Gestion rationnelle de l’eau de pluie et flux hydriques dans le système sol-plante-atmosphère au bassin du Haut Chéliff, Algérie
Résumé
L’eau devient un bien rare et coûteux, et ne permet d’irriguer que des surfaces de plus en plus limitées. Les irrigations sont mal maîtrisées, permettent une accumulation de plus en plus importante de sels et participent à la dégradation des sols. L’eau de pluie retenue par le sol est importante et doit être étudiée tout d’abord par son volume et par la suite par ses fluctuations dans le temps. Le volume réel de sol exploité par les racines, les espèces végétales viables et économiques qui seraient capables de valoriser de telles potentialités hydriques doivent également être évalués. La principale contrainte à résoudre pour la mise en valeur de ces sols serait le maintien d’une alimentation équilibrée en eau des cultures. Au cours de ce travail, nous allons traiter simultanément la réserve hydrique du sol sous chaque parcelle considérée (Colza, jachère), durant l’année 2007-2008. L’analyse des profils hydriques montre que les sols maintenus en jachère perdent plus d’eau durant cette période que les sols cultivés. Il est temps de chercher les moyens et les mesures nécessaire pour utiliser rationnellement cette eau. Cela passera nécessairement la compréhension des flux hydriques dans le sol, ses rapports avec la plante et l’atmosphère.
Mots clés : Eau de pluie, Propriétés du sol, Espace végétale, Profil hydrique, Réserve hydrique.
INTRODUCTION
Le sol et l’eau sont deux ressources fondamentales de l’environnement naturel et de l’agriculture. L’importance du système sol-eau dans la nature et dans la vie de l’homme a été reconnue depuis qu’il a pris conscience de ses relations avec son milieu. Dans la nature, l’eau se présente sous trois états physiques (liquide, solide ou gazeux) et la vie de l’homme rend ces ressources de plus en plus rares et conduit à leur exploitation excessive. La circulation de l’eau se fait d’un niveau d’énergie potentielle élevé vers un autre moins élevé, si on admet que le concept de « potentiel de l’eau » est applicable au sol, à la plante et à l’atmosphère (Nizinski et Zaharia, 2013). Par définition, dans un périmètre de mise en valeur, l’eau est considérée comme étant la condition première pour la réussite de toute culture. Les consommations en eau varient avec les espèces végétales et les conditions climatiques des zones (températures, humidité, vitesse de vent, durée de la l’ensoleillement) et le sol joue un rôle important dans l’utilisation rationnelle des eaux par les cultures.
Le haut Chéliff est aujourd’hui à la recherche de nouvelles pratiques agricoles capables d’améliorer les propriétés des sols, d’assurer une production agricoles performante et donc de permettre une amélioration du niveau de vie population locale. Il s’agit donc de définir pour ce périmètre une agriculture durable dans un contexte climatique et pédologique fort complexe. Les études essentielles pédologiques et agro-pédologiques sont nombreuses, mais souvent descriptives (Durand, 1954; Boulaine, 1957; Legoupil, 1971; Daoud, 1983) et devraient être relayée par une autre phase de genèse et fonctionnement et doivent être approfondies (Daoud, 1993; Abdesselam, 1996).
La plaine du haut Chéliff est constituée par des alluvions récentes provenant du Cheliff et ses alluvions et formée de galets, graviers, sables sous jacents à des niveaux argileux et limoneux qui dominent les vallées des oueds. Elle est caractérisée par un climat dont les pluies tombent sous formes d’averses intenses et aussi des pluies de faible intensité et irrégulières ainsi que des périodes de sécheresse qui traversent la zone d’une année à autre. Une partie de ces eaux pluviales ruisselle tandis que d’autre s’évapore, le sol n’arrive à retenir qu’une faible partie. Les eaux des barrages sont insuffisantes pour irriguer la majorité des cultures et sont d’ailleurs de moindre qualité chimique et qui provoquant une salinisation secondaire qui n’est pas sans conséquence sur l’écosystème.
