Résumé

Notre travail consiste en une enquête sur 35 élevages de bovins laitiers de trois communes de la wilaya de Constantine. L’enquête en un seul passage a duré 6 mois, d’octobre 2010 à avril 2011. Il s’agissait de caractériser la diversité de ces élevages, et de comprendre les problèmes liés à leur emplacement, aux infrastructures, à l’équipement, au fonctionnement de l’atelier laitier, à l’alimentation, au personnel, à l’hygiène et surtout aux pratiques médicamenteuses susceptibles d’être à l’origine de pertes économiques. Il ressort de nos enquêtes que la majorité des fermes sont construites au sein des agglomérations sans respect des bonnes pratiques de gestion des élevages et caractérisées par la cohabitation des bovins avec d’autres catégories d’animaux. L’utilisation abusive des antibiotiques par les éleveurs, et cela de manière non réglementée, de façon anarchique sans lecture préalable de la notice, et sans respect de la dose et de la durée du traitement. Parmi les 35 exploitations étudiées : 77,1% utilisent un matériel d’entretien des bâtiments d’élevages traditionnel qui n’assure pas un bon nettoyage des locaux des animaux. Parmi les élevages étudiés, seulement 17,1% sont exclusivement laitiers. Le troupeau est composé à 60 % de vaches laitières.


Mots clés: bovins laitiers, élevage, typologie, Constantine, Algérie

INTRODUCTION 

En Algérie, l’activité agricole concerne 20 % de la population active. L’élevage bovin tient une place importante dans l’économie nationale. Le cheptel laitier est estimé à 1 909 500 têtes dont près d’un million de vaches laitières détenues par 215 000 exploitants (Si Tayeb et al., 2015). Malgré l’importance de l’effectif, il reste en dessous des capacités de production et ne couvre que 62 % des besoins en lait cru à l’échelle nationale, le reste étant couvert par les importations (Si Tayeb et al., 2015). Les besoins pour ce produit de grande consommation sont de 140 litres/habitant/année (Si Tayeb et al., 2015).

Pour pallier à cette insuffisance en production, il est impératif d’identifier les différents facteurs limitant l’efficience de l’effort public en vue d’atteindre l’autosuffisance en lait cru ou de réduire la dépendance aux importations.

Actuellement, l’élevage bovin laitier fait face à plusieurs contraintes, en particulier dans la conduite du troupeau, notamment l’alimentation du troupeau laitier, et l’importation de très grandes quantités de semences fourragères (Issolah, 2008) mais aussi à la maîtrise de la reproduction (Yahimi et al., 2013). Cet aspect constitue un des dysfonctionnements de l’élevage (Si Tayeb et al., 2015).

Selon Issolah (2008), la production de fourrage réservée à l’élevage bovin laitier est limitée par les superficies exploitées à cause du manque d’accès au foncier et à l’équipement. De plus, les rendements dans la production fourragère sont aussi loin des objectifs fixés par les pouvoirs publics (Belkheir et al., 2011). A ces contraintes d’ordre zootechniques, s’ajoutent l’impact des parasitoses sanguines, notamment la theilériose tropicale, qui sévit durant la période de production laitière qui s’étale de mai à août, et provoque une chute brutale de la production laitière(Ziam et al., 2016).

Cette étude a pour objectif de caractériser la diversité des exploitations de bovins laitiers de la région de Constantine, afin de mettre en exergue les différents facteurs responsables de l’insuffisance de la production de lait dans cette région.

MATÉRIEL ET MÉTHODES 

Zones d’études

La Wilaya de Constantine est une région de plaines et de massif montagneux, qui s’étend sur une superficie de 222 910 hectares (DSA, 2017). Elle est située au nord-est de l’Algérie, sur l’Atlas tellien. La prédominance de massifs montagneux et la présence de zones de hautes plaines constituent les reliefs principaux. La superficie forestière représente 12,6% de la surface totale de la wilaya (DSA, 2017). Le climat est du type Méditerranéen à saisons distinctes avec un hiver froid et pluvieux et un été chaud et sec. La pluviométrie varie de 400 à 600 mm par an. Le gradient bioclimatique de la région offre un climat subhumide chaud avec des variantes de température minimale de -6 C° en hiver jusqu’à des maximum de 47° C en été. Les vents dominants sont ceux du Nord-Nord-Ouest porteurs de pluies et de neiges hivernales.

