Résumé

Cette étude a porté sur l’inventaire systématique dans deux types de peuplements (Forêt mixte et Forêt à Gilbertiodendron dewevrei) dans la concession 033/11 sous la gestion de la SICOBOIS dans la province de l’Équateur en République Démocratique du Congo en vue d’orienter les choix d’aménagement durable de la biodiversité et des services écosystémiques. La forêt mixte a fourni au total 348 individus, appartenant à 90 espèces groupées en 29 familles. La densité moyenne des ligneux est de 139 individus/ha, représentant une surface de 25 m2/ha. Quant à la forêt à Gilbertiodendron dewevrei, 322 individus ont été dénombrés, repartis en 50 espèces et 20 familles, avec des valeurs moyennes de 129 individus/ha et de 30,4 m2/ha respectivement pour la densité et la surface occupée. L’ensemble de la zone d’étude a donné 670 tiges de diamètre à la hauteur de poitrine (DHP)? 10 cm. Elles sont réparties en 101 espèces appartenant à 30 familles. Pour la forêt mixte, les valeurs  moyennes des indices de diversité sont les suivantes: Indice de Shannon-Weaver  (H) = 4,05; Indice de Simpson (1-D) = 0,97; Indice de Fisher alpha (?) = 39,3 et Equitabilité (J)= 0,89. Pour la forêt à Gilbertiodendron dewevrei, les valeurs calculées des indices de biodiversité sont: Indice de Shannon-Weaver  (H) = 2,27; Indice de Simpson (1-D) = 0,70; Indice de Fisher alpha (?) = 16,6 et Equitabilité (J) = 0,57. Ces données collectées permettront de suivre la dynamique spatio-temporelle de la flore et de la végétation de cette concession forestière et aideront les décideurs et les concessionnaires à mettre en place une meilleure stratégie d’aménagement forestier durable.


Mots Clés: Forêt, Gilbertiodendron dewevrei, structure spatiale, indice de diversité, gestion durable

INTRODUCTION 

Les forêts denses tropicales humides d’Afrique Centrale sont caractérisées par une très grande diversité biologique, elles constituent l’un des grands trésors biologiques du monde et représentent l’un des biens le plus précieux de nombreux pays d’Afrique Équatoriale et du monde (White et Edwards, 2002; FAO, 2011). Ces forêts sont concentrées dans le Bassin du Congo; avec 1,9 million de km2. Celles-ci comptent parmi les plus grandes forêts denses humides au monde et pourvoient à la subsistance des millions d’individus, dont la plupart dépendent des ressources naturelles au quotidien (Eba’a Atyi et al., 2009).

De tous ces pays, la République Démocratique du Congo est titulaire d’un plus grand potentiel forestier représentant environs 62 % de son territoire nationale, 60 % des forêts du Bassin Congo et 47 % des forêts Africaines. Ces massifs forestiers sont parmi le type d’écosystème terrestre le plus complexe de la planète et les connaissances actuelles, pourtant importantes, ne permettent pas toujours de fournir des réponses tranchées par rapport à leur cortège floristique (Belesi, 2009).

Environ 40 millions des congolais dépendent directement de la forêt pour leurs ressources alimentaires, les matériaux de construction (bois de service), sources d’énergies (bois de chauffe), les produits médicinaux ainsi que pour leur spiritualité et identité culturelle (Wasseige et al., 2012). Bien que la RD Congo soit largement dotée des grandes surfaces forestières, la population environnante de ses forêts sévit dans une profonde pauvreté et par souci d’améliorer leurs conditions de vie, elle se lance à l’expansion de l’agriculture de subsistance, dans la production de charbon de bois et augmente sa fréquence de prélèvements de ressources forestières (Schure et al., 2010; Ickowitz, 2015 ). Cette pression combinée avec l’exploitation forestière incontrôlée solde les massifs forestiers dans une dégradation alarmante (Mpoyi et al., 2013; Desclée et al., 2014).

Pour réduire les impacts négatifs de l’exploitation non durable des forêts tropicales et particulièrement les forêts congolaises, l’aménagement durable des forêts est une piste de solution (Ouédraogo et al., 2011; Nasi et al., 2012). L’aménagement durable des forêts est promu par les acteurs du secteur forestier et il est exigé à ce jour aux concessionnaires forestiers en fonction des mesures légales promulguées par les différents États du bassin du Congo.

