Résumé

L’agriculture moderne pousse à utiliser intensivement des machines agricoles lourdes. Le trafic de ces machines peut entraîner une compaction du sol et influencer considérablement leurs propriétés physiques, en l’occurrence la densité apparente et la porosité, limitant ainsi le stockage de l’eau et l’aération du sol. Par conséquent, le développement racinaire et la croissance des plantes sont entravés. Afin d’évaluer la compaction dans un vertisol, un outil de mesures horizontales a été développé et comparé avec un pénétromètre vertical à cône. L’outil de mesure est basé sur un châssis muni d’un soc et vérin hydraulique couplé à un capteur de pression hydraulique (Bosch®, P max=1500 Bars). Le pénétromètre (cône V) a été aussi connecté à un capteur de pression hydraulique équivalent pour évaluer l’effort de pénétration verticale. Les résultats obtenus avec la méthode horizontale ont permis de montrer des zones de compactions tenant compte des variations de voltage acquises dans différents points mesurés sur le site expérimental. Les variations de voltage obtenues au milieu (473,5 - 630,8 mV) et dans l’extrémité (480 mV-700 mV) du site sont relatives aux efforts de pénétration (0,002 - 4,60 MPa) et (0,002 - 7,27 MPa), respectivement. Par ailleurs, la méthode verticale a permis de détecter des mesures de 694 mV (7,04 MPa) et 935 mV (16,33 MPa) respectivement au milieu et aux extrémités du site. Les résultats obtenus ont montré qu’il y a un problème de compaction dans le site étudié et la recherche des aspects physico-chimiques et de gestion du sol peuvent déceler les raisons de la vulnérabilité du vertisol à la compaction et aider à optimiser le mode de travail du sol.


Mots-clés: Vertisol, Compaction, Vulnérabilité, Pénétromètre horizontal, Pénétromètre vertical.


 

INTRODUCTION

Les opérations culturales font appel à des machines de plus en plus lourdes. Le trafic de ces machines peut entraîner une compaction du sol, une source de dégradation des dizaines de millions d’hectares de terres à travers le monde (Flowers et Lal, 1998). La surface du sol traversée par les pneus des machines lourdes a été estimée par Tullberg (1990) à 30 % dans le cas d’un système de semis direct alors que cette surface peut atteindre 100 % dans le système de semis conventionnel qui peut être affectée par les pneus de machinerie lourde pendant le cycle de la culture. En cas du travail d’un sol humide, un premier passage d’une roue sous haute charge augmente très considérablement la compaction à cause de la résistance réduite des sols (Kirby et Kirchhoff, 1990). La sensibilité d’un vertisol à subir une compaction maximale dépend de sa teneur en eau situé à 31 % contre 20 % pour un état friable. En plus, les vertisols sont très vulnérables à la compaction lorsqu’ils sont riche en argile. Le pouvoir porteur d’un vertisol dépend principalement de sa teneur en eau. En effet, ce pouvoir est de l’ordre de 1 kg/cm2 pour un vertisol en état humide contre 4 kg/cm2 en état sec (Destain, 1999).

L’intervention avec des machines lourdes sur des sols riches en argile, juste après une pluie efficace (sol en état humide), augmente considérablement les chances de sa compaction surtout si l’agriculteur ignore les limites de la praticabilité de son sol (Kirchhof and So, 1995).

La compaction du sol est souvent associée à une baisse de rendement des cultures. En effet, le mouvement d’eau et d’air est restreint ainsi que le développement du système racinaire est affecté (Kirkegaard et al., 1992; Passioura, 2002).

Alaoui et Helbling (2006) ont montrés que la variation hydrodynamique de l’humidité du sol indique deux types de compactage. Le premier , dû à la charge du trafic, entraîne un changement de structure dans la couche supérieure (0-10 cm) et par conséquent l’écoulement vertical est affecté. Le deuxième type est intense et est dû au piétinement qui affecte plus les micropores que les macropores.

L’évaluation de la compaction du sol se fait indirectement avec plusieurs méthodes, en l’occurrence par la mesure de la densité apparente, la porosité, la matière organique et l’état textural. La densité apparente s’exprime comme un état de référence pour la compaction d’un sol donné (Hakansson, 1990; Hakansson et Lipiec, 2000).

