Résumé

L’arganier (Argania spinosa L. skeels) est un arbre oléifère endémique au Maroc et qui joue un rôle socio-économique important vue la valeur de son huile. Malgré l’importance de l’arganier, il est principalement multiplié par semis. Cette méthode de multiplication présente plusieurs inconvénients dont une longue phase de juvénilité et une variabilité génétique élevée entre les plants. Le but de ce travail est d’étudier (1) l’effet du génotype et de la source de calcium (CaCl2 et Ca(NO3)2) sur le bouturage, (2) l’étendue de l’effet du génotype du porte-greffe et du greffon sur le greffage et enfin (3) comparer entre les deux méthodes pour la production de plants d’arganier. Les résultats ont montré l’existence d’un effet génotype important sur le bouturage. En effet, chaque génotype a présenté un taux de multiplication différent. L’apport du calcium n’a pas apporté d’amélioration à l’enracinement des boutures pour l’ensemble des génotypes multipliés alors que son pouvoir désinfectant s’est révélé dépendre du génotype. Les résultats ont montré aussi que la réussite du greffage dépendait principalement de la compatibilité greffon/porte-greffe, mais peu du génotype du greffon et pas du tout du génotype du porte-greffe. La comparaison entre les deux méthodes de multiplication a montré que le greffage serait mieux adapté que le bouturage pour la production de plants d’arganier. Le meilleur taux d’enracinement obtenu par bouturage était de 66,7 %, alors que le taux de reprise par greffage a atteint 95,8 % pour les meilleures combinaisons.


Mots clés: Arganier, Argania spinosa, multiplication végétative, bouturage, greffage.


 

INTRODUCTION

L’arganier (Argania spinosa L. skeels) est une espèce forestière endémique qui occupe une superficie d’environ 952.200 ha au sud-ouest supérieur marocain (Lefhaili, 2014). En dehors de ce peuplement, l’arganier est aussiprésent dans la haute vallée de l’Oued Grou, au sud-est de Rabat et sur le versant méditerranéen du massif montagneux des Beni Snassen, au nord d’Oujda (Emberger, 1925). Il est aussi trouvé dans la région de Tindouf en Algérie où cette essence couvre environ 3.000 ha (Kaabèche et al., 2010).

L’arganier est un arbre à usages multiples ;ses feuilles et la pulpe de son fruit sont utilisées pour l’alimentation du bétail spécialement les caprins et son bois de qualité supérieure dans la menuiserie et comme combustible (M’Hrirt et al., 1988; Prendergast et Walker, 1992). Cependant, le principal produit de cet arbre reste son huile, dérivée de ses amandes, très prisée pour ses usages médicales, cosmétiques et alimentaires (Lybbert et al., 2011).

Actuellement, les plants d’arganier, principalement multipliés par semis, sont destinés à la foresterie. Cette méthode de multiplication favorise la diversification du patrimoine génétique et entraîne une grande variabilité génétique, vu l’allogamie de l’espèce(Nerd et al., 1998). Les plants issus de semis nécessitent environ ‎sept ans avant d’entrer en production. Cette ‎méthode de ‎multiplication, ne présentant pas les mêmes avantages que la multiplication végétative, n’est ‎pas adaptée pour ‎l’établissement de vergers d’arganiculture. ‎La multiplication végétative,produisant des plants identiques au plant mère avec quasiment pas de période de juvénilité, reste la méthode la plus adéquate à l’installation de vergers de production et à la sauvegarde du patrimoine génétique menacé de disparition.

Les premiers essaies de multiplication végétative rapportés sur l’arganier datent des années 70 et ont porté sur le bouturage (Platteborze, 1976; El Mazzoudi et Errafia, 1977 ). Encore peu maîtrisé à l’époque, les taux de réussite atteignaient à peine 16%.D’autres travaux ont été entrepris sur la multiplication par bouturage (Kaaya, 1998; Harrouni, 2002; Alouani, 2003), greffage (Mokhtari, 2002; Mokhtari et al., 2011) et marcottage (Bouiche, 2008).Les résultats acquis sur le bouturage des rameaux d’arbres adultes, montrent que les meilleurs rendements sont obtenus sous serre contrôlée (chauffage de fond, système de réfrigération par évaporation d’eau, système de nébulisation) et un traitement à l’acide β-indole butyrique (AIB). Sous ces conditions, les taux de réussite ont dépassé les 60%. Ces travaux ont mis en évidence un effet significatif du génotype sur les taux d’enracinement en plus de la pourriture des explants qui impacte directement le niveau du rendement de la technique.

