Résumé

L'objectif de l'étude est d’analyser la variation morphologique des trois lignées de chevaux arabe : l’égyptien (EG), le polonais (PL) et le cheval de la péninsule arabique dit Desert breed (DB). 146 chevaux adultes représentant ces trois lignées en provenance de différents pays ont été examinés. L’analyse de la variance de 19 mensurations et 12 indices corporels a été effectuée par la procédure GLM pour étudier les effets inter et intra lignées (a=0,05). L’analyse en composantes principales appliquée séparément sur les mensurations et sur les valeurs des indices corporels a permis de retenir deux axes principaux expliquant respectivement 26,2% et 12,6%, et 30,8% et 20,7% de la variabilité totale. Les fonctions discriminantes ont classé 92,7% des chevaux DB, 77,6% des chevaux EG et 72,3% des chevaux PL dans leurs lignées correspondantes. Des tests MANOVA ont permis de confirmer l’existence de différences morphologiques entre ces trois lignées. Les profils morphologiques du DB et PL se sont révélés très différents alors que l’EG présente un profil intermédiaire. L’analyse du facteur de la famille maternelle n’a pas montré d’effet significatif pour l’EG et le PL. Chez le DB, la PP (0,024) et les indices corporels qui lui sont corrélés (RC, 0,44 ; IC, 0,21; IBC, 0,026; ICOMP, 0,024) ont montré un effet significatif différenciant essentiellement entre les familles maternelles Hamdani Samri, Kuhailah Ummarqob et Suwaiti Alfarim.


Mots - Clés : cheval arabe, mensurations corporelles, lignée Desert Breed, lignée égyptienne, lignée polonaise.

INTRODUCTION 

La race du cheval arabe est très ancienne. Elle associe à la fois des qualités esthétiques, de noblesse et d’endurance. La beauté de ce cheval et ses performances sportives sont liées à la conformation de son corps (Evans 2000; Lawrence 2001; Parker 2002; Meadows 2003). Ses origines ne font pas souvent l’unanimité. Toutefois, la majorité des sources historiques convergent sur le fait que plusieurs missions provenant de pays divers ont exploré la péninsule arabique durant le XVIII, XIX et le début du XX siècles, pour comprendre l’approche de l’élevage des bédouins et d’en ramener des reproducteurs pour améliorer leur propre programme, notamment en Pologne (Lizet, 2004) et en Égypte (Judith, 1993; Edouard, 2005). Le changement de l’environnement de l’élevage, ajouté au programme de sélection basé sur des critères différents de ceux suivis par les Bédouins aux pays du berceau, ont marqué le phénotype des lignées du cheval arabe (Ameen, 1961; Cervantes et al., 2009). En fonction du service, notamment les courses, les concours de beauté ou l’endurance, le cheval arabe a été longuement sélectionné différemment selon les régions. L’origine géographique de production des ancêtres fondateurs détermine la classification des lignées, en l’occurrence pour le cheval polonais (PL), l’égyptien (EG) et le cheval de la péninsule arabique dit Desert breed (DB). Tous, sont des chevaux reconnus par la World Arabian Horse Organization (WAHO). L’aspect morphologique de différentes races de chevaux a été largement traité par plusieurs auteurs (Boujenane et al., 2008; Brooks et al., 2010; Carbal et al., 2004; Caroll et al., 1988; Chabchob et al, 2004; Kosoma et al, 2004; Lawrence et al, 2001; Mariante et al., 2002; McManus et al., 2002; Takaendengan et al., 2011). Certains se sont intéressés spécifiquement à la question du phénotype du cheval arabe en Espagne (Cervantes et al., 2009), en Égypte (Sadek et al., 2006), en Iran (Gharahveysi et al., 2008) et en Pologne (Dorota et al, 2008). A la connaissance des auteurs, aucune étude du genre n’a intéressé le cheval DB. L’objectif du présent travail est donc d’étudier les différentes mensurations et indices corporels des chevaux des lignées DB, EG et PL, et d’apprécier l’homogénéité et la spécificité morphométriques intra et inter lignée.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