La compaction d’un sol argileux est un phénomène cumulatif que proportionnel. En effet, McNabb (2001) à trouvé que la densité apparente est situé entre (1,25 - 1,37) g/cm3 et (1,35 - 1,45) g/cm3 pour les deux profils de (0 – 10 cm) et (10 - 20 cm) respectivement. La teneur en argile des vertisols (40 à 60%) est la propriété fondamentale qui détermine sa capacité de rétention d’eau (Dudal 1965). En plus, les vertisols sont pourvus d’argiles gonflantes (Smectites) leurs donnent une capacité d’absorption et de rétention d’eau de l’ordre de 180 mm à 200 mm pour des profondeurs de l’ordre de 80 à 100 cm. Bien que la plupart des vertisols disposent d’argile gonflante, le problème de restructuration et/ou de correction de la compaction du sol se pose à court terme (phase de croissance et de développement des cultures), surtout s’ils sont travaillés en conditions humides et de trafic des machines lourdes (Fredlund et al., 1996; Defossez et al., 2003). En effet, lorsqu’un sol est compacté durant le cycle d’une culture installée, le développement et la croissance du système racinaire sont affectés (Jagdish et al., 2015).

L’objectif de cette étude est d’évaluer la compaction d’un vertisol en semis direct en utilisant deux méthodes de mesure de pénétrométrie, horizontale et verticale.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Les profils de mesures ont été effectués sur un bloc de 25 x 25 m dans le site expérimental d’Ain Nzagh de l’INRA, situé à 7 km au sud de la ville de Settat. Treize profils de mesures de 25 m, espacés de 2,5 m pour la mesure par pénétrométrie horizontale, et des points de mesures distribué sur le bloc expérimental espacés de 5 m pour la mesure verticale ont été utilisés (Figure 1). Cette disposition a pris en considération la possibilité de comparer des niveaux de compaction au centre et aux extrémités.

Mesure Horizontale

Les mesures de pénétration horizontale ont été effectuées à l’aide d’un vérin hydraulique muni d’un capteur de mesure de pression (Figure 2), monté sur un soc ouvreur du sol. L’évaluation de la force exercée sur le sol se fait à travers le vérin hydraulique permettant de déceler les zones potentielles de compaction par différentiation et comparaison des données mesurées. La pression hydraulique du vérin est mesurée par un capteur électronique de pression (Bosch®, P max=1500 Bars) et acquise en utilisant un oscilloscope doté de système d’acquisition (Agilent U1604B). Les données de force sont mesurées en millivolt et collectées sur des fichiers tableurs de type Excel puis transformées en MPa en se basant sur la courbe de calibration préétablis avec un dynamomètre analogique (Figure 2). Les mesures ont été effectuées en adoptant une vitesse d’avancement du tracteur de 2,25 km/h sur toutes les lignes (Figure 3) pour avoir un nombre d’échantillons uniformes (nombre de mesures/profil).

Figure 3: Bloc expérimental, profils des mesures espacés de 2,5 m

Mesure verticale

Les mesures de pénétration verticale ont été effectuées avec un pénétromètre (Cône V) muni d’un capteur de mesure de pression hydraulique (Figure 4). Il permet d’évaluer la force exercée sur le sol en mesurant la pression en millivolt via l’utilisation d’un capteur de pression (Bosch®, P max=1500 Bars) et d’un système d’acquisition (Agilent U1604B). Les mesures ont été prises dans des points séparés de 5 m tout le long de chaque ligne (25 m) tracée balayant tout le bloc expérimentale (25 x 25 m). Le pénétromètre est actionné par un vérin électrique (12V DC) de vitesse uniforme de 2,5 cm/s. La force de pénétration a été acquise à raison de deux mesures par seconde (2 Hz). La variation de la force de pénétration a permis de détecter les zones de compaction en se référant aux valeurs moyennes et maximales obtenues.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Pénétrométrie horizontale

Les résultats obtenus ont montré des variations de voltage sur les profils enregistrés, ce qui explique la présence de zones compactés en se référant aux différences par rapport aux moyennes (Figure 5). En effet, le voltage a varié entre 490 mV et 750 mV (0,040 - 9,20 MPa)) sur les treize profils étudiés. La figure 5 représente seulement les profils ayant marqués un intérêt, par contre les autres profils ont représentés la même allure que celle du profil 3. En analysant les données obtenues, les zones de compactions ont été différenciées par des pics dépassant 650 mV (soit 5,35 MPa).

La comparaison entre les données obtenues au centre et aux extrémités de la parcelle a permis aussi de distinguer deux zones de compaction. En effet, les données des profils 7 et 8 (Figure 6) comparées à celles des profils 2 et 13 (Figure 7) représentant respectivement le centre et l’extrémité de la parcelle, ont montré qu’il y une compaction importante dans les bordures.