En 2016 le cheptel bovin était estimé à 55 177 têtes. Parmi les exploitations laitières, la majorité possèdent des élevages mixtes (vaches laitières et veaux d’engraissement). La production de viande bovine était de 3 255 tonnes en 2016, mais ce secteur ne bénéficie d’aucun programme de soutien (DSA, 2017). Par contre, l’élevage laitier bénéficie de l’appui de programmes de soutien à la production laitière, et à la collecte du lait qui a atteint 25 294 965 litres en 2016 (DSA, 2017). Le tableau 1 montre l’évolution de la collecte de lait de vache entre 2009 et 2017. Le prix du lait auprès des producteurs variait selon que ces derniers possédaient ou non un agrément sanitaire. Un agrément sanitaire est une attestation annuelle qui désigne la situation sanitaire de l’élevage, l’exploitation doit être indemne de la tuberculose et la brucellose. D’une part le cheptel doit répondre négativement à deux tests de dépistage successifs à six mois d’intervalle, d’autre part l’exploitation doit satisfaire aux mesures suivantes: l’identification de l’ensemble des bovins de l’exploitation, la vaccination antirabique de l’ensemble des bovins, le système d’évacuation des eaux usées doit être fonctionnel, le propriétaire doit se conformer à toutes les prescriptions sanitaires vétérinaires, et si le propriétaire désire introduire un nouvel animal, il est tenu d’informer l’inspection vétérinaire de la wilaya (DSA, 2017). Une partie du lait est collectée par des laiteries locales telles que: Numidia, Safilait, Milk Rhumel, Danone, Soummam, Hodna qui sont approvisionnées par des collecteurs privés. L’autre partie du lait est commercialisée par l’intermédiaire des circuits des crèmeries et des revendeurs. La commercialisation s’effectue au sein de la Wilaya de Constantine ou bien dans les wilayas voisines de Skikda, Annaba, Oum Bouaghi et Mila (DSA, 2017).

Sur une superficie de 175 945 hectares de surface agricole totale (SAT), seulement125 010 hectares représentent la surface agricole utile (SAU) dont 50 935 hectares sont en terres irriguées (DAS, 2017). La production agricole végétale céréalière de la wilaya s’élève à 59909 quintaux dont 41085 quintaux de blé dur, 13725 quintaux de blé tendre, 4475 quintaux d’orge et 642 quintaux d’avoine. La région produit d’autres types de céréales comme la lentille, le pois chiche, la fève sèche et le petit pois. La quantité de fourrages produits s’élève à 91308,5 quintaux, dont 83 750 quintaux de fourrages naturels (DSA, 2017) constitué de prairies et de jachères fauchées(Issolah, 2008) et 7558,5 quintaux de fourrages artificiels (DSA, 2017). Selon Issolah (2008), les fourrages artificiels sont divisés en deux catégories: les fourrages conservés en sec (vesce-avoine, luzerne, céréales reconverties, divers) et les fourrages conservés en vert ou ensilés (orge, maïs-sorgho, avoine et seigle en vert, trèfle et luzerne, autres).

Méthodologie

Pour caractériser la diversité des exploitations de bovins laitiers, et pour comprendre les stratégies mises en œuvre pour rendre les élevages viables, nous avons conduit une enquête sur 35 exploitations laitières d’octobre 2010 à avril 2011. Le choix des élevages (échantillonnage) a tenu compte du consentement des éleveurs à répondre à nos questions, de leur diversité en termes de structures, et de leur emplacement géographique. Les exploitations rencontrées étaient situées dans trois communes de la wilaya de Constantine, à savoir Constantine, Ain Smara, et Ben Badis (Figure 1). Dans ces exploitations, l’élevage bovin constituait l’activité principale.