L’étude a été effectuée sur 146 chevaux arabes, adultes, reconnus par la WAHO, représentant trois lignées de chevaux arabe ciblées DB, PL et EG. L’échantillonnage a été sélectionné pour être mieux représentatif de chacune des lignées étudiées. 41 chevaux DB provenant d’élevages dédiés à la conservation de cette lignée en Arabie Saoudite notamment de la région de Nadj, Athba Stud et du Centre du Roi Abdulaziz des chevaux arabes à Dirab (KAAHC). Ces élevages possédaient les principales familles maternelles «Rasn» existantes en Arabie Saoudite. 47 chevaux polonais choisis principalement des chevaux des haras étatiques en Pologne à savoir Janow Podlaski, Michalow et Bialka. Ces haras, créés respectivement depuis la moitié du 19ème siècle, en 1950 et en 1980, sont les précurseurs de cette lignée et sont internationalement réputés par la qualité de leurs productions. Treize différentes familles maternelles sont représentées dans ce groupe de PL. 58 chevaux de lignée égyptienne dont la majorité EG ont pour origine la station d’élevage Elzahra Stud (EAO) en Égypte, créée depuis 1928 et constituait la principale ressource en matière de chevaux égyptiens au niveau international. Le reste des échantillons EG provenant de Rabab stud et Albadeia Stud en Egypte, Alzobair Stud et Al Warsans Stud aux EAU, Al Rayyan Stud et Alshaqab Stud au Qatar et Inas Stud au Maroc.

Cet échantillonnage a pris en considération la diversification des lignées maternelles «Rasn» et l’éloignement des pedigrees des chevaux.

Pour chaque cheval étudié, un ensemble de 17 mensurations corporelles standards ont été prises en utilisant une toise métrique pour les hauteurs et un ruban métrique pour les circonférences et les largeurs. Les mesures ont été réalisées sur des chevaux au repos, dans une position d’aplomb, sur un terrain horizontal, avec un sol dur et plat. Les paramètres mesurés étaient: Hauteur au garrot (HG), hauteur à la croupe (HC), longueur de la tête (LTe), distance entre les angles internes des yeux (DAIY), longueur de l’encolure (LE), tour de l’encolure (TE), longueur totale du corps (LTo), vide sous sternal (VSS), profondeur de la poitrine (PP), largeur de la poitrine (LP), tour de l’avant-bras (TAB), tour du genou (TG), tour du canon antérieur (TCA), longueur du canon antérieur (LCA), tour du boulet (TB), tour du pâturon (TPa) et tour du canon postérieur (TCP).

Figure 1: Schéma montrant les différentes mensurations effectuées sur les chevaux étudiés

A partir de ces mensurations, d’autres variables et indices de conformation ont été calculés:

• Poids corporel (PC = (PP)3 (cm) x 80);

• Indice corporel de profil (ICP=HG/LT)x 100;

• Indice corporel (IC= LT /PP);

• Indice de la hauteur pectorale (IHP = PP/VSS)x100;

• Indice d’épaisseur relative du canon (IERC=TCA/HGx100);

• Indice dactylo-thoracique (IDT = TCA/PP) x100;

• Indice de compacité (ICOMP = PV/HG) (kg/cm);

• Indice de Baron et Crevat (IBC = PP2 x HG x 100);

• Hauteur devant-derrière (HDD = HG/HC);

• Profondeur de la Poitrine (PP= HG-VSS);

• Rapport corporel (RC=PP /HG);

• Indice de la longueur de la tête (ILTe= LTe /H);

• Indice thoracique (IT= LP /PP);

• Indice de corpulence (ICor = PP/ LT).

