Résumé

Les stratégies d’adaptation des populations à risque dépendent de la capacité des ménages et des moyens d’existence. L’objectif de cette étude était de mesurer la résilience à l’insécurité alimentaire dans deux Zones de Moyen d’Existence (ZME) SN06 (zone sylvo-pastorale) et SN11 (agroforestière-pêche et tourisme). En se basant sur les données de l’Enquête Nationale de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (ENSAN) de 2013, des piliers de la résilience à l’insécurité alimentaire comme les Stratégies d’Adaptations, les Actifs Productifs, l’Accès à l’Alimentation, l’Accès aux Services Sociaux de Base ont été déterminés. Ainsi, grâce à la méthodologie d’Alinovi et al. 2010 et par une analyse factorielle basée sur l’Analyse des Composantes Principales, l’indice composite de résilience a été calculé. Les résultats ont montré que l’indicateur de l’Accès à l’Alimentation et celui des Stratégies d’Adaptation sont les plus influents sur la résilience à l’insécurité alimentaire. La résilience des ménages ruraux était influence par l’âge et le sexe du chef de ménage. La SN06 s’est avérée plus résiliente que la SN11. Les programmes qui contribuent à la sécurité alimentaire doivent tenir compte des piliers les plus déterminants pour l’efficacité des interventions visant à réduire l’insécurité alimentaire.

Mots Clés : Insécurité Alimentaire, Résilience, Moyens d’Existence, Zone de Moyen d’Existence

INTRODUCTION

Le Sénégal est un pays sahélien avec un taux de croissance démographique annuel est de 2,5 %, ce qui montre une augmentation assez rapide de la population (ANSD, 2013; République du Sénégal, 2014). Une partie importante de la population sénégalaise vit encore en dessous du seuil de pauvreté et au moins 15,15 % de la population souffrent d’insécurité alimentaire (SECNSA, 2013). De plus, 56 % de la population s’estiment être pauvres et 45,7 % se disent très pauvres.

En 2009/2010, il y’avait 15,1 % de ménages ruraux sénégalais en situation d’insécurité alimentaire chronique et 30 % d’enfants étaient à risque face à la malnutrition, selon les résultats de l’AGVSAN (PAM, 2010). Aussi, d’après le rapport de l’Enquête Nationale de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (ENSAN) de 2013, 25,1 % des ruraux sénégalais étaient dans une situation d’insécurité alimentaire (SECNSA, 2013). Par ailleurs selon le rapport de l’AGVSAN3, entre 2010 et 2014, le taux de prévalence de l’insécurité alimentaire en zone rurale a doublé, passant de 15,1 % à 30 % lors de l’ERASAN4 (ENSAS, 2016). Les résultats de l’ENSAS5 2016 montrent qu’en moyenne, 60 % des dépenses des ménages sont alloués à l’alimentation (WFP, 2014).

Au même moment, des projets et programmes de résilience dans le domaine de la sécurité alimentaire sont en train d’être déroulés au Sénégal sans que l’on ne puisse connaître en amont, le niveau réel de résilience des populations. Ainsi, l’objectif de cette étude est d’apporter une contribution à la mesure du niveau de résilience des populations à travers l’élaboration d’un indice de résilience.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

L’étude a concerné deux Zones de Moyen d’Existence (ZME) SN06 et SN11 identifiées avec l’outil HEA (Household Economic Approach). La SN06 correspond à la zone sylvo-pastorale comprend les départements de Podor, Kanel, Linguère, Ranérou, et Matam. Quant à la zone de moyens d’existence ZME SN11 fait référence à la zone agroforestière-pêche et tourisme, elle englobe les départements de Ziguinchor, Oussouye, et Bignona.

Il s’agissait d’une étude rétrospective et descriptive basée sur les données primaires de l’Enquête Nationale de Sécurité Alimentaire et de Nutrition (SECNSA, 2013). Ces données ont été collectées auprès des ménages dans les 45 départements du Sénégal.

