Durabilité des acquis de projets agricoles en milieu rural du territoire d'Isangi, en RD Congo: Recherche de facteurs explicatifs
Résumé
Cette étude part de l’hypothèse selon laquelle, les acquis des projets agricoles en milieu rural ne peuvent être durables que si les organisations des producteurs agricoles créées ou restructurées sont fortes en capacité institutionnelle et organisationnelle. Les résultats de l’étude ont montré que sur les 99 organisations créées ou restructurées par les projets agricoles, 47 demeurent plus ou moins actives, soit un taux de durabilité de 47,5 %. De ces organisations, 85,1 % ont de capacité institutionnelle et organisationnelle plutôt faible avec une durabilité improbable et 14,9 % sont du niveau moyen avec une durabilité plus ou moins probable. La majorité de ces organisations n’ont aucune vision de développement ni l’esprit d’entreprise (professionnalisation) et se comportent comme des associations mutuelles avec comme objectif principal l’entraide sociale de membres. La durabilité des acquis ciblés par les projets est significativement influencée par la capacité de l’organisation et moins par l’implication des services étatiques. Plus, la capacité de l’organisation est forte, plus sa durabilité est fort probable et inversement, si la capacité est faible, la durabilité est improbable. Le leadership démocratique et la capacité cognitive efficiente et innovante d’équipe dirigeante sont les facteurs déterminants de la capacité d’une organisation de producteurs agricoles.
Mots clés : durabilité, projet agricole, organisation des producteurs agricoles, capacité organisationnelle et institutionnelle
INTRODUCTION
La population du monde en développement demeure plus rurale qu’urbaine. Environ 3,1 milliards de personnes, soit 55 % de la population totale, vivent en milieu rural (Fonds International de Développement Agricole, 2011). La majeure partie de cette population est pauvre et vit de l’agriculture et travaille comme manœuvre, petit producteur, ou comme commerçant. Leur situation socio-économique est souvent difficile : les routes sont en mauvaise état; les distances entre les champs et les marchés sont longues; ils n’ont pas toujours accès aux intrants, à l’information sur le marché ou aux services (Cervantes-Godoy et Dewbre, 2010).
La grande majorité de la population congolaise est pauvre. Le revenu par habitant était de 480$US en 1960 et régressé à 80 $ en 2000 puis remonté pour atteindre 200 $ en 2009 (Mozito, 2010) et 394 $ en 2014 mais reste parmi les plus bas de l’Afrique (Mokili, 2014). Le Rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) de 2014 avait classé la République Démocratique du Congo parmi les derniers pays (Programme de Nations Unies pour le Développement, 2015).
Dans le souci de lutter contre la pauvreté, le Gouvernement de la RD Congo avait signé des accords de dons et de prêts avec les partenaires multilatéraux et bilatéraux pour cofinancer ses projets de développement agricole et rural. La plupart de ces projets opèrent souvent dans des régions qui ont déjà subi de nombreuses interventions et se prétendent qu’ils étaient performants en terme de réalisations physiques et financiers. Malheureusement, la pérennité de leurs actions au-delà de la période d’intervention reste, dans bien des cas, fort douteuse.
Les organisations paysannes sont très importantes du point de vue social, économique et environnemental. Son importance n’est plus à discuter pour le développement des pays en développement (Rondot et Collion, 2001). Conscient de l’importance des organisations paysannes dans le processus du développement local, le Gouvernement de la RDC avait décidé d’inscrire, dans son Document de la Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté, volumes 1 et 2, des organisations dans ses programmes de développement social et économique (Ministère du Plan, 2011).
Pour pérenniser leurs acquis en milieu rural, la plupart de projets de développement agricole et rural adoptent des stratégies de création ou de restructuration et d’appui institutionnel des organisations paysannes comme approche de pérennisation de projet. Pourquoi après la clôture des projets agricoles, ces acquis ne perdurent pas ? Quels ont les facteurs déterminants de la durabilité des organisations et des acquis de ces projets ?
