Résumé

La technique du microdosage d’engrais a été développée par l’Institut International de Recherche sur les Cultures des Zones Tropicales Semi-arides (ICRISAT), en partenariat avec les instituts nationaux de recherche au Sahel, pour répondre aux contraintes de productivité des céréales sèches, en l’occurrence les cultures de mil et de sorgho. Cette étude vise l’identification des déterminants de la productivité du mil et du sorgho avec l’application de la technique du microdosage d’engrais par les producteurs. Des enquêtes agronomiques ont été réalisées pour collecter des données auprès de 108 producteurs agricoles dans les régions sahélienne et soudano-sahélienne du Mali. Les statistiques descriptives et les méthodes analytiques ont été utilisées pour analyser les données avec le logiciel STATA. Les résultats ont montré que le microdosage d’engrais, les variétés améliorées, la fumure organique, les techniques de conservation du sol et de l’eau, le semoir à disque et l’utilisation de la subvention d’engrais par les producteurs sont des variables positives et significatives du rendement du mil et du sorgho.


Mots-clés: Microdosage d’engrais, rendement, déterminants, mil et sorgho.

INTRODUCTION

Le mil et le sorgho constituent les plus importantes céréales du Mali, tant par leurs superficies qui représentaient 67% des superficies totales en céréales que par leurs productions. Celles-ci sont estimées à 1 864 301 tonnes pour le mil et 1 527 456 tonnes pour le sorgho sur une production totale de 8 054 896 tonnes en campagne 2015-2016 (MA-CPS/SDR, 2016), soit respectivement 23% et 19%, après le riz (29) et le maïs (28%). Ce sont des cultures traditionnelles, vivrières, considérées comme importantes pour la sécurité alimentaire. Elles sont utilisées comme denrée alimentaire de base des populations des zones soudano-sahéliennes. La consommation du mil et du sorgho est évaluée par le Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) en 2009 à 21% de la consommation totale en milieu urbain contre 79% en milieu rural (Aparisi et al., 2013).

Toutefois, les rendements observés pour ces deux cultures en milieu paysan sont faibles comparativement à ceux du maïs et du riz: 0,959 t/ha pour le mil et 1,048 t/ha pour le sorgho contre 2,538 t/ha pour le maïs et 2,541 t/ha pour le riz (MA/CPS/SDR, 2016).

Les raisons d’une telle faiblesse des rendements du mil et du sorgho se fondent sur plusieurs facteurs, notamment le caractère essentiellement traditionnel de la culture de ces deux spéculations qui sont pratiquées avec peu ou pas d’intrants tels que les engrais minéraux et les variétés améliorées (Staatz et al., 2011), la faible valorisation de l’engrais minéral sur ces cultures à cause du coût élevé de l’engrais minéral, comparé au prix de vente de ces productions (Kelly, 2006) et les attaques d’ennemis des cultures.

Pour répondre à ces contraintes d’ordre agro-pédologique et socio-économique, l’apport de petites doses d’engrais minéral ou ‘microdoses’ a été développé par l’Institut International de Recherche sur les Cultures des Zones Tropicales Semi-arides (ICRISAT) en partenariat avec les instituts nationaux de recherche au Sahel (Ndjeunga et al., 2011).

La technique appelée microdosage d’engrais est diffusée dans les zones sahéliennes et soudano-sahéliennes d’Afrique occidentale (Mali, Burkina Faso, Niger) pour adoption par les agriculteurs.

Au Mali, la technique du microdosage d’engrais est réalisée par les producteurs manuellement ou mécaniquement sur les cultures du mil et du sorgho. La technique manuelle consiste à appliquer de petites quantités (doses) d’engrais minéraux dans des trous de plantation au moment des semis ou après la levée comme engrais de surface (FAO, 2011). La technique mécanique permet l’application simultanée de la semence et de l’engrais en microdose dans le même poquet avec le mélange des deux produits.

Un semoir à disque est utilisé et permet de faire le semis et l’épandage d’engrais simultanément (Coulibaly et al., 2012). Les deux techniques de microdosage d’engrais se distinguent de l’ancienne pratique de fertilisation des paysans qui est réalisée par épandage sur toute la superficie du champ après le 1er sarclage (MA-ASS, 2010).

