Résumé

Le présent travail concerne l’étude des effets de la fertilisation foliaire à base de calcium: Oxyde du Ca (5 ml/l),  Ca-Silicium (0,4 ml/l), et  nano-Ca (3 ml/l)  sur la qualité de la fraise (cv. Lussa), la framboise (cv. Maravilla), la myrtille (cv. Ciello), et la mûre (cv. Elvera. L’expérimentation a été réalisée dans une exploitation commerciale spécialisée dans la production des fruits rouges sous tunnels plastiques, dans la région de Kénitra. Chaque traitement a été réalisé sous forme  de trois applications, sur feuilles et fruits, espacées de dix jours, 16 et 26 avril, et  6 mai 2018, les récoltes ont eu lieu sept jours après chaque traitement, soient respectivement le 23 avril, le 3 et le 13 mai 2018. Les résultats obtenus pour la fraise montrent une amélioration significative de la dureté dont l’effet a été proportionnel au nombre d’applications avec un maximum obtenu pour le traitement au nano-Ca. Les traitements de calcium ont entrainé une diminution significative du taux des sucres solubles des fraises, de l’ordre de 1,23 à 2,01 °Brix relativement au témoin. Dans le cas des framboises, on remarque que les traitements de calcium ont augmenté significativement la dureté des fruits, proportionnellement au nombre d’application. Le maximum de dureté a été obtenu pour les fruits traités au Ca+Si pour les trois récoltes. Le taux des sucres a été significativement réduit pour les framboises traitées, de la seconde récolte. Dans le cas des myrtilles, on a noté une amélioration du poids moyen des fruits, significative dans le cas de la première et la troisième récolte. La dureté des fruits a été significativement améliorée par tous les traitements de calcium, relativement aux témoins. Les mêmes traitements ont diminué de manière significative  le taux des sucres des myrtilles de la troisième récolte. Pour les mûres, on note que tous les traitements ont amélioré d’une manière significative le poids des fruits de l’ordre de 1,00 à 1,28 g pour la première récolte, 0,92 à 1,35 g pour la seconde récolte, et 2,07 à 2,55 g pour la troisième récolte. La dureté a été significativement améliorée pour les fruits traités de la troisième récolte. Les applications foliaires du calcium ont amélioré la rétention de la qualité et réduit les pertes de poids des fruits pour toutes les espèces après une semaine de stockage frigorifique à une température entre 2 et 4 °C.


Mots clés : framboise, fraise, myrtille, mûre, qualité, calcium.

INTRODUCTION

La filière des fruits rouges représente un secteur d’excellence dans les périmètres du Loukkos, Gharb, et Sous Massa, avec des superficies respectives de l’ordre de 4 856 ha, 982 ha, et 1 266 ha, soit un total de 7 106 ha dont la fraise occupe 46,4%, la myrtille 26,7%, la framboise 26,6%, et la mûre 0,22%, selon les statistiques de la campagne 2017-2018. (Fédération Interprofessionnelle Marocaine des Fruits Rouges, 2018). Ces cultures jouent un rôle substantiel dans le développement socio-économique de ces régions dans la mesure où elles sont considérées comme des cultures fortement rentables et génératrices d’emploi. Cependant, le secteur d’export de ces fruits est confronté à différents problèmes de pot-récolte d’ordre pathologique tel que le développement des moisissures, et physiologique tel que le saignement dans le cas de la framboise et la mûre, l’éclatement dans le cas de la myrtille…

Les petits fruits rouges sont des fruits très sensibles, ayant un shelf-life généralement court, ils sont récoltés presque à pleine maturité car ils n’évoluent pas après récolte. En effet, les fraises produisent de très petites quantités d’éthylène, inférieures à 0,1 ppm/kg/hr à 20 °C, d’autres petits fruits produisent entre 0,1 et 1,0 ppm/kg/hr à 20 °C. D’autre part, l’éthylène ne stimule pas la maturation des fraises, des framboises, et des mûres. Donc ces fruits doivent être récoltés presque à pleine maturité. Les myrtilles sont des fruits climactériques et répondent à l’application de l’éthylène. Cependant, les myrtilles doivent aussi être récoltées proche de la pleine maturité car leur saveur n’évolue pas après récolte (http://www.omafra.gov.on.ca/ english/crops/facts/storage_berries.htm).

