bassin. Les meilleures performances en matière d’emblavures n’ont été enregistrées qu’à partir de 2000 (2 687 ha), mais elles ne se sont pas poursuivies (Figure 3).

La superficie moyenne annuelle pour la période considérée est de 1 304 ha. Elle est de 864 ha pour la période avant 2000 (1986-1999) et de 1745 ha pour la période allant de 2000 à 2013, soit une variation de 102 %. Différents plans, programmes et projets ont contribué à ces performances encourageantes, parmi lesquels le Plan de Retour Vers l’Agriculture (REVA) initié en 2006, la Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA) enclenchée à partir de 2008, le Programme National d’Autosuffisance en Riz (PNAR) entamé en 2009, entre autres. A cela s’ajoute un retour timide de la pluviométrie dans la région, après une longue période de sécheresse mais également le retour de la Caisse Nationale de Crédit Agricole du Sénégal (CNCAS), principal bailleur de fonds des producteurs du bassin.

Évolution des productions rizicoles de 1986 à 2013

Au même titre que les superficies, les productions ont connu une évolution irrégulière dans le bassin. Elles varient d’une année à l’autre et confirment ainsi le caractère mitigé des résultats dans cette zone. La moyenne des productions enregistrées à la période considérée (1986 à 2013) est de 4 605 tonnes. Elle était de 2 737 tonnes de 1986 à 1999 et 6 473 tonnes de 2000 à 2013, soit une variation de 136 %.

Globalement, les productions ont augmenté à partir des années 2000, mais restent insuffisantes pour atteindre l’autosuffisance dans la région.

Ces résultats jusque-là insuffisants pour sortir la zone de la torpeur, ont orienté l’État du Sénégal à développer d’autres stratégies et politiques. C’est ainsi que le PRACAS a été initié, en réponse à la récurrence de la problématique de l’insécurité alimentaire dans le pays. Des objectifs sont fixés dans chaque zone potentielle à l’image du bassin et de la vallée du fleuve Sénégal.

Évaluation de la mise en œuvre des objectifs du PRACAS dans le bassin de l’Anambé et perspectives

L’objectif général du PRACAS en termes de production était de couvrir intégralement la demande alimentaire nationale, en particulier celle en riz blanc de bonne qualité estimée à 1 080 000 tonnes, soit 1 600 000 tonnes de paddy. Pour atteindre ce but, le programme devait s’appuyer particulièrement sur la contribution, en irrigué, de la Vallée du fleuve Sénégal et du Bassin de l’Anambé. Le coût de la mise en œuvre de ce programme était estimé à 424,7 milliards de FCFA (PRACAS, 2014).

Des résultats mitigés mais encourageants

Au-delà des objectifs à l’échelle nationale, on peut noter des objectifs sectoriels pour des zones stratégiques tels que le Bassin de l’Anambé. Ce bassin devrait contribuer à hauteur de 23 400 tonnes, 36 000 tonnes, 42 000 tonnes et 48 000 tonnes respectivement en 2014, en 2015, en 2016 et en 2017. En termes d’emblavures, il y était attendu des superficies de 3 900 ha en 2014, 6 000 ha en 2015, 7 000 ha en 2016 et 8 000 ha en 2017.

Aussi bien les objectifs en emblavures que ceux en productions rizicoles n’ont pas été atteints (Figure 4). Toutefois, on peut souligner une hausse des superficies qui sont passées respectivement de 1 690 ha en 2014 à 3 952 ha en 2017, soit une variation de 134 %. Cette hausse est due en grande partie au PRACAS et au PNAR. À l’échelle des ménages, les résultats des enquêtes montrent que 54,1 % des producteurs ont augmenté leurs emblavures de 2012 à 2017. Les producteurs ont profité de la réception de matériel agricole pour rehausser le niveau d’emblavures, mais c’est surtout la réhabilitation des périmètres qui en est la cause principale.

Les producteurs bénéficient généralement d’un prêt en intrants (engrais, herbicides, etc.) après avoir versé un apport de 32 000 FCFA auprès des Unions hydrauliques. Ce prêt porte sur 4 sacs d’urée, 4 sacs d’engrais NPK par parcelle labourée. La dette est payée après la récolte et en nature (riz paddy). La récolte est généralement faite par la moissonneuse ou à la faucille. La lenteur dans les prestations des moissonneuses-batteuses, due globalement à leur insuffisance par rapport à la demande, oblige certains producteurs à utiliser la faucille par peur de perdre leur riz. Les enquêtes ont révélé que 90 % des producteurs utilisent la moissonneuse pour la récolte du riz. Ils versent une somme de 60 000 FCFA pour bénéficier de ce service.

