Résumé

Si le Maroc est un pays faiblement émetteur de gaz à effet de serre, il reste cependant vulnérable à l’impact du changement climatique dû aux spécificités que lui confèrent sa position géographique et sa dépendance vis-à-vis des secteurs sensibles au climat tels que l’agriculture. D’ici 2050, le GIEC a estimé que le rendement du blé pourrait chuter de 7,3 %. L’objectif de cette étude est d’évaluer la tendance des phénomènes climatiques extrêmes enregistrés dans diverses régions marocaines et de déterminer leurs impacts sur les ressources en eau et l’agriculture. Cinq stations météorologiques (Agadir, Ifrane, Marrakech, Oujda et Tanger), représentatives des différents types de climat au Maroc, ont fait l’objet d’une analyse statistique de l’évolution des indices de températures extrêmes et des précipitations quotidiennes sur 44 ans (1960-2004) et pour les quatre saisons de l’année. Pour simuler les projections futures de ces tendances, le logiciel MAGICC couplé à SCENGEN, a été utilisé. Les courbes d’évolution des températures indiquent une tendance à la hausse du nombre de journées chaudes et une forte tendance à la baisse du nombre des journées froides, traduisant ainsi un léger réchauffement (1,7 à 2,6 °C) du climat du Maroc. Quant aux précipitations, l’analyse des indices pluviométriques, calculés par RCliDex et celles retenues dans notre étude (PRCTOT. et R10 mm), accusent une baisse de tendance non significative (p<0,05) pour la majorité des stations exceptée celle d’Oujda, où une réduction significative est notée. Cette baisse de tendance des précipitations (15 à 22 % dans le nord; 9 à 16 % au sud), traduit un glissement du climat à caractère semi-aride vers le nord. Le réchauffement du climat et la baisse des précipitations ont engendré une réduction de 20 % des apports en eau aux barrages sur 65 ans (1940-2005) et, d’ici 2050, cette réduction atteindrait 31 %. Il en résulterait une régression des superficies irriguées (7 à 10 %), ce qui se traduirait par une baisse de la production agricole de la région nord-ouest de 15 à 20 %.


Mots-clés: Phénomènes extrêmes, températures, précipitations, projection, ressources en eau, agriculture, Maroc.

INTRODUCTION

Partout dans le monde, les changements climatiques s’imposent de plus en plus. Des températures records sont enregistrées d’années en années dans les grandes villes. Des vagues de chaleur récurrentes et d’importantes inondations ont été observées ces dernières décennies. Ces désordres météorologiques qui balaient la planète provoquent des drames humains et vont affecter l’agriculture, donc l’économie des pays touchés. Devant cette situation, le souci est de prévoir l’impact des changements climatiques auxquels on peut s’attendre pour pouvoir bâtir un développement socio-économique adapté. Le Maroc n’est pas à l’abri, non plus, des phénomènes météorologiques extrêmes. D’une superficie d’environ 710.850 km², il dispose de près de 3.500 km de côtes sur ses façades Atlantique et Méditerranéenne. Les quatre chaînes montagneuses du Haut Atlas, de l’Anti-Atlas, du Moyen Atlas et du Rif, lui confèrent une diversité géographique et une subdivision en quatre zones climatiques: la zone côtière méditerranéenne, les monts du moyen et du haut Atlas, la zone steppique et la zone anti-Atlasique à climat saharien au sud de la ligne de partage des eaux. Les régions des côtes atlantique et méditerranéenne reçoivent la plus grande partie de leurs pluies entre novembre et mars. Du fait du relief, celles-ci varient entre 300 mm sur la côte méditerranéenne et plus de 700 mm dans le nord-ouest. En hiver, il y a fréquemment, au dessus de 1500 m, un couvert neigeux qui se maintient plus de six mois en altitude. Les contreforts du Sahara reçoivent moins de 200 mm d’eau par an, essentiellement en automne et au printemps. La présente étude vise à analyser les tendances des extrêmes climatiques enregistrées dans diverses régions marocaines au cours des cinq dernières décennies ainsi que leurs projections futures durant les quelques décennies à venir. Elle vise plus particulièrement à y évaluer leur impact sur les ressources en eau et les menaces sur la production agricole.

