Résumé

L'objectif principal de cette étude était d'obtenir d’une carte numérique des sols en exploitant l'information de systèmes de classification des images satellitaires et des bases de données géologiques et des variables environnementales qui expriment les relations sol-paysage. Cette étude a été réalisée sur une superficie s’étend de 273 134.6 ha située entre la plaine de Tafrata et la boutonnière de Debdou dans la zone Centro-oriental du Maroc. Un levé pédologique a été réalisé dans la région d’étude, notamment l’étude d’aménagement de la forêt de Debdou et Lamkam, au sein de laquelle cette étude a adopté un échantillonnage stratifié fondé sur un total de 210 profils (0,50 m x 0,50 m de profondeur jusqu’à la roche mère) ; en prend en compte le rapport avec les unités cartographiques identifiées avec les variables environnementales ; élévation, pente, géologie et surfaces géomorphologiques, une classification supervisée par le SIG a été implémentée. La carte finale nous a constituer une base fondamentale pour voir les indicateurs de désertification attaché à la qualité de sol selon les critères de la méthodologie de quantification de la désertification MEDALUS(Mediterranean Desertification and Land Use). Le résultat obtenu est une carte thématique comporte des classes et des informations semi détaillées du sol de la région.


Mots clés: carte de sol, levé pédologique, SIG, désertification, plaine de Tafrata, Debdou, Maroc Centro-oriental

Introduction 

La mise en œuvre d’une approche analytique et critique pour quantifier et résoudre les problèmes d’environnement soit urbain soit rural nécessite des informations géographiques spatiales et numériques ; dont l’approche se traduit par une cartographie des indices respectifs qui permet au décideur de connaitre les caractéristiques géographiques de chaque espace et au même temps d’identifier rapidement les degrés de détérioration et de gérer les principaux indicateurs qui sont le moteur du processus.

Au fil du temps, le sol est un facteur dominant des écosystèmes terrestres dans les zones sub-humides arides et sèches. Dans ces milieux, la terre devient irréversiblement désertifiée en particulier par le biais des effets sur la production de biomasse. La désertification procédera, dans un certain paysage, lorsque le sol n’est pas capable de soutenir un minimum de couvert végétal.

Dans ce contexte, notre domaine d’étude choisi est indissociable des zones semi arides, qui souffrent aujourd’hui du problème de la désertification, aussi il soufre du manque d’une carte de sol permettant de connaître la qualité du sol et sa résistance à l’érosion. C’est pour cela que l’objectif du travail présenté dans cet article, est la création de la carte pédologique, en exploitant l’information des images satellitaires et des bases de données géologiques. Aussi d’identifier les zones vulnérables à la désertification dans un endroit centro-orientales du Maroc où l’environnement est plus menacé par la désertification en raison du climat sèches et des changements d’utilisation des terres.

Description de la zone d’étude

La zone étudiée est liée spatialement au moyen Moulouya qui se rattache géographiquement à la région Centro-orientale du Maroc (Figure 1).

La région faisant le cadre de cette étude présente des caractères paléogéographies bien distingués. Elle est située entre deux formations géologiques qui sont le bassin de Guercif au N-NO et la chaîne de Debdou au S-SE culminant à 1670 m d’altitude. Cette chaîne perchée dans une zone enclavée et escarpée, comprend une structure géologique composée d’un socle rigide remontant au primaire représenté par des schistes violacés ou saumâtres et des bancs de quartzite affectés d’accidents WNW-ESE.

Le bassin de Guercif est situé dans le couloir Taza-Oujda. Il est représenté comme une vaste dépression dont la superficie est de 6230 km2, remblayé par d’épaisses séries néogènes atteignant jusqu’à 1800 m d’épaisseur (Wernli, 1988), masquées le plus souvent par des formations continentales plio-quaternaires.

Il est constitué de sédiments du Trias, du Jurassique du Néogène et du Quaternaire. Les études géologiques montrent que le bassin de Guercif correspond à une dépression, développée durant le Jurassique et le Tertiaire. Il correspond à la continuité vers le Nord-Est du sillon moyen-atlasique avec un épaississement important de sédiments (calcaires, dolomites, marnes et grès) dans sa partie occidentale au moment où sa partie orientale correspondait à une plate-forme soumise à d’importants dépôts de calcaires. (Bernini M et al 1999).