L’analyse de la variance (ANOVA) des variables phénotypiques (mensurations et indices corporels) a été effectuée par la procédure GLM (General Linear Model), complétée par le test MANOVA en utilisant le logiciel SAS 9.0. Le modèle statistique utilisé a inclus l’effet fixe de la lignée (3 niveaux: DB, EG et PL) et de la famille maternelle hiérarchisée dans la lignée, avec 5 niveaux pour le cheval DB (Hamdani Samri, Kuhailah Umm Arqob, Obeyan al Saif, Subaili, Suwaiti al Farim), 5 niveaux pour le cheval EG (Dahmah Shahwaniyah, Hadbah Enzahiyah, Kuhaylah Rudaniyah, Obeya OmGrees, Saqlawiyah Jidraniyah) et 13 niveaux pour le cheval PL (Adjuze, Bent El ArabOA, Gazella OA, Melecha OA, Milodkra, Rodania OA, Sahara, Scherife, Selma OA, Semire OA, Szamrjowka, Ukrainka, Woloszka). Par la suite, l’analyse en composantes principales (ACP) a été appliquée sur les mensurations corporelles et sur les indices. Cette analyse a été utilisée afin de conserver parmi les paramètres étudiés, ceux qui expriment le plus de variabilité phénotypique entre les chevaux. Le nombre de facteurs étant réduit et par conséquent, l’obtention d’un schéma illustrant les relations de dépendance entre les variables métriques et les composantes principales. La méthode pas à pas (Stepwise) de l’analyse discriminante a été utilisée pour ressortir un nombre réduit de paramètres ayant un fort pouvoir discriminant entre les chevaux des trois lignées étudiées. L’analyse canonique discriminante a permis de définir les chevaux qui sont bien classés dans leur groupe. Ces analyses ont été réalisées par le logiciel statistique SPSS v 20.0.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Les moyennes de mensurations et la méthode d’analyse que nous avons utilisées sont similaires avec plusieurs études qui ont traité les aspects morphométriques chez le cheval (Pieszka, 2005; Dorota, 2012). Les moyennes arithmétiques de l’ensemble de la population de chevaux étudiés et leurs écarts types ainsi que les coefficients de variation des mensurations et indice corporels sont présenté dans le tableau 1. Les moyennes ajustées et leurs erreurs standards des mensurations corporelles et des indices corporels des chevaux des trois lignées sont présentées dans le tableau 2.

Mensurations corporelles

La hauteur au garrot des chevaux de l’ensemble des trois lignées est en moyenne de 151,4 cm. Ce résultat est en accord avec le résultat rapporté par Dorota et al., (2012) et Pieszka (2005) qui avaient travaillé sur la morphologie des chevaux PL et Sadek, (2006) qui a étudié le phénotype des chevaux EG. En revanche, pris séparément, les chevaux de la lignée EG ont enregistré une valeur moyenne ajustée de la hauteur au garrot de 148,8 cm, inférieure à celles des deux autres lignées (152,4 cm pour DB (p<0,01) et 153,3 cm pour le PL (p<0,001)).

Ce résultat est conforme avec Sadek (2006). De même que pour la hauteur à la croupe, la valeur moyenne chez les chevaux EG (147,0 cm, p<0,001) est inférieure à celle trouvée chez les chevaux PL (152,0 cm, p<0,001) et DB (153,3cm, p<0,001). Ce résultat est en accord avec celui rapporté par Sadek (2006). Chez le cheval DB, la hauteur au garrot et la hauteur à la croupe n’ont pas montré de différence significative (p>0,5). Alors que pour les chevaux PL et EG, la hauteur au garrot est sensiblement plus grande que la hauteur à la croupe (p<0,05). La moyenne de la longueur totale du corps de l’ensemble des chevaux étudiés (159,0 cm) est légèrement supérieure à la hauteur au garrot (151,4 cm) (P<0,001). Ceci est très hautement significative chez la lignée PL (164,2 cm et 153,3 cm, p<0,001). Ces résultats sont en accord avec Dorotat (2012) et Sadek (2009). Par contre, chez le DB, ces deux mensurations sont sensiblement égales (152,6 cm et 152,4 cm, p>0,5). Selon Evans (2000) et Meadows (2003), le rapport entre ces deux hauteurs permet à l’arrière main du cheval de se positionner en-dessous du corps, ce qui confère au cheval une bonne aptitude sportive. Chez les chevaux PL, la longueur totale du corps (164,2 cm, p<0,001) et la longueur de l’encolure (80,6 cm, p<0,01) ont des valeurs moyennes sensiblement supérieures à celles enregistrées respectivement chez les chevaux EG (157 cm et 73,2 cm) et DB (152,6 cm et 74 cm). Ces valeurs sont conformes avec celles rapportées par Pieszka, (2005) et Dorota et al., (2012). Selon Lawrence, (2001), un cheval de conformation équilibré ne doit pas coupler une encolure longue avec un corps réduit et vice versa. Les valeurs de ces paramètres chez les chevaux des trois lignées les prédisposeraient à avoir une conformation plutôt équilibrée. Toutefois, la moyenne du tour de l’encolure (114,4 cm, p<0,001) et du tour de l’avant-bras (34,7 cm, p<0,01) sont supérieures chez le DB comparée aux autres lignées. Les moyennes des autres mensurations sont en général similaires ou très légèrement différentes pour l’ensemble des trois groupes. Elles sont aussi en accord avec celles rapportées dans d’autres études (Crevantes et al., 1998; Dorota et al., 2012; Sadek, 2006).