MATÉRIEL ET MÉTHODES 

Données climatiques

Les données climatiques qui ont été utilisées, à savoir les valeurs journalières des précipitations, et des TX et TN, couvrent la période 1960-2004. Ces données proviennent de cinq stations météorologiques (Tanger, Oujda, Ifrane, Marrakech et Agadir) et sont représentatives des contrastes régionaux et climatiques du Maroc (Figure 1).

Calcul des tendances

Nous avons utilisé, pour le calcul des tendances, l’estimateur de pente basé sur «Kendall’s tau» (Kendall, 1975) puisque cette méthode est robuste et n’impose pas de distribution particulière pour les résidus. La pente estimée n’est retenue que si elle est strictement inférieure à l’erreur [5 %]. De ce fait, la tendance est considérée significative à 95 % si la probabilité est inférieure à 0,05. Les indices de température et de précipitation retenus dans cette étude sont portés dans le tableau 1.

Les percentiles d’une série statistique sont les 99 valeurs (P1, P2… et P 99) de caractère qui partagent la population en 100 parties de même effectif (Figure 2).

• Pour 10 % de la population, la valeur du caractère est inférieure à P10;

• Pour 90 % de la population, la valeur du caractère est inférieure à P90; F(Pk) = k/100;

• 1< k < 99; F: la fonction de répartition de la variable aléatoire.

Prévisions futures du climat au Maroc

Pour détecter les prévisions futures du climat au Maroc, les logiciels, MAGICC couplé à SCENGENN, ont été utilisés. Ces logiciels permettent de déceler les changements de la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone, qui résultent des émissions anthropiques de CO2, de CH4, de N2O, des HCFC, 6HFC, 6PFC, etc. et de SO2, de la température moyenne de l’air à la surface et de son niveau moyen de la mer sur 110 ans (1990-2100).

Présentation des logiciels

MAGICC

Le logiciel MAGICC a été utilisé dans le but de:

• Comparer, à l’intérieur d’une même application, les conséquences sur le climat mondial de deux scénarios d’émissions distincts. Il désigne l’un de ces scénarios ‘‘référence’’, qui correspond à des valeurs élevées des paramètres (pessimiste) et l’autre ‘‘politique’’, correspond à des valeurs basses (optimiste). Il est possible aussi d’évaluer deux scénarios d’émissions quelconques ;

• Déterminer la sensibilité des résultats des différents scénarios d’émission des changements apportés aux paramètres du modèle. L’intervalle de base de l’incertitude est calculé implicitement. Mais il est possible de comparer les résultats d’un scénario d’émission donné pour les paramètres du modèle spécifié par l’utilisateur et les résultats produits par les valeurs des paramètre implicites. Ce logiciel propose 48 scénarios, qui concernent l’évolution future de GES et des aérosols.

SCENGEN

C’est un générateur de scénarios mondiaux ou régionaux. Il consiste en une base de données contenant les résultats de nombreuses expériences de MCG ainsi que des données climatiques observées à l’échelle planétaire. Il utilise ses divers champs de données en se servant de l’information sur la vitesse et l’ampleur du réchauffement climatique de la planète que MAGICC lui fournit et selon le choix fait par l’utilisateur, des principales CSC. Il peut être utilisé en association avec MAGICC, mais il peut également être utilisé seul avec un nombre limité de fonctions.

Changements dans le monde entier

La première partie du processus d’élaboration d’un SCC traite de MAGICC et du choix des scénarios d’émission et des paramètres MAGICC. Le scénario moyen P50 a été utilisé sans modifier les paramètres par défaut de MAGICC. La deuxième étape consiste à utiliser le scénario d’émission A1F et B1 et à définir un large éventail de changements.

Projection du scénario moyen P50

Dans ce scénario, d’ici 2050, par rapport à la situation actuelle, la température mondiale moyenne pourrait passer d’un minimum de 0,9 °C à un maximum de 1,9 °C, avec une moyenne de 1,4 °C. Des concentrations de 3CO2 seraient associées à ces projections, entre 490 et 571 ppmv, avec une moyenne de 516 ppmv. L’ENM sera comprise entre 5 et 27 cm, la moyenne serait de 15,5 cm. En 2100, les augmentations de température correspondantes sont respectivement de 1,90 °C, 4,28 °C et 2,90 °C, et correspondent respectivement à une ENM de 16,8 et 38,5 cm.