Figure 1. Présentation géographique de la région d’étude (b) sur la carte d’Algérie (a)

L’enquête s’est faite en un seul passage. Les informations collectées, auprès des éleveurs, ont porté sur l’ensemble de la structure d’exploitation telles que la localisation et l’emplacement, les infrastructures, l’équipement, les effectifs bovins, le type de logement, le fonctionnement de l’exploitation, le type de production, la destination de la production laitière, les races bovines exploitées, la quantité de lait produite/vache/jour, l’âge des animaux, la destination du fumier, la source d’abreuvement, la saison de vêlage, l’entretien et le nettoyage. La santé des animaux a porté sur un certain nombre de pathologies à impact économique telles que les diarrhées néonatales, les pathologies respiratoires, les mammites cliniques. La prise en charge thérapeutique et sanitaire, l’attitude de l’éleveur face à une vache ou un veau malade, les pratiques médicamenteuses lors des affections, la gestion du parasitisme, le traitement mammaire lors du tarissement et la prophylaxie médicale.

Analyses statistiques

L’analyse des données a permis une caractérisation des élevages enquêtés. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel Excel (2007) qui a permis de calculer les moyennes et les pourcentages.

RÉSULTATS

Un total de 35 exploitations laitières a été choisis du mois d’octobre 2010 à avril 2011.

Les structures de productions

La totalité des éleveurs enquêtés ne possédaient pas de terres agricoles. Selon la localisation des fermes par rapport aux agglomérations, nous avons répertorié 3 types d’exploitations, 20 exploitations étaient en zone urbaine, 7 fermes étaient situées dans une zone périurbaine et les 8 autres en dehors, à une distance de l’ordre de la vingtaine de kilomètres (Tableau 2). Cependant, certains éleveurs affirment qu’ils n’ont pas les moyens pour éloigner leurs habitations de la ferme. D’autant plus que le nombre de bâtiments d’élevage se trouve réduit. Un taux de 77,1 % des propriétaires ne possèdent pas de nurserie, ni de local pour le stockage des aliments. Le dortoir pour les ouvriers est ménagé dans un coin du local d’élevage séparé par un mur, dont l’ouverture donne sur une des façades du bâtiment d’élevage. D’ailleurs certains propriétaires partagent leurs maisons avec leurs animaux. Cette situation est motivée par l’insécurité et les vols répétés des animaux de rente.

L’orientation du bâtiment tenait généralement compte des vents dominants. Trente et une exploitations avaient la porte d’entrée orientée vers l’Est et quatre fermes avaient la porte dirigée vers l’Ouest. Le nombre de bâtiments d’élevage était variable selon les exploitations (Tableau 3). 60% des exploitations avaient au moins deux bâtiments. Ces derniers sont représentés par un local d’élevage, une nurserie, un local de stockage des aliments, un local administratif et un dortoir pour les ouvriers. 40 % des exploitations avaient un seul bâtiment d’élevage (Tableau 3). Dans 54,3% des fermes le stockage des aliments se faisait dans un coin du local d’élevage (Figure 2). Parmi les 35 exploitations étudiées, les deux tiers (68,6%) avaient des abreuvoirs et des mangeoires individuels. Dans le tiers restant (31,4%), les animaux s’alimentaient et s’abreuvaient dans des mangeoires et des abreuvoirs collectifs.

Le tableau 4 montre le nombre de fermes ayant une machine et des bidons à traire ainsi que le matériel de nettoyage. Seules huit fermes soit 22,9% avaient une machine à traire et 77,1% ne possédaient pas de machine à traire et avaient un à trois bidons à traire. Seules deux exploitations avaient un tracteur et toutes les fermes possédaient un matériel de nettoyage composé de pelles, de râteaux et des charriots.