De point de vue litho-stratigraphique on trouve :

Le Paléozoïque forme le socle rigide de la Gada de Debdou. Il est représenté par des schistes violacés ou brunâtres et des bancs de quartzites, affectés d’accidents WNW-ESE. Il affleure au sud de la plaine de Tafrata et à l’Est de la plaine de Mahrouf ; un petit batholite de granite hercynien est venu se mettre en place dans ce massif primaire. Par ailleurs, le Sud du Jbel Mazgout, à l’W de la plaine de Sangal, est formé également de schistes primaires injectés de granites.

Les dépôts Triasiques sont constitués de conglomérats, de grès et d’argiles, recouverts par le sel et les basaltes.

Les formations jurassiques sont recouvertes, en discordance angulaire, par des faciès du Tertiaire, composés de conglomérats, de grès, de marnes, de gypse, de lignite et de calcaires lacustres. (Michard, 1976).

Pendant le Trias et le Jurassique inférieur, les sillons intra-cratoniques des Hauts et du Moyen Atlas ont été individualisés entrainant la formation d’un système de horsts et de grabens et/ou de demi-grabens dans ces zones. Les dépôts mésozoïques et cénozoïques ont été assujettis à deux événements compressifs consécutifs : un événement atlasique (Eocène-Crétacé) qui était à l’origine de la formation des rides et des dépocentres et un événement alpin, post-miocène, responsable des plissements affectant les séries mésozoïques et cénozoïques (Michard, 1976).

Les conditions climatiques sont ceux du climat méditerranéen, étage bioclimatique semi-aride à variante tempérée avec une tendance continentale et sèche en s’avançant vers l’intérieur du pays.

Les précipitations moyennes annuelles de l’ordre de 300mm/ an sur le massif de Debdou, et 240mm dans la plaine de Tafrata. Le régime pluviométrique est du type AHPE avec une période sèche s’étalant sur 6 mois, du mois de mai à celui d’octobre. La végétation naturelle se caractérise par une faible densité presque dans toute la plaine et un recouvrement moyen dans le massif de Debdou, qui est dominée par le Steppe d’Alfa et Romarin et le chêne vert aussi le Thuya et Genévrier oxycédre.

Matériel et Méthode 

À l’exception de quelques travaux localisés et assez sommaires ; la région ne connaît pas une étude pédologique intéressante ; sauf les études de (Beaudet, 1971 ; Ruellan, 1970 et Laouina, 1990) qui ont donné un aperçu sur les principales caractéristiques des sols dans la zone de Debdou.

Les caractéristiques géologiques et géomorphologiques de la zone étudiée ont permis aussi de distinguer des zones assez bien déterminées sur le plan pédologique. Les sols en zone à déficit hydrique, sont les zones qui bénéficient d’un relief marqué par une vaste pénéplaine reposée sur une cuvette, dont les sédiments sont formés par les couches Néogène et Plio-quaternaire, notamment la plaine de Tafrata. Les sols situés en zone ayant un profit hydrique se reposent sur des reliefs tabulaires (Gaâda), surtout sur les bordures et le piedmont de la Gaâda dont les sédiments sont formés par des couches schisteuses du paléozoïque.

La couverture pédologique du bassin a été étudiée à diverses échelles en se basant premièrement sur l’utilisation des données de la télédétection pour une connaissance spatialisée de certains facteurs liés à la propriété de (l’état de surface, la topographie la brillance du sol et la couverture végétale). Ensuite, sur l’utilisation du système d’information géographique (SIG) pour des opérations d’analyse d’autres facteurs liés à la classification et la détermination des types pédologiques basée sur la lithologie, la carte d’occupation du sol et la carte des pentes.