Projection de scénario A1F et B1

Afin de définir un large éventail de climat global futur, il est possible étant donné l’incertitude liée aux émissions futures de 8GES, d’utiliser les scénarios d’émissions A1Fi et B1 pour définir des intervalles de changement de la température moyenne, des concentrations de 3CO2 dans le monde et de 10ENM.

Changement climatique au niveau régional

Une fois que MAGICC a été exécuté, on procède après à l’élaboration des 13SCCR pour le Maroc en 2050 en le couplant avec le logiciel SCENGEN. Pour la sélection du profil de réchauffement, on a eu recours à deux options: (i) l’élaboration d’un 11SCC en utilisant plusieurs 9MCG ou (ii) l’élaboration d’un 11SCC avec un profil moyen de 7MCG. Ces deux options ont été utilisées successivement afin d’examiner les effets des 11SCC produits pour les différentes régions du Maroc.

Projections des modèles climatiques futurs par MAGICC/SCENGEN

Pour, et afin de représenter la gamme, possible des futurs SCCR, on a utilisé plusieurs logiciels. Nous procédons ensuite à la détermination des 9MCGs proposés par SCENGEN, qui présentent des changements extrêmes de la température et des précipitations dans chaque région du Maroc.

Cycle mensuel

Pour déceler les variations dans les changements probables suivant les mois de l’année, nous avons tracé les courbes d’histogramme illustrant les cycles annuels de température sur 30 ans (1961-1990) et estimé les précipitations sur 20 ans (1981- 2000).

Cycle saisonnier et annuel

La distribution saisonnière des éventuels changements des températures et des précipitations suscite un intérêt particulier pour le secteur agricole. Pour illustrer ces changements, nous avons utilisé le profil composite en tant que scénario P50.

RÉSULTATS 

Évolution et tendances des indices de changements climatiques

Températures

Afin de comparer plus facilement les résultats obtenus d’une ville à l’autre et d’une saison à l’autre, les tendances ont été exprimées en nombre de jours par 44 ans. Ainsi, une tendance positive correspondra à une augmentation de la fréquence tandis qu’une tendance négative, elle, indiquera une diminution. Les valeurs des tendances ainsi calculées sont portées dans le tableau 2.

Globalement, on constate pour les cinq stations et pour les quatre saisons de l’année, qu’une baisse de la tendance a eu lieu pour les indices TN10 et TX10, tandis qu’une hausse de la tendance se produit dans le cas des indices TN90 et TX90. Quant aux IVF, la baisse de la tendance a eu lieu dans la quasi-totalité des villes du Maroc. En revanche, les IVC, eux, connaissent une hausse de la tendance.

Analyse des indices des extrêmes froids (TN10, TX10)

Pour les nuits froides, ou nombre de jours où la température minimale est inférieure au 10e percentile, quelle que soit la saison, les courbes de fréquence des 16TN10 montrent une tendance significative décroissante, indiquant une diminution notable du nombre de nuits froides, à l’exception de la ville de Tanger, où des hausses de tendances en automne (+0,4 jours/44 ans) et en hiver (+3,2 jours/44 ans) apparaissent. Ainsi, l’ampleur des diminutions des nuits froides varie, en général, entre -13,2 jours/44 ans pour les valeurs les plus grandes et près de -0,96 jours/44 ans pour les valeurs les plus faibles, signifiant une réduction significative du nombre de nuits froides (Figure 3a). Cette baisse de tendance se retrouve aussi pour les jours froids, où nombre de jours où la température maximale est inférieure au 10e percentile. En effet, quelle que soit la saison et pour toutes les villes marocaines, les courbes de fréquence des 17TX10 révèlent une baisse de tendance significative, signifiant ainsi une réduction notable de la fréquence des journées froides: -11,6 jours/44 ans pour les valeurs les plus grandes et -1,21 jours/44 ans pour les valeurs les plus faibles (Figure 3b). Ainsi, les fréquences des nuits et des journées froides ont toutes les deux connu une baisse de tendance de façon significative, traduisant, par là, un réchauffement du climat du Maroc.

Analyse des indices des extrêmes chauds (TN90 et TX90)

Pour les indices des extrêmes chauds ou nombre de jours où la température minimale est supérieure au 90e percentile, quelle que soit la saison, les courbes de fréquence des TN90 montrent une tendance significative croissante, indiquant cependant une augmentation de la fréquence des nuits chaudes, à l’exception de la ville d’Agadir, où une baisse de la tendance se produit au printemps (-0,1 jours/44 ans). Pour la quasi-totalité des villes, les fréquences de nuits chaudes varient entre +11,64 jours/44 ans pour les valeurs les plus grandes et +1,43 jours/44 ans pour les valeurs les plus faibles, ce qui signifie une augmentation significative de nuits chaudes (Figure 4a).