De ce qui précède, la forêt congolaise en général et celles situées dans la concession 033/11 méritent une gestion durable tenue par l’élaboration et la mise en œuvre des plans directeurs de gestion à court, moyen et à long terme. Il convient de renseigner que des vastes régions forestières en RD Congo sont encore inexploré et certaines espèces disparaissent avant même d’être connue (Sonke, 1998).

A l’heure actuelle, les informations botaniques disponibles pour des forêts congolaises en général et celles situées dans les concessions forestières riveraines du Territoire de Lisala dans la province de l’Équateur, à l’instar de celles exploitées par la SICOBOIS en particulier sont disparates voire insuffisantes Il s’avère utile d’accroître les connaissances sur la composition floristique et la distribution des communautés biotiques de manière à constituer une base de références solides pour l’élaboration des stratégies de conservation et d’utilisation durable et rationnelle de la biodiversité (Belesi, 2009; Doucet, 2003; Menga et al., 2012).

Les travaux des cellules d’aménagement forestier se basent le plus souvent sur les inventaires d’exploitation des essences commerciales en vue de déterminer les possibilités forestières. Il est intéressant d’intégrer suffisamment d’autres aspects notamment les indices de diversité et d’autres paramètres sylvicoles tels que la densité et la structure diamétrique dans une perspective de la mise en œuvre d’une gestion durable des forêts.

Ainsi, la présente étude fait une analyse des forêts denses humides (forêt mixte et forêt à Gilbertiodendron dewevrei) de la concession forestière 033/11 de la SICOBOIS situées à Lisala, dans la Province de L’Équateur. L’analyse approfondie de la diversité de la flore forestière intégrée à ceux des paramètres sylvicoles contribuent à l’aménagement forestier durable des deux types de forêts de la concession 033/11 de la SICOBOIS.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Milieu

L’étude est conduite dans la concession forestière 033/11 de la SICOBOIS / Lisala située dans la partie nord de la province de l’Équateur en RDC. La justification principale de ce choix réside dans le faible niveau d’exploration des forêts de cette région. Le couvert végétal forestier appartient au Centre régional d’endémisme Guinéo-congolais, Secteur Forestier central un peu au nord de la cuvette centrale congolaise (Belesi, 2009).

Le climat est de type équatorial avec un régime pluvial durant toute l’année, caractérisé par deux saisons de pluie (la grande allant de Août à novembre) et (la petite de mars à mai) et deux saisons sèches (la grande partant de décembre à février et la petite de juin à juillet). Une pluviosité moyenne annuelle de 1800 mm est enregistrée et une température moyenne annuelle de 25°C. Elle se situe entre 2 et 3° de latitude nord et entre 19° et 22° de longitude Est). La figure 1 localise le site où cette étude a été menée.

Selon la classification Köppen, le climat de la concession forestière 033/11 de la SICOBOIS / Lisala appartient à la bande climatique Am ; climat de transition entre Af et Aw. C’est ce qui est à la base des variations saisonnières d’une année à l’autre. Cette concession présente les mêmes caractéristiques pédologiques que tous sols appartenant à la cuvette centrale. On y remarque plus les sols sableux, argilo-sableux, sablo-argileux et lactériques avec un pH du sol oscillant autour de 4 et 5,5.

Matériel

Cette étude a utilisé comme matériel biologique toutes les essences ligneuses ayant un diamètre à hauteur de poitrine supérieur ou égal à 10 cm (DHP ≥ 10 cm) ou à circonférence de référence supérieure ou égale à 31,4 cm (Cr ≥ 31,4 cm). Les instruments techniques ont été également nécessaires lors de prélèvement des données dendrologiques, notamment le GPS (prise des coordonnées géographiques des placettes), le galon, la boussole, etc.

Méthode

Outre la consultation des ouvrages et diverses publications en rapport avec cette thématique de recherche, les données présentées dans cette étude ont été complétée par des inventaires de terrain par un échantillonnage systématique et ciblé sur 5 hectares.

Le choix sur le site d’installation des placettes a été fait de façon raisonnée à partir de la carte de végétation des forêts denses de la zone d’étude produite par Forest Ressources Management (FRM). Étant donné que les forêts mixtes couvraient de vastes étendues par rapport aux forêts à Gilbertiodendron dewevrei. Trois layons principaux de 2000, 800 et 1200 m de long ont été installés respectivement cinq placettes sur forêts mixtes, deux et trois placettes sur forêts à Gilbertiodendron dewevrei. Chaque placette couvrait 0,5 ha (soit 200 m × 25 m) parallèle au layon principal et équidistante de 200 m.