Le niveau d’instruction des propriétaires était variable. Les trois quarts des propriétaires, soit 74,3% avaient un niveau d’éducation primaire. Un seul propriétaire, soit 2,9 %, avait un niveau d’éducation moyen (collège). L’éducation secondaire ne représente que 17,1% des propriétaires et ces derniers avaient suivi un stage de formation en élevage au centre de formation des services de la direction agricole de la Wilaya de Constantine. Seulement 5,7% des éleveurs ont un niveau universitaire (Tableau 5). Le recrutement du personnel d’élevage variait en fonction des propriétaires. Un tiers (77,1%) des propriétaires affirment que le recrutement des ouvriers se fait en fonction de leur expérience et de leurs compétences. Parmi les 35 éleveurs enquêtés, près des trois quarts (71,4%) déclarent avoir besoin de deux à trois ouvriers permanents. Le quart restant (28,6%) a besoin de deux à trois ouvriers en saison de vêlage.

Les pratiques d’alimentation

Dans toutes les exploitations enquêtées, L’alimentation des animaux variait en fonction des saisons. Pendant la saison d’herbe correspondant au printemps (mars à juin), les animaux sont maintenus sur les parcours naturels pendant la journée et le soir les vaches rentrent à la ferme ou elles reçoivent une supplémentation à base de concentrés laitiers (maïs, tourteau de soja, orge, son de blé, phosphate calcaire, complément minéral-vitaminé, sel). Les éleveurs distribuent la même ration alimentaire sans tenir compte du stade de lactation et de la période qui précède le vêlage. Pendant la saison hivernale (décembre à février), les vaches sont maintenues en stabulation et reçoivent une ration alimentaire à base de paille de blé et de concentré.

Les concentrés représentent plus de 80 % des dépenses alimentaires. Le fourrage vert et le foin étaient obtenus soit au marché soit après allocation de prairies, soit par culture de terres.

La santé

La prise en charge des animaux malades varie en fonction du niveau d’instruction des éleveurs. Les quatre cinquièmes (80%) des éleveurs appellent un vétérinaire en cas de constatation d’une vache ou d’un veau malade. Et 20 % des propriétaires disent avoir recours à un traitement phytothérapique sans avoir besoin de mobiliser un vétérinaire (riz lors de diarrhée et huile végétale hydrogénée contenant des graisses polyinsaturées lors de surcharge ou de constipation). En cas d’échec de ces traitements phytothérapique, le recours aux antibiotiques de façon anarchique et inadapté par voie générale lors de diarrhée néonatale, ou locale lors de mammites, se fait après prise de température. Les traitements à base d’antibiotiques sont instaurés pendant un à deux jours. Au troisième jour après traitement, si l’état de l’animal ne s’est pas amélioré, le propriétaire considère qu’il y a un échec et fait appel au vétérinaire.

La gestion du parasitisme dans les élevages étudiés est variable en fonction du niveau d’instruction des éleveurs. Le groupe de l’ivermectine est l’antiparasitaire interne et externe privilégié par près d’un tiers des propriétaires (30%). Ils respectent la dose et la voie d’administration. Chez 70% des propriétaires, la gestion du parasitisme est laissée aux soins du vétérinaire clinicien. La chimio-prévention des veaux est quasiment inexistante (94,3%). Et les 22,9 % ont recours à la métaphylaxie.

La conduite des animaux et les races

La taille des troupeaux varie de 1 à 70 têtes. Elle est en moyenne de huit bovins par élevage. Un taux de 17,1 % des éleveurs étudiés sont spécialisés en production laitière. Le reste soit 82,9% possèdent des élevages mixtes (vaches laitières et veaux d’engraissement). La part de la vache laitière est de 60 % des troupeaux bovins. Les taureaux représentent 3% des animaux des troupeaux étudiés avec une moyenne d’une tête par exploitation et sont destinés à la reproduction.

88,6 % élevaient plusieurs autres espèces animales en plus des bovins laitiers (ovins, veaux pour l’engraissement, chèvres etc.…). Les 11,4 % restants étaient de purs laitiers bovins.