Pour les jours chauds où nombre de jours ou la température maximale est supérieure au 90e percentile, quelle que soit la saison, les courbes de fréquence des TX90, eux aussi, ont connu une hausse de la tendance, ce qui signifie un accroissement de la fréquence des jours chauds, à l’exception de la ville de Marrakech, où une légère baisse de la tendance a eu lieu à la fois en été (-0,22 jours/44 ans) et au printemps (-0,03 jours/44 ans) mais aussi Agadir en automne (-1,02 jours/44 ans), traduisant une faible diminution des jours chauds (Figure 4b).

On retrouve, là encore, la même constatation faite précédemment pour les nuits et les jours froids : « ce sont les nuits et les journées chaudes qui se réchauffent davantage ». Ainsi, pour les nuits comme pour les journées chaudes, la forte augmentation des tendances, en particulier dans les zones nord du Maroc, augmente la durée des chaleurs extrêmes et favorise ainsi le réchauffement climatique dans ses régions.

Analyse des Indices de vague de froids (14IVF)

Pour les 14IVF ou nombre de fois en hiver, durant trois journées consécutives, où la température minimale est inférieure au 10e percentile, les courbes de fréquence des 14IVF de la majorité des villes ont connu une baisse des tendances (Figure 5a), indiquant une diminution de la fréquence des 14IVF notamment en hiver, à l’exception de la ville de Tanger, où une légère hausse de la tendance se produit en cette saison (+0,9 jours/44 ans). Ainsi, les courbes de fréquences des 14IVF varient entre -0,6 jours/44 ans (Oujda) et -0.01 jours/44 ans (Marrakech), révélant qu’une légère diminution de vagues de froid a eu lieu au Maroc.

Analyse des 15IVC

Pour les vagues de chaleur ou nombre de fois en été, durant trois journées consécutives, les températures maximales sont supérieures au 90e percentile, les 15IVC des villes situées dans le nord ont enregistré une hausse de tendance, indiquant cependant une augmentation de la fréquence des vagues de chaleur: +1,5 jours/44 ans dans Ifrane (Figure 5b), +1,3 jours/44 ans à Oujda, et +1,0 jours/44 ans à Tanger. Les villes du sud, elles, ont connu une évolution de tendance contraires: -0,1 jour/44 ans (Agadir) et -0,3 jour/44 ans (Marrakech).

Précipitations

Si l’examen des indices de précipitations, calculés par RCliDex, montre des tendances non significatives pour l’ensemble des villes, l’analyse des indices retenus dans notre étude (19PRCTOT et R10 mm), elle, accuse globalement une baisse statistiquement non significative pour la majorité des villes exceptée la ville d’Oujda, où une baisse de tendance significative au niveau 95 % est notée. Là, les variations des écarts à la moyenne des précipitations, sur 44 ans, ont été représentées sur la Figure 6a. Pour la ville d’Oujda, la tendance des écarts de précipitations à la moyenne, évolue à la baisse de façon significative.

La droite de tendance coupe l’axe des abscisses aux alentours des années 1980, ce qui signifie qu’en deçà de cette date, les précipitations au Maroc étaient excédentaires et qu’elles deviennent déficitaires après. Toujours à Oujda, les variations annuelles du nombre de jours où le taux de précipitations est supérieur ou égal à 10 mm a tendance à diminuer (Figure 6b). Cette diminution est de 6 jours/44 ans, ce qui traduit une baisse de la fréquence du nombre de jours où le taux de précipitation est supérieur ou égal à 10 mm.

Projection de scénario A1Fi et B1

En 2050, le réchauffement projeté varie entre 0,7 à 2,3 °C, les concentrations de 3CO2 entre 472 et 595 (ppmv) et l’20ENM entre 6,3 (scénario B1) et 27,6 cm (scénario A1F). Ce gap sera plus important en 2100 pour osciller entre 1,2 °C et 5,8 °C et les concentrations de CO2 entre 503 et 1032 ppmv.