L’indice de résilience a été calculé par la méthodologie développée par Alinovi (Alinovi, 2010). Cette méthodologie considère l’indice de résilience comme étant une variable latente multidimensionnelle, développée à travers une analyse factorielle et qui est fonction des filets sociaux (SSN), de l’accès aux Services Sociaux de Base (SSB), des Actifs Productifs (AP), de l’Accès à l’Alimentation (AA), de la Stabilité (S) et des Stratégies d’Adaptation (SAD). Ce modèle a été adapté par rapport à la nature des données disponibles. Ainsi, les dimensions SSB, AP; AA et les Stratégies d’Adaptation ont été utilisées.

Une Analyse Factorielle Multiple (AFM) a été réalisée pour renseigner les piliers du modèle de résilience. Ensuite, le calcul de l’indice composite de résilience par la même technique de l’analyse factorielle a été réalisé en utilisant des données sur les piliers après une agrégation.

Détermination de l’indice de résilience

Le traitement des données a été effectué avec le logiciel STATA 12.

Il s’agissait d’abord de désagréger les données de base par rapport aux départements qui composent les ZME SN06 et la ZME SN11. Ensuite de procéder à l’extirpation de la base de données des ménages ruraux afin d’harmoniser avec le caractère rural des ZME.

Grâce aux variables observées, le calcul des différents indicateurs pour chaque pilier a été effectué. L’Analyse des Composantes Principale (ACP) a permis de voir ceux qui sont les plus fortement corrélés et une pondération a été affiliée à chaque indicateur. Puis grâce à une agrégation, les indicateurs ont été associés pour renseigner la valeur de chaque pilier concerné notamment pour les Services Sociaux de Base (SSB), les Actifs Productifs (AP), l’Accès à l’Alimentation (AA), les Stratégies d’Adaptation (SAD). Puis, une normalisation des différents piliers a été réalisée pour unifier les unités de mesure car les piliers étant d’origine diverses donc se présentent sous des unités différentes. Le sous-indice se présentait ainsi sous une forme exempte de toute unité de mesure. La normalisation par la méthode Min-Max qui a été choisie permet de centrer l’indice entre les valeurs extrêmes de l’échantillon. Le sous-indice ainsi normalisé se situe entre 0 et 1 et les classements de toutes les entités ont été faits en référence à des dispositions relatives de l’indicateur dans cette fourchette. Algébriquement la méthode Min-Max s’écrit:

Une ACP normée des différentes composantes de la résilience a été réalisée. Le choix des axes factoriels à retenir pour le calcul de l’indice de résilience a été fait par la méthode de Kaiser qui stipule que le choix des axes factoriels doit être porté sur les composantes qui ont des valeurs propres supérieures ou égales à 1. Sur cette base, la variable latente (IG) de l’indice de résilience a été déterminée. IG est la variable latente relative aux différentes composantes issues de l’ACP calculée par la formule ci-dessous:

λi représente les valeurs propres issues de l’ACP et PC (Composantes Principales).

Une pondération a été donnée à chaque pilier avec la technique de l’analyse factorielle (ACP normée),

Ainsi, à travers une agrégation par la même technique de l’analyse factorielle, un calcul de l’indice composite de résilience a été fait. Cet indice qui constitue une variable unidimensionnelle a été obtenu par la formule suivante:

K est le nombre de piliers du modèle

𝜆𝑘 est le poids de chaque pilier issu de l’Analyse Factorielle Multiple

RÉSULTATS 

Indicateur d’accès aux services sociaux de base (SSB)

L’indicateur SSB a été calculé en utilisant les variables l’accès au marché, l’accès à l’école, l’accès à l’eau potable, l’accès à l’électricité, et l’accès à des toilettes améliorés (Figure 1).

Figure 1: Indicateur d’accès aux Services Sociaux de Base (SSB) par département

Les résultats montrent que les ménages ruraux du département de Ranérou avaient un accès très faible au SSB (0,09). Sur 4 (taux d’accès à l’électricité, à l’éducation secondaire, à l’eau potable, aux toilettes améliorées) des 5 facteurs, Ranérou a enregistré de très faibles taux d’accès. Matam avait un meilleur accès aux SSB (0,7) avec un accès acceptable pour 3 facteurs a savoir un bon niveau d’accès aux marchés, à l’eau potable, ainsi qu’à l’électricité.