Au regard de la problématique, nous pensons que la durabilité des acquis de projets agricoles serait fortement liée à la durabilité des organisations agricoles créées ou restructurées qui, à leurs tours dépendent significativement de leurs capacités institutionnelles et organisationnelles: plus la capacité est forte, plus l’organisation est probablement durable, plus les acquis de projets sont aussi probablement durables et inversement, si la capacité est faible, la durabilité de l’organisation est improbable. De ce fait, le facteur déterminant de la stabilité et de la durabilité des organisations agricoles en milieu rural serait le leadership de ces dirigeants: plus le leadership est autocratique, plus qu’il y a de conflits et par conséquent la dislocation ou la disparition de l’organisation.
L’objectif général de cette étude est de rechercher les variables déterminantes de la durabilité des acquis de projets agricoles. Les objectifs spécifiques sont les suivants: (i) évaluer la capacité organisationnelle des organisations des producteurs agricoles, analyser l’implication des services publics dans les activités de ces organisations et évaluer leurs influence sur la durabilité des acquis des projets agricoles en milieu rural du territoire d’Isangi.
MILIEU, MATÉRIEL ET MÉTHODES
Brève présentation du territoire d’Isangi
Situé à l’ouest de la ville de Kisangani à environ 125 km, a une superficie de 15 770 km², le territoire d’Isangi est administrativement subdivisé à 13 Secteurs/Chefferies ruraux, trois cités, trois postes d’encadrement administratif, 54 groupements et 430 villages. Le chef-lieu du territoire est la cité d’Isangi (Administration du territoire d’Isangi, 2015). Le territoire d’Isangi comptait 703 550 habitants en 2015 avec 140 531 ménages agricoles et 340 274 actifs agricoles (Inspection Territoriale de l’Agriculture, Pêche et Élevage-Isangi, 2016).
La population est composée de tribus suivante: le Lokélé, le Turumbu, le Foma et le Soo/Topoké (Université de Kisangani et Coopération Technique Belge, 2009).
Échantillonnage
L’enquête a été réalisée auprès de 99 organisations des producteurs agricoles de premier degré recensées sur les listes des organisations créées ou restructurées par les projets/programmes agricoles implantées dans le territoire d’Isangi (PRAPO, 2014; Université de Kisangani, 2015 et CANAV, 2016).
Spécification de variables
La reconnaissance institutionnelle des organisations, la capacité en gestion organisationnelle et la durabilité des acquis des projets sont les variables retenues de cette étude.
Reconnaissance institutionnelle de l’organisation
Les indicateurs suivants ont été retenus pour évaluer le niveau de la reconnaissance institutionnelle des organisations: le niveau de reconnaissance légale (officielle) de l’organisation; la possession d’un siège fixe connu du public et la représentativité des ménages des villages au sein de l’organisation.
Capacité en gestion organisationnelle de l’organisation
Pour évaluer la capacité en gestion organisationnelle d’une organisation de producteurs agricoles, nous avons retenu les indicateurs des variables du modèle d’éléments de gestion efficace d’une organisation (Elements of an effectively Managed Organization, EEMO en anglais) (Methven et Dewaele, 2006). Ces variables sont les suivantes: la mission de l’organisation, la planification des activités, la structure fonctionnelle, la comptabilité, la gestion du personnel, les résultats de l’organisation, le leadership et la relation entre les membres (Centre International de Développement et de Recherche, 2005).
Durabilité des acquis ciblés par les projets agricoles
Pour pérenniser leurs acquis au sein des organisations paysannes agricoles, les projets/programmes agricoles avaient fixés certains indicateurs de durabilité ci-dessous:
• Pour la durabilité technico-agricole et environnementale, les organisations devraient: (i) posséder des champs communautaires; (ii) pratiquer des techniques de production responsable apprises (gestion durable des ressources naturelles: rotation des cultures, l’assolement… et le respect des normes et des législations) et utilisation de semences améliorées par les membres des organisations.
• Pour la durabilité socio-économique, (i) l’existence des organisations créées ou restructurées opérationnelles; (ii) les organisations devraient avoir des activités génératrices des revenus; (iii) procéder aux ventes groupées des produits agricoles de leurs membres; (iv) développer de synergie et avoir des partenaires; (v) en cas de nécessité, faire des plaidoyers pour les communautés et l’entité; (vi) maintenir les points d’eau dont elles étaient bénéficiaires et (vii) participer au maintien des axes routier passant par les villages respectifs.