La figure 6 montre que la force de pénétration horizontale est située entre 473,5 et 630,8 mV (0,002 et 4,606 MPa) pour la ligne 7 et entre 514,9 et 631,8 mV (0,138 et 4,645 MPa) pour la ligne 8. Les mesures montrent pratiquement qu’il y a des zones de compaction qu’on peut localiser tenant comptes des forces enregistrées situées au-delà de 3 MPa. Ces résultats obtenus au niveau des extrémités de la parcelle montrent que les voltages sont élevés par rapport à ceux du centre, ce qui montre des niveaux de compaction importants dans les bordures de la parcelle étudié. En effet, les profils de force de pénétration horizontale 2 et 13 ont enregistrés des voltages important, situés entre 480 et 700 mV (0,002 MPa et 7,27 MPa) par rapport aux forces obtenues dans le centre de la parcelle. Le voltage élevé de 750 mV (9,20 MPa) enregistré sur le profil 13 montre l’effet de la cadence du trafic de tracteur ayant induit une forte compaction au niveau des tournants. La susceptibilité du sol à la compaction est amplifiée aussi par sa teneur en eau lors de l’opération du passage de la machine. En effet, les vertisols sont aptes à la compaction lorsqu’ils sont humides.

Pénétrométrie verticale

En comparaison avec les mesures horizontales, les résultats des mesures verticales montrent des voltages différents selon le degré de la résistance dans chaque point aux sols, la figure 8 représente des modèles de la variation de la pression en (MPa) en fonction de la profondeur (cm).

Figure 8: Modèle de l’enregistrement du voltage au cours de mesure vertical

La présentation des courbes Max, Min et moyenne nous a permis de voir la variation de la pression des deux côtés du bloc. En effet, la figure 9 montre la variation de la pression de plusieurs profils de la ligne 7 et 8 (lignes du milieu).

Concernant les lignes du centre, l’intervalle minimal varie entre 511,4 et 523,1 mV (0,003 et 0,454 MPa) alors que les valeurs moyennes évoluent entre 532,1 et 602,9 mV (0,801 et 3,531 MPa). Cependant, pour les mêmes lignes, la pression maximale est comprise entre 552,8 et 694 mV (1,59 et 7,04 MPa). Par ailleurs, les lignes de l’extrémité ont révélé des valeurs minimale variantes entre 511,4 et 523,1 mV (0,003 - 0,454 MPa) et des valeurs moyennes entre 587,8 et 723,4 mV (2,949 - 8,176 MPa). Quant aux valeurs de pression, elles sont comprise entre 664,2 et 935 mV (5,894 et 16,334 MPa) pour ces lignes.

Un nombre important d’enregistrements pénétrométriques dans des argiles, publiés dans la littérature, fait apparaître une augmentation quasi-linéaire des mesures en fonction de la profondeur. Les pénétromètres servent à déterminer la résistance mécanique du sol aux racines ou aux instruments de travail du sol. La résistance à la pénétration est une caractéristique mécanique qui pour certaines textures, dépend de paramètres variables, tels que le degré d’humidité, la densité apparente, la matière organique et la force de liaison entre les particules minérales. En effet, la différence entre la résistance à la pénétration verticale dans le centre et l’extrémité de la parcelle est remarquable. Une compaction maximale a été obtenue au niveau de la ligne 2. En effet, le pénétromètre a indiqué une pression de l’ordre de 12,98 MPa, soit le double par rapport à la référence. En outre, la ligne 13 représente la zone la plus compactée du bloc étudié avec une mesure de pression de 16,33 MPa.

Ces résultats ont montré qu’il y a une compaction importante dans les extrémités de la parcelle sous semi-direct, indépendamment de l’état de l’humidité du sol à cause du nombre de passage important effectué par les tracteurs agricoles lors des tournants effectués essentiellement aux extrémités de la parcelle.

CONCLUSION 

La compaction et les modifications des propriétés du sol qui y sont liées résultent de l’application de forces, généralement dues au passage d’engins. En effet, les méthodes utilisées dans ce travail ont montré des résultats permettant de déceler une compaction importante, essentiellement vers les extrémités de la parcelle où il y a un trafic répété dû aux tournants effectués par le tracteur, alors que vers le milieu de la parcelle, les valeurs trouvées sont plus faibles, montrant une compaction modérée.

L’évaluation de la compaction sera plus complète en adoptant une approche matricielle en utilisant plusieurs capteurs dotés de mesure de pression avec sensibilité relativement importante. En outre, la corrélation des résultats de compaction avec des études physico-chimiques et de mode de gestion du sol permettra de mieux comprendre la réponse d’un vertisol à la compaction en tenant compte de son état de structure, de plasticité et de teneur en eau.

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