L’utilisation des images satellitaires constitue une aide précieuse, en raison de la masse d’informations qu’elles apportent dans le travail d’interprétation des types des sols. Trois méthodes de traitement ont été appliquées à l’image, il s’agit notamment de la méthode de:

• Correction géométrique de l’image satellitaire Landsat ETM 2000 en composition colorée 3.2.7 avec une résolution de 28,5m à l’aide d’une carte topo.

• Correction radiométrique pour régler les valeurs des pixels.

• Classification supervisée à partir d’une composition colorée, on l’appelle aussi une segmentation en télédétection qui se fait selon des paramètres clés : la forme, la texture et finalement le calcul des indices comme celui d’indice de luminance et l’indice de végétation.

Le système de classification utilisé est le système français (C.P.C.S : Commission de Pédologie et de Cartographie du Sol, 1967) et l’école américaine (Soil Survey Staff, 1975).

Troisièmement, nous nous sommes appuyés sur les résultats de l’analyse des caractéristiques physico-chimiques des sols qui a été réaliser dans la région d’étude, notamment l’étude d’aménagement de la forêt de Debdou et Lamkam, au sein de laquelle cette étude a adopté un échantillonnage stratifié fondé sur un total de 210 profils (0,50 m x 0,50 m de profondeur jusqu’à la roche mère).

En ce qui concerne l’évaluation de la qualité des sols, nous avons basé notre approche sur la méthodologie de MEDALUS comme une référence de base adopter pour identifier les zones sujettes à la désertification. Les régions sensibles à désertification sont identifiées par la combinaison de 4 index de qualité (Sol ; Climat ; Végétation ; Les aménagements existants).

Les trois premiers indices de qualité fournissent une image de la situation de l’environnement tandis que le dernier exprime une évaluation de la pression résultant d’activités anthropiques.

La méthodologie est basée sur la classification de chaque indice de la qualité obtenue à partir de la moyenne géométrique des cinq indices de qualité des facteurs environnementaux et anthropiques disponibles retenus.

Les paramètres disponibles sont quantifiés par rapport à leur influence sur le processus de désertification. Cependant ce model ne précise pas le nombre et le type de classes, laissant la flexibilité nécessaire pour s’adapter à la disponibilité des données.

Les notes attribuées aux différents paramètres varient entre 1 (meilleure valeur) et 2 (plus mauvaise valeur).

Les indices de qualité ont été estimés en utilisant les paramètres et les formules suivantes :

IQS (Indice de la qualité des sols) = (matériaux Parentaux * Texture * Profondeur du sol * Pente de terrain) ¼

IQC : (Indice de Qualité du Climat) = (précipitations annuelles * orientation du terrain* indice d’aridité bioclimatique) 1/ 3

IQV (Indice de qualité de la végétation) (risque d’incendie * Résistance à la sécheresse *protection de l’érosion * couvert végétal) ¼

IQG (Indice de la qualité de gestion) (intensité d’utilisation des terres * qualité d’aménagement des zones) ½

La moyenne géométrique de ces paramètres, se référant à chacune des quatre indices mentionnés ci-dessus, et classifiée selon des intervalles réguliers (c’est-à-dire la même gamme) présentés au tableau 1, qui montre les classes de qualité sur une échelle vers le bas.

L’indice global final de l’ESA est obtenu comme une moyenne géométrique des indices de qualité.

ESA = (IQS * IQC * IQV * IQM)1\4

Mais en termes de notre étude, nous allons concentrer uniquement sur l’extraction des indicateurs les plus importants de la qualité des sols.

Résultat et discussion 

Suite à ces constats et conformément à ce qui procède, les différents types de sols qui existent relèvent des classes de sols peu évolués, des sols minéraux bruts, des rendzines et des sols calcimagnésiques (Figure 4).

Classe des sols peu évolués

Il s’agit des sols développés sur les cônes de déjection et sur des substrats dégradés suite au défrichement ou à relief très pentu, ils apparaissent dans des positions où les roches sont difficilement altérables sur les pentes ou le long des vallées présentant une texture hétérogène. Leurs horizons plus évolués avec une texture argileuse à limono-argileuse ont une structure particulaire à grumeleuse. Ils s’étendent sur les vallées de plaine de Tafrata et les dépressions de Debdou. On distingue alors plusieurs classes des sols :

Classe des sols calcimagnésiques

Ce sont des sols caractéristiques des affleurements rocheux riches en couches marneuses tendres. Ils s’étendent sur une grande partie de la région de Debdou (Lala mimouna, Ain Serraq, Al Ateuf. Ils résultent de la nature de la roche mère qui est principalement calcaire.