Indices corporels

La valeur moyenne de l’indice corporel pour l’ensemble des chevaux étudiés est en moyenne de 0,89. Sa moyenne ajustée chez les chevaux DB et EG se situe aussi entre 0,86 et 0,88, ce qui confirme la qualification de ces chevaux comme médioligne. Toutefois, chez les chevaux PL, cet indice est supérieur à 0,90. Ils ont une conformation avec des rayons plus longs que les autres lignées, ce qui leur confère une bonne aptitude aux courses (McManus et al., 2008). L’indice de la hauteur pectorale est en moyenne inscrite entre 0,8 et 1 pour les trois lignées. Ceci indique que le cheval arabe est «loin du sol» et, par conséquent, prédisposé aux activités de vitesse (Marcenac et al., 1980; MacManus et al., 2008). Les rapports corporels moyens des chevaux EG, PL et DB sont de l’ordre de 1,2 ce qui qualifie leur développement thoracique de bon selon McManus et al., (2008). L’indice dactylo-thoracique enregistré pour les chevaux des trois groupes est en moyenne de 0,104. Cet indice est Inférieur à 0,105, ce qui qualifie le cheval arabe comme un cheval léger ou eumétrique (Carbal et al., 2004). Ce résultat est en accord avec celui rapporté par Khatouf, (2005) dans son étude comparative des morphologies des races de chevaux au Maroc.

Par ailleurs, pris séparément, cet indice chez le DB est en moyenne de 0,106. Compris entre 0,105 et 0,108, le cheval DB peut être classé comme un cheval moyen ou eumétrique (Carbal et al, 2004). L’indice de Baron et Crevat est en moyenne de 2,127 pour l’ensemble des trois groupes. Ce qui qualifie les groupes de chevaux étudiés comme chevaux de selle. Le poids moyen des trois lignées se situe entre 350 et 550 kg, ce qui permet de les qualifier de chevaux moyen ou eumétrique (McManus et al., 2005).

Effet de la lignée du cheval sur son phénotype

L’analyse de la variance a révélé que parmi les trente et un variables étudiées, dix mensurations (HG, HC, LTe, DIAY, LE, TE, LTo, VSS, TAB, TCP et Poids) et quatre indices corporels (IC, ICOMP, IBC et RC) sont significativement influencées par la lignée.

Les tests de Lambda de Wilks et de Trace de Pillaide issus de l’analyse statistique MANOVA ont confirmé que l’effet de la lignée sur le phénotype du cheval arabe aussi bien pour les mensurations que pour les indices corporels est hautement significatif (<0,001). Cette différence morphologique interlignée serait la conséquence de facteurs environnementaux et des critères de sélection variables dans chacune d’elle. De plus, le recours aux accouplements consanguins «inbreeding ou line breeding», pratique courante dans les unités d’élevage EG et DB, auraient renforcés les traits morphologiques de ces lignées.

Effet de la famille maternelle «Rasn» sur le phénotype

L’étude de l’influence de la famille maternelle sur le phénotype des chevaux par l’analyse de l’analyse ANOVA a révélé uniquement chez la lignée DB, un effet significatif sur la mensuration TP (0.0240) et les indices corporels qui lui sont corrélés (RC, IC, IBC, ICOMP et le Poids). Ces variables permettent de différencier entre les familles maternelles Hamdani Samri, Kuhailah Umm Arqob et Suwaiti al Farim. Ainsi la famille maternelle n’a pas d’effet sur le phénotype des chevaux EG, PL et très faible chez DB. Ameen (1961), dans son étude sur les notions de famille et de lignée du cheval EG, a conclu au même résultat.