Méthodes et techniques d’enquête
Pour collecter les données, nous avons utilisé les techniques et méthodes suivantes: technique documentaire, le recensement, l’entretien semi-structuré et le focus groupe.
Pour calculer la capacité d’une organisation, nous avons utilisé la formule suivante:
Ф = (STO/STA) x 100
Où Ф : pourcentage obtenu en terme de la capacité institutionnelle et organisationnelle de l’organisation; STO: Score Total Obtenu par l’organisation et STA: Score Total Attendu.
Le barème d’appréciation varie de 0 à 100 %: (i) 0 à 25 %, note 1: faible capacité, durabilité est improbable; (ii) 25,1 à 50 %, note 2: capacité plutôt faible, durabilité improbable ; (iii) 50,1 à 75 %, note 3: capacité moyenne ou modérée, la durabilité est plus ou moins probable et (iv) 75,1 à 100 %, note 4: forte capacité, durabilité est probable (Fonds International de Développement Agricole, 2014).
Pour analyser les données, nous avons fait recours à deux méthodes: (i) analyse systémique où nous considérons une organisation comme un tout uni. Si une partie est défaillante, le reste ne fonctionnera pas comme ça devrait l’être. Si plusieurs parties ont des défaillances d’un seul coup ou en succession rapide, l’organisation meurt. C’est de cette façon que nous avions analysé l’organisation paysanne. (ii) les analyses statistiques telles que l’analyse univariée des variables qualitatives et qualitatives (distribution de fréquences et moyenne). Ensuite, une analyse bivariée s’est faite pour apprécier des relations qui s’établissent entre couples de variables (Khi-deux, student, Mann Whitney et autres). Sur base de nos hypothèses, nous avons tenté de définir des modèles économétriques.
RÉSULTATS ET DISCUSSIONS
Dans ce point, nous présentons et discutons les résultats de notre enquête réalisée auprès des organisations des producteurs agricoles créées ou restructurées par les projets/programmes agricoles dans le territoire d’Isangi.
Résultats
Niveau de reconnaissance institutionnelle des organisations
Dans leurs politiques interventions, les projets/programmes agricoles avaient ciblé d’abord les associations existantes œuvrant dans le territoire d’Isangi avant d’en créer d’autres.
Sur les 47 organisations existantes, 14,9 % n’ont aucun document juridique d’une organisation paysanne et 21,3 % sont reconnues officieusement par le chef de village. 31,9 % ont de statuts et règlement d’ordre intérieur légalisés au niveau du village, 21,3 % au niveau du Secteur/Chefferie et 10,6 % au niveau du territoire.
Tenant compte des indicateurs retenus pour la variable reconnaissance institutionnelle, les résultats ont montré que 14,9% ont un fort niveau de reconnaissance institutionnelle, 12,8 % de niveau moyen, 63,8 % sont plutôt faibles et 8,5 % de niveau faible.
Capacité des organisations en gestion organisationnelle
Le tableau 1 ci-dessous présente le niveau d’appréciation d’organisations des producteurs agricoles sur base de huit variables du modèle EEMO.
Les résultats présentés 1 montrent que, globalement, toutes les organisations ne sont fortes en gestion organisationnelle. Mais, elles sont moyennement fortes pour la mission (78,7 %), la structure fonctionnelle (63,8 %) et la relation entre les membres (72,3 %).
Tenant compte des indicateurs en rapport avec la clarté et la compréhension des objectifs, des valeurs et de vision qui guident l’organisation, les résultats révèlent qu’aucune organisation n’est forte. Un bon nombre des membres ne comprennent pas leurs rôles dans l’organisation. Quant à la planification des activités, toutes les organisations (100 %) ont un niveau faible. Ces résultats montrent qu’il y a des sérieux problèmes en planification dans des organisations.
En ce qui concerne la gestion comptable, les résultats montrent que 87,2 % ont un niveau faible en comptabilité et sa tenue et le contrôle interne se font rarement dans toutes les organisations. Toutefois, certaines organisations ont un niveau moyen de capacité financière et d’autres forts. La faible capacité financière est due au faible montant disponible en caisse qui se justifie par l’inopérationnalité des activités génératrices de revenus et cotisations de membres. Le montant disponible varie entre 0 et 2500 $US avec une moyenne de 130,15 $US et un écart type de 389 $US.