L’évaluation des terres dans le haut Chéliff montre que l’eau est le facteur limitant de la production végétale (Abdesselam, 1996). Cette eau devient rare, de plus en plus chère et souvent minéralisée. L’évaporation est importante, le sol retient une autre partie d’une manière énergique, il faudrait estimer la part des pluies qui profite aux cultures, chercher également le moyen pour améliorer cette réserve du sol et son utilisation maximale par les plantes.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
Cadre naturel de l’étude
Le périmètre du haut Chéliff est situé à 40 km de la mer, avec une altitude moyenne de 300 m (Claus et Legoupil, 1971) et une superficie de 39 000 hectares. Ce périmètre est limité par le massif de l’Ouarsenis au Sud, le massif de Doui à l’Ouest et le massif de Matmata à l’Est. La plaine de Khemis Miliana se situe à 120 km à l’ouest d’Alger, elle fait grande partie de la plaine du haut Chéliff, qui est définie par 36° 15’de latitude Nord, 2 º15’ de longitude Est.
Le climat est un facteur limitant pour la production végétale et essentiellement en région méditerranéenne à saison contrastée. Il intervient par ses composantes principales qui sont les précipitations, les températures, l’insolation, le vent, la gelée, l’humidité relative, le brouillard, le sirocco et l’évaporation. Dans notre périmètre, notons que les précipitations sont faibles, irrégulières et aléatoires avec une forte variabilité interannuelle avec une moyenne de 414 mm et un écart-type de 99 mm. Un maximum de 600 mm a été enregistré en 1979 et un minimum de 192 mm en 1993. Les précipitations tombent sous forme d’averses intenses, le plus souvent sous forme d’orage (Figure 1), s’infiltrent préférentiellement par les fissures déjà importantes à la fin de la saison sèche, sinon causent beaucoup de dégâts à la structure en surface. Le nombre de jours de pluies moyen estimés sur 31 années est de 77 jours. Notons que 80 % de pluies se concentrent entre le mois de novembre et de février.
Figure 1: Pluviométrie moyenne mensuelle de la période 1975-2006
Les températures maximales dépassent les 30 degrés du mois de Mai à Octobre (Figure 2) et impliquent une évaporation très importante dépassent les 1500 mm/an (Figure 3).
Figure 2: Températures mensuelles de la période allant de 1975 jusqu’au 2006
Figure 3: Évaporation et pluviométrie de la période allant de 1975 jusqu’au 2006
Ce climat est qualifié par les climatologues par le four du tell, ou encore par une portion du Sahara égarée dans le tell. Cette situation entraîne un dessèchement excessif des sols et une accumulation de sel qui peut être fatal à long terme.
Dans la zone semi-aride du haut Chéliff, les épisodes du tertiaire et surtout du quaternaire ont joué un rôle essentiel dans la genèse et la composition de ces sols (Boulaine, 1957). Les dolomies sont fréquentes ainsi que les schistes, les marnes miocènes pliocènes sont omniprésentes autour du périmètre du haut Chéliff. Un caractère commun à ces formations est qu’elles sont riches en argiles et en calcaire. Les sols du haut Chéliff ont été cartographiés par Durand (1954) et Boulaine (1957) et comprennent quatre classes à savoir les sols minéraux bruts, les sols peu évolués, les sols calcimagnésiques et les sols a sesquioxydes de fer et de manganèse.
• Classes des sols minéraux bruts: ce sont des sols d’apport alluvial formés à partir d’alluvions déposées par l’Oued Cheliff et ses affluents majeurs. Ils sont localisés sur les terrasses récentes;
• Classes des sols peu évolués: ce sont des sols peu évolués d‘apport alluvial colluvial. Ces sols occupent la majeure partie de la plaine;
• Classes des sols calcimagnésiques: ce sont des sols bruns calcaires localités en bordure de plaine;
• Classes des sols à sesquioxyde de Fer et de Manganèse: ce sont des sols fersiallitiques peu lessivés ou non lessivés localisé sur les anciennes terrasses.
Les sols lourds, contiennent plus de 80 % d’éléments fins, retiennent l’eau d’une manière énergique, pF 4,2 vite atteint (Abdesselam, 1996). Ainsi, la faible conductivité hydraulique de la matrice argileuse (Rwanika, 1991), rend l’eau qu’elle contient non disponible. Ajouté à cela la forte compacité des sols accentuée par les cycles répétés de sécheresse. La densité avoisine 1,8 g/cm3, (Abdesselam, 1996); ce qui exclue de grands volumes de sols à l’exploration racinaire.
Dispositif expérimental
Notre étude s’appuie sur cinq variétés de colza: Jura, Fantasio, Olindigo1, Olindigo2, Olindigo3. Ces variétés sont de types de printemps peu sensibles à la sécheresse et exigeantes en froid pendant l’hiver. Les essais ont été effectués au niveau de la station expérimentale de l’Université Djilali Bounaama, Khémis Miliana.
Le dispositif expérimental adopté est en blocs aléatoires complets. Une parcelle de 300 m2 de surface a été utilisée à cet effet(Figures 4 et 5). La parcelle destinée à recevoir nos essais avait comme précèdent cultural l’avoine. Différents travaux ont été effectués sur la parcelle, un labour a été effectué le 10-12-2007; une incorporation de fumure de fond et la préparation du lit de semence réalisés le 12-12-2007. Cette opération a été réalisée par le passage d’un Cover-Crop et d’un rouleau Croskill. Le semis a été effectué le 21-12-2007 manuellement en lignes et une profondeur de semis de 1 à 1,5 cm. La densité de semis a été fixée à 100 grains/m2. Un désherbage manuel a été effectué le long du cycle de la culture. Les herbes indésirables observées sont la moutarde des champs (Sinapis arvensis), liseron du champ (Convolvulus arversis), soucis du champ (Calendula arvernes) et le gaillet grottom (Galium sp) Un binage a été mené le 30-03-2008 pour permettre d’aérer le sol et de désherber. La fumure azotée est fractionnée en 2 apports (Avant le semis le 12-12-2007 et le 30-03-2008 (60 U/ha)).
Durant l’essai, plusieurs traitements chimiques ont été réalisés contre les pucerons et le vers blanc. La récolte a été effectuée le 24-05-2008 par fauchage manuel après maturité de 50 % des plants au moment où la couleur des siliques vire vers la couleur jaune (pour éviter les pertes). Les plantes de chaque unité expérimentale ont été mis sur un film plastique pour éviter les pertes des grains lors de battage manuel et arriver à séparer les grains des siliques.
Le suivi de l’humidité du sol a été effectué sur cinq horizons, tous les 20 cm de 0 à 100 cm après chaque pluie. Le prélèvement du sol est fait après 24 h de l’arrêt de pluie puis 48 h, 72 h, 3 jours, 6 jours, jusqu’à un nouvel événement pluvieux. Le prélèvement du sol est réalisée à l’aide d’une tarière, mis dans des capsules, ensuite passé à l’étuve pour le séchage à 105°c pendant 24 h. Les échantillons étant pesés avant et après dans une balance électronique
Figure 4: Schéma de dispositif expérimental de cinq variétés de Colza. A: variété Jura, B: variété Fantasi, C1: variété Olindigo1, C2: variété Olindigo2, C3: variété Olindigo3
Figure 5: Schéma des dimensions d’une parcelle élémentaire du Colza
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Le sol retenu pour notre essai est du type peu évolué d’apport alluvial et colluvial assez représentatif pour le périmètre (Durand, 1954; Boulaine, 1957). Il est dominé par les éléments fins (plus de 80 %), de type limono-argileux sur toute sa profondeur. La figure 6 représente la variabilité verticale du profil textural de sol. Ce profil est caractérisé par un amoindrissement en limon en fonction de la profondeur. Au niveau superficiel (profondeur de 20 cm), la quantité de limons est d’environ 56,6 % tandis qu’elle n’est que de 40,9 % en profondeur (à 200 cm). Cet amoindrissement est compensé par un enrichissement en argile le long du profil: 29,6 % en surface à 39,8 % en profondeur. Cependant, la quantité de sable reste relativement constante tout le long du profil (et varie de 13 % à 22 %). En effet, une légère diminution en gravier dans les niveaux profonds. Cette diminution est compensée par une augmentation en cailloux au niveau profond (de 125 cm à 200 cm), qui permettraient une évacuation des eaux en excès (drainage naturel) et favorise la rétention en eau.