Le greffage chez l’arganier consiste à réunir entre les performances du greffon et les avantages racinaires du porte-greffe. Cette technique de multiplication est considérée réussie quand le contact entre les tissus vasculaires des deux symbiotes est établi (Mokhtari, 2002). Jusqu’à maintenant, le greffage donne les meilleurs rendements sur l’arganier; son taux de réussite peut dépasser les 90%. La méthode de greffage en fente simple est la plus adaptée à la multiplication de l’arganier; toutefois,l’effet interaction greffon/porte-greffe constitue encore une limitation à la technique (Mokhtari, 2002; Mokhtari et al., 2011; Taoufiq et al., 2011).

Le présent travail a pour premier objectif d’étudier l’effet du génotype et de deux sources de calcium sur la réussite du bouturage. En effet, le calcium est un élément minéral connu par son activité stimulatrice d’enracinement et son rôle structural sur les tissus de végétaux (Eliasson, 1978; Bellamine et al., 1998). Cette étude a aussi pour but d’étudier l’effet du génotype du greffon et celui du porte-greffe sur la réussite du greffage chez l’Arganier, et en troisième lieu de comparer entre les deux techniques de multiplication végétative et proposer celle la plus performante pour la production rapide de plants vigoureux de génotypes sélectionnés destinés à la filière « arganicole ».

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Matériel végétal

Les accessions utilisées dans les expérimentations de multiplication végétative sont issues d’arbres sélectionnés dans la réserve d’Admine du complexe horticole d’Agadir, au Sud-Est de la ville d’Agadir à 2,5 Km d’Ait Melloul (9°28’35’’W, 30°21’58’’N,Figure 1). Cette réserve s’étend sur 28 ha et a été protégée depuis plus de 30 années. La pluviométrie annuelle moyenne dans la région est de 300 mm (2000-2014). La température maximale varie de 19°C et 37°C et celle minimale varie de 6°C à 21°C. Occasionnellement, la région connaît des vents chergui qui peuvent faire augmenter la température au-dessus de 40 °C.

Figure 1: Zone d’étude

Les arbres d’arganier utilisés comme matériel végétal ont été sélectionnés dans le cadre d’un autre travail de caractérisation et de sélection en cours, et choisis également pour la disponibilité de rameaux de l’année lors de l’installation de essais (Tableau 1).

Essai bouturage

Le matériel utilisé est constitué de boutures sur bois tendre, prélevées sur des rameaux encore verts de l’année le mois de Mai, en début du stade durcissement.

Les boutures étaient d’une longueur de 8 à 12 cm ; celles-ci ont été d’abord trempées dans une poudre d’acide indole butyrique (AIB) à 1%, ensuite transplantées dans un substrat constitué d’un mélange à 70 % de tourbe et 30 % de perlite avant d’être placées pendant 4 mois sous serre sous un système de nébulisation intermittente. A l’intérieur de la serre, les températures ‎enregistrées fluctuaient entre un minima de 23 °C et un maxima de 32 °C; l’humidité relative s’est située entre 70 et 90% et atteignait 100 % pendant le déclenchement de la nébulisation.

L’effet de deux sources de calcium sur l’enracinement et le taux de pourriture a été étudié. Pour cela, un tiers des boutures a été traité au chlorure de Calcium (CaCl2) à 0,2 %, le 2ème tiers au nitrate de calcium (Ca(NO3)2) à 2% et le dernier tiers a été gardé comme témoin. Les traitements ont été appliqués à 3 reprises par arrosage à 15 jours d’intervalle.