Projections des modèles climatiques futurs par MAGICC / SCENGEN

Le tableau 3 résume les variations extrêmes des températures et des précipitations, en 2050, selon le scénario d’émission P50 et une sensibilité climatique de 2,6 °C pour chaque cadran.

Tableau 3: Les changements en 2050, de températures extrêmes et des précipitations pour chaque cadran selon le scénario des émissions P50

Régions Variation de la température Variation des précipitations

Minimale °C Maximale °C Minimale (%) Maximale (%)

NW +1,5 +2,8 +7,6 -31,1

NE +1,7 +3,0 -1,2 -34,9

W +1,5 +2,9 -2,4 -47,9

E +1,8 +3,1 -6,1 -48,8

SW +1,4 +2,4 +15,6 -31,3

SE +1,8 +3,2 +29,0 -56,7

S +0,6 +2,1 +30,7 -33,9

L’analyse des résultats a permis de dégager les observations suivantes:

• Un réchauffement climatique préconisé par tous les modèles, mais avec une faible dispersion au sein de chaque région et une grande dispersion entre les régions;

• Une forte dispersion, entre les modèles, pour la simulation des changements des précipitations tant quantitatives que qualitatives;

• Une différence des changements des températures extrêmes selon les régions et les logiciels utilisés.

Cycle mensuel

Les modifications apportées au cadran nord-est du Maroc, les cycles annuels des température moyennes et des précipitations, ont été représentés sur la figure 7.

Pour la température, on constate que:

• Le réchauffement climatique aura tendance a se généraliser sur l’ensemble du Royaume à l’horizon 2050 selon le scénario moyen 2050;

• L’évolution annuelle de ce réchauffement serait maximale dans le nord du Maroc notamment entre les mois de mai et juillet, minimale entre janvier et février;

• Dans le sud du Maroc, l’évolution annuelle de ce réchauffement serait maximal cependant entre les mois d’octobre à novembre mais avec une amplitude inférieure ; cette diminution dans l’évolution du réchauffement climatique d’ouest en est et du nord au sud du Maroc, est principalement due à l’effet océanique et latitudinal. Quant aux précipitations, de grandes disparités à la fois qualitatives (sécheresse et humidité) et quantitatives (ampleur du changement) seraient perçues. Toutefois, les tendances à la baisse restent les plus probables.

Figure 7: Cycles mensuels de température moyenne et des précipitations -Cadran NE du Maroc

Cycle saisonnier

L’évolution des températures et des précipitations par rapport aux valeurs observées respectivement, sur 30 ans (1961-1990) et 20 ans (1981-2000) ont été représentées sur la figure 8.

On constate pour les températures que:

• L’évolution globale révèle une tendance au réchauffement;

• L’élévation de la température serait très élevée, en été, dans le nord du Maroc (DT = +2°C), où les effets océaniques et latitudinaux réapparaissent;

• L’élévation de la température maximale caractérisera principalement l’est du Maroc (DT = +3.1°C);

• Dans le sud du Maroc, l’augmentation se produira à l’automne (DT =1,7°C).

Quant aux précipitations, leurs baisses ne seraient uniformes ni à l’échelle spatiale ni à l’échelle temporelle. Elles seraient:

• Fortes en hiver dans l’ouest du Maroc;

• Substantielles à l’automne dans le nord- ouest du Maroc;

• Seraient plus intenses à l’est du Maroc que dans sa partie ouest. Ainsi, malgré le fait que la baisse maximum des précipitations serait enregistrée en dehors de la saison des pluies, des diminutions même infimes de ces précipitations, s’elles avaient été projetées en hiver, auraient un impact négatif sur les disponibilités des ressources en eau, notamment dans le nord du Maroc.

Cycle annuel

Pour la température, l’élévation est estimée entre 1,7 °C dans le sud du Maroc et 2,6 °C dans la région nord-est. Quant aux précipitations, les baisses sont estimées entre 15 et 22 % dans le nord du Maroc et entre 9 et 16 % dans la partie sud. L’effet de la latitude et de l’océan est net au nord du 30e parallèle (Figure 9). L’élévation de la température et l’instabilité résultant de la baisse des précipitations contribuent à cette situation.

Impact des phénomènes extrêmes

Ressources en eau

Eaux de surface

L’estimation des apports globaux en eau de surface enregistrés au niveau de l’ensemble des barrages a montré que les réductions des apports en eau observées au niveau de l’ensemble des barrages existants au Maroc ont atteint 20 %. Si on compare la période 1970-2005 à la période 1940-2005, cette réduction est évaluée à 35 %, si on compare la même période à celle de 1940-1970.