Analyse en composantes principales pour les mensurations corporelles

Sur les 17 mensurations corporelles étudiées, l’ACP a permis de réduire le nombre de variables à six composantes principales dont la valeur propre est supérieure à 0,5. L’ensemble de ces composantes explique 68,8% de la variabilité totale. La première composante restitue 26,2% et elle est fortement corrélée avec la longueur totale du corps (0,835), la distance entre les angles internes des yeux (0,834) et à moindre mesure avec la longueur de l’encolure (0,593) et la longueur de la tête (0,583). Quant à la deuxième composante qui explique 12,6% de variabilité totale, elle est corrélée avec le tour du boulet (0,769), le tour du paturon (0,663), le tour du canon postérieur (0,550) et le tour de l’encolure (0,549). La première composante est liée à des facteurs influençant l’équilibre global du cheval (la longueur totale du corps et la longueur de l’encolure) et le profil de la tête. Par contre, la deuxième composante est interprétée comme facteur d’appréciation de l’épaisseur (force) des membres et de l’encolure. Toutefois, quand il s’agit de faire la comparaison, il y a peu d’études qui ont concerné la morphologie comparative du cheval arabe de différentes régions ou de différentes lignées. La figure 2, qui est la représentation graphique des trois lignées selon les deux premières composantes relatives aux mensurations corporelles, montre une distinction entre les chevaux DB et les chevaux PL et EG. Les chevaux EG sont intermédiaires entre le DB et le PL, avec un rapprochement plutôt vers ce dernier. L’intégration d’étalons pur égyptiens dans le programme de sélection des chevaux polonais notamment au début du XXe siècle pourrait être à l’origine de transmission de traits commun entre ses deux lignées et justifierait ce rapprochement.

Analyse en composantes principales pour les indices

L’ACP réalisée sur les indices a permis de ressortir 4 composantes principales expliquant 77,3% de variabilité totale et dont la valeur propre est supérieure à 0,5. La première composante représentant 30,9% de variabilité totale, et elle est corrélée avec l’indice de Baron et Crevat (0,891), le rapport corporel (0,872) et l’indice de compacité (0,850). Elle est anti-corrélée avec l’indice corporel de profil (-0,702). La deuxième composante expliquant 20,7% de variabilité a opposé les chevaux ayant un grand indice de corpulence (0,982) à ceux avec un indice corporel élevé (-0,980). Le plan représentant la variabilité en fonction des indices entre les chevaux des trois lignées selon les deux premières composantes (Figure 3) ne révèle pas une nette distinction entre les trois lignées de chevaux.