Le dispositif expérimental adopté est un split-plot à 4 blocs où les traitements sont affectés aux grandes parcelles et les génotypes aux petites parcelles. Le nombre de boutures par combinaison génotype x traitement a été de 24, soit un nombre total de 288 boutures.

Les observations ont porté sur le nombre de boutures présentant une pourriture, le nombre de boutures ayant développé un cal, celles ayant formé des racines, et celles étant resté dormantes. Sur les boutures enracinées, le nombre de racines et la présence de ramification ont été notés.

Essai greffage

Les greffons employés,de 3,5 à 7,5 cm de longueur, ont été prélevés sur des rameaux semi-herbacés de l’année.

Les porte-greffes ont été issus de semis de graines d’arganier récoltées la même saison sur quatre génotypes différents au niveau de la réserve (Tableau 2). Les arbres semenciers ont été sélectionnés selon 2 critères, la densité de fruits sur l’arbre et la faculté germinative. Les graines des porte-greffes ont été mises en germination 1 mois avant greffage.

Tableau 2: Liste des porte-greffes

Code Pied mère Coordonnées du pied mère

Latitude Longitude

PG1 Z1B5a 30°21’15.04”N 9°28’31.86”O

PG2 Z1B6a 30°21’14.33”N 9°28’33.23”O

PG3 Z1B8a 30°21’12.30”N 9°28’35.86”O

PG14 Z1C6a 30°21’13.01”N 9°28’33.14”O

La technique de greffage utilisée est en fente apicale simple, avec maintien d’un cotylédon du porte-greffe qui sert de tire-sève. Les plants greffés ont été ensuite transplantés dans un substrat à 100% de tourbe puis installés sous un mini tunnel afin de maintenir une humidité ambiante saturante, une luminosité inférieure à 500 Lux, et une température moyenne de 22°C. Après 3 jours, toujours sous mini tunnel, les plants sont soumis pendant 7 jours à une intensité lumineuse croissante de 500 à 1000 Lux, durée de la 1ère phase d’acclimatation. Lors de la 2ème phase d’acclimatation, l’intensité lumineuse a été augmentée graduellement à 2800 Lux, jusqu’à l’exposition directe à la lumière du jour et aux conditions ambiantes. L’humidité relative est aussi parallèlement diminuée progressivement jusqu’à celle du laboratoire où la température moyenne est de 23°C (19,6 à 24,9°C) et l’humidité relative moyenne de 81% (50 à 96 %).

Le dispositif expérimental adopté pour l’essai de greffage est complètement aléatoire (DCA) à deux facteurs fixes, le génotype des porte-greffes au nombre de 4 et le génotype des greffons au nombre de 3. Pour chaque combinaison,4 unités expérimentales ont été installées à raison de 6 plants par unité expérimentale, soit un nombre total de 288 plants greffés.

Les observations ont été prises 7, 15 et 30 jours après le greffage et ont porté sur les nombres de plants portant une pourriture, desséchés, ayant émis des bourgeons et ceux ayant fait chuter leurs feuilles et également sur la croissance des bourgeons et le temps moyen d’émission de bourgeons.

La croissance des bourgeons a été évaluée à travers l’élongation moyenne des bourgeons émis alors que le calcul du temps moyen d’émission des bourgeon sa été calculé à l’aide de la formule suivante:

TME=

N0: Nombre initial de bourgeons

Ni: Nombre de bourgeons émis entre le temps Ti et Ti-1

Nt: Nombre de bourgeons total

T0: Temps initial

TME: Temps moyen d’émission des pousses (jours)

Analyses statistiques

Les moyennes et les écart-types ont été calculés pour toutes les variables collectées sur les essais greffage et bouturage. Des analyses de variance à deux facteurs adaptés aux dispositifs expérimentaux suivis ont été effectuées à l’aide du logiciel Minitab 17.1.0.

RÉSULTATS

Essai bouturage

Après le bouturage des rameaux, les premières racines sont apparues après 30 jours. A quatre mois, une différence très hautement significative (P<0,01) du pourcentage d’enracinement a été observée entre les génotypes et entre les traitements. Un effet interaction (traitement x génotype) a aussi été mis en évidence montrant que les traitements avaient des effets différents sur l’enracinement des génotypes (Tableau 3).