Eaux souterraines

Le suivi des 21NP ont été effectué au niveau des quatre principales nappes phréatiques marocaines (Aïn Béni Mathar, Saïs, Souss et Haouz) entre 1950 et 2000. Globalement, on constate une baisse alarmante des 14NP, traduisant une baisse de recharge: 40 m dans le Souss, 30 m dans le Haouz, 60 m dans le Saïss. Cette baisse résulterait du déséquilibre entre les prélèvements d’eaux de cet aquifère et la recharge des nappes phréatiques.

Projection future

Au Maroc, l’évolution probable du climat futur dans l’hypothèse d’une évolution à la hausse de la température entre 1,7 et 2,6 °C, entre 1961-1990 et 2050, et d’une réduction des précipitations entre 15 et 22 %, entre 1981-2000 et 2050 aurait, si elle se confirmait, un risque sur le cycle de la disponibilité en eau. L’analyse corrélative entre les précipitations enregistrées dans trois bassins (Moulouya, Sébou et Errachidia) et les débits enregistrés au niveau de leurs exutoires contrôlés par trois grands barrages (Mohamed V, Idriss 1er et Hassan Addakhil), a permis d’estimer une réduction des apports en eau, à l’horizon 2050, de 14 à 20 %, pour les barrages en question. L’élévation de la température et l’instabilité résultant de la baisse des précipitations contribue à cet état de fait.

Agriculture

L’étude de l’impact de changement climatique sur l’agriculture a fait l’objet de deux communications nationales:

• La 1ère, datée début 2001. ‘‘L’essentiel de l’économie marocaine: agriculture et ressources en eau pour 2020’’;

• La 2ème, datée fin 2009, a touché, en plus de l’agriculture, d’autres secteurs: l’eau, la santé, la forêt et le climat en 2030.

Ces impacts peuvent être résumés comme suit:

• Les cultures pratiquées en bour souffriront le plus des effets de la sécheresse, leur production céréalière oscille entre 18 et 100 22MQ par an en année sèche et entre 4 et 17 quintaux par hectare; c’est surtout la période de croissance qui serait touchée et il ne fait aucun doute que le risque de périodes sèches augmenterait:

• La réduction des cycles de culture;

• L’écart et la réduction de la période de croissance;

• Le risque accru de périodes de sécheresse au début, au milieu et à la fin du cycle des cultures annuelles;

• La disparition de certaines cultures telles que l’herbe à canaris et certains arbres comme l’arganier;

• L’émergence de nouvelles maladies;

• L’impact sur l’élevage est associé à l’impact sur l’agriculture; La production animale au Maroc est indissociable du système de production agricole.

DISCUSSIONS ET CONCLUSIONS

Dans cette étude, nous avons examiné l’évolution du climat marocain au niveau de cinq stations météorologiques sur la base des températures extrêmes (maximum et minimum), moyennant les 16TN10, 17TX10, 18TN90, 19TX90, IVF et 15IVC et des précipitations calculées par RCliDex et celles retenues dans notre étude (PRCTOT. et R10 mm) pour les quatre saisons de l’année et sur la période 1960-2004. Des deux paramètres examinés, la température est celle qui montre l’effet le plus net. En effet, pour la température et pour cinq villes, la tendance des journées chaudes a augmenté ces dernières années tandis que celle des journées froides a diminué. La même tendance se produit avec les 14IVF et 15IVC avec une baisse, même insignifiante, dans les régions du sud du Maroc pour les premiers tandis qu’on assiste à une augmentation de tendance dans les régions du nord du Maroc, pour les seconds. Ceci traduit un possible glissement du climat aride des régions du sud vers le nord du Maroc. Ce bouleversement est corroboré par l’augmentation de la température particulièrement prononcée ces trente dernières années. Mais ces bouleversements sont-ils dus au hasard ou assistons-nous aux premiers signes annonciateurs du changement climatique? Il est clair que le nombre de jours extrêmement chauds tendra à augmenter avec l’élévation des températures moyennes. Le comportement mathématique des distributions de fréquence montre une distribution typique des mesures moyennes de la température estivale (Figure 10). C’est une courbe classique, où les valeurs proches de la moyenne sont plus fréquentes mais moins fréquentes que les valeurs extrêmes. Sous un climat plus chaud caractérisé par des températures qui varient régulièrement, la courbe garde la même forme mais elle se déplace vers la droite avec des conséquences considérables. Le nombre de fois en été avec les taux moyens les plus élevés varie entre les deux graphiques. De plus, là où la température était basse sur la courbe de gauche, la valeur haute est élevée. En d’autres termes, un été extrêmement chaud pourrait être répété souvent sous un climat plus chaud. C’est une illustration théorique, mais cela montre comment une légère variation de la température moyenne engendre des changements significatifs des températures extrêmes (Mechouari, 2005). En 2050, les prévisions climatiques à des niveaux régionaux ont été réalisées à l’aide de la nouvelle version du logiciel MAGICC/SCENGEN, dix-sept MCG couplés, comme scénario d’émission moyenne P50, avec une sensibilité climatique moyenne de 2,6 °C et un maillage SCENGEN. Les résultats de la projection des températures pour l’ensemble du pays ont montré qu’une nette tendance au réchauffement d’environ 1,7 et 2,6 °C aurait lieu, avec un maximum de 2,8 °C au niveau de la station d’Ifrane, qui est principalement due à l’effet océanique et latitudinal. Quant aux précipitations, si cette étude n’indique aucune conclusion claire quant à l’évolution de leurs tendances pour toutes les stations météorologiques examinées, l’approche des écarts par rapport aux précipitations moyennes a révélé une baisse pluviométrique statistiquement significative dans l’une d’entre elles (Oujda).