L’objectif visé par cette étude est d’identifier les déterminants de la productivité du mil et du sorgho avec l’application de la technique du microdosage d’engrais par les producteurs.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Théorie et spécification du modèle empirique

La productivité est définie par le taux auquel un ou des intrants sont transformés en extrants (Romain et al., 1996). Elle est une mesure de performance d’un processus de production, déterminée par la quantité moyenne d’extrants par unité d’intrant par ha (Gafsi et M’Betid-Bessane, 2007). L’efficacité technique est la production observée par rapport à la production maximale pour un niveau d’utilisation donné des intrants (Romain et al., 1996).

Pour un niveau d’utilisation d’intrants et une technologie donnée, une augmentation de la productivité fera augmenter l’efficacité technique et à l’inverse, pour un niveau d’utilisation d’intrants et une technologie donnée, plus l’efficacité technique augmente, plus la productivité augmente. Les notions de productivité et d’efficacité technique représentent toutes deux des mesures de performance technique qui ne tiennent pas compte des prix des facteurs de production.

Selon Douillet et Girard (2013), la productivité totale des facteurs (PTF) est l’indicateur le plus pertinent pour évaluer l’efficacité globale du processus de production. Elle seule informe sur la part de la croissance de la production imputable aux innovations. La productivité totale des facteurs (PTF) est égale à la production totale divisée par la quantité totale de facteurs de production mobilisée. D’après les mêmes auteurs, la production agricole dépend du contexte pédo-climatique, mais aussi des technologies disponibles (variétés de semences végétales et races d’animaux, engrais, pesticides, équipements…), des pratiques agricoles (préparation du sol, mode de conduite des cultures et des troupeaux…) et des politiques publiques qui affectent directement ou indirectement l’activité des agriculteurs, par leur orientation économique générale (taux d’intérêt, taux de change des monnaies, mesures commerciales…) ou spécifiquement agricole (soutien des prix et des revenus, aides à la gestion des risques et des crises…). La productivité agricole mesure donc l’efficacité de l’utilisation des facteurs de production (terre, capital, travail) dans un milieu agro-écologique et un contexte politique et socio-économique donnés (Douillet et Girard, 2013).

Une fonction de production est plus souvent estimée pour déterminer l’efficacité. Cette fonction de production représente pour chaque niveau de production Y le niveau maximal d’utilisation des intrants X, étant donnée la technologie utilisée T. Une autre façon de décrire cette fonction est que l’on cherche à produire le maximum d’extrants aux différents niveaux d’utilisation d’intrants pour une technologie donnée. Une telle fonction de production est appelée la fonction frontière parce qu’elle représente la production maximale en comparaison avec une fonction moyenne qui représente la production moyenne pour un niveau d’utilisation des intrants (Forsund et al., 1980 cité par Romain et al., 1996).

Les approches paramétriques et non paramétriques sont citées comme les deux principales méthodes pour évaluer l’efficacité technique et l’efficacité économique. L’approche paramétrique spécifie une forme fonctionnelle à la base de la fonction frontière qui est estimée par des méthodes économétriques permettant ainsi une validation statistique des résultats. L’approche non paramétrique ne spécifie pas de forme particulière pour la fonction et utilise la programmation mathématique pour envelopper les observations.

Pour estimer les coefficients d’une frontière paramétrique, on a recours à des méthodes statistiques (régression par les moindres carrées, maximum de vraisemblance, etc.). La fonction puissance de type Cobb Douglass est habituellement utilisée pour l’estimation d’une fonction de production. Cette fonction (Cobb-Douglas) sous sa forme générale peut être spécifiée comme suit:

(1)

Y est l’extrant, X un vecteur d’intrants, β les coefficients à estimer et u une variable aléatoire comprise entre 0 et 1. Le terme Y* reflète le niveau de production, donc des entreprises techniques efficaces. En prenant le logarithme, on obtient:

(2)

Pour obtenir une fonction par rapport à la moyenne, il suffirait d’estimer cette fonction par la méthode des moindres carrées ordinaire où le terme d’erreur ln u est aléatoire et possède une distribution normale (0, σ²).