L’identification des espèces a été faite directement sur le terrain, en utilisant les caractères végétatifs tels que la forme du tronc à la base, la texture de l’écorce, la couleur de l’entaille, l’odeur, l’exsudation, le type et la forme des feuilles, la ramification de la couronne et les caractères reproducteurs, en l’occurrence les fleurs et les fruits sur le terrain; critères décrits par Letouzey (Letouzey, 1982).

Pour les arbres ayant suscité des doutes lors de l’identification, la confection d’un herbier était importante pour certifier la détermination faite sur le terrain dans l’herbarium de la Faculté des Sciences de l’Université de Kisangani. Le catalogue informatisé et des ouvrages ont été exploités pour l’orthographe des noms scientifiques (Lejoly et al., 2010; Tailfer, 1989; Pauwels, 1993).

Les données dendrométriques ont été collectées dans les placettes de 200 m × 25 m soit (0,5 ha). L’inventaire des ligneux a concerné toutes essences confondues dont le DHP ≥ 10 cm. Le diamètre des ligneux de DHP ≥ 10 cm était mesuré à 1,30 m au-dessus du sol. Chaque individus inventorié (dans les cinq hectares) a été positionnés par ses coordonnées en abscisses X et en ordonnées Y métrique. Ce positionnement a permis de ressortir la distribution spatiale des arbres dans la zone d’étude.

Les paramètres suivants ont été étudiés au niveau de chaque peuplement : la richesse spécifique et diversité floristique, la fréquence relative et la classe de diamètre. La richesse spécifique indique le nombre d’espèces par unité de surface (c’est-à-dire le nombre d’espèces par types de forêt). La fréquence relative d’une espèce correspond au nombre d’unités d’échantillonnage contenant cette espèce. Concernant les données dendrométriques, deux paramètres ont été calculés: la densité et la surface terrière moyenne

La densité d’une espèce correspond au nombre d’individus de la même espèce par unité de surface. La densité relative est le nombre de pieds d’une espèce (ou famille), pondéré au nombre de pieds total. C’est un bon critère d’appréciation de la dynamique forestière et des potentialités locales de la reconstitution.

Densité relative (%)=100×(Nombre d’individus d’une espèce ou d’une famille)/(Nombre total d’individus dans l‘échantillon).

La surface terrière (g) ou l’occupation du sol est l’aire de la section transversale d’un tronc d’arbre à hauteur de la poitrine. Elle a été utilisée en fournir des informations sur les espèces et les familles dominantes dans les peuplements. La surface terrière totale (G) correspond à la somme des surfaces terrières de tous les individus présents sur la surface inventoriée. Elle est obtenue à partir de la formule:

g (en m2/ha) =

Où ST: surface terrière en m²/ha; DHP: diamètre à hauteur de poitrine; π: 3,14.

L’analyse de la diversité dans les deux peuplements a nécessité de recourir aux des indices de diversité de Shannon-Weaver, de Piélou, de Fisher α et de Simpson (Doucet, 2003).

• L’indice de Shannon-Weaver se traduit par la formule:

H = avec fi =

Où N: effectif total (nombre total d’observation); ni: effectif de l’espèce i dans l’échantillon et

S = nombre d’espèces total dans l’échantillon.

• L’indice de Shannon varie entre 1 à 5 pour des relevés de faibles tailles est maximal quand tous les individus sont répartis d’une façon égale sur toutes les espèces et est cependant minimal si tous les individus du peuplement appartiennent à une seule espèce. Selon Dajoz, (1985) cité par (Inoussa et al., 2013), l’indice de diversité de Shannon élevé correspond à des conditions du milieu favorables à l’installation de nombreuses espèces; c’est le signe d’une grande stabilité du milieu.

• Indice d’équitabilité de Piélou est obtenu par la formule:

R=H/(H max)

Où R = régularité (équitability); H = indice de Shannon-weaver = diversité spécifique observée;

Hmax = Log2S = diversité spécifique maximale (S = nombre total d’espèces).

L’équitabilité est un facteur qui varie de 0 à 1; dans ces conditions: Si R est proche de 1, on tend vers l’équitabilité parfaite (= hétérogénéité) signe d’un peuplement équilibré tandis que si R est proche de 0, on tend vers l’équitabilité faible (= homogénéité) cela indique la présence d’un nombre élevé d’espèces rares ou d’un petit nombre d’espèces dominantes.

• Indice de diversité D de Simpson est obtenu par la formule:

D = et fi =

Où ni = nombre d’individus de l’espèce donnée ; N = nombre total d’individus. Le maximum de diversité étant représenté par la valeur 1, et le minimum de diversité par la valeur zéro (Rita, 2000).