S’agissant de leadership, les résultats révèlent qu’aucune organisation n’a un staff dirigeant ayant un niveau de leadership (direction) élevé. Mais, 10,6 % en ont moyen.
Le leadership est fondamental pour la réussite d’une organisation. Lors de l’enquête, nous avons observé deux types de leadership au sein des organisations. Un leadership autocratique où le leader centralise l’autorité, impose ses méthodes de travail et prend des décisions unilatérales et limite la participation des membres, d’une part et un deuxième type démocratique où le leader implique ses membres dans l’élaboration des méthodes de travail et la définition des objectifs, et prend soin de motiver ses collaborateurs en s’appuyant sur leurs réactions, d’autre part (Hellriegel et Slocum, 2006).
De ces deux types de leadership, 70 % étaient à prédominance autocratique et 30 % de leadership à prédominance démocratique. 80 % des personnes (membres) interviewées soutiennent l’assertion selon laquelle le leadership autocratique de dirigeants est la cause principale de conflit et de dislocation ou la mort des organisations.
Concernant la question du genre, dans toutes les organisations, les femmes représentent 38,2 % des effectifs de membres et 32 % dans le Comité exécutif. Il sied de signaler qu’aucune organisation n’est dirigée par une femme.
Nous constatons qu’aucune organisation n’a une capacité en gestion organisationnelle efficace. Seulement 10,6 % ont le niveau moyen et 89,4 % niveau plutôt faible.
Implication des Services étatiques dans l’encadrement des organisations
Les résultats de l’enquête révèlent que le niveau d’encadrement des organisations des producteurs agricoles par les Services étatiques en charge de l’agriculture et du développement rural est faible (100 %).
Capacité institutionnelle et organisationnelle
Comme stipulé précédemment, la capacité organisationnelle et institutionnelle des organisations est fonction de la reconnaissance institutionnelle et de la capacité des organisations en gestion organisationnelle. Les résultats obtenus permettraient de prédire sur la probabilité de la durabilité d’une organisation. La figure 1 visualise les résultats de l’enquête réalisée.
Les résultats montrent que 14,9 % d’organisations ont de capacité institutionnelle et organisationnelle moyenne. La majorité des organisations, soit 85,1 % ont de capacité plutôt faible.
Bien que les organisations n’aient pas de capacité institutionnelle et organisationnelle suffisante, nous constatons néanmoins que 14,9 % d’entre elles issues des associations mutuelles d’entraide présentent de proportions de capacité plus élevée que celles issues de nulle part mais créées par des projets. De toutes les organisations de producteurs agricoles enquêtées, 14,9 % et 63,8 % d’organisations de passé « association mutuelle d’entraide » avaient respectivement de capacité plutôt faible. Par contre, 21,3 % d’organisations sans passé institutionnel avaient de capacité plutôt faible (Figure 2).
Les résultats de la figure 2 prouvent à suffisance que certaines personnes se sont constituées en organisation pour accéder et profiter gratuitement des biens des projets.
Durabilité des acquis ciblés par les projets/programmes agricoles
Les projets de développement agricole et rural qui ont été réalisés fixaient certaines activités de pérennisation. Il s’agissait de la durabilité des organisations, de quelques aspects technico-agricoles et environnementaux ainsi que socio-économiques.
Il ressort des résultats du tableau 2 que 47,5 %, soit 47 sur 99 existent encore six ans après leur création ou restructuration. Mais, nous avons constaté une diminution de l’effectif de membres de l’ordre de 19,7 % dans l’ensemble dont 16,5 % des hommes et des 9,1 % femmes.
Durabilité de cibles technico-agricoles et environnementales
Concernant ce point, la majorité des activités ciblées par les projets se sont moins pérennisés: 10,6 % d’organisations possèdent au moins un champ communautaire et ses membres utilisent les semences améliorées dans leurs champs respectifs. 12,8 % continuent à prôner la gestion durable des ressources naturelles (Forêt, terre et eau) à ses membres.