Des sols minéraux bruts (lithosols)

Ces sols couvrent les zones à substrat schisteux ou gréseux de la zone. Ils se trouvent surtout au niveau des sommets des collines, des endroits qui ont subi un fort impact érosif.

Des rendzines (groupe de la classe des calcimagnésiques)

Les rendzines correspondent à des sols calcimagnésiques peu développés qui reposent directement sur les Mollasses et les substrats calcaires. Ces formations, essentiellement rencontrées sur des pentes sont dotées d’une faible capacité d’infiltration.

Ces divers types des sols de la zone étudiée en général et dans la forêt de Debdou en particulier sont soumis à une forte dégradation sous l’effet des facteurs divers (naturels et anthropiques) ; en raison des conditions climatiques défavorables, la nature du relief, les facteurs géomorphologiques et l’état de la végétation ainsi que la pression exercée sur les terres par le système d’exploitation, le taux de matière organique contenue dans le sol, a notablement baissé en produisant un tassement superficiel. Cette forme de dégradation facilite l’action des facteurs physiques tels que l’érosion.

Dans la région étudiée, l’érosion agit de manière beaucoup plus rapide et efficace sur les terres dénudées, particulièrement celle qui ont connu un manque de couverture végétale surtout dans la plaine de Tafrata. En effet, La présence des roches plus ou moins dures avec un relief relativement plat dans son ensemble a bien atténué l’érosion différentielle, laquelle commence à agir, par contre, sur les versants au-dessus de 1000 m et sur des pentes dépassant 25º, semis à des processus de reptation et de décapage des sols par ruissellement diffus au cours des périodes pluviales.

L’érosion éolienne aussi est un facteur non négligeable eu égard à l’importance de la succession des années sèches. Cependant, comme il a été déjà expliqué il faut considérer l’impact du vent Chergui qui souffle le long de l’année avec des vitesses dramatiques sur des terres dépourvues de l’essentiel de la protection végétale. Cette érosion est responsable de l’emportement des particules fines et des substances nutritives nécessaires à la bonne fertilité des sols. Cette forme d’érosion due à ce processus de vannage est aussi responsable de la couleur blanchâtre des sols au niveau des zones proches des bas-fonds, située sur les terres de Tafrata.

Conclusion 

D’après ce qui procède et suit à cette brève analyse, nous pouvons distinguer dans notre zone d’étude Cinque classes ou types de sols (sols peu évolués, des sols minéraux bruts, des rendzines et des sols calcimagnésiques), mais cette différence significative dans l’une de ces propriétés peut être la base pour identifier les différentes classes de sensibilité à la désertification.

Suite à ces constat, Les informations contenues dans ces cartes semi-détaillées du sol peut être utilisés dans tous les domaines où la composante du sol joue un rôle important dans la quantification de l’érosion, la pollution du sol, la vocation pour les cultures spécifiques, la vulnérabilité des aquifères, etc de sorte qu’ils puissent être reconnus, protégés et promus

Cependant, malgré la variété lithologique du territoire les sols dominants ont des caractéristiques clés assez similaires en ce qui concerne la qualité et la capacité de soutenir la croissance et l’entretien de la végétation, cela est dû à l’absence de pluie persistante et l’ondulation du terrain qui laissant un horizon de sol en particulier pauvre. D’autre part, l’absence séculaire d’une tapée végétale Capable de stocker une quantité en matière organique

Dans l’ensemble, et après l’observation des cartes réalisées en peut dire que la dégradation physique et biologique dans cette zone aride provoque des impacts très importants sur la société et sur la situation économique des populations. Ce qui nécessite l’intensification des efforts pour s’adopter à ces conditions environnementales les plus difficiles.

Bibliographie

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