Méthodes

Zones et échantillon d’étude

La zone d’étude comprend trois (3) régions administratives (Koulikoro, Ségou et Mopti) représentant les principaux bassins de production des mil et sorgho au Mali (Tableau 1). Ces régions appartiennent aux domaines agro-climatiques sahélien et soudano-sahélien (Konaté, 1984) où la fertilisation minérale de ces deux cultures par microdosage a été développée en milieu paysan par la recherche, et vulgarisée par les structures d’encadrement publiques et les Organisations Non Gouvernementales [ONG]. Un échantillon de 360 exploitations agricoles a d’abord été choisi de façon aléatoire pour réaliser un diagnostic des systèmes de culture à base de mil et de sorgho. Sur la base de cet échantillon, 30% d’entre elles, soit 108 exploitations ont été retenues pour le suivi des exploitations avec l’adoption de la technique du microdosage d’engrais pendant deux campagnes 2013-2014 et 2014-2015.

Collecte des données

Des interviews semi-structurées (ISS) ont été effectuées sur la base des questionnaires qui ont été administrés auprès des chefs d’unité de production agricole (UPA). Des informations ont été collectées en vue de caractériser les exploitations agricoles suivant l’adoption ou pas de la technique du microdosage d’engrais. Elles ont été complétées par des données du système de culture, telles que les superficies totales et cultivées en mil et sorgho, les quantités des intrants (semences, engrais, insecticides, fongicides, et herbicides) utilisées sur les parcelles du mil et du sorgho, la main d’œuvre familiale et extérieure employée, les productions du mil et du sorgho (quantités de sacs récoltés) à l’échelle parcelle sous les différentes techniques. Les appréciations des producteurs relatives aux performances et à la mise en œuvre des techniques (manuelle et mécanique) de microdosage d’engrais, en comparaison avec la pratique paysanne, ont été également collectées.

Analyse des données

Une fonction de production d’un modèle de type Cobb Douglas a été estimée pour analyser les déterminants de la production du mil et du sorgho. Cette fonction de production est représentée par la moyenne des rendements de deux techniques de production du mil et du sorgho, à savoir les rendements du mil et du sorgho avec la technique du microdosage d’engrais et la pratique paysanne. Comme il s’agit d’une fonction de production à la moyenne, la méthode des moindres carrées ordinaires (MCO) est utilisée pour estimer les paramètres du modèle avec le logiciel STATA.

La forme fonctionnelle estimée de la fonction Cobb-Douglas pour analyser les déterminants de la production du sorgho et du mil se présente comme suit:

(3)

Y = est le produit brut représenté par les rendements du mil et du sorgho évalués en kg/ha;

β0 = est le terme constant;

βi = les paramètres de régression à estimer;

Xi = les variables explicatives;

e1 est le terme d’erreur aléatoire avec une distribution normale (0, σ²).

Les études empiriques portant sur l’évaluation de l’impact des innovations technologiques sur la production agricole ont montré qu’outre les nouvelles technologies, celle-ci est influencée par d’autres facteurs tels que la quantité des intrants utilisés sur les cultures, les variétés améliorées, la main d’œuvre utilisée, la superficie cultivée des champs, la formation des producteurs sur les technologies…etc. (NKamleu et al., 2001; Nouhoheflin et al., 2002 ; Berihun et al., 2014; Diagne et al., 2012; Issoufou et al., 2017).

Les variables retenues pour analyser les déterminants des rendements du mil et du sorgho avec la technique du microdosage d’engrais concernent la superficie cultivée des champs, le microdosage d’engrais, les variétés améliorées, la fumure organique, les techniques de conservation de l’eau et du sol, le trempage des semences, l’utilisation des herbicides, insecticides et fongicides, l’utilisation du semoir à disque, le trempage des semences, la formation des producteurs sur les techniques de microdosage d’engrais et la zone agro-écologique.

• La superficie cultivée des champs: dans l’objectif d’assurer l’autosuffisance céréalière, les ménages disposant de grandes superficies de même que ceux ayant de petites superficies appliquent l’engrais minéral pour augmenter la productivité et la production. Le signe attendu de la variable superficie cultivée des champs de mil et de sorgho est supposée être positif dans le rendement du mil et du sorgho.