Durabilité de cibles socio-économiques
Un pourcentage de 10,6 % des organisations ont des activités génératrices de revenus pour leur autofinancement et 8,5% font des ventes groupées des produits agricoles de leurs membres. S’agissant de partenariat, 17,0% ont de partenaires nationaux de développement et 10,6% font de plaidoyer pour leur communauté.
Quant à la participation au maintien des infrastructures dont elles étaient bénéficiaires, 12,8% d’organisations participent au maintien des ouvrages hydrauliques (points d’eau potable) et 8,5% au maintien de l’axe routier réhabilité.
De tout ce qui précède, nous constatons que la majorité des acquis ciblés se sont moins pérennisés.
DISCUSSION
Durabilité des acquis de projets agricoles en milieu rural
Les organisations paysannes agricoles jouent un rôle très important dans les pays en développement. Elles sont la plaque tournante des actions de différents projets de développement agricole et rural (Achancho, 2012). Certaines sont fortes et durables, mais d’autres sont faibles et moins durables.
Des organisations existantes enquêtées, 14,9 % avaient un fort niveau de reconnaissance institutionnelle. Mais, conformément aux obligations légales de la Loi n° 004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux Associations Sans But Lucratif et aux Établissements d’Utilité Publique (Présidence de la RDC, 2001), nous avons constaté que 63,8 % de ces organisations fonctionnent dans la légalité à différents niveau d’administration. Des organisations non légalisées sont celles qui sont moins sollicitées par des partenaires nationaux ou internationaux au développement et sont souvent actives que lorsqu’elles apprennent la présence d’un projet dans leurs milieux.
Selon Latham, (2004) cité par Hellriegel et Slocum, (2006), la fixation, la clarté et la compréhension des objectifs sont des éléments extrêmement importants dans une organisation car il guide et oriente le comportement et génère des défis et des indicateurs permettant d’évaluer la productivité d’une organisation. Ed Locke et Gary cité par Hellriegel et Slocum, (2006) avaient montré que la compréhension des objectifs d’une organisation est un facteur incitatif car elle permet aux membres à s’impliquer et à travailler pour une productivité élevée (Hellriegel et Slocum, op cit.). Il se fait malheureusement que la compréhension des objectifs de l’organisation est moins comprise par la quasi-totalité ses membres des organisations avec conséquence l’implication timide de membres entraînant de faibles rendements.
La tenue de la comptabilité est un facteur important dans la gestion d’une organisation. Elle permet d’enregistrer, de classer, de résumer d’une façon significative et en terme d’argent, les transactions et les faits qui ont, au moins en partie, un caractère financier et d’analyser et d’interpréter leurs résultats. Les résultats montrent que toutes les organisations ne tiennent pas la comptabilité même élémentaire.
Toutes les organisations n’étant pas professionnelles, plus de 90% d’entre elles ont de sérieux problème en gestion du personnel et leurs dirigeants n’ont ni salaire, ni prime, ni avantage social. Seule la volonté bénévolat timide semble être l’élément de motivation. En cas d’une occasion pécuniaire dans l’organisation, le staff dirigeant se partage la manne, donc le « début de conflit ».
Une des qualités requises d’une bonne organisation est sa capacité d’obtenir des bons résultats pour ses membres. Si le leadership compromet la bonne cohésion et interaction entre les membres, l’organisation est vouée à la disparition. Le type de leadership est l’un des facteurs importants pour le succès des organisations et peut avoir un impact positif ou négatif sur le climat organisationnel au sein de l’organisation (Fatima et Mohammed, 2015) et par conséquent sur la pérennité de l’organisation.
Les résultats obtenus ont montré que les organisations existantes enregistrent de diminution de l’effectif de membres entraînant souvent la dislocation ou la mort de l’organisation. Cette situation est due au leadership autocratique affectant négativement le niveau d’implication et de participation des membres à des différentes activités de l’organisation et par conséquent la cause principale de l’inactivité ou parfois de la mort d’un bon nombre d’organisations. Cette affirmation est prouvée par le test statistique qui démontre que la stabilité de membres dans une organisation est fortement lié au leadership (p = 0,08). Les dirigeants de niveau d’études élevé développent parfois de comportement de domination et de dicta vis-à-vis des autres membres. Ce sont eux qui développent, dans la plupart de cas, le leadership autocratique au sein des organisations.