Le calcium est considéré comme l’élément le plus important dans la détermination de la qualité des fruits. Il semble être, spécialement dans le cas des pommes, responsable de la réduction des désordres métaboliques. Le problème principal reste l’apport de la quantité adéquate de calcium pour avoir l’effet escompté sur le fruit. Le traitement du sol par le calcium pour augmenter la concentration du fruit en calcium a eu des effets limités. L’application directe du calcium sur les fruits est la méthode la plus efficace pour augmenter le taux du calcium dans les fruits (Conway et al., 2002).

Le traitement des mûres, des framboises et des fraises après récolte par le chlorure du calcium à 1% et 2% par immersion à 20 °C pendant 2,5 minutes a permis de réduire les pertes de poids, le maximum de perte a été enregistré pour les témoins non traités et le minimum pour les fruits traités au chlorure de calcium à 2%, après 8 jours de stockage à 0 °C et une humidité relative de 90%. La teneur en acide ascorbique a été significativement plus élevée chez tous les fruits traités au chlorure de calcium à 2% (Turmanidze et al., 2016).

Dans un autre essai, des applications foliaires de produits à base de calcium sur la fraise, framboise, mûre et myrtille à partir du début stade fruit vert et répétées trois à quatre fois en fonction de la durée du développement du fruit et du cultivar, n’ont pas eu d’effet sur la concentration en calcium des feuilles ou des fruits, la qualité des fruits, la dureté, ou le shelf-life d’aucune récolte ou cultivar testé, les fruits ont été récoltés 4 jours à ≈ 4 semaines après la dernière application du calcium (Vance et al., 2017).

L’objectif de ce travail de recherche est d’évaluer l’effet de la fertilisation foliaire par différents produits à base du calcium (oxyde de calcium, calcium silicium, et nano-calcium) sur la qualité et le shelf-life de la fraise, la framboise, la myrtille et la mûre.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Les essais ont été conduits dans une ferme commerciale (34°50’31.27’’N, 6°13’24.09’’O) spécialisée dans la production des fruits rouges destinés à l’export, située dans la région de Kénitra, à environ 10 km de la côte atlantique, au Sud-Est de Moulay Bousselham. Les précipitations moyennes annuelles locales sont de l’ordre de 622 mm dont le mois le plus pluvieux est Décembre avec 129 mm. La température moyenne mensuelle est de 18,1 °C, variant de 11,6 °C comme moyenne du mois le plus froid (Janvier) à 24,6 °C comme moyenne du mois le plus chaud (Août). Les températures minimales et maximales correspondent respectivement à 6,3 et 31,0 °C.

Les sols de la ferme ont une texture sableuse (82%) à limono-sableuse (18%), ayant des teneurs très faibles en matière organique d’une valeur moyenne de 0,6%, et un pH neutre de 6,96. L’eau d’irrigation a un pH de 8,39 et une conductivité électrique de 481 µS/m soit une faible salinité de l’ordre de 2,41 mg/l.

Le matériel végétal est composé des espèces suivantes :

- Fraisier cv. ‘Lussa’ planté le 16/10/2017 à une densité de 63 700 plants/ha (1,20 m entre les lignes et 0,2 m entre les plants de la même ligne), irrigués au goutte à goutte, à l’aide de goutteurs intégrés, autorégulants (débit : 1 l/h), espacés de 30 cm entre goutteurs permettant ainsi d’irriguer deux plants de fraisier en même temps.

- Framboisier cv. ‘Maravilla’, planté le 9/05/2017 à une densité de 4 545 plants/ha (2,20 m entre les lignes et 1 m entre les plants de la même ligne), irrigués au goutte à goutte à l’aide de goutteurs intégrés, autorégulants (débit : 1 l/h), espacés de 30cm entre goutteurs.

- Myrtillier cv. ‘Ciello’ planté le 27/03/2017 à la même densité et les mêmes espacements que le framboisier, l’irrigation au goutte à goutte est assurée par des goutteurs intégrés non autorégulants (débit ≈1,4 l/h), espacés de 25 cm,

- Mûrier cv. ‘Elvira’ planté le 15/03/2017, également à la même densité et les mêmes espacements que le framboisier, l’irrigation au goutte à goutte est assurée par des goutteurs intégrés non autorégulants (débit ≈ l/h), espacés de 25 cm.

Toutes ces espèces sont plantées sur un film plastique noir, sous des tunnels plastiques d’une longueur de 42,5 m et d’une largeur de 6 m (Delta 6).Chaque serre de myrtillier, mûrier et framboisier, contient 2 lignes de culture espacées de 2,20 m, la serre de fraisier est composée de 4 lignes espacées de 1,20 m. Le programme de fertilisation appliqué pour les différentes espèces figure dans le Tableau 1.

Tableau 1:.

Les traitements foliaires de calcium sont composés d’engrais liquide à base de :

- Oxyde de calcium (12% Ca, 16,9% CaO)

- Calcium-silicium (8% Ca, 2,5% acide silicique)

- Calcium sous forme de nano-molécule (8% total nitrogen, 8% nitrate nitrogen, 13% water soluble CaO)

Tous les traitements, en plus du témoin non traité, ont été appliqués à trois reprises, espacées de 10 jours, sur feuillage et fruits, le matin pour éviter la période de grande chaleur, à l’aide d’un tracteur muni d’un pulvérisateur à pression. La première application foliaire a été effectuée le 16/04/2018 au stade ‘white purple’ pour la fraise et la framboise, ‘red purple’ pour la mûre, et ‘large green’ pour la myrtille. La seconde et la troisième application ont été réalisées, respectivement le 26/04/2018 et le 06/05/2018.

Le dispositif expérimental adopté pour chaque essai est un Bloc Aléatoire Complet, composé de 4 blocs et chaque bloc composé de 4 serres (parcelle élémentaire) correspondant aux traitements appliqués soit un total de 16 serres pour chaque espèce. Dans chaque serre de myrtillier, mûrier et framboisier, une seule ligne a été traitée, et la seconde considérée comme bordure, alors que dans la serre de fraisier les deux lignes centrales ont été traitées et les deux autres considérées comme bordures. Pour le myrtillier et le mûrier, plantes pérennes, l’essai a coïncidé avec la deuxième année de production.

Méthodologie

Les observations ont porté sur l’analyse des échantillons de fruits de trois récoltes, effectuées le 23/04/2018, le 03 et le 13/05/2018, soit une semaine après chaque traitement. Notons que le calendrier de récolte, au niveau de cette exploitation, est étalé du 3 janvier à 24 mai 2018 pour la fraise, du 7 avril à 10 juin 2018 pour la framboise et la myrtille, et du 25 septembre à fin mai 2018 pour la mûre. Certaines récoltes ont été effectuées tous les deux jours selon les conditions climatiques, notamment la température qui accélère la maturité des fruits.

Les analyses ont porté sur des échantillons de 40 fruits, à raison de 10 par parcelle élémentaire par espèce et par récolte, prélevés aléatoirement. Les observations concernent le poids individuel des fruits déterminé à l’aide d’une balance électronique, de marque KERN EMB 1200-1, le diamètre équatorial mesuré à l’aide d’un pied à coulisse, l’indice réfractométrique du jus correspondant au taux de sucres solubles déterminé à l’aide d’un réfractomètre digital (marque Hanna Instruments HI96801), la dureté de la peau mesurée au niveau équatorial des fruits, et au niveau basal dans le cas de la framboise, à l’aide d’un pénétromètre sensible (marque Mc CORMICK, Ø de l’embout 4 mm). Le nombre de fruits saignants (cas de la framboise et la mûre) ou éclatés (cas de la myrtille) a été enregistré.

Les fruits de la dernière récolte (13 mai 2018) ont fait l’objet de l’étude post-récolte concernant l’effet du calcium sur le shelf-life des fruits. Dans ce sens, des échantillons de fruits ont été prélevés aléatoirement et placés dans des barquettes de 400 g pour les fraises, et 125 g pour les myrtilles, les framboises, et les mûres. Un total de 16 barquettes (4 répétitions par traitement) par espèce ont été entreposées à une température entre 2 et 4 °C pendant 8 jours puis évaluées régulièrement les jours 1, 3, 5 et 8 après récolte. L’évaluation se fait visuellement (V) par une notation globale (V-score) des fruits d’une barquette, variant entre le score 1 (meilleure qualité) et le score 3 (qualité inférieure), la notation est basée sur l’état et l’apparence du fruit :

V-score=1: Peu ou pas de dégâts causés par l'emballage, bonne apparence, bon diamètre.

V-score=1,5: Peu ou pas de dégâts causés par l'emballage, légers défauts d’apparence, bon diamètre.

V-score=2: Quelques défauts mineurs, légers défauts d’apparence. Le fruit en général est bon mais n’impressionne pas.

V-score=2,5: Défauts majeurs d’apparence ou des défauts modérés causés par l’emballage (la majorité des fruits est de moyenne qualité et avec problème de pourriture).

V-score=3: Présence de défauts majeurs (la majorité des fruits montre des défauts sévères et problème de pourriture).

Les pertes de poids ont été calculées sur la base des pesées des échantillons au début et à la fin de l’entreposage frigorifique.

Les analyses statistiques des données ont été réalisées à l’aide de logiciel statistique SPSS version 20. La comparaison des moyennes a été effectuée par le test de Newman-Keuls au seuil de signification 5% de probabilité.

RÉSULTATS

Cas des fraises

Les résultats obtenus concernant le poids moyen unitaire des fraises montrent que les applications du calcium ont entraîné une augmentation significative du poids moyen des fruits récoltés le 23 avril, avec un maximum de 4,86 g par fruit obtenu pour le traitement à base de calcium seul relativement au témoin (Tableau 1). Ceci n’est pas le cas pour les autres récoltes.

Le diamètre moyen a été significativement amélioré par les traitements à base de calcium pour les fruits de troisième récolte, avec une augmentation de 8% pour le traitement à base du calcium seul relativement au témoin. Notons que le diamètre des fruits joue un rôle capital dans la commercialisation des fraises en effet selon le cahier de Normalisation internationale des fruits et légumes (OECD, Organisation de Coopération et de développement économiques, 2005), les fraises de la classe ‘Extra’, qualité supérieure doivent avoir un minimum de 25 mm comme diamètre de la section équatoriale, pour les qualités inférieures (bonne qualité et qualité marchande) ce chiffre est de 18 mm.

Toutes les applications des produits à base de calcium ont entrainé une amélioration significative de la dureté moyenne des fruits pour toutes les récoltes. Le maximum de dureté a été obtenu par le traitement à base du nano-Ca à raison de 24,7% ; 59,7%; et 44,8%, relativement aux témoins, respectivement pour la première, la seconde, et la troisième récolte. Cette variation en pourcentage peut être en partie due à l’effet additif des doses de calcium suite aux traitements appliqués, en effet les fraises de la première récolte ont reçu une seule application de calcium, celles de la seconde récolte ont reçu deux applications et celles de la troisième récolte ont reçu trois applications.

Les traitements de calcium ont diminué significativement le taux moyen des sucres solubles des fruits pour toutes les récoltes, cette diminution varie de 1,23 à 2,01 °Brix relativement aux témoins, respectivement pour la première et la troisième récolte.

Tableau 2:.

L’analyse du shelf-life à travers les résultats du V-score moyen des fruits montrent une certaine stabilisation de l’état des fruits traités au calcium, V-score autour de 2, alors que pour les fruits témoins on note une certaine dégradation puisque le V-score est passé de 2,3 à 3 pendant les huit jours de stockage. L’analyse statistique a montré que la qualité des fruits témoins a été significativement affectée par rapport à la qualité des fruits traités au calcium.

L’analyse des pertes de poids sur une période de 8 jours à une température de 2- 4 °C, montre que les fruits témoins ont enregistré un maximum de 8%, suivis des fruits traités au Ca+Si avec 6% et les fruits traités au calcium et ceux au nano-Ca avec 4,2% chacun.

Figure 1:.

Figure 2:.

Cas des framboises

D’une manière générale, les résultats montrent que les traitements à base de calcium ont amélioré le poids moyen des fruits récoltés, mais d’une manière significative pour la première et la seconde récolte avec une augmentation maximum de 14% au profit des fruits traités au calcium seul, relativement au témoin (Table 3). Notons qu’aucune différence significative n’a été enregistrée entre les traitements lors de la troisième récolte. En passant de la première à la troisième récolte, le poids moyen des fruits a enregistré des augmentations de l’ordre de 20,0% pour le témoin; et de 6,4 à 11,0% pour les traitements à base de calcium.

L’analyse statistique du diamètre moyen des fruits a montré des résultats significatifs pour les deux dernières récoltes dont les fruits-témoins ont enregistré des diamètres significativement inférieurs à ceux traités au calcium ou au nano-Ca. Un coefficient corrélation de 0,54 a été obtenu entre le poids et le diamètre des fruits. Le diamètre des fruits n’a pas suivi la même tendance d’accroissement que celle observée pour le poids des fruits, entre la première et la troisième récolte, les fruits témoins ont augmenté de 3,5% alors que pour les fruits traités cette augmentation varie de 1,4 à 7,4%, respectivement pour les traitements Ca+Si et nano-Ca.

Tous les traitements à base de calcium ont amélioré significativement la dureté moyenne des fruits pour les trois récoltes. Le maximum de dureté a été obtenu pour les fruits traités au Ca+Si pour les 3 récoltes, représentant des augmentations relatives aux témoins, de l’ordre de 7,6%, 30,5%, et 48,2%, respectivement pour la première, la seconde, et la troisième récoltes. Pour les fruits traités au calcium seul, la dureté a été améliorée de 7%, 24% et 42%, relativement aux témoins respectifs pour les récoltes successives. Enfin pour les fruits traités au nano-Ca l’amélioration relative de la dureté a été de l’ordre de 6%, 26%, et 47%, respectivement dans l’ordre des trois récoltes. L’augmentation de l’amélioration de la dureté des fruits entre la première et la troisième récolte est directement liée à la dose de calcium appliquée et donc à l’effet additif du calcium sur la dureté des fruits.

L’analyse des données relatives aux trois récoltes montre que le témoin a présenté le taux de sucres le plus élevé relativement aux autres traitements. L’application foliaire du calcium a provoqué une diminution du taux des sucres des fruits, significative pour tous les traitements de la seconde récolte, et le traitement au nano-Ca pour la troisième récolte.

L’application du calcium n’a pas eu d’effet significatif sur le nombre moyen de fruits saignants (résultats non reportés).

L’analyse du shelf-life à travers le V-Score moyen de la framboise montre deux tendances, celle du témoin dont la dégradation de l’état des fruits a été entamé dès le premier jour de conservation en passant de 1 à 3, et celle des fruits traités dont l’état est resté stable les trois premiers jours avant d’entamer une phase rapide de dégradation en passant de 1 à 2, sans pour autant atteindre l’état final similaire à celui des fruits témoins (Figure 2).

L’analyse des données a mis en évidence une diminution significative des pertes de poids des fruits suite à l’application du calcium, ce taux est de 3% pour les fruits traités au calcium seul, 1,4% pour ceux traités au Ca+Si , 2,5% pour ceux traités au nano-Ca après une semaine d’entreposage frigorifique à une température de 2-4 °C. Les fruits témoins ont enregistré une perte de 7,2 %, dans les mêmes conditions de stockage (Figure 4).

Tableau 3:.

Figure 3:.

Figure 4:.

Cas des myrtilles

Tous les traitements appliqués ont amélioré le poids moyen des fruits, significativement lors de la première et la troisième récolte (Tableau 3). Le poids moyen le plus bas durant les trois récoltes successives est enregistré chez les fruits témoins, avec respectivement 2,75 g ; 3,08 g et 2,60 g. Le poids moyen maximum a été enregistré au profit du traitement à base du calcium seul, lors des trois récoltes successives, avec respectivement 3,23 g ; 3,56 g et 3,75 g, soient des augmentations respectives de 0,48 g ; 0,48 g et 1,15 g par fruit, relativement au témoin.

Le diamètre moyen des myrtilles a été amélioré par tous les traitements appliqués, cependant seuls les fruits de la seconde récolte ont montré des réponses significativement différentes du témoin. Le traitement à base du calcium seul a enregistré le meilleur diamètre dépassant le témoin de 2,11% ; 8,20% et 2,90% ; respectivement pour les trois récoltes successives.

Tous les traitements ont amélioré significativement la dureté des fruits pour toutes les récoltes. L’application foliaire du calcium a provoqué, pendant la première récolte, une augmentation relative de la dureté des fruits de l’ordre de 24,5% ; 23,0% et 26,0%, respectivement pour les traitements à base de calcium, nano-Ca et Ca+Si. Lors de la deuxième récolte, la dureté des fruits a augmenté de 26,5% ; 25,0% et 28,0% par rapport au témoin, respectivement pour les traitements à base de calcium, nano-Ca et Ca+Si. Lors de la troisième récolte, l’augmentation relative a été de l’ordre de 16,0%; 18,0% et 19,0%, respectivement pour les traitements à base de calcium, nano-Ca et Ca+Si.

Toutes les applications à base du calcium ont été accompagnées par une diminution du taux moyen des sucres des fruits, significativement pour la seconde et la troisième récolte. L’écart entre le taux minimum et maximum, respectivement enregistrés pour les fruits traités au calcium seul et le témoin, est de 1,61 °Brix pour la première récolte et 3,07 °Brix pour la troisième récolte. D’autre part, on remarque que même si on observe une nette augmentation de la teneur en sucres de tous les fruits, ces écarts entre fruits témoins et fruits traités, augmentent entre la première et la troisième récolte, passant respectivement de 0,49 à 3,07 °Brix pour les fruits traités au calcium seul, et de 0,52 à 2,60 °Brix pour les fruits traités au Ca+Si, et de 0,11 à 2,79 °Brix pour les fruits traités au nano-Ca. Ceci traduit l’effet additif des doses de calcium appliqué étant donné que les fruits de la troisième récolte ont reçu une triple dose de calcium alors que ceux de la première récolte n’ont reçu qu’une seule dose.

Tous les traitements appliqués ont diminué significativement le nombre moyen de fruits éclatés. Le témoin a enregistré le plus grand nombre de fruits éclatés.

La qualité post-récolte des myrtilles, évaluée per le V-Score moyen montre un état stable de tous les échantillons de fruits pendant les trois premiers jours de stockage. Ensuite, on remarque une dégradation significative de l’état des fruits témoins, suivis par les fruits traités au calcium seul. Les fruits traités à base de Ca+Si ou nano-Ca ont maintenu leur état initial après 8 jours de conservation (Figure 5). Ces observations sont confirmées par les mesures de perte de poids dont le maximum, de l’ordre de 2,11%, a été enregistré pour les fruits témoins suivis par les fruits traités au calcium seul (1,68%). Les fruits traités au Ca+Si, et au nano-Ca ont enregistré des pertes inférieures avec respectivement 0,60% et 0,40% (Figure 6).

Tableau 4:.

Figure 5:.

Figure 6:.

Cas des mûres

Toutes les applications du calcium ont augmenté significativement le poids moyen des fruits des trois récoltes (Tableau 4). Les augmentations obtenues pour les fruits traités, relativement au témoin, varient de 1 à 1,28 g/fruit lors de la première récolte, 0,92 à 1,35 g/fruit lors de la seconde récolte, et 2,07 à 2,55 g/fruit lors de la troisième récolte. Les fruits traités au nano-Ca ont enregistré l’augmentation maximum du poids de l’ordre de 30%, par rapport au témoin lors de la troisième récolte.

Les traitements appliqués n’ont pas montré de tendance claire et homogène des effets du calcium sur le diamètre moyen et la dureté moyenne des fruits et ne montrent pas de tendance significative des effets liés à l’application du calcium. Néanmoins lors de la dernière récolte, on note une augmentation significative de la dureté des fruits par rapport au témoin, de l’ordre de 24%, 28% et 15%, respectivement pour les traitements à base de calcium, nano-Ca et Ca+Si.

Les traitements à base de calcium n’ont pas d’effet significatif sur le taux moyen des sucres solubles des mûres. De même, l’analyse de la variance n’a pas montré de différence significative entre les traitements concernant le nombre de fruits saignants (résultats non reportés).

L’analyse de la qualité post-récolte des mûres, évaluée par le V-Score moyen montre que la qualité des fruits témoins a subi une dégradation rapide dès le premier jour de stockage en passant de 1 à 2,5 après 8 jours (Figure 7). Par contre, l’état des fruits traités est resté stable durant les trois premiers jours après lesquels la qualité des fruits traités au calcium et au nano-Ca est restée relativement stable (V-score proche de 1), alors que les fruits traités au Ca+Si ont subi une légère dégradation (V-score proche de 1,5) en fin de stockage.

L’analyse statistique des pertes de poids n’a pas montré de différence significative entre les traitements (Figure 8). Les pertes de poids enregistrés, au terme d’une semaine de conservation, sont de l’ordre de 8% pour les fruits témoins, 5,3% pour les fruits traités au Ca+Si, 4,8 % pour les fruits traités au calcium seul, et 3,6% pour les fruits traités au nano-Ca.

Tableau 5:.

Figure 7:.

Figure 8:.

DISCUSSION

L’application des produits à base de calcium n’a pas eu les mêmes effets pour les quatre espèces, ceci est d’abord dû à la nature et la structure du fruit. La myrtille se distingue des autres fruits par la présence d’une cuticule, couche cireuse enveloppant tout le fruit, ceci n’est pas le cas des autres fruits. Cette différence de structure du fruit va certainement influencer directement l’absorption du calcium et indirectement les effets et les réponses aux traitements appliqués. Dans le cas des pommes, pourvues aussi d’une cuticule, Betts and Bramlage (1977) ont montré après un traitement avec la solution CaCl2, que le calcium pénètre dans un premier temps, à travers les lenticelles, mais les craquelures au niveau de la cuticule et l’épiderme peuvent aussi être des voies importantes de pénétration (Glenn and Poovaiah, 1985).

D’autre part, dans une autre étude sur l’absorption du calcium durant le développement des pommes, des chercheurs en utilisant 44Ca radioactif comme marqueur isotopique stable, ont trouvé des quantités supérieures de calcium sur la peau du fruit par rapport à l’intérieur du fruit, néanmoins des quantités importantes du 44Ca se trouvent dans la partie interne du fruit suite aux applications répétées du calcium pendant le stade de développement des fruits. Aussi, ont-ils conseillé de fractionner les apports de calcium sous forme d’applications à petites doses pour augmenter le niveau du calcium dans les fruits et réduire l’incidence des maladies de post-récolte (Kalcsits et al., 2017).

En général, les applications foliaires de calcium ont augmenté le poids moyen unitaire des fruits, parfois d’une manière significative, dans le cas de la framboise, de la myrtille et de la mûre, ainsi que pour la première récolte des fraises. Les résultats relatifs au diamètre moyen ont suivi la même tendance que celle observée pour le poids unitaire des fruits spécialement dans le cas de la myrtille et de la framboise ayant enregistré des coefficients de corrélation respectifs de 0,59 et de 0,54, suivies de la mûre avec un coefficient de 0,40, et la fraise avec 0,37. Notons que dans le cas de la mûre, le poids était plus corrélé à la longueur (r=0,69) relativement au diamètre du fruit (résultats non reportés). Dans la plupart des cas, les poids maximums des fruits de ces espèces ont été obtenus par le traitement à base de calcium seul. Dans une autre étude, les souches de myrtille traitées par les solutions à base de Lebsol (13,5% Ca, 1,5% Mn, 0,5% Zn) et le Calcinit (19,0% Ca, 15,5% N) avaient des fruits plus gros contenant des concentrations élevées en K et Mg (Ochmian, 2012).

Dans une autre étude, l’application du calcium sous forme de nitrate de calcium, carbonate de calcium et sous forme de chélates appliqués 30 et 15 jours avant récolte des myrtilles pendant deux années successives, a montré que le calcium sous forme de chélates entraine une augmentation significative (12% par rapport au témoin) du poids moyen des fruits d’un cultivar sur deux testés (Smith, 2016). Ceci montre que plusieurs facteurs interviennent dans la réponse de la plante au calcium appliqué, telle que la richesse de la plante et du sol en calcium, le matériel végétal utilisé, la sensibilité variétale, le composé de calcium appliqué…

La dureté des fruits a été améliorée par les traitements appliqués, d’une manière significative dans le cas des fraises, des framboises, et des myrtilles. Les meilleurs résultats ont été obtenus par l’application du nano-Ca sur les fraises et les myrtilles, et par le Ca+Si sur les framboises. Dans un autre essai sur la myrtille, la dureté la plus élevée a été obtenue suite au traitement à base de chlorure de calcium (Ochmian, 2012). Le calcium est un agent régulateur de la dégradation de la paroi cellulaire durant la maturation des fruits, il interagit avec les polymères (chaine) d’acide pectique pour former des liaisons transversales (cross-bridges) qui influencent la séparation des cellules. L’analyse grâce au Secondary Ion Mass Spectroscopy (SIMS) a été utilisée pour examiner si la paroi cellulaire de la pomme est capable d’absorber le calcium 44Ca exogène appliqué et le calcium interne 40Ca. Les résultats rapportés indiquent que la quantité totale de calcium dans les parois cellulaires a été enrichie par 44Ca dont l’hétérogénéité de la distribution avait lieu au niveau du péricarpe. Les images relatives au taux des isotopes ont aussi montré des micro-sites situés au niveau de la paroi cellulaire, particulièrement la lamelle moyenne croisant l’espace intercellulaire, ce site pourrait correspondre au point de contrôle de la séparation des cellules (Roy et al., 1995).

Dans une autre étude, les applications du calcium ont diminué le taux des sucres solubles des fruits, d’une manière significative dans le cas des fraises, des framboises, et des myrtilles, traduisant un certain retard de maturité des fruits traités surtout dans le cas des fraises. Cependant dans un autre essai, l’application foliaire d’oxyde de calcium (CaO) à 100 ppm réalisée à 15 et à 45 jours après transplantation des fraisiers a avancé la date de la floraison et de la récolte, a produit le nombre maximum de fruits par plant, le poids maximum d’un fruit, et un taux maximum de degré Brix. La même dose a produit le nombre minimum de fruits anormaux relativement au témoin qui a produit le nombre maximum (Mehraj, 2015).

Les applications du calcium ont amélioré la rétention de la qualité et réduit les pertes de poids des fruits pour toutes les espèces, pendant une semaine de stockage frigorifique. Ceci peut être expliqué par l’infiltration du calcium appliqué à l’intérieur des fruits. L’étude de la relation entre la structure de la couche cireuse de la cuticule des pommes ‘Golden delicious’ et l’infiltration du calcium montre que les craquelures au niveau de la couche cireuse deviennent plus larges et plus profondes parallèlement à l’augmentation de la durée de stockage. Après six mois de stockage, les craquelures ont été étendues à travers toute la cuticule. Le calcium prélevé par les fruits stockés pendant six mois était supérieur par rapport à celui prélevé par les fruits stockés pour des durées plus courtes (Roy, 1999).

Dans une autre étude, l’application des composés de calcium à 30 et à 15 jours avant récolte des myrtilles, a augmenté la dureté des fruits de 5% et diminué le poids moyen des fruits de 12% pour le traitement à base de nitrate de calcium, relativement au témoin, après deux semaines de stockage à 1 °C et 85% d’humidité relative (Smith, 2016).

L’addition du chlorure du calcium à l’eau de pré-refroidissement des cerises douces a entrainé une augmentation de la teneur des fruits en calcium proportionnellement à l’augmentation de la concentration de 0,2% à 2,0% à 0 °C. L’augmentation de la teneur du calcium dans les tissus du fruit a été accompagnée par une réduction du taux de respiration, la dégradation de l’acide ascorbique, entrainant une augmentation de la dureté des fruits et la résistance aux chocs et une diminution de l’acidité titrable et de la pourriture (Wang et al., 2014).

CONCLUSION

Les résultats de cet essai montrent que les apports foliaires en calcium contribuent à l’amélioration et la rétention de la qualité des petits fruits rouges. Les produits testés ont amélioré la dureté des fruits des cultivars considérés, quelle que soit la date de récolte. L’amélioration de la dureté a parfois été proportionnelle au nombre d’application, cas des fraises et des framboises. L’effet maximum a été enregistré par le traitement à base du nano-calcium pour la fraise, et du calcium-silicium pour la framboise. Les traitements de calcium ont diminué le taux des sucres solubles de tous les fruits. Dans le cas des myrtilles et des mûres, on a noté que les traitements de calcium ont augmenté d’une manière significative le poids moyen des fruits, atteignant pour les mûres 2,55 g par fruit. Les applications foliaires du calcium ont amélioré la rétention de la qualité et réduit les pertes de poids des fruits pour tous les cultivars, après une semaine de stockage frigorifique à une température entre 2 et 4 °C.

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