Les résultats cumulés, normalisés et ramenés au plan des ZME montrent que globalement la ZME SN11 a un meilleur accès aux SSB. Les taux d’accès à l’éducation secondaire, aux toilettes améliorées, et à l’électricité étaient plus acceptables dans les départements qui composent la ZME SN11 que ceux des départements de la ZME SN06 (Figure 2).

Figure 2: Accès aux Services Sociaux de Base (SSB) par ZME

L’indice des stratégies d’adaptation (Coping Strategy Index CSI) basée sur les moyens d’existence

Les résultats de la Figure 3 montrent que la majorité des départements de la ZME SN06 (Linguère (35 %), Kanel (50,3 %), Ranérou (42,4 %), et Matam (2,31 %)) avait une population qui était en situation d’urgence, c’est-à-dire, qui ont une consommation alimentaire déficitaire et ont recours à des stratégies destructrices des moyens d’existence.

Quant aux départements qui composent la ZME SN11, les résultats montrent que leurs populations (Ziguinchor (86,4 %), Bignona (35,0 %), Oussouye (42,7 %)) étaient plus en situation de stress en cette période d’enquête, ce qui signifie qu’elles étaient en situation d’insécurité alimentaire certes, mais modérée.

La Figure 4 montre qu’il y’a eu moins de personnes dans la ZME SN06 (12 %) qui n’ont pas eu recours à des stratégies d’adaptation destructrices des moyens d’existence par rapport à la ZME SN11 où 20,8 % de la population n’ont utilisé aucune de ces stratégies.

Figure 4: Indice des stratégies d’adaptation en fonction des ZME

Accès à l’Alimentation (AA)

L’AA a été déterminé grâce au Score de Consommation Alimentaire (SCA) avec la détermination des groupes de consommation alimentaire. Les résultats ont montré (Figure 5) que les ménages ruraux ayant une consommation alimentaire pauvre etaient plus abondants dans le département d’Oussouye (38,6 %), suivi du département de Ziguinchor (24,7 %). Les populations ayant une consommation acceptable se trouvaient essentiellement dans les départements de Linguère (87,5 %), Kanel (86,3 %), Ranérou (72 %) et (Matam (60,8 %). Par conséquent, il y’a eu beaucoup plus de populations qui avaient une consommation alimentaire pauvre dans la SN11 que dans la SN06 (Figure 6).

Les Actifs Productifs: l’indice absolu de richesse traditionnelle par département

Les variables qui ont été utilisées sont le capital humain (la taille du ménage, le nombre d’hommes et de femmes agés de 15 à 60 ans), les biens animaliers (bovins, ovins, porcins, caprins,anes, chevaux, volailles), les outils traditionnels et biens durables/non durables du ménage (lits, tables, chaises, bicyclette, motocyclette, pirogue, nattes, lampe torche, téléphone portable, panneau solaire, houe sine, semoir, tracteur, batteuse, charrue, charrette, terres agricoles (ha)).

Figure 6 : Groupe de consommation alimentaire en fonction de la ZME

Les résultats ont montré que le département de Bignona avait le plus fort taux de ‘Très riches’ au sens traditionnel, avec 49,3 % de sa population (Figure 7). Ceci est le reflet du nombre de personnes par ménage en général, du nombre de bras valides enregistrés dans les ménages de cette zone, mais aussi de la possession par les ménages des biens traditionnels durables. La zone rurale de Matam connaît à ce niveau le plus grand nombre de Très pauvres (33,8%) au sens traditionnel. En fonction des zones de moyens d’existence, les résultats ont montré qu’au sens traditionnel, la ZME SN11 avait plus de ‘Très riches’ (27,2 %) que la ZME SN06 avec 18,1 % de ‘Très riches (Figure 7).

Figure7 : Richesse traditionnelle par ZME

L’indice de résilience

Il existait de faibles corrélations positives et négatives entre les différents piliers de la résilience. Ce qui laisse voir que les paramètres qui déterminent la résilience étaient différentes d’une zone à une autre et n’étaient pas liés.

Sur la base des axes retenus de l’ACP et de la normalisation, les résultats ont montré des différences de niveau de résilience entre les zones (Figure 8). La zone rurale du département de Kanel s’était avérée être la plus résiliente avec un indice de résilience égal à 0,654. Il en est de même pour toutes les autres zones qui composent la ZME SN06 (sylvo-pastorale), notamment Linguère (0,582), Matam (0,55) et Ranérou (0,448). La ZME SN11 (agroforesterie-pêche/tourisme) qui se révélait moins résiliente dans son ensemble (Figure 9).

Figure 8 : Indice de résilience en fonction des départements

Les ménages dirigés par les femmes étaient moins résilients (-0,314) que ceux dirigés par les hommes (0,061). Les ménages ruraux dirigés par des chefs de ménages âgés au moins de 60 étaient les moins résilients (-0,018). Il en est de même pour les ménages dirigés par des personnes âgées de moins de 35 ans avec une résilience négative de l’ordre de -0,081. Les ménages les plus résilients sont ceux dirigés par les personnes âgées entre 35 et 60 ans (0,035).

DISCUSSION 

L’indicateur SSB a été évalué par les variables : accès à l’eau potable, à l’électricité, à l’éducation secondaire ou primaire, au marché ainsi qu’aux toilettes améliorées.

L’accès à l’eau potable est fondamental pour la dimension Utilisation de la sécurité alimentaire notamment pour une préparation adéquate des aliments, ainsi que pour la consommation humaine et animale. L’inaccessibilité générale à l’eau potable des populations notée surtout dans le département de Ranérou est un facteur contributif à l’insécurité alimentaire (Hanjra et Qureshi,2010).

Les faibles taux de scolarisation secondaire, notés surtout dans la SN06, sont liés entre autres à des barrières culturelles, à la pauvreté et peuvent être considérés comme un facteur de risque. En effet, l’ignorance ou la méconnaissance de la nature des aliments, des techniques de préparation adéquates, etc. font partie des facteurs de risque de l’insécurité alimentaire dans le monde rural (Ndiaye, 2014).

La difficulté d’accès au marché c’est-à-dire au lieu d’échange des produits alimentaires est un des aspects fondamentaux et un facteur sous-jacent de l’insécurité alimentaire (Diagne, 2013).

Le marché est un lieu d’échange, une infrastructure de base dont l’accès est une condition pour la satisfaction de l’approvisionnement du ménage en denrées alimentaires. Ainsi donc, l’accès à l’alimentation est meilleur dans la ZME SN06 car ils ont un bon accès à des marchés ou ‘Loumas’ qui facilitent la présence physique des aliments. Selon la méthodologie du HEA, la ZME SN06 est reconnue comme étant une zone sylvo-pastorale et les principales sources de revenus sont la vente de bétail pour les ménages riches et l’auto-emploi pour les ménages pauvres (Save the Children, 2013). Ces ménages peuvent être ainsi dotés en ressources financières leur permettant d’améliorer leur pouvoir d’achat et d’améliorer habitudes alimentaires qui sont différentes de celles des ménages de la ZME SN11.

Les toilettes sont des infrastructures de base qu’un ménage doit posséder en son sein afin de réduire sa vulnérabilité et celle de la communauté sur le plan sanitaire notamment pour le péril fécal. Dans cette étude, les toilettes de type traditionnel étaient plus présentes dans ces zones rurales. L’amélioration de ces toilettes pourrait réduire le risque lié au péril fécal réduisant ainsi les dépenses de santé qui peuvent y être assujetties, afin d’accroître sa résilience.

Dans cette étude, les piliers qui ont plus impacté la résilience à l’insécurité alimentaire étaient l’AA et SAD. Ces deux piliers étaient meilleurs dans la ZME SN06 avec des valeurs propres supérieures ou égales à 1 lors de l’ACP ce qui les procuraient les plus grandes pondérations dans le calcul final de l’indice de résilience

L’indice de richesse traditionnelle ou Traditionel Wealth Index (TWI) et de l’Accès aux SSB étaient meilleurs dans la ZME SN11. Cependant ces indices s’étaient avérés moins influents dans la résilience à l’insécurité alimentaire selon les résultats de l’ACP. Par conséquent, la résilience à l’insécurité alimentaire des populations rurales des ZME SN06 était meilleure que celle de la ZME SN11. Cela témoigne de la différence dans la dotation en ressources naturelles (Sylvo-pastorale et Agro-forestière, pêche/tourisme), des AP, des capacités d’adaptation aux chocs, des SSB existants, ainsi que de l’AA.

Cette étude a utilisé l’indice TWI pour la répartition des groupes socio-économiques au niveau des deux ZME. Les résultats ont montré que la ZME SN11 avait la proportion de « Très Pauvres » (TP) la plus grande (42 %). Cette tendance a été trouvée dans les rapports des profils de l’approche HEA réalisés dans ces ZME (HEA SAHEL, 2014). L’accessibilité économique à l’aliment pouvant être corrélée à la pauvreté structurelle. La ZME SN11 qui a plus de TP a eu donc dans l’ensemble plus de difficulté d’AA que la ZME SN06. En effet, les résultats de cette étude ont confirmé que globalement la consommation alimentaire liée à l’AA défini par le SCA était « Acceptable » pour la ZME SN06 et « Limite » pour la ZME SN11.

A cela s’ajoute les habitudes alimentaires et le potentiel pastoral de la ZME SN06 source de produits animaux en général et produits laitiers en particulier riches en protéines dont la pondération est importante dans le calcul du SCA (Garenne, 2011). L’AA constitue souvent un problème dans beaucoup de régions au Sénégal surtout en zone rurale. En effet, dans les zones rurales la forte vulnérabilité économique est liée au fait que ¼ des ménages consacrent 65% de leurs revenus aux dépenses liées à l’alimentation ( WFP, 2014). Selon la même source, dans la même année, on a constaté la forte inflation des prix des céréales qui étaient supérieurs à la moyenne des cinq dernières années. Ce qui montre qu’au Sénégal, la vulnérabilité des ménages est grandement liée à la difficulté d’AA. Ceci fait que beaucoup de stratégies d’adaptation sont développées par les populations vulnérables et qui peuvent porter atteintes aux moyens d’existence. Cette évolution des comportements ou des stratégies face à une situation de crise liée à un dysfonctionnement du dispositif d’approvisionnement du ménage, indique des degrés d’insécurité alimentaire diverses. Dans cette étude, les données étaient récoltées au mois de Juin qui entre dans la période de soudure au Sénégal, donc à l’épuisement des stocks alimentaires au niveau de beaucoup de ménages ruraux. Ces derniers, face à un tel choc, sont dans l’obligation morale et sociale de subvenir aux besoins alimentaires du ménage, donc d’adopter certains comportements qui peuvent refléter leur niveau de vulnérabilité et/ou de résilience.

La ZME SN06 a eu un meilleur CSI c’est-à-dire utilisait moins de stratégies d’adaptation. Ceci montre que dans cette zone on utilise moins de stratégies destructrices des moyens d’existence. Ces populations ont eu ainsi moins de difficultés liées à l’alimentation comparées aux populations de la ZME SN11. Ce fait peut être considéré comme un paradoxe si on prend en compte les potentialités agro-écologiques des deux ZME. La ZME SN11 étant connue pour ses ressources agroforestières immenses, ses terres fertiles qui sont des potentialités agronomiques avec lesquelles le développement de toute agriculture ne saurait être un frein à la prospérité.

Par ailleurs, l’évaluation quantitative de la résilience à l’insécurité alimentaire est difficile du fait que la résilience n’est pas un phénomène directement observable. Des travaux sur cette thématique qui ont utilisé des méthodologies différentes, ont essayé d’estimer la résilience à l’insécurité alimentaire dans un contexte dynamique en employant des données de micro-panel d’une enquête rurale centrée sur des ménages (FAO, 2014). D’autres auteurs ont travaillé sur une autre approche qui développe un modèle de résilience des ménages par rapport à l’impact d’une sécheresse et d’un ouragan (Michael et Peter, 2006). Leur modèle est basé sur le fait qu’un ménage résilient a les capacités de satisfaire sa consommation alimentaire en usant de ses ressources financières ou en mettant en place des stratégies d’adaptation. Parallèlement, les ménages non résilients tentent de faire face en réduisant leur consommation alimentaire afin de maintenir leurs ressources financières. La FAO a testé à Matam (Sénégal), entre Décembre 2015 et Janvier 2016, un outil d’analyse de la résilience appelé RIMA II (FAO, 2016). Cette méthode inclue l’Accès aux services de base (ABS), les Actifs (AST), les Filets de protection sociale (SSN) et la Capacité d’adaptation (AC). D’autres indicateurs ont été inclus, tels que la perception de chaque ménage quant à la participation au processus de prise de décision au sein du village, le bien-être perçu, ainsi que les stratégies d’adaptation pour affronter les chocs.

Dans notre étude, la méthode d’Alinovi (2010) a été utilisée pour analyser la résilience. Cette méthode est caractérisée par la flexibilité dans l’approche de la mesure de la résilience. Une adaptation du modèle par rapport aux types de données de cette présente étude a été faite. L’insertion de TWI est un élément essentiel dans la mesure où il permet de mieux appréhender le niveau de résilience des ménages ruraux.

Les résultats de cette étude ont montré une meilleure résilience dans la ZME SN06 (0,558) par rapport à la ZME SN11 (0,459). La faible résilience de la ZME SN11 était due essentiellement au mauvais AA. Ce faible niveau de résilience de la ZME SN11 peut se justifier aussi par le fort taux de chômage (ANSD, 2013). En effet, pour le pilier ‘Actifs Productifs’ (AP), représenté par le TWI, la variable ‘Nombre de bras valides’ est très importante pour les ménages. Cependant ces personnes qui étaient censées contribuer à l’amélioration des conditions de vie des ménages sont généralement au chômage. Le chômage étant un facteur sous-jacent à la pauvreté, l’existence ou la présence de ces personnes est sans apports. Pour la ZME SN06, l’immigration fait que les ménages n’ont pas souvent un nombre élevé de bras valides présents mais néanmoins contribuent activement aux besoins alimentaires du ménage par des transferts de fonds.

Les résultats ont montré que la résilience à l’insécurité alimentaire intègre bien la dimension genre. Les ménages dirigés par des chefs de ménages ‘Femmes’ sont moins résilients que ceux dirigés par les ‘Hommes’. Cette relation résilience-sexe a été reportée (Djogbenou, 2015). En effet, cette moindre résilience des femmes dans le contexte sénégalais pourrait s’expliquer par le fait que les femmes du milieu rural sont des mères au foyer qui n’accèdent pas souvent à l’emploi rémunéré et même si elles arrivent à avoir du travail, cela ne leur permet pas d’avoir un revenu égal à celui des hommes. Cela se justifierait par le fait que les femmes du milieu du rural n’ont pas souvent un niveau scolaire élevé ( ANSD, 2015).

La résilience à l’insécurité alimentaire est aussi liée à l’âge des chefs de ménages. Sous ce rapport, nous avons constaté que les chefs de ménages dont l’âge est inférieur à 35 ans et ceux dont l’âge est supérieur à 60 ans ont respectivement une résilience de l’ordre de -0,018 et -0,018. Les chefs de ménages les plus résilients sont ceux qui sont âgés entre 35 et 60 ans (0,035). Ceci peut être dû à un manque d’expérience des jeunes chefs de ménage d’une part et de force de travail pour les plus vieux. Les chefs de ménages les plus résilients sont dirigés par les personnes âgées de 35 et 60 ans qui ont aussi bien une force de travail et une certaine expérience dans la gestion familiale.

CONCLUSION 

L’indice de résilience a montré globalement que la ZME SN06 était plus résiliente à l’insécurité alimentaire que la ZME SN11. L’indice de résilience était influencé par l’âge et le sexe des chefs de ménages. Cependant, les dimensions qui sont plus déterminantes de la résilience à l’insécurité alimentaire sont différentes d’une ZME à l’autre. Cette étude a permis de déterminer le niveau de résilience des populations qui est un facteur important pour une meilleure orientation des projets de sécurité alimentaire, et une prise en compte des facteurs déterminants de la résilience pour l’éradication de la vulnérabilité alimentaire.

RÉFÉRENCES 

Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) (2013). Recensement général de la population et de l’habitat, Sénégal.

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