Le leadership autocratique se retrouve souvent dans des organisations qui ont été mal structurées avec des membres mal sensibilisés dont le souci premier était respectivement l’efficacité des activités (atteinte de résultats attendus) de projets et l’esprit de gratuité de la population à accéder facilement aux biens de projets.
La bonne gestion est un facteur déterminant pour prédire le niveau de durabilité d’une organisation. La majorité de dirigeants d’organisations n’ont pas la maîtrise de la gestion d’une organisation, toutes les décisions se prennent souvent dans l’irrationalité (Coblentz, 2002). La quasi-totalité d’organisations de producteurs agricoles sont mal gérées, ne s’organisent pas et n’ont aucune ambition de développement et de se professionnaliser.
La gestion organisationnelle des organisations créées ou restructurées par des projets agricoles est presque identique à celle des associations mutualistes d’entraide sociale caractérisée par des activités prioritaires telles que les actes funéraires, le mariage d’un des membres et la tontine pour l’ouverture du champ individuel. Cette observation a été observée par les résultats de l’étude réalisée par le FIDA en 2005 et celle de l’équipe de la Coopération Technique Belge et l’Université de Kisangani en 2009.
La présence d’une organisation de développement dans un milieu rural peut motiver les paysans, ses membres et contribue à l’amélioration de leur revenu et garantie l’accès au marché (Gisaro Ca-Madeberi, 2013). Mais, si la pérennité de ces organisations est de courte vie, ces dernières ne serviront pas grand-chose à la communauté. Pour pallier à l’insuffisance observée au sein des organisations, les Services étatiques, dans leurs rôles régaliens, peuvent combler ces insuffisances par l’encadrement, le conseil, le renforcement des capacités et le transfert des compétences.
L’encadrement des paysans contribue à l’accroissement de la productivité agricole (Muanasaka, 2006) avec comme conséquent à la durabilité de l’agriculture et des organisations paysannes (BA Awa, 2007). Malheureusement, le niveau d’encadrement et d’implication des services étatiques est faible. Cette assertion est confirmée par le test statistique de Mann Whitney qui prouve que l’intervention des Services étatiques n’ont aucun effet sur la capacité organisationnelle et institutionnelle des organisations paysannes (p = 0,348 > 0,05). De la même manière si on confiait l’encadrement de ces organisations aux ONGD ou aux organisations faitières, les résultats seraient presque le même du fait que celles-ci dépendent grandement ou presque totalement de l’appui des partenaires gouvernementaux, bilatéraux et/ou multilatéraux.
La faible implication de services étatiques se justifie par trois raisons fondamentales, à savoir : (i) le faible moyen technique et financier, et moyen humain vieillissant et démotivé suite au maigre. Les jeunes recrutés ne sont que de nouvelles unités non matriculés sans salaire ; (ii) les Services n’ont pas de planification stratégique cohérente due au manque de coordination et d’interactivité entre les Services techniques (Fonds International de Développement Agricole, 2005) et (iii) inexistence de système de suivi-évaluation bien élaboré et efficace.
Dans le cadre de cette étude, nous avons retenu l’hypothèse selon laquelle la capacité institutionnelle et organisationnelle (Ф) est fonction de la capacité de l’organisation en gestion organisationnelle (G) et de son niveau de la reconnaissance institutionnelle (I),
Ф = ƒ(G,I). Après analyse de données, nous sommes arrivés au modèle économétrique suivant :
Ф = 0,451 + 0,168 I + 0,626 G
De cette équation, le test de signification montre que les deux variables (reconnaissance institutionnelle et la capacité en gestion organisationnelle) influencent très significativement sur la capacité institutionnelle et organisationnelle d’une organisation (p = 0,000 < 0,05).
Comme nous l’avons signalé, plus la capacité institutionnelle et organisationnelle d’une organisation est forte, plus l’organisation a la probabilité de se pérenniser.
Les résultats présentés précédemment ont montré que 14,9 % d’organisations ont de capacité institutionnelle et organisationnelle moyenne et 85,1 % ont de capacité plutôt faible. De ce fait, nous référant à notre échelle de prédiction, nous pensons que la durabilité de majorité des organisations est improbable. Mais celle des organisations de capacité moyenne pourrait être garantie que si un renforcement de capacité supplémentaire est effectué.