• Le microdosage d’engrais: l’application de la technique de microdosage d’engrais nécessite l’utilisation de l’engrais minéral qui permet d’augmenter les rendements des cultures. Le signe attendu de la variable microdosage d’engrais est supposé être positif dans la production du mil et du sorgho.

• Les variétés améliorées: l’utilisation des variétés améliorées par les producteurs permet d’améliorer les rendements des cultures. Le signe attendu de cette variable sur le rendement du mil et du sorgho est positif.

• La fumure organique: l’utilisation de la fumure organique permet d’améliorer la fertilité du sol et par conséquent les rendements des cultures. L’effet attendu de cette variable sur les rendements du mil et du sorgho est donc positif.

• Les herbicides, insecticides et fongicides: l’utilisation de ces intrants sur les cultures permet de lutter contre les contraintes abiotiques telles que les attaques des insectes, pucerons, nématodes et les mauvaises herbes (ex: le striga).

• Le trempage: le trempage des semences par les producteurs permet une germination rapide des plants à la levée pour une meilleure croissance des plantes (Coulibaly et al., 2012). Cette variable est supposée avoir un effet positif sur le rendement du mil et du sorgho.

• Les techniques de conservation de l’eau et du sol: l’application des techniques de conservation du sol et de l’eau (billonnage, cordons pierreux ou barrières en cailloux, dépôts de tiges dans les champs) par les agriculteurs permet de retenir l’humidité dans le sol et de restaurer la fertilité du sol. Ces techniques sont supposées avoir un impact positif sur le rendement du mil et du sorgho.

• Le semoir à disque: l’utilisation de l’équipement semoir est supposée être déterminante dans le rendement du mil et sorgho avec la technique mécanique de microdosage d’engrais. Cette technique permet d’apporter simultanément les mêmes quantités d’engrais minéral et de semence au poquet (Coulibaly et al., 2012). Elle traduit l’agriculture de précision. Le signe attendu de la variable semoir à disque est supposé être positif.

• La formation: les producteurs ayant reçu une formation sur les techniques de microdosage sont supposés avoir une maîtrise de l’outil technique pour bien appliquer la technique du microdosage d’engrais qui est supposée augmenter les rendements des cultures. Le signe attendu de la variable formation sur le rendement du mil et du sorgho est variable selon que le producteur a reçu une formation ou pas sur les techniques.

• La zone agro-écologique: elle est déterminée ici par la hauteur moyenne de pluie observée dans les deux zones de production retenues pour l’étude, à savoir la zone sahélienne et la zone soudano-sahélienne. La zone sahélienne comparée à la zone soudano-sahélienne est plus vulnérable à la hauteur de la pluie (la variabilité des pluies est plus accentuée en zone sahélienne qu’en zone soudano-sahélienne). Le signe attendu de la variable zone agro-écologique sur les rendements du mil et du sorgho est supposé être positif en zone sahélienne et négatif en zone soudano-sahélienne.

• La subvention d’engrais: la politique de subvention d’engrais permet la réduction du coût de l’engrais minéral au niveau du producteur. L’accès des agriculteurs à la subvention de l’engrais incite les producteurs à une plus grande utilisation de l’engrais minéral sur les superficies cultivées, ce qui permet d’augmenter les rendements des cultures. L’effet de la variable subvention d’engrais est supposé être positif sur le rendement du mil et du sorgho.

Le tableau 2 montre la définition des variables explicatives utilisées dans la régression et le signe attendu de ces variables.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Caractéristiques des exploitations agricoles enquêtées dans les sites de recherche

En fonction des systèmes de culture pratiqués, deux types d’exploitation agricoles ont été identifiés dans les sites de recherche. Les exploitations avec le système basé sur l’application des techniques de microdosage d’engrais (techniques manuelle et mécanique) et celles avec le système conventionnel que nous appelons ici la pratique paysanne. Les résultats des enquêtes réalisées en 2014 ont montré que 69% des exploitations agricoles ont adopté les techniques de microdosage d’engrais sur les parcelles de mil et de sorgho contre 31% pour la pratique paysanne. Les techniques de microdosage d’engrais sont appliquées par les producteurs sur la culture du mil ou du sorgho et par d’autres sur les deux cultures, mil et sorgho.