Figure 6: Répartition granulométrique pour chaque horizon de sol jusqu’à la profondeur de 200 cm
Les profils de densité apparente sont représentés sur la figure 7. Une densité apparente (1,3 g/cm3) en surface où l’activité biologique est plus intense, tandis qu’elle est forte en profondeur (elle peut atteindre la valeur de 1,73 g/cm3) et présentent une différenciation verticale très importante. La variabilité verticale se traduit par une augmentation et diminution importante et non régulière de la densité apparente de la surface jusqu’en bas du profil. Cette variabilité est presque la même pour les trois périodes de mesure.
En ce qui nous concerne, cette différenciation verticale serait liée au fait que ce sol (agricole) est toujours travaillé en surface, ce qui permet leur aération et par conséquent l’augmentation de leur volume porale, ce qui se traduit par la diminution de la densité apparente de la couche labourée. La densité apparente reste toujours un paramètre qui varie dans le temps en fonction du climat et des techniques de travail du sol (Auzet, communication orale). Par ce fait là, la densité apparente agit sur le transfert hydrique dans le sol et sur le développement racinaire des cultures.
Il est généralement admis, que le développement racinaire de la plupart des cultures est considérablement réduit quand la densité apparente du sol dépasse 1,7-1,8 g/cm3 (Watts, 1984). Par conséquent, la présence du sous-sol compact formerait un obstacle majeur pour le bon développement racinaire de certaines cultures (céréales). Ceci entraîne une faible exploitation des réserves hydriques profondes par les plantes. Cependant, nous n’oublions pas que la densité apparente traduit également le mode d’assemblage des constituants du sol qui est en relation avec la géométrie de l’espace poral et intervient donc dans la capacité de stockage en eau du sol (Reeve et al., 1973 ; Bruand, 1990; Tessier, 1994).
L’évaporation dans le périmètre avoisine les 1,5 m3/an et la salinisation secondaire commence à se sentir même si les mesures de salinité effectuées pendant l’hiver sont loin des limites fixées pour les sols salés qui est de l’ordre de 4 ds/cm (Tableau 1). Les irrigations se sont font par les eaux des barrages (2 g/1 à l’asperseur). La dynamique des sels dans le profil, montre que les sels remontent et se concentrent dans la zone racinaire et en surface lors de la forte activité biologique (augmentation de température) et le potentiel osmotique se ressent à coté de l’autre potentiel, celui-ci matriciel largement défavorable à la disponibilité du l’eau. Guy (1978) définit la mesure de la conductivité électrique à une température fixée fournit un moyen rapide d’apprécier la salinité du substrat organique.
Figure 7: Profil de densité apparente
La matière organique du sol est un déterminant essentiel de nombreuses propriétés édaphiques (Balesdent, 1996). Venkatapen (2012) suggère que la matière organique assure la cohésion des autres constituants du sol entre eux et contribue à la structuration et la stabilité de la structure des sols, elle contribue à la fertilité chimique des sols, en plus elle est le substrat énergétique des organismes du sol.