Notre hypothèse stipulait que la durabilité d’une organisation est fonction de la capacité institutionnelle et organisation d’une part, et du niveau d’implication de services étatiques d’autre part. Le résultat du point 3.1.3 a montré que le niveau d’implication des Services étatiques en charge de l’agriculture et du développement rural était faible et ceci n’influence pas la capacité ni la durabilité des organisations de producteurs agricoles. Le modèle économétrique suivant découle de l’observation:
Avec Ð: la durabilité de l’organisation; Ф: capacité institutionnelle et organisationnelle.
De cette équation, le test de signification montre que seule la capacité institutionnelle et organisationnelle d’une organisation influence très significativement sur sa durabilité (p = 0,000 < 0,05).
Quant à la durabilité des acquis ciblés par des projets, les résultats ont montré que la durabilité des organisations et des acquis de projets semble être mitigée. Six ans après leur création et trois après la clôture des projets/programmes agricoles, 52,5 % d’organisations de producteurs agricole créées ou restructurées par les projets agricoles sont inexistantes.
Le tableau 3 présente le lien d’influence entre la durabilité des acquis ciblés par des projets/programmes agricoles et la capacité institutionnelle et organisationnelle des organisations.
De toutes les assertions commentées au tableau 3, nous constatons que la durabilité des acquis de projets est fortement liée à la capacité de l’organisation: plus la capacité est forte, plus la probabilité de pérennité des acquis ciblés par les projets est élevée. Mais s’agissant des pratiques de gestion durable des terres, eaux et forêts, nous avons constaté que le manque d’informations sur la maîtrise des ressources par la population serait un facteur explicatif de non lien.
Variables déterminantes de la durabilité des acquis de projets agricoles
La figure 3 schématise les effets d’entraînement de la non prise en compte de certaines variables dans la durabilité des acquis de projets en milieu rural d’Isangi.
Il ressort de la figure 3 ci-dessus que le leadership autocratique et sans vision du développement de dirigeants des organisations, la faible compétence de l’équipe dirigeante en gestion de l’organisation et l’insuffisance de moyens financiers, techniques et humains influencent très significativement, ne premier niveau sur la capacité des organisations qui influencent par la suite la durabilité des acquis de projets agricoles en milieu rural d’Isangi.
CONCLUSION
Cette étude avait pour objectif d’évaluer l’impact de la capacité institutionnelle et organisationnelle des organisations des producteurs agricoles sur la durabilité des acquis de projets agricoles en milieu rural du territoire d’Isangi.
Les résultats de l’enquête ont montré que sur les 99 organisations créées ou restructurées par les projets agricoles, 47 demeurent plus ou moins actives, soit 47,5 % de taux de durabilité. De ces organisations existantes, 85,1 % ont de capacité institutionnelle et organisationnelle plutôt faibles avec une durabilité improbable et 14,9 % sont du niveau moyen avec une durabilité plus ou moins probable. Ces organisations n’ont aucune vision de développement ni l’esprit d’entreprise (professionnalisation) et se comportent plus ou moins comme des associations mutuelles avec comme objectif principal l’entraide sociale.
La durabilité des acquis ciblés par les projets/programmes agricoles réalisés dans ce territoire est significativement influencée par la capacité de l’organisation et moins par l’implication des Services étatiques en charge de l’Agriculture et du Développement Rural: Plus, la capacité de l’organisation est forte, plus sa durabilité est fort probable et inversement, si la capacité est faible, la durabilité est improbable.
Le leadership démocratique et la capacité cognitive efficiente et innovante de l’équipe dirigeante sont les facteurs déterminants de la capacité institutionnelle et organisationnelle, par conséquent de la durabilité d’une organisation.
La politique de restructuration des associations paysannes existantes est la meilleure stratégie d’appui institutionnel pour la viabilité et la pérennité des projets agricoles à condition que ces projets mettent sérieusement l’accent sur le développement cognitif de staffs dirigeants des organisations par des renforcements des capacités en gestion organisationnelle. La création de nouvelles organisations dans une région où les associations paysannes existent déjà serait d’encourager l’esprit d’attentisme, de gratuité et pousserait davantage ces derniers dans la pauvreté.
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