Les caractéristiques structurelles des exploitations agricoles analysées sous les deux systèmes de culture (Tableau 3) montrent que les exploitations évoluant sous le système de culture de microdosage d’engrais, comparées aux exploitations sous la pratique paysanne, ont une population totale en moyenne plus élevée et des superficies moyennes cultivées en mil et sorgho relativement supérieures. Par contre, elles appliquent le microdosage sur de petites superficies (2,7 ha) soit environ le tiers des superficies totales cultivées moyennes en mil et sorgho. Par ailleurs, la majorité des exploitations avec le système de microdosage dispose également de l’équipement agricole tel que la charrue, le semoir et le bœuf de trait.

Les caractéristiques techniques de la production du mil et du sorgho analysées avec les deux systèmes de cultures montrent que les pratiques de fertilisation observées sous les deux systèmes sont minérales et organiques (Tableaux 4 et 5). Toutefois, la majorité des exploitations évoluant sous les techniques du microdosage utilisent l’engrais minéral tels que le NPK (complexe céréale) et le DAP, et également le compost alors que les exploitations en pratique paysanne utilisent davantage le fumier et les déchets ménagers. D’autre part, la majorité des exploitations avec la technique manuelle et mécanique de microdosage d’engrais, comparées aux exploitations sous la pratique paysanne utilisent des variétés améliorées.

Rendements du mil et du sorgho avec les systèmes de culture pratiqués

Les résultats montrent des rendements grain de mil et de sorgho plus élevés sur les parcelles utilisant les techniques de microdosage d’engrais comparés à ceux des parcelles en pratique paysanne (Tableau 6). Les accroissements de rendement du mil et du sorgho observés en 2013-2014 avec les techniques de microdosage, comparés avec la pratique paysanne, sont pour le mil respectivement de 69 % avec la technique manuelle et 109 % avec la technique mécanique, et pour le sorgho de 81 % avec la technique manuelle et 129 % avec la technique mécanique. Quant à la campagne 2014-2015, les accroissements des rendements observés ont été pour le mil, de 58 % avec la technique manuelle et 97% pour la technique mécanique. Pour le sorgho, ils s’élèvent à 88 % et 145 % respectivement avec la technique manuelle et mécanique sur le sorgho.

Les statistiques réalisées sur les rendements à 95 % d’intervalle de confiance ont également montré des différences statistiques hautement significatives entre les moyennes des rendements du mil et du sorgho avec les techniques de microdosage d’engrais et ceux de la pratique paysanne, indiqué par la valeur P value du test F statistique (tableau 6). Le test t de student réalisé pour la comparaison des moyennes de rendements a montré des différences statistiques significatives (LSD) entre les rendements moyens du mil et du sorgho avec les techniques de microdosage d’engrais et ceux de la pratique paysanne sur le mil et le sorgho (Tableau 6). Le test de Levene’s sur l’égalité de variance a aussi montré des différences statistiques entre les écarts types des rendements des techniques manuelle et mécanique de microdosage d’engrais et les écarts types des rendements de la pratique paysanne, à 95 % d’intervalle de confiance (P-value < 0,05).

Beaucoup d’études ont montré que l’application de la microdose d’engrais permet d’augmenter les rendements des cultures céréalières sèches telles que le mil et le sorgho (Aune et al. 2007; Aune et al., 2012; Hayashi et al., 2008; Sogodogo et al., 2016; Tabo et al., 2007). Les résultats des tests de démonstrations de l’application de la microdose d’engrais par le Centre Sahélien ICRISAT au Niger, au Mali et au Burkina Faso ont montré que les rendements de sorgho et de mil étaient de 44 à 120% supérieurs avec le microdosage d’engrais comparativement à l’ancienne pratique de fertilisation recommandée par la recherche (Tabo et al., 2007). La technique de microdosage d’engrais permet une amélioration des rendements des sols dégradés par une couverture des besoins en phosphore des sols déficitaires, une utilisation de l’engrais de façon plus efficiente et une limitation des pertes d’azote par volatilisation (FAO, 2012). L’apport d’engrais localisé permet de couvrir les besoins en phosphore du mil qui sont de 9 kg par hectare (ha) et qui peuvent être apportés par 60 kg d’engrais NPK 15-15-15 à l’hectare ou 20 kg d’engrais DAP pour une densité de 10 000 plants poquet à l’hectare (FAO, 2012). La technique de microdosage d’engrais favorise aussi un démarrage rapide de la plante grâce au développement du système racinaire, permettant ainsi de mieux résister à des conditions de sécheresse en début de saison, et assure une maturité plus précoce, tout en augmentant les rendements des cultures (Tabo et al., 2007).