Au sein des élevages, les animaux sont gardés en stabulation et les déjections sont utilisées comme fumier, les éleveurs utilisaient le fumier dans leurs jardins potagers ou ils cultivaient plusieurs types de légume. Nous avons identifié trois types d’élevages en fonction des races élevées. Un pourcentage de 22,9% des propriétaires visités élèvent des bovins de race locale, la brune de l’Atlas dont plusieurs phénotypes ont été identifiés (la Guelmoise, la Sétifienne, la Chélifienne, la Djerba, la Kabyle et la Chaouia). Un taux de 34,3% élève des animaux de races modernes importées principalement d’Europe (Holstein, Montbéliarde, Flickvieh) à cause de leur bonne production laitière. Un taux de 42,8 % des éleveurs élèvent au sein d’un même troupeau un mélange de races entre la brune de l’Atlas, les races européennes et les races améliorées (brune de l’Atlas croisée avec les races européennes) (Tableau 6).

Un pourcentage de 5,8 % des propriétaires entretient des vaches de la race Brune de l’Atlas et de leurs croisements, l’alimentation est essentiellement basée sur les parcours naturels et les animaux reçoivent de la paille et du bon foin à la ferme.

L’abreuvement

Pour les exploitations situées à la périphérie et dans les agglomérations, l’eau de boisson était disponible. Par contre, l’accès était plus difficile pour les exploitations situées en zone rurale ou l’abreuvement à souvent lieu dans les cours d’eau. L’abreuvement des animaux a lieu de quatre manières différentes. Lorsqu’ils sont disponibles, les éleveurs préfèrent l’eau de puits et de forages. Cette eau traitée destiné à la consommation humaine est distribuée aux animaux chez un tiers 34, 9 % des éleveurs. Chez 20% des éleveurs, les bovins sont abreuvés à l’eau du réseau de distribution. Près de la moitié (45,1%) des propriétaires utilisent l’eau de source pour l’abreuvement de leurs animaux (Tableau 7).

La production laitière

Les trois quarts des éleveurs (77,1%) estimaient que la production laitière variait de 5 à 15 litres par vache et par jour. En revanche 17,1% estiment que la quantité moyenne de lait produite par vache oscillait entre 15 à 25 litres par jour. À peine un éleveur a signalé une production laitière moyenne de 1 à 4 litres/vache/jour.

La collecte de lait concerne 71, 4% des élevages. En général elle est destinée à l’industrie (laiteries et collecteurs privés). Le reste était soit vendu directement du producteur au consommateur, ou bien consommé par les éleveurs.

DISCUSSION 

L’agriculture urbaine est en nette expansion à l’image de la croissance de la population urbaine mondiale. Le rôle de cette agriculture est évident dans la satisfaction des besoins en produits animaux (lait et en viande) des populations, notamment dans les pays d’Afrique du Nord (Daburon et al., 2014). Au cours de notre étude, nous avons constaté que 80 % des fermes étaient situées en milieu urbain ou périurbain. Cette situation est motivée par le souci de scolarisation des enfants d’une part et la facilité d’écoulement des produits d’élevage d’autre part, bien qu’il existe un programme d’aide à l’habitat rural, il n’est pas évident aux éleveurs de pouvoir en bénéficier et il n’est pas appliqué pas dans toutes les zones rurales.

Cette cohabitation est favorable à l’échange interspécifique de certains agents pathogènes tels que les colibacilles K99 et Salmonella typhimurium ainsi que d’autres parasites zoonotiques tel que Cryptosporidium parvum (Akam et al. ,2004; Khelaf et al., 2007). Ces pathologies sont d’autant plus importantes que les conditions d’hygiène sont détériorées par une mauvaise aération des bâtiments d’élevage, compliquées par une architecture inadéquate, caractérisée par l’ouverture d’une seule porte dirigée vers l’Est.

Ceci empêche une ventilation adéquate et augmente le risque d’apparition des affections oculaires, digestives (O’Donough., 1995; Khelaf et al., 2007) et mammaires (Hadj Mbarek et al., 2013). D’ailleurs les fissurations des murs (Figure 4b) sont favorables aux courants froids favorables au développement d’affection respiratoire.