Afin de traiter les données collectées sur les structures diamétriques et les densités de peuplement, l’analyse de la variance, qui est un test paramétrique, a été employée pour comparer les moyennes, notamment des densités et de surfaces terrières entre les deux peuplements forestiers. Le test t de Student a été appliqué pour cette comparaison au seuil de signification de 0,05. Le test de conformité de chi-carré a été appliqué pour comparer la structure diamétrique de deux peuplements étudiés.

La valeur théorique de la statistique fournit par le logiciel R version 2.10.0 a servi pour décider de la signification du test. Dans l’optique de trouver le meilleur modèle liant les variables considérées (DHP et densité), cinq modèles de régression ont été testés en vue de choisir ceux ou celui qui donneraient le résultat souhaité. Les différents modèles de régression à savoir linéaire, logarithmique, de puissance, exponentielle et inverse ont été testés.

Pour retenir les équations de régression à utiliser dans les deux peuplements étudiés, le choix a été porté sur le modèle qui a donné un coefficient de détermination R2≥ 80%, sachant que l’objectif est d’arriver à une équation de régression qui prédit avec la plus grande précision, la variation de la densité en fonction du DHP.

Enfin, les paramètres des diversités spécifiques, les paramètres dendrométriques et les tests statistiques ont permis de comparer les deux formations végétales entre elles et par rapport aux études similaires conduites antérieurement dans certains sites à travers le pays et en Afrique centrale.

RÉSULTATS 

Les deux peuplements regorgent une végétation dense humide de type semi-sempervirente.

Caractéristiques floristiques et diversité spécifique

Les inventaires effectués au niveau de la forêt mixte ont permis de déterminer 90 espèces réparties en 74 genres et groupés dans 29 familles. Petersianthus macrocarpus, Klainedoxa gabonensis, Erythrophleum suaveolens, Strombosiopsis tetrandra et Coelocaryon botryoides constituent les espèces ligneuses dominantes. Huit espèces se sont rencontrées dans toutes les cinq placettes installées dans la forêt mixte. Il s’agit de Petersianthus macrocarpus, Coelocaryon botryoides, Staudtia kamerunensis, Guarea thompsonii, Annonidium mannii, Celtis tessmanii, Drypetes gossweleiri et Synsepalum subcordatum.

Le peuplement à Gilbertiodendron dewevrei compte au total 50 espèces réparties en 42 genres et groupés en 20 familles. Gilbertiodendron dewevrei reste la plus dominantes avec 81 %, suivies de Staudtia kamerunensis, Strombosiopsis tetrandra, Dialum pacchyphyllum et Uapaca guineensis. Quatre espèces fréquentes sont Gilbertiodendron dewevrei, Staudtia kamerunensis, Diogoa zenkeri et Strombosiopsis tetrandra.

Les familles les plus représentées sont les Fabaceae et les Meliaceae dans le deux peuplements. La richesse spécifique et la densité de deux types de peuplement étudiés sont respectivement illustrées dans les figures 2 et 3. La figure 4 présente les surfaces terrières des peuplements étudiés.

Figure 2: Richesse spécifique des peuplements

Figure 3: Densité des peuplements

Les valeurs moyennes de la richesse spécifique, de l’indice de diversité de Shannon, de Simpon et de l’équitabilité de Piélou sont présentées dans le tableau 1.

Tableau 1: Valeurs des richesses et indices de diversité

Richesse/Indices Forêt mixte Forêt à G. dewevrei

Richesse famille 29 20

Richesse spécifique 90 50

Indice de Shannon-Weaver 4,05 2,27

Indice de Simpson 0,97 0,70

Equitabilité 0,89 0,57

L’indice de Shannon H étant proche de sa valeur maximale (4,5) dans la forêt mixte, il se manifeste une hétérogénéité notable signifiant une répartition d’une façon quasi égale de toutes les espèces. Quant à l’indice de Simpson 1-D, il se dégage également un maximum de diversité dans toutes les parcelles car toutes ces valeurs sont proches du maximum. Cette hétérogénéité se confirme par l’indice d’équitabilité J qui donne une valeur égale à 0,89 dans toutes les parcelles installées en forêt mixte attestant une équitabilité quasi parfaite dans la station.

Dans le peuplement à Gilbertiodendron dewevrei, les différentes valeurs observées dans le tableau 1 indiquent une diversité plus faible, ces valeurs n’approchent pas le seuil retenu pour différents indices permettant d’attester la diversité d’un peuplement.