Certaines boutures n’ont pas initié de racines et n’ont formé que des cals. L’analyse de la variance du critère formation de cals n’a montré aucune différence significative entre les traitements et l’absence d’effet interaction traitement x génotype, seul un effet génotype très hautement significatif a été détecté (Tableau 3).

Les effets traitements et sources de calcium sur le pourcentage d’enracinement et la formation de cals chez les 4 génotypes d’arganier étudiés sont illustrés sur la Figure 2.

Le taux enracinement du génotype Z3B4b a nettement dépassé ceux des trois autres génotypes et ceci pour les trois traitements; celui-ci s’est situé entre 33 et 67%. Le génotype Z1B6a a été classé en 2ème position avec 12 à 17% d’enracinement et les génotypes Z3A1a et Z1E6a ont présenté des taux d’enracinement pratiquement nuls (Figure 2).

La formation de cals n’a été importante que chez le génotype Z1B6a; elle s’est située entre 20,8 et 41,7% pour respectivement les traitements CaCl2 et Ca(NO3)2. Le génotype Z3A a formé très peu de cals (8,3 et 4,2 %) en présence du Ca(NO3)2 et CaCl2. Les deux autres génotypes n’ont pratiquement pas développé de cals(Figure 2).

Le nombre de racines formées par bouture et la présence de ramifications sont rapportés dans le Tableau 4.

Le génotype et le traitement ont eu un effet significatif sur la formation de racines et leur ramification. Le nombre de racines produites a atteint un maximum de 9 chez le génotype Z3B4b sous le traitement témoin, alors qu’il a été de zéro chez le génotype Z3A1a pour les 3 traitements testés et chez Z1E6a pour le traitement au Ca(NO3)2 et le témoin. Le traitement témoin serait le plus favorable à la formation de racines. La ramification des racines n’a été observée que chez le génotype Z1B6a.

Parmi les boutures non enracinées, ‎un nombre important présentait des pourritures. Ce nombre a augmenté avec la durée de l’expérimentation. L’analyse de la variance a montré l’existence de différences très hautement significatives entre les traitements et entre les génotypes, et également l’existence d’un effet interaction significatif entre les deux facteurs étudiés (Tableau 5).

Tableau 5: Analyse de la variance du pourcentage de pourriture des explants

Source DL F-Obs Contribution %

Traitement 2 43,12*** 9,95

Bloc 3 3,53 1,22

T x Bloc 6 0,44 0,69

Génotype 3 95,7*** 75,00

T x G 6 3,88*** 6,08

Erreur 27 7,05

T: Traitement, G: Génotype, DL: Degré de liberté

*** Significatif à un niveau de probabilité de 0,001

La Figure 3 rapporte les pourcentages de boutures non enracinées sains et celles pourries après 4 mois du bouturage selon les génotypes et les traitements.

Parmi les quatre génotypes étudiés, Z1E6a a été le plus touché par la pourriture; son taux moyen d’infection, tous traitements confondus, a été de 83,3 %.Les trois autres génotypes n’ont été infectés qu’à environ un tiers (Figure 3). La Figure 3 met aussi en évidence la récalcitrance à l’enracinement du génotype Z3A1a, qui même indemne de pourritures (65,3 % en moyenne) n’a pas formé de racines.

Le traitement au CaCl2 a permis de réduire l’infection de 29,2 et 16,7 % par rapport au témoin chez respectivement les génotypes Z1E6a et Z1B6a, alors qu’il n’a pas eu d’effet significatif sur les deux autres génotypes. Le Ca(NO3)2 par contre,n’a pas eu d’effet significatif sur les deux 1ers génotypes,Z1B6a et Z1E6a, et une influence négative favorisant le développement de pourriture sur les deux autres (16,7 % et 20,8%) (Figure 3).

Essai greffage

Une semaine après l’installation de l’essai, l’émission des premiers bourgeons a été initiée chez 22,9% des plants greffés, ce qui a été une indