Résumé

En horticulture moderne, l’utilisation des modèles de croissance des plantes est très importante. En raison de la complexité des facteurs et leurs interactions, notre niveau d’analyse et de prise de décision s’améliorent progressivement en fonction de la qualité du modèle et de son calibrage avec les conditions locales. Dans la région d’Agadir, les producteurs de tomate se basent sur leur expérience pour prendre les décisions sur l’exploitation et généralement la composante qualité de l’environnement reste le point noir de cette approche. Dans notre étude, nous avons essayé d’exploiter un modèle classique de la production de la biomasse des plantes et d’introduire d’autres équations physiques pour améliorer le rendement du modèle développé et traduire relativement la réalité du terrain. Les résultats ont montré que les modèles élaborés simulent correctement l’accumulation de biomasse chez la tomate conduite sous serre Monochapelle. Cependant, leur efficience a été améliorée par l’introduction de facteurs climatiques clés intervenant dans l’amélioration de l’environnement de la serre. Ainsi, en périodes climatiques défavorables pour la croissance de plantes (périodes estivale et hivernale), les serristes peuvent se baser sur les données du rayonnement net pour simuler l’accumulation de la biomasse et avoir une estimation des pertes de production et des dépenses y affectées. De même, l’exploitation des modèles de prévention contre les bio-agresseurs sous serre est un autre moyen d’alimenter les modèles testés afin de développer un modèle global plus robuste et qui intègre un maximum de données nécessaires pour produire des informations de prise de décision pour s’inscrire dans une logique de gestion d’une production horticole raisonnée et durable.



Mots clés: Modèle de biomasse, environnement de la serre, production durable, dépenses, bio-agresseurs, tomate.

INTRODUCTION

En agronomie, ce n’est pas la représentation géométrique de la plante qui compte, mais la production de biomasse de celle-ci au niveau du m². Le mètre carré de plante est ainsi divisé en composants qui regroupent les différents types d’organes (feuilles, tiges, fruits, racines) provenant des plantes considérées. On parle de source pour désigner les feuilles productrices de biomasse et de puits pour les autres organes consommateurs de biomasse (y compris les feuilles). La croissance peut être abordée comme une relation source-puits, c’est-à-dire de production et d’allocation de biomasse dans les différents compartiments.

Les principaux paramètres environnementaux (en supposant que la plante ne souffre pas de stress hydrique) sont la température et la lumière. Tant qu’elle reste dans la gamme de réponse linéaire, la température agit essentiellement sur la vitesse de développement des plantes (Bonhomme, 2000).

La lumière agit de deux façons:

• L’intensité utile perçue par la plante (PAR): Seule une partie de la radiation solaire est utilisée par la photosynthèse.

• La quantité de lumière interceptée par m²: Les feuilles sont des capteurs étalés au-dessus de la surface du sol. L’indice foliaire (LAI) est la somme des surfaces de feuilles par mètre carré de sol. Le taux de production de biomasse/m² sature rapidement à partir du moment où l’interception de lumière par les feuilles atteint un maximum, ce qui arrive pratiquement à partir de LAI=4. Il ne sert plus à rien à partir de ce seuil d’augmenter la densité de plantation (Jones, 1992).

Les modèles de croissance sont très utilisés. Leur qualité principale est la robustesse de la relation biomasse-énergie reçue par le couvert végétal qui repose sur le fait que l’on peut considérer la photosynthèse nette (coût de respiration déduit) comme un pool commun de réserves qui alimentent les compartiments selon une règle de puits proportionnels. La simplicité de la formulation des modèles de croissance rend leur calibration possible. L’inconvénient est qu’ils ne suivent pas la phénologie de la plante, c’est-à-dire les changements progressifs du fonctionnement dus entre autres à des modifications de la morphogénèse. La qualité de prédiction de ces modèles diminue quand les données de l’environnement changent. Par exemple, si on change la densité de plantation la production au m² ne changera pas à partir d’un certain niveau de LAI, mais cela recouvrira des architectures de plantes très différentes avec des changements phénologiques importants qui modifient les proportions allouées aux compartiments.

La principale cause du manque de qualité de prédiction en environnement variable est reconnue comme étant l’absence de prise en compte de l’architecture de la plante et des feed-back entre l’organogénèse et la photosynthèse (de Reffye, 2003).

En horticulture moderne, l’utilisation des modèles de croissance des plantes est très importante. En raison de la complexité des facteurs et leurs interactions, notre niveau d’analyse et de prise de décision s’améliorent progressivement en fonction de la qualité du modèle et de son calibrage avec les conditions locales. Dans la région d’Agadir, les producteurs se basent sur leur expérience pour prendre les décisions sur l’exploitation et généralement la composante qualité de l’environnement reste le point faible de cette approche. Dans notre étude, nous avons essayé d’exploiter un modèle classique de la production de la biomasse des plantes et introduit d’autres équations physiques pour améliorer le rendement du modèle développé pour traduire relativement la réalité du terrain.

LA THÉORIE

Le taux de production/m² est donné par l’équation:

(1) (Monsi, 1953)

Le paramètre LUE est l’efficience de la lumière pour convertir l’énergie en biomasse, le paramètre k est lié à l’orientation des feuilles et en général est voisin de 0,8 (De Reffye, 2008).

En été, le PAR (rayonnement photosynthétique actif) peut avoisiner 8 MJ/j/m² et la LUE 30 g Mf/m²/j, ce qui fait que l’on peut produire un peu plus de 200 g de matière fraîche/m²/jour. Le formalisme robuste de l’effet du LAI (indice foliaire) sur l’interception de la lumière est celui de la loi dite de Beer-Lambert (Monsi, 1953).

La détermination de l’amplitude thermique et hygrométrique sous serre est déduite à partir de l’équation générale du taux de ventilation global d’une serre agricole en utilisant 769 données.

(2)

(3)

Avec:

: Température de l’air à l’intérieur de la serre; : Température de l’air à l’extérieur; : Humidité de l’air à l’intérieur de la serre; : Humidité de l’air à l’extérieur; : Rayonnement net sous serre; : Vitesse du vent sous serre; : Taux de ventilation de la serre.

Ensuite, nous avons expérimentalement établi la relation entre le PAR et le rayonnement net (Rnet) par l’équation suivante:

(4)

1. Simulation de la production de la biomasse sous l’effet de la luminosité en utilisant les équations (1) et (4);

(5)

2. Simulation de la production de la biomasse en fonction de l’évolution de l’amplitude thermique en utilisant les équations (2) et (5);

(6)

3. Simulation de la production de la biomasse en fonction de l’évolution de l’amplitude hygrométrique en utilisant les équations (3) et (5);

(7)

Avec: : Différence de température entre l’intérieur et l’extérieur de la serre;

: Différence de l’humidité relative entre l’intérieur et l’extérieur de la serre.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Production de la biomasse de la plante de tomate sous serre

L’évolution de la biomasse de la tomate au cours de son cycle de développement passe par trois phases importantes, la première phase de croissance où la production de biomasse ne dépasse pas 50 g/m²/j durant les 4 premier mois, ensuite une phase active de croissance caractérisée par une accumulation de 50 à plus de 250 g/m²/j de biomasse durant 3 mois. Enfin, une phase de déclin au cours des 2 dernières mois où la production de biomasse chute drastiquement à 200 g/m²/j (Figure 1). Pour notre expérimentation, une plante de tomate a accumulé une masse fraîche totale de 34,5 kg/m² durant son cycle de croissance. Les fruits de tomate ont accumulé une quantité de matière fraîche de 50,7 % par rapport au poids de la plante entière.

Simulation de la biomasse de la tomate à partir du rayonnement net

La production de la biomasse est la capacité d’un couvert végétal de convertir une quantité de rayonnement actif en assimilas nécessaires pour sa croissance. En physique, le mouvement des masses d’air pour une serre est exprimé par une équation du taux de ventilation global qui intègre le rayonnement net, l’amplitude thermique et hygrométrique, surface du couvert végétal et surface de la serre au sol et d’autres facteurs et coefficients thermiques (Lekouch, 2012). Ainsi, on est amené à remplacer le PAR avec le Rnet dans l’équation de biomasse (Monsi, 1953) pour avoir la nouvelle formule (5) (Figure 2). L’intérêt de ce modèle est très important pour la production des cultures abritées. En effet, en période de forte luminosité, les serristes appliquent le chaulage ou bien l’ombrage pour réduire la luminosité et ralentir par la suite le rythme de maturité des fruits. En cette période, le serriste peut avoir une estimation de la production de biomasse en agissant sur le taux d’ombrage de la serre par l’utilisation de ce modèle.

Production de biomasse de la tomate sous l’effet des amplitudes thermique (QT) et hygrométrique (QH)

Pour notre expérimentation, nous avons collecté les données climatiques pour la mesure de la biomasse via le modèle qui intègre le facteur amplitude thermique d’une part et l’amplitude hygrométrique d’autre part, durant 10 jours de croissance en mois de mai. Ensuite des mesures destructives de la biomasse des plants échantillonnés (QM) ont été effectuées pour la même période sous serre témoin, afin de tester la sensibilité des deux modèles de biomasse. Les résultats montent que les deux modèles testés simulent correctement la production de biomasse sous l’effet des contraintes climatiques de la serre avec des coefficients de corrélation de 93,7% et 93,1% respectivement pour les modèles QT et QH. Généralement, les amplitudes thermiques et hygrométriques ont réduit l’accumulation de biomasse par 44,7% et 48,0% respectivement pour les modèles QT et QH par rapport à la biomasse mesurée (Figure 3). Des résultats similaires ont été rapportés par Jones (1991). Ces résultats peuvent être exploités par les serristes à deux niveaux. Le premier est en relation avec la perte de biomasse sous l’effet d’un environnement de serre défavorable pour une bonne croissance des plantes d’une part et le gaspillage d’une partie de facteurs de production réservés pour cette biomasse perdue d’autre part. Le deuxième niveau est par rapport à la prévention contre les ravageurs et les maladies qui se développent dans cet environnement. Ainsi, les modèles de simulation des bio-agresseurs peuvent être intégrés dans les présents modèles de simulation de la biomasse pour développer un modèle global expert d’aide à la décision en matière de bonnes pratiques de gestion du climat et de maladies sous serre.

CONCLUSION

En conclusion, les modèles élaborés simulent correctement l’accumulation de la biomasse chez la tomate conduite sous serre Monochapelle. Cependant, leur efficience a été améliorée par l’introduction de facteurs climatiques clés intervenant dans l’amélioration de l’environnement de la serre. Ainsi, en périodes climatiques défavorables pour la croissance de plantes (périodes estivale et hivernale), les serristes peuvent se baser sur les données du rayonnement net pour simuler l’accumulation de la biomasse et avoir une estimation des pertes de production et des dépenses y affectées. De même, l’exploitation des modèles de prévention contre les bio-agresseurs sous serre est un autre moyen d’alimenter les modèles testés afin de développer un modèle global plus robuste et qui intègre un maximum de données nécessaires pour produire des informations de prise de décision, ce qui s’inscrit dans une logique de gestion d’une production horticole raisonnée et durable.

RÉFÉRENCES

Bonhomme R. (2000). Bases and limits to using «degree.day» units. European Journal of Agronomy 13:1-10.

De Reffye P., Heuvelink E., Barthélémy D., Cournède P.H. (2008). Modeling plant growth and architecture. Encyclopedia of Ecology, Ed. Jorgensen, S., Pub. Elsevier.

Jones H.G. (1992). Plants and microclimate. A quantitative approach to environmental plant physiology. Cambridge University Press.

Jones J.W., E. Dayan, L.H. Allen, H. Van Keulen, H. Challa (1991). A dynamic tomato growth and yield Model (TOMGRO). American Society of Agricultural Engineers, 34:663-672.

Lekouch K., M. El Jazouli, A.Wifaya, L. Bouirden (2011). Natural ventilation and microclimatic performance of gothique type greenhouse in south region of Morocco. International Review of Mechanical Engineering, 5:505-512.

Lekouch K. (2012). Modélisation et simulation numérique du microclimat d’une serre gothique de grande dimension et équipée de filets anti-insectes. Thèse de doctorat en physique, Faculté des Science Ibn Zohr d’Agadir.

Monsi, M., Saeki, T. (1953). The light factor in plant communities and its significance for dry matter production. Japanese Journal of Botany, 14: 22-52.