Déterminants des rendements du mil et du sorgho avec le microdosage d’engrais

Les résultats de l’estimation de la fonction de production par MCO montrent que les variables superficie cultivée des champs, le microdosage d’engrais, les variétés améliorées, la fumure organique, les techniques de conservation du sol et de l’eau et la subvention d’engrais sont des déterminants positifs dans la production du mil et du sorgho. Ces variables sont statistiquement significatives à 1 % (Tableaux 7 et 8).

La superficie cultivée des champs est significative au seuil de 5% sur le rendement du sorgho (Tableau 8). Les exploitations avec la grande superficie pourraient utiliser la technique du microdosage d’engrais pour augmenter les productions agricoles. Les exploitations avec les petites superficies peuvent aussi utiliser la technique afin d’intensifier la production et la productivité et satisfaire ainsi leurs besoins annuels de consommation en céréales.

Le microdosage d’engrais est significatif à 1 % sur le rendement du sorgho et à 5 % sur le rendement du mil (Tableaux 7 et 8). Les exploitations de grande taille de même que celles de petite taille peuvent appliquer la technique du microdosage d’engrais qui est vue comme une option permettant d’accroître la productivité des cultures (Aune et al., 2007; Aune et al. 2012; Hayashi et al., 2008; Sogodogo et al., 2016; Tabo et al., 2006).

La fumure organique est significative au seuil de 5% sur la culture du sorgho et 10% sur la culture du mil (Tableaux 7 et 8). Les travaux de l’ICRISAT en 2002 au Mali et au Niger ont montré que la mise en pratique des technologies de gestion de la fertilité des sols en milieu paysan, basées sur des sources de matières organiques localement disponibles combinées aux engrais minéraux, permet d’augmenter de façon significative la production du mil et du sorgho. A Koulikoro au Mali, la combinaison de la fumure et du phosphate naturel de Tilemsi (une source locale de phosphore) a augmenté la production du sorgho de 62%. A Ségou au Mali, l’utilisation de la fumure ajoutée au DAP (di-ammonium phosphate) a augmenté la production de sorgho et de mil de 40 %. A Tillabéry au Niger, l’utilisation de la fumure a permis une augmentation de la production du sorgho de 80 %.

L’utilisation des variétés améliorées par les producteurs est significative au seuil de 10% sur le mil (Tableau 7). L’effet positif et significatif des variétés améliorées sur le rendement des cultures est cité par beaucoup d’auteurs dont entre autres Nouhoheflin et al. (2002); Berihun et al. (2014); Issoufou et al., 2017. Les recherches de l’ICRISAT (2002) au Sahel relatives aux variétés améliorées en milieu paysan dans le Sud-Ouest du Burkina Faso ont montré que les variétés améliorées sont capables de dépasser les variétés locales en rendement de 85%. Aussi au Niger, malgré l’effet de la sécheresse sur la production agricole, les paysans ont pu apprécier l’hybride NAD1 pour sa précocité et son grand potentiel de rendement, plus de 2 t/ha (ICRISAT, 2002). Au Mali, on peut citer pour les variétés améliorées N’Tenimissa du Sorgho et Toroniou du mil dont les rendements peuvent atteindre 2 tonnes à l’hectare (MA-ASS, 2010).

La variable technique de conservation du sol et de l’eau est significative au seuil de 10% sur le mil (Tableau 7). Les techniques de conservation telles que le billonnage, les barrières en cailloux ou cordons pierreux, les courbes de niveau, la conservation des résidus des cultures (tiges de céréales) sont des pratiques permettant de maintenir l’humidité dans le sol et d’améliorer la fertilité du sol. Par conséquent, elles permettent d’améliorer la productivité agricole (Kinane, 2002; Traoré et al., 2012). Les travaux de Traoré et al. (2012) sur les effets de l’aménagement des courbes de niveau ont montré qu’elles permettent une augmentation du rendement des cultures de 30 % en moyenne, une augmentation de l’effet du fumier et des engrais, une réduction du ruissellement de 20 à 50 %, donc de l’érosion et une amélioration du front d’humectation des sols. D’autres travaux [(Tosakana, Van Tassell et al., 2010; Abdulai and Huffman, 2014) cité par Roussy et al., 2014] ont mis en évidence que la perception de l’efficacité de l’innovation expliquent le comportement d’adoption des pratiques de conservation.

Le semoir à disque est significatif au seuil de 5% sur le rendement du mil (tableau 7). Les résultats ont montré des rendements de mil et de sorgho plus élevés sur les parcelles avec la technique mécanique de microdosage d’engrais comparativement à ceux des parcelles avec la technique manuelle et la pratique paysanne. Les travaux de Coulibaly et al. (2012) en station ont montré que l’emploi simultané de l’engrais et de semence au poquet améliore l’efficacité d’utilisation de l’engrais sur la culture. On peut ainsi dire que la technique mécanique comparée à la technique manuelle de microdosage d’engrais définit l’agriculture de précision. Par ailleurs, l’utilisation du semoir par les producteurs pourrait également produire un effet «date de semis précoce», les parcelles de mil et de sorgho avec la modalité «microdosage mécanique» étant semées plus tôt que les autres. Dans ce cas, le rendement est souvent amélioré.

La subvention de l’engrais est significative au seuil de 10% sur le rendement du mil (Tableau 7). La subvention permet de réduire le coût de l’engrais minéral au producteur. L’accès des producteurs à la subvention d’engrais favoriserait aussi l’utilisation de l’engrais minéral sur les cultures, par conséquent le rendement est ainsi amélioré. D’après Thériault et al. (2015) «La subvention des intrants a permis de relever le niveau de consommation des engrais au Mali et que ceci a eu comme conséquence une augmentation de la productivité et de la production des principales cultures. Cette hausse de la consommation moyenne d’engrais a été remarquable sur le maïs, le coton, et le mil/sorgho».

Le signe positif des variables trempage des semences, herbicides, insecticides et fongicides montre que l’application de ces pratiques par le producteur affecte positivement le rendement des cultures. Le signe négatif de la variable formation montre que cette variable affecte négativement le rendement des cultures pour les producteurs qui n’ont pas reçu une formation sur les techniques de microdosage d’engrais. Ceci peut s’expliquer par la non maîtrise de la technique du microdosage d’engrais. Les producteurs situés en zone soudano-sahélienne peuvent observer des rendements de mil ou de sorgho plus élevés comparativement à ceux des zones sahéliennes, dû à la hauteur de pluviométrie observée dans cette zone. Cette différence est la conséquence des différences des quantités de pluie dans ces deux zones.

Les coefficients de détermination (R2) analysés montrent que les 69 % et 68 % de variation s observés respectivement sur les rendements du mil et du sorgho sont expliquées par les variables explicatives significatives montrées dans les tableaux 7 et 8. Les P-value du test F sont aussi hautement significatives.

CONCLUSION

Les résultats de cette étude ont montré que l’application de la technique manuelle ou mécanique de microdosage d’engrais, en comparaison avec la pratique des producteurs, permet d’augmenter les rendements des cultures du mil et du sorgho. Des écarts significatifs de rendements grains de mil et de sorgho ont été obtenus sur les parcelles avec les techniques de microdosage d’engrais comparativement aux parcelles avec la pratique paysanne.

L’analyse des déterminants de la production du mil et du sorgho a montré que les variables microdosage d’engrais, utilisation des variétés améliorées et de la fumure organique, utilisation du semoir à disque, techniques de conservation de l’eau et du sol, accès des producteurs à la subvention d’engrais sont significatifs sur le rendement du mil et du sorgho. Les résultats ont aussi montré que d’autres variables affectent positivement les rendements de ces cultures comme le trempage des semences, l’utilisation des herbicides, insecticides et fongicides sur les cultures, ainsi que la zone agro-écologique.

Des efforts doivent être entrepris en termes de mécanisation de la technique du microdosage pour réduire la demande de travail d’une part, et de soutien financier aux agriculteurs pour l’achat des intrants.

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