En outre, la réduction annuelle des apports d’eau est les prévisions de réduction des précipitations sont estimées entre 6 et 13 % dans le nord du Maroc et entre 0,7 et 8 % dans la partie sud du Maroc. Ces résultats concordent avec les prévisions préconisées par Balaghi (2016) pour le 21ème siècle montrant que les températures augmenteront de façon disproportionnée en zones montagneuses: «Le réchauffement en montagne serait 2 à 3 fois plus élevé qu’au 20ème siècle». Dans les montagnes méditerranéennes, il est prévu un réchauffement qui varierait de 1,4 à 5,1 °C en 2055 (1,6 et 8,3 °C en 2085) et une réduction des précipitations, surtout au printemps, de 17 % selon le scénario A1Fi et de 4,8 % sous le scénario B1 en 2085. Tandis que dans les montagnes de l’Atlas, le réchauffement atteindrait entre 2,2 et 3,1 °C en fonction des scénarios, avec des prévisions de réduction des précipitations comprises entre 2,3 et 5,3 % (6,3 et 8,8 % durant le printemps) selon le scénario le Profil Représentatif de l’évolution de la Concentration (RCP8.5), qui tient compte de l’option d’adaptation et de l’atténuation au changement climatique. Le réchauffement prévu réduirait la quantité et la durée de la couverture neigeuse notamment dans les massifs montagneux du nord du Maroc avec pour conséquence une réduction des disponibilités en eau et du potentiel hydro-électrique ainsi qu’un changement de la saisonnalité des écoulements. Il en résulterait une baisse de 20 % des apports en eau aux barrages sur 65 ans (1940-2005) et, d’ici 2050, cette réduction atteindrait 31 %. On assisterait à une régression des superficies irriguées (7 à 10 %), ce qui se traduirait par une baisse de la production agricole de la région nord-ouest de 15 à 20 %.

Enfin, nous recommandons de poursuivre cette étude sur l’évaluation de l’impact des phénomènes extrêmes climatiques et de la conduire pour les régions montagneuses en:

• Actualisant les données climatiques notamment les températures et les précipitations quotidiennes en intégrant la période allant de 2005 à 2018 et en définissant les périodes climatiques de référence en l’occurrence ces trente dernières années;

• Quantifiant la fonte des neiges (quantité et durée de la couverture neigeuse) causée par le réchauffement climatique (régulière, aléatoire, accentuée etc.);

• Évaluant la réduction des apports en eau (Niveau piézométrique, apports en eau des Oueds, débits des sources, zones humides, etc.);

• Estimant l’érosion des sols et l’envasement des barrages, la déforestation, la lutte contre les feux de forêts, la protection des bassins versants et la protection de la biodiversité de la flore et de la faune;

• Tenant compte de la période de fréquence dans les formulations des scénarios de l’option d’adaptation et d’atténuation au changement climatique.

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