Les résultats d’analyse de laboratoire montrent que notre type du sol se caractérise par une teneur en matière organique assez faible et bien répartie dans le profil est donne un caractère isohumique au sol, elle est de l’ordre 1,83 % à 1,90 % (Tableau 1). Cette faible quantité de matière organique, jugée insuffisante pour améliorer les propriétés physiques de sol en permettant la rétention plus d’eau. La diminution de la matière organique a des conséquences importantes: diminution de la capacité d’échange cationique (Brossard et Laurent, 1992), baisse de la stabilité structurale (Albrecht et al., 1992) et l’augmentation de la sensibilité à l’érosion. Car on sait que la densité apparente augmente et diminue du niveau superficiel jusqu’en profondeur, et que l’augmentation de celle-ci freine le développement racinaire d’une culture. Par conséquent, l’extension du système racinaire des cultures est favorisée seulement dans le niveau superficiel. Ce processus pourrait se produire aussi lors de la formation des fentes de dessiccation après la récolte (en été). C’est ce phénomène qui pourrait être à la base de la différenciation verticale de la teneur en matière organique observée, cette différenciation joue un rôle important sur la rétention de l’eau par le sol (Monnon, 1989). Le changement de volume macroscopique au cours de la dessiccation entraîne la formation de fissures très profondes (voir 1,5 à 2 m). Ces fissures communiquent avec la surface et permettent l’écoulement de l’eau en profondeur. Les particules en solution et en suspension peuvent atteindre rapidement la partie profonde du sol. La fragmentation de ce sol conduit à la formation de prismes. Au contraire, il est riche en calcaire à des taux assez élevés (12,5 à 18 %) (Tableau 1), il constitue des imprégnations diffuses autour des pores des racines et favorise la perméabilité. Cette forte valeur, se présentant parfois en pseudo-mycélium mais reste toutefois sous forme diffuse prétextant le caractère récent du sol. Ce type du sol se délite en mottes polyédriques sub-angulaires avec une forte cohésion à l’état sec. Ces mottes sont délimitées par un réseau de fissure et de pores dus au travail du sol ou à des facteurs physico-chimique (déshydratation des argiles); elle détermine la porosité structurale ou de fissure qui intervient énormément dans la filtration de l’eau.
De plus, la déshydratation des argiles engendre un affaissement du sol, ce qui entraîne la diminution de sa porosité matricielle ou texturale (Hallaire, 1987 et 1988). Si l’humidité de ce sol augmente, elle entraîne une augmentation de sa porosité matricielle et une diminution de sa porosité structurale qui peut aller jusqu’à sa disparition. On obtient alors une structure continue; ceci est confirmé par les travaux de Monnier (1974) sur un sous-sol limon argileux. Ney (1987) avance que le travail de sol (des sols argileux) développe la porosité de la couche travaillée, mais peut dans certains cas, rompre la continuité des pores de grande taille à l’interface couche travaillée non travaillée semelle de labour (Henin, 1977), ce que limite le drainage interne. Le pH mesurée du sol est neutre à légèrement alcalin, généralement compris entre 7,60 et 7,90 et assez constant sur l’ensemble du profil (Tableau 1).
L’analyse des données climatiques qui été réalisée durant la période de l’essai (2007-2008). On remarque un automne pluvieux et quatre périodes pluvieuses majeures. On a enregistré au mois d’Octobre 57,6 mm répartis sur cinq jours; 111,1 mm au mois de Novembre répartis sur 8 jours; 41 mm au mois de Décembre répartis sur 7 jours; et 63,1 mm au mois de mars répartis sur 4 jours. Un hiver relativement sec un mois d’avril qui coïncide avec la période de floraison de la majorité des cultures est pratiquement sec. Des températures assez élevées ont été enregistrées pendant le mois de Septembre oscillant entre 25 à 30°C, elles chutent progressivement pour atteindre des valeurs de l’ordre de 7 à 10°C pendant les mois d’hiver, et redémarrent en hausse en printemps. Les évaporations estimées suivent l’évolution des températures. Elles sont passées de 131 mm pendant le mois de Septembre pour se stabiliser au tour de 30 mm pendant l’hiver, puis redémarrent en printemps (123 mm pour le mois d’Avril). L’ETP estimée par la formule de Penman, montre la même tendance que l’évaporation (Figure 8).
Figure 8: Courbe des précipitations, évaporations et évapotranspirations (mm) durant la compagne agricole (2007-2008)
Cependant, à l’exception des travaux de Monnier (1974) sur la structure, ces sols ne sont pas encore bien connus du point de vue de leurs propriétés de transferts hydriques. Le Tableau 2 donne les résultats d’analyse de laboratoire. Concernant les propriétés hydriques du sol, ces caractéristiques peuvent être groupées en concepts agronomiques des transferts de l’eau dans le sol et qui comprennent la capacité au champ (CC), le point de flétrissement permanent (PFP) et la réserve utile (RU). On voit qu’il s’agit d’un concept agronomique, surtout la réserve utile qui est estimé à 1,02 mm d’eau par cm de sol, celle-ci est suffisante pour permettre un bon rendement d’une culture pluviale et qui est d’ailleurs largement développée dans la région. Une réserve d’eau qui peut être importante (dépassant 25 %) par rapport à la masse sèche mais peu extractible par les racines (pF 4,2 vite atteint). Bien que cette étude se déroule à l’échelle stationnelle, elle nous a permis d’avoir une idée sommaire sur les caractéristiques hydriques de ce type de sol qui forme la grande majorité de la plaine du haut Chéliff (Khemis Miliana). Papy et al., (1981) et Jouve (1985) donnent une valeur de 1,8 mm d’eau par cm de sol pour le sol de la Chaouia (Maroc). Ezzahar (1990) donne une valeur de 1,46 mm d’eau par cm du sol de la Chaouia et Bourziza et al., (2017) donne une valeur de 1,86 mm par cm de sol pour le sol de l’oasis du Tafilalet (Sud-Est du Maroc).
La quantité totale d’eau susceptible d’être mise à la disposition des plantes, sur la profondeur de 0 à 100 cm du sol, est de 231,5 mm. Tandis que, la quantité d’eau qui reste dans le sol, sur la profondeur de 100 cm, est de 129,9 mm au PFP (Point de flétrissement permanent)(Tableau 2). Le rapport du PFP à la CC varie de 0,60 à 0,49 avec une moyenne de 0,561 (sur tout le profil de 0 à 100 cm). Dans la littérature, Duchaufour (1977) propose un rapport de 0,833 tandis que Brochet et Gerbier (1975) donnent une valeur de 0,50 et Bourziza et al., (2017) avance une valeur de 0,522. A partir de ces deux variables, les agronomes déterminent la réserve utile. Il faut noter que, de nombreuses expériences ont montré que la totalité des réserves utiles du sol n’est pas absorbée par les cultures avec la même facilité (Mohamoud, 1979). En général, il est admis que la moitié (ou les deux tiers) de la RU est facilement utilisable (RFU) (Brochet et Gerbier, 1975). A partir de cette limite (RFU), la plante fait intervenir son mécanisme de défense contre la sécheresse (régulation stomatique).
Tableau 2: Quantité d’eau à la capacité au champ (CC), au point de flétrissement permanent (PFP )et la RU ainsi que le rapport de CC au PFP
Profondeur du sol Quantité d’eau RU (mm) PFP/CC
à la CC (mm) au PFP (mm)
0-20 45,38 25,14 20,24 0,5539
20-40 41,19 20,42 20,77 0,4958
40-60 49,59 29,86 19,73 0,6021
60-80 48,72 28,06 20,66 0,5759
80-100 46,59 26,38 20,21 0,5662
Total 231,47 129,86 101,61 0,5610
Une compacité et des variations importantes de volume empêchant le bon développement des racines. La rhizosphère est limitée à l’horizon de surface, sinon les racines empruntent les fissures et ne pénètrent que rarement à l’intérieur des agrégats (densité élevée 1,8 g/cm3) (profil cultural et racinaire). Notre profil cultural comporte 3 horizons; le premier sur une profondeur de 0 à 8 cm du sol à une structure polyédrique moyenne à fine, un peu riche en matière organique (débris de végétaux), une charge constituée par des graviers lisses et arrondis, contient la racine principale. Les chevelus racinaires suivent les fissures, les fissures sont apparentes de l’ordre de 1 cm et on note la présence de quelque fourmis dans cet horizon. Le deuxième sur une profondeur de 8 à 20 cm du sol à une structure fragmentaire polyédrique assez grossière, apparemment non organique, contient une charge de 10 % comportant des cailloux lisses est arrondis de 20 cm de diamètre, les racines fines passent dans la porosité. Les fissures délimitent de gros agrégats de l’ordre de 20 cm et le dernier sur une profondeur de 20 à 60 cm du sol a une structure très compacte, polyédrique grossière, apparemment non organique, contient quelque chevelu de racines délimitant de gros polyèdres de 20 à 30 cm de diamètre.
Les prélèvements effectués sur plusieurs sites montrent une racine pivotante, plus importante, elle se développe latéralement en surface sur une longueur de 10 cm et une épaisseur de 3 cm. En profondeur et au delà de 10 cm, on ne retrouve que des chevelues racines passant dans la fine porosité car la structure du sol est compacte (Figure 9).
Analyse des profils hydriques durant le cycle de colza
Période semis-reprise
Cette période a durée du 21-12-2007 au 23-01-2008. On a enregistrée durant cette phase 4 périodes pluvieuses totalisant 71,4 mm réparties comme suit (30,6 mm; 26 mm; 7,5 mm; 7,3 mm). La température moyenne oscille entre 8 et 13 °C occasionnant une évaporation de l’ordre de 34,9 mm et l’ETP durant même période est estimée entre 0,4 à 0,9 mm par jour et totalisant 25 mm, traduisant une consommation faible par la plante, les profils hydriques réalisés pendant cette période montrent deux horizons (Figure 10).
Figure 9: Le profil racinaire
Le premier horizon est de surface dont l’humidité est restée proche pendant cette phase de développement des points d’humidité caractéristiques de la capacité au champ et le deuxième est de profondeur étant toujours à l’état sec, les réserves ne sont pas encore constituées a cause des faibles précipitations de l’automne. Durant cette période la courbe d’humidité commence à se décoller et s’éloigner des valeurs d’humidité au point de flétrissement permanent (pF 4,2).
Période rosette-montaison
Durant cette phase de développement qui a durée 42 jours ,du 02-02 au 16-03-2008, on a enregistré une quantité de pluie de 58,9 mm. La température moyenne oscille entre 8,10 et 17,1°C et a provoqué l’évaporation de 49,3 mm. L’ETP durant cette phase devient importante (71,9 mm) et la consommation de la plante avoisine 55 mm (Figure 11). Pour les horizons de surface et durant cette phase de développement l’eau est restée disponible pour la plante car comprise dans la frange d’humidité dite facilement utilisable. Elle passe progressivement au 1/3 de cette réserve utile moins facilement utilisable à la fin de cette phase. Pour les horizons de profondeur, l’humidité mesurée est moins importante, les réserves n’étant pas encore constituées suite aux faibles précipitations. La courbe d’humidité reste pratiquement collée à la courbe de l’humidité au point de flétrissement permanent (pF 4,2). Les mouvements de remontée capillaire seront nécessairement très limités.
Période de floraison
Cette période a durée 13 jours du 26-03-2007 au 07-04-2008 et durant laquelle on n’a enregistré qu’une faible quantité de pluie estimée à 4,3 mm. La température moyenne était comprise entre 9,9 et 18,7°C et l’évaporation était de l’ordre de 73,6 mm et l’ETP était plus forte traduisant une grande consommation en eau durant cette période. La plante enregistre un pic de consommation en eau et en éléments nutritifs, éléments d’ailleurs non réunis durant cette phase comme le montre les profils hydriques (Figure 12).
Horizons de surface: Le taux d’humidité au début floraison était dans la frange du 1/3 de la réserve utile moins facilement utilisable, et a commencé à s’éclipser dès le début de cette période, les échanges ioniques seraient très limites; les mises en solution difficiles; l’alimentation en éléments nutritifs devient de plus en plus difficile et discontinue se traduisant d’ailleurs par un taux d’avortement très élevé (32 %).