Le test t de Student indique des différences hautement significatives entre les peuplements pour les valeurs de richesse spécifique (t= -5,77; p = 0,0006) et des différences très significatives pour les valeurs des indices de Shanon (t= - 4,79; p= 007), de Simpson (t= -3,08 p= 0,03) et de l’indice d’Equitabilité (t=-3,98; p-value = 0,01).

Caractéristiques structurales

La densité moyenne des ligneux au niveau du peuplement mixte est de 139 individus/ha avec une surface terrière moyenne de 25 m²/ha. Le peuplement à Gilbertiodendron dewevrei, avance la valeur moyenne de densité de 129 individus/ha représentant une surface terrière de 30,4 m2/ha. Ces chiffres indiquent que, le peuplement mixte présente une densité élevée que celle fournie par la forêt à Gilbertiodendron dewevrei. Bien que la forêt mixte dispose d’une densité élevée par rapport forêt à Gilbertiodendron dewevrei, sa surface terrière moyenne présentes des valeurs faibles comparativement à celles fournies par la forêt à Gilbertiodendron dewevrei. Cette observation serait due au manque d’exploitation de Gilbertiodendron dewevrei. Néanmoins, la différence de densités n’est pas statistiquement significative entre ces deux peuplements (t = -1,10; p = 0,30). Il en est de même pour les surfaces terrières (t = 2,04; p = 0,7).

La distribution des individus par classe de diamètre au sein de deux peuplements dénote une fonction exponentielle décroissante (Figure 5).

Il découle de cette figure que dans le peuplement à Gilbertiodendron dewevrei, les effectifs de tiges diminuent régulièrement avec les classes de diamètre bien qu’il y ait un décalage plus au moins prononcé à partir de la 7ème classe. La forte présence d’individus de petit diamètre dans les trois premières classes indique une bonne régénération dans les peuplements en étude. La forêt mixte accuse un déficit en effectifs des tiges dans la première classe de diamètre par rapport à la classe 2.

La classe majorité des arbres sont dans la classe 2 et à partir de cette classe, le peuplement présente une structure en J inversé. Une cassure brute s’observe à partir de la 5ème classe de diamètre. Cette baisse sensible des effectifs des tiges serait dû au fait que, le diamètre d’exploitabilité des certaines essences se situe dans cette classe de diamètre. Le déficit en effectif des tiges révélé dans la première classe de diamètre de forêt mixte serait occasionné par la pression qu’exercent les populations locales sur les tiges de cette classe de diamètre notamment pour l’approvisionnement en bois de service, en bois de chauffe, en charbon de bois. Étant donné que, la concession forestière où a été menée cette étude se situe à environ 30 Km d’un grand centre urbain, les populations locales coupent en majorité les tiges de la première classe de diamètre pour vendre au niveau de Lisala. Bien que cette activité reste parmi les principales sources de revenu de cette population, elle met en danger la reconstitution de cette forêt.

Le test de chi-carré réalisé a indiqué une différence significative entre les deux classes structurales (χ² = 31,9; p = 0,0002). Aucun des modèles de régression testés n’as fourni un coefficient de détermination acceptable. Les deux peuplements ont présenté une structure spatiale aléatoire avec des tendances d’agrégation.

DISCUSSION 

Caractéristiques floristique et diversité spécifique

En ce qui concerne la forêt à Gilbertiodendron dewevrei, cette supériorité s’explique par le fait que les transects réalisés au Cameroun et en République Centrafricaine ont traversé des milieux très hétérogènes et très diversifiés contrairement à notre étude qui s’est réalisée sur des milieux relativement homogènes.

Il faut préciser ces conditions d’homogénéité notamment le climat, le sol, la fréquence et l’intensité des activités d’exploitation, l’accessibilité au site d’étude par les communautés locales. Pour la forêt mixte, cette différence peut être expliquée d’une part par l’intensité et la durée de la perturbation et d’autre part par le taux de renouvellement de l’écosystème. Brokaw (1985) cité par (Beina, 2011) a constaté que la diversité augmentait avec l’intensité des perturbations par le fait que la richesse spécifique de la banque des plantules augmente avec le degré de l’ouverture de la canopée, grâce à l’activation de la banque de graines du sol préexistante et/ou à la production massive de graines par les semenciers environnants aux dépens de la perturbation. Il faut préciser que les perturbations observées dans les FM entraînent des trouées qui favorisent l’ouverture de la canopée et une pénétration de la lumière favorisant l’installation des espèces pionnières et donc une diversité spécifique plus importante comparativement à la FGD.