Les enquêtes de terrain ont révélé que 74 % des producteurs ne sont pas autosuffisants en riz. Les gros exploitants agricoles peuvent récolter des quantités très importantes par opposition à une petite exploitation familiale dont les récoltes sont très limitées et par conséquent l’obligeant à trouver des stratégies de survie. La production locale en riz est consommée durant une période comprise entre quatre et six mois pour la majorité des producteurs (les petits et moyens exploitants familiaux). Cette insécurité alimentaire est liée au fait que la plupart de ces producteurs n’arrivent pas à cultiver en contre-saison, faute de moyens financiers. En effet, dans un domaine irrigué l’alimentation en eau comme toutes les prestations de services sont payantes. Il est important de noter également que certains producteurs vendent une bonne partie de leur récolte, parce que le riz est à la fois une culture d’autosubsistance mais également un produit commercialisable pour la satisfaction des besoins non alimentaires des producteurs.

Généralement, les populations qui varient leur alimentation entre les produits tels que le riz, le mil et le maïs sont quasi autosuffisants. Cela est très visible en faisant la corrélation entre producteurs présentant une forte ration alimentaire en riz et ceux qui varient leur alimentation en fonction des repas.

L’examen de la figure 5 montre que 72,7 % d’entre les producteurs achètent du riz brisé pour couvrir leur besoin alimentaire contre 30,1 % qui font recours à un emprunt. Dans une telle situation économique, la rente migratoire devient une clé pour la plupart d’entre eux pour survivre pendant les périodes de soudure. Certains sont couverts par la solidarité villageoise en recevant gratuitement du riz de la part des voisins qui sont plus aisés.

L’autre facteur important est le nombre de parcelles exploitées par producteur. Les producteurs ayant une seule parcelle, arrivent difficilement à satisfaire leurs besoins en riz. Il suffit d’accuser un retard de labour pour faire une saison morte. Il est important aussi de noter que le «consommé local» est une réalité dans le bassin de l’Anambé. Producteurs et non producteurs du périmètre aménagé consomment le riz du bassin. Il existe aujourd’hui beaucoup de femmes, qui après la transformation du riz, se rendent au marché hebdomadaire de Diaobé pour le revendre.

Politique d’autosuffisance en riz et extension du domaine d’intervention de la SODAGRI

Toutes les politiques agricoles au Sénégal, de l’indépendance à nos jours, ont eu comme objectif l’atteinte d’une autonomie alimentaire. Selon les pouvoirs politiques en place, la démarche est différente. Cela peut s’expliquer par la différence de vision des uns par rapport aux autres, mais aussi et surtout par les conditions agro-climatiques en vigueur. Ainsi, rares sont les programmes et politiques qui en ont été à la hauteur des résultats escomptés. Parmi celles-ci, on peut noter le Plan de Retour Vers l’Agriculture (REVA), la Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA), le Programme National d’Autosuffisance en Riz (PNAR), le PRACAS ainsi que la création de Domaines Agricoles Communautaires (DAC) dont celui de Séfa dans la région de Sédhiou. L’essentiel de ces programmes a été déroulé dans le bassin de l’Anambé par la SODAGRI en collaboration avec les producteurs, les investisseurs, les ONG et les collectivités locales.

Après 40 ans d’expérience professionnelle dans la zone Sud du Sénégal, la SODAGRI, malgré ces résultats mitigés sur un rayon d’intervention de 1 100 km2, a reçu une cinquième lettre de mission qui élargit sa zone d’intervention à toute la zone Sud et Sud-Est du pays. Cette zone s’étend de la région de Ziguinchor à la région de Kédougou. Une telle option alourdit le fardeau à la SODAGRI. L’agriculture occupe une place de choix dans la politique économique du Sénégal. Ainsi, il faut un bilan agricole convaincant et les exigences en termes de résultats seront plus réelles. Le travail consistera à aménager les vallées rizicoles de la partie Sud et Sud-est du pays, d’atteindre une autosuffisance alimentaire mais surtout de contribuer significativement à l’atteinte de l’autosuffisance au niveau national. Pour la direction de la SODAGRI, un effort de mécanisation et de mobilisation de moyens financiers et techniques est fondamental pour l’atteinte de ces objectifs.

CONCLUSION

Le PRACAS a eu des impacts positifs sur l’environnement agricole du Bassin de l’Anambé. Les superficies emblavées comme les productions agricoles et rizicoles en particulier, ont été sensiblement améliorées. Ces performances s’expliquent en partie par la réhabilitation des périmètres, l’acquisition de matériel agricole dans une perspective de mécanisation de l’agriculture. Au total, cela a augmenté le potentiel exploitable et par conséquent le nombre de producteurs au niveau des périmètres aménagés.

La volonté étatique d’accroître les productions agricoles et rizicoles en particulier, afin d’atteindre une autonomie alimentaire, peut être aisément perçue par la décision d’accorder une cinquième lettre de mission à la SODAGRI qui se charge du projet d’aménagement de vallées dans les régions Sud et Sud-est du Sénégal. L’objectif d’emblaver 5 000 ha n’a jamais été atteint encore moins l’atteinte d’une autosuffisance à l’échelle locale. Ainsi, la mission accordée à la SODAGRI, qui est de couvrir toute la zone Sud et Sud-est et d’atteindre une autosuffisance alimentaire, semble être un véritable parcours du combattant car l’enjeu est de taille et les échéances assez claires.

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