Horizons de profondeur: L’humidité mesurée reste presque collée à la courbe d’humidité au point pF 4,2 ce qui limite les remontes capillaires. Le profil racinaire effectué montre un enracinement superficiel; ce type de racines semble plus apte que les racines profondes à absorber l’eau se trouvant à des pF élevés (Duchaufour, 2001).
Période de fin floraison-maturation
Au cours de cette phase de développement qui a durée 42 jours du 12/04 au 24/ 05/2008 on a enregistrée une faible quantité de pluie totalisant 38,5 mm; les températures moyennes étaient comprises entre 12 et 25 °C et ont causé l’évaporation de 123,9 mm.
Durant cette phase, la plante a besoin de 290 mm et le déficit hydrique est important vu les faibles réserves en eau du sol, comme le montrent les profils hydriques (Figure 13), où le taux d’humidité en profondeur se situe au delà de la courbe d’humidité au pF élevé 4,2. En surface et suite aux fortes évaporations, le sol est pratiquement sec. De faibles taux d’humidité sont enregistrés entre 20 et 30 cm de profondeur. Les prélèvements des éléments nutritifs par la plante durant cette phase sont importants; malheureusement les taux d’humidité sont très défavorables aux échanges ioniques.
En parallèle, les profils hydriques réalisés sur jachère présentent pratiquement les mêmes allures que ceux effectués sur culture (Figure 14). On remarque un léger fléchissement vers la courbe d’humidité au pF 4,2 pour la culture. En surface, le sol se trouve pratiquement sec alors que le sol cultivé présente des taux d’humidité assez significatifs. La couverture végétale (effet d’ombre) protège le sol contre les fortes évaporations; et en profondeur les taux d’humidité mesurés sont par contre plus importants (au-delà de 60 cm) du fait que le sol cultivé présente à ces niveaux des humidités proches de celles de pF 4,2. Les pertes en eau d’un sol sont plus faibles depuis la profondeur lorsque celui-ci est nu car il se forme une croûte superficielle qui limite l’évaporation et on comprend l’utilité de désherber les cultures, les remontées capillaires seraient importantes.
CONCLUSION
Les premières conclusions montrent que le suivi des profils de densités apparentes montre des densités de plus en plus élevées en profondeur. Ces fortes densités (1,7 à 1,8) favorisent les remontées capillaires et permettent à l’eau de gagner l’atmosphère même des horizons les plus profonds. La compacité excessive des sols, observée dans les horizons profonds ne permettent aux racines de n’explorer que de volumes réduits (profil racinaire). Ainsi les sols se comportent comme des sols peu évolués peu profonds.
Le changement de volume macroscopique au cours de la dessiccation (fin de la saison sèche) entraîne la formation de fissures très profondes allant jusqu’à 2 m avec un écartement pouvant atteindre 5 cm. Ces fissures communiquent avec la surface et permettent à l’eau des premières pluies d’atteindre rapidement le bas du profil et les horizons de surface restent pratiquement secs, même après plusieurs événements pluvieux. L’analyse des profils hydriques montre que l’humectation commence par la profondeur et au fur et à mesure que les fissures se ferment l’eau gagne les couches sus-jacentes. Ainsi, de grandes quantités de pluies sont perdues à l’automne et retardent les travaux du sol.
Le potentiel hydrique n’atteint les valeurs caractéristiques de la capacité au champ (pF 2 et pF 2,5) que rarement. Le drainage a été estimé nul durant la période d’observation. (Année agricole 2007-2008). Les réserves en eau du sol n’ont pu être constituées; la teneur en eau dans les horizons de profondeur est restée loin de ses capacités de retentions. Les sols maintenus en jachère perdent plus d’eau durant cette période que les sols cultivés.
Les fortes températures et les vents durant le printemps, accompagnés d’une forte activité biologique coïncident avec les phases les plus propices de développement des cultures et font perdre au sol de grandes quantités d’eau par évaporation. Les phénomènes d’évaporation permettent aux sels de se déposer dans la zone racinaire (les efflorescences salines sont très apparentes en début de saison sèche) et accentue ainsi la sécheresse édaphique même avec des valeurs de salinité jugées faibles (autour de 1 ds/cm).
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