Analyse canonique discriminante

L’objectif de l’analyse canonique discriminante est de saisir parmi les mesures et les indices étudiés, ceux qui différencient le plus les trois lignées d’une part, et de classer les individus dans leur lignée ou dans l’une des deux autres lignées. Dans une première étape, la méthode progressive «Stepwise» a conservé 10 paramètres discriminants parmi les 19 mesures corporelles et 4 indices parmi 12 qui discriminent entre les trois lignées de chevaux. Ces résultats sont rapportés dans le tableau 3. Deux fonctions canoniques discriminantes ont été isolées et permettent de différencier entre les lignées de l’étude. La première sépare les chevaux DB des chevaux EG et PL et la deuxième différencie entre les chevaux de groupes EG et PL (Figures 4 et 5). Il existe une nette ségrégation sur le plan phénotypique entre les chevaux DB et les chevaux PL et EG. Les deux lignées EG et PL présentent des zones de rapprochement, ce qui confirme le résultat obtenu par l’ACP. Les résultats du classement des individus dans leur propre lignée ou dans l’un des deux autres selon ACD ont révélé que le pourcentage des chevaux bien classés est de 92,7% pour les chevaux DB, 77,6% pour les chevaux EG et de 72,3% pour les chevaux PL. Il est établi que le cheval DB, développé par les bédouins dans des conditions climatiques difficiles au niveau de la péninsule arabique, a été à l’origine de la création des lignées PL et EG (Judith,1993 ; Edouard, 2005; Lizet, 2004). Toutefois, il a été impacté par la transformation du modèle de la société dans les pays de la région, notamment en Arabie Saoudite d’où provenaient nos échantillons DB. Ce cheval a perdu son rôle central qu’il avait lors de la période du nomadisme bédouin et avant la mécanisation et l’urbanisation. De plus, le faible effectif de cette lignée, l’absence de programmes de sélection d’envergure et les utilisations très limitées qui lui sont réservées (ex: quelques courses et des concours de beauté en Arabie Saoudite) plaideraient en faveur d’une conservation d’un profil morphologique ancien du cheval DB et qui serait associé logiquement au maintien d’un pool génétique différencié. Les unités d’élevages existantes actuellement en Arabie Saoudite et au Bahreïn auraient essentiellement une vocation de conservation de ce patrimoine génétique du cheval arabe. L’étude a révélé aussi que la morphologie du cheval PL est différente de celle de ses ancêtres DB. Ce changement phénotypique serait la conséquence des bonnes conditions climatiques, environnementales et alimentaires (Carbal et al., 2004). Selon Budzynski (1976), le processus d’amélioration du cheval arabe est continu dans le temps et doit être adapté aux tendances et aux conditions d’utilisation modernes qui se reflètent dans le changement de ses paramètres biométriques dont la morphologie. Depuis le 19ème siècle, les haras étatiques polonais, en l’occurrence Janow Podlaski, ont instauré des programmes de sélection durable à partir des reproducteurs DB originaires de la péninsule arabique. Ces programmes ont abouti à la production avec profil spécifique dit «type Polonais», de conformation correcte, de bonnes allures et possédant la noblesse classique du cheval arabe. La vitesse a été aussi incluse comme critère de sélection dans ces programmes. Aussi, l’étude de Dorota (2012) a mis en évidence l’existence de différences morphologiques entre les chevaux PL selon l’origine du haras de production Janow Podlaski, Bialkaou Michalow. Quant au cheval EG et selon le manuscrit d’Abbas Pacha (Judith, 1993), ses ancêtres seraient des chevaux DB. Les programmes de sélection instaurés principalement depuis le début du XXème en Égypte, aux USA et en Europe ont été à l’origine de la création de la lignée pure égyptienne (Edourad, 2005). L’obtention du profil morphologique du cheval EG actuel serait le résultat de facteurs environnementaux, climatique, nutritionnel et des critères de sélection des programmes d’élevage. Le développement des concours de beauté a orienté cette sélection vers la recherche d’un cheval distingué principalement par son type classique, notamment une tête exotique avec un chanfrein plus ou moins concave «dish», une conformation équilibrée et un charisme marqué. La conservation de la pureté de certains pedigrees et le recours aux accouplements consanguins «inbreeding ou line breeding», pratiques fréquentes dans la majorité des unités d’élevage du cheval EG, auraient contribué aussi dans cette sélection (Ameen, 1961).

CONCLUSION 

L’étude a permis de conclure que les chevaux des lignées DB, EG et PL sont des populations morphologiquement distinctes. Le cheval PL a une taille et des rayons proportionnels et relativement supérieurs aux autres lignées. Cette distinction serait la conséquence du changement de l’environnement de l’élevage et des programmes de sélection dans les régions de production des chevaux PL et EG. La morphologie du cheval DB n’a pas subi d’effets d’une sélection accentuée selon des critères de vitesse ou de beauté comme c’est le cas des chevaux des lignées PL et l’EG. Il peut être décrit comme un cheval médioligne, de format moyen, avec un indice corporel de 0,86. Une tête relativement longue, une encolure moyenne est épaisse. Une taille moyenne de 152 ± 3,48 cm et des membres solides. Sa longueur est sensiblement égale à sa hauteur. Le facteur famille maternelle n’a pas montré d’effet notable sur les caractères morphologiques quantitatifs des trois lignées. Nous recommandons d’associer à ce travail une étude génétique pour établir la phylogénie des trois lignées par l’analyse de l’ADN mitochondrial.

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