En Algérie, les bâtiments d’élevage pour bovins sont souvent orientés Nord-sud pour la façade principale, une pratique courante pour éviter les vents dominants, et assurée une bonne aération de l’étable, et par conséquent prévenir certaines maladies respiratoires en particulier celles des veaux (DSA, 2016). La totalité des élevages étudiés avaient des orientations différentes en fonction du terrain à bâtir. En effet, les normes de construction des bâtiments enquêtés sont inadéquates. Ces conditions d’existence des enquêtés sont dues à leur faible développement socio-économique et l’exiguïté des terres. Probablement, la disponibilité des terres chez les propriétaires d’animaux aurait montré des conditions d’élevage adéquates. En fait l’accès aux terres est lié au capital de la famille.

La rentabilité des élevages laitiers est dépendante de la disponibilité des terres pour faire pâturer les animaux et cultiver les fourrages (Mouhous et al., 2012). Dans ce présent travail, aucun éleveur ne possédait de terre agricole. Nos résultats sont similaires à ceux qui concernent les élevages laitiers périurbains des plaines du moyen Chellif (Belhadia et al., 2009). À Constantine, cette situation est compliquée par le faible rendement en culture fourragère de la région qui est tributaire des conditions climatiques.

L’organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (2017) stipule que le niveau de production laitière (PL) est dépendant de la disponibilité du fourrage vert. Nous avons identifié trois types d’élevage en fonction de la production laitière par vache, similaires aux résultats rapportés par Mouhous et al., (2014) à Tizi Ouzou. Par contre, ce résultat supérieur à ceux rapportés par Ghozlane et al., (2009) à Constantine où les exploitations disposent d’importantes SAU, supérieures à 100 ha, où le concentré représente 55 % des dépenses. Le développement et l’entretien d’élevages à base de la brune de l’Atlas est motivé par sa rusticité face aux conditions climatiques locales et sa résilience face aux maladies, surtout la theilériose tropicale, qui constitue un facteur limitant le développement de l’élevage laitier en Algérie (Ziam et al., 2016).

L’état de santé de la mamelle est une condition sin qua non pour la rentabilité des élevages laitiers (M’sadak et al., 2014). La mammite, sous ces différentes formes cliniques, est la principale pathologie infectieuse rencontrée dans les élevages étudiés. La forme sub-clinique rend le contrôle et la surveillance onéreux (Delfosse et al., 2006). Selon Kalandi et al., (2017), les mammites sont en relation directe avec la capacité de production laitière des vaches. Les facteurs de risque liés aux mammites peuvent être liés aux conditions d’élevage et de traite, ou aux caractéristiques hygiéniques et morphologiques des animaux (Remy, 2010). La machine à traire est un outil de rentabilité, bien que son application dans l’évolution des mammites sub-cliniques ne soit pas à écarter, elle intervient en tant que vecteur d’agents pathogènes et réservoir des germes lorsque l’hygiène et l’entretien sont négligés (Wattieux, 2005).

L’existence d’une litière réduit de 50 % les mammites qui sont fortement liées à la propreté de l’aire de couchage (Haj Mbarek et al., 2014). Or dans notre enquête, les mauvaises conditions hygiéniques précitées associées à l’absence d’une laitière (Figure 3) sont autant de facteurs prédisposant aux mammites. De plus, selon Doublet et al., (2012), l’antibiothérapie mammaire répétée sans contrôle vétérinaire préalable, plaide en faveur de la forte proportion d’antibiorésistance rencontrée dans cette étude.

Figure 3. Élevage montrant l’absence de litière

Dans nos exploitations, la promiscuité des bovins laitiers avec les petits ruminants (Figures 4a et b) et les poulets d’élevages traditionnels (Figure 5) favorise la transmission de maladies interspécifiques et rend les animaux plus sensibles aux pathologies intra spécifiques. D’ailleurs, l’eau de boisson distribuée aux animaux est de qualité médiocre en raison de la présence de déjections et de concentré alimentaire qui favorise la pullulation de bactéries et des parasites pathogènes. Dans les élevages laitiers, l’eau d’abreuvement doit être potable et de bonne qualité microbiologique (Meyer et Denis, 1999).