Il faut aussi mentionner que l’étude est en une période donnée et que cette diversité peut être réduite si les perturbations ne sont plus observées et cela favoriserait une série progressive en faveur des espèces dominantes en défaveur des espèces peu compétitives pour la lumière vers l’établissement probable d’un peuplement à dominance d’une espèce.

Bien que les écosystèmes tropicaux soient connus pour être les plus diversifiés, des zones de faible diversité existent en forêts tropicales humides, c’est le cas des forêts mono dominantes (Salomon, 2008) souligne que. La richesse spécifique dans les forêts mixtes des régions tropicales est généralement plus élevée qu’en forêt mono dominante (Hart et al., 1989). L’ensemble de résultats de la présente étude confirme ces affirmations.

Caractéristiques structurales

Généralement les densités rencontrées dans les forêts tropicales oscillent dans l’intervalle de 300 à 700 arbres/ha (Richards, 1996). Dans le même ordre d’idées, la référence (Senterre, 2005) précise que la densité moyenne à l’hectare correspond à environ 400 arbres/ha pour les arbres de DHP compris entre 10 et 30 cm et environ 100 arbres/ha pour les arbres d’au moins 30 cm de DHP. Au regard de ce qui précède et des standards donnés par Pascal (2003) pour les forêts denses tropicales humides dont les valeurs varient entre 450 et 750 arbres/ha, DHP ≥ 10 cm, il sied de constater que les densités enregistrées dans les peuplements étudiés sont de loin inférieures aux intervalles considérés. Cette réalité révèle que les forêts de la concession forestière de la SICOBOIS ne sont pas rigoureusement exploitées selon les principes d’une gestion durable. Quelles sont les aspects de durabilité qui ne sont pas pris en compte.

Les surfaces terrières enregistrées dans la présente étude corroborent avec la fourchette établie signalant que les valeurs calculées des surfaces terrières pour les forêts denses tropicales humides varient généralement entre 25 et 50 m2/ha (Pascal, 2003). Bien qu’il s’observe de déficit dans certaines classes, la structure diamétrique obtenue dans cette étude confirme les résultats de travaux antérieurs qui précisent que, d’une façon générale, au sein des forêts denses tropicales humides, les classes de diamètre pour l’ensemble du peuplement se distribuent selon une fonction voisine d’une exponentielle décroissante (courbe J inversé); il y a beaucoup de petits diamètres et peu de gros (Asimonyo et al., 2015; Botelanyele et al., 2016; Kambale et al., 2016a; Kambale et al., 2016b; Shaumba et al., 2017; Shaumba et al., 2016; Omatoko et al., 2015; Pascal, 2003).

CONCLUSION ET SUGGESTIONS

Cette étude a permis de faire une analyse comparée de la structure des forêts denses humides (forêt mixte et forêt à Gilbertiodendron dewevrei) situées dans la concession 033/11 de la SICOBOIS à Lisala dans la Province de l’Équateur en République Démocratique du Congo. Un inventaire systématique et ciblé effectué sur une superficie de 5 ha pour dénombrer des tiges à DHP ≥ 10 cm.

Les données scientifiques collectées dans cette étude permettront de suivre la dynamique spatio-temporelle de la flore et de la végétation de cette concession forestière et aideront les décideurs politiques et les concessionnaires à mettre en place une meilleure stratégie d’aménagement forestier durable. En effet, l’analyse des données révèle des informations capitales permettant de mettre en place des mesures nécessaires pouvant réduire la pression actuelle constatée sur les ressources forestières de manière à garantir leur gestion durable et rationnelle. Étant donné que les forêts de la concession forestière de la SICOBOIS présente un intérêt écologique et économique majeur, des études relatives aux menaces qui pèsent sur le cortège floristique et la perte de la végétation (érosion de la biodiversité) de cette forêt ainsi que la connaissance de l’évolution du couvert forestier s’imposent pour mettre en évidence les facteurs de dégradation tant endogènes (meilleures habitations, meilleures technologies agricoles, moindre consommation de bois de chauffage) qu’exogènes (écrémage suite à la demande internationale élevée du bois) en vue de planifier un aménagement intégré, divisant l’espace forestier en différentes séries sur base de potentiel de chacune afin de minimiser les impacts écologiques tout en facilitant le contrôle et l’accès à toutes les parties prenantes aux ressources.

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