Figure 4. Promiscuité des bovins avec les caprins et les poulets d’élevage traditionnel (a) et les ovins (b). La flèche rouge indique la fissure sur le mur du bâtiment.

Figure 5. Promiscuité des bovins avec les poulets d’élevage traditionnel

Le suivi d’une formation en élevage permet une maitrise des facteurs zootechniques et sanitaires afin de rentabiliser un élevage laitier (FAO, 2015). Dans notre enquête, 94 % des propriétaires avaient un niveau de base (primaire, collège et secondaire). Parmi eux 17% déclarent avoir suivi une formation en élevage au centre de formation des services de la direction agricole de la Wilaya de Constantine. Des résultats médiocres ont été obtenus chez cette catégorie d’éleveurs. Cette situation est similaire à celle observée à Tizi Ouzou (Kadi et al., 2007) et à Chellif (Belhadia et al., 2009). Dans cette catégorie, la main d’œuvre disponible sur l’exploitation est temporaire, occasionnelle et gratuite (parents, enfants, …), similaire aux résultats rapportés par Belhadia et al., (2009) à Chellif.

En revanche, des résultats excellents ont été réalisés chez les deux éleveurs ayant un niveau universitaire. Dans leurs élevages, les conditions de travail sont excellentes et des ouvriers permanents s’occupent de l’entretien des animaux. Durant la période des vêlages, les propriétaires engagent des ouvriers saisonniers afin d’assurer une excellente prise en charge des parturientes et des nouveaux nés.

Dans notre région d’étude, les éleveurs récusent l’insémination artificielle et préfèrent la monte naturelle. Bien que l’entretien d’un géniteur représente un investissement supplémentaire pour l’exploitation, chaque éleveur avait un taureau pour la reproduction. Nos résultats sont largement inférieurs à ceux obtenus au Maroc par Srairi et Lyoubi (2003), où la pratique de l’insémination artificielle est quasiment généralisée (96 %).

La commercialisation du produit de la traite est le signe de l’incitation au développement d’élevages laitiers, d’autant plus que les produits de la traite (lait, lait caillé et le petit lait) représentent une part importante dans les habitudes alimentaires des algériens :la consommation annuelle est de 140 litres de lait/personne/année (Si Tayeb et al., 2015). La disponibilité des laiteries telles que Numidia, Safilait, Milk Rhumel, Danone, Soummam, Hodna et des collecteurs privés a permis d’atteindre un taux de collecte dans les trois quarts des élevages laitiers (77 %). Ce résultat reste moyen par rapport aux taux rapportés à Tizi Ouzou (Bouzid et al., 2010; Belkheir et al.,2011; Si-Tayeb et al., 2015).

CONCLUSION

L’étude réalisée dans les trois communes de la wilaya de Constantine, a permis de caractériser les élevages bovins laitiers, a mis en évidence le problème de la non-conformité des bâtiments d’élevage, la mauvaise hygiène dans l’étable, ce qui peut influer sur la quantité et la qualité du lait produit, sur la durée de lactation et par conséquent sur la rentabilité de l’exploitation. Le développement d’une production laitière intensive ou semi-intensive nécessite le respect des recommandations techniques des services d’appui normes pour la construction des bâtiments, l’hygiène lors de la traite, et le développement des cultures fourragères, etc.

Étant donné que la majorité des exploitations enquêtées sont de taille réduite et de type familial, il est impératif de mettre en place un programme de formation des éleveurs qui répondent à la fois à leurs propres demandes en termes d’objectifs de production et aux attentes des pouvoirs publics. Par ailleurs, en raison des faibles moyens financiers disponibles, un tel programme doit aussi passer par la mise en place d’un système de crédit dédié à appuyer l’investissement dans ces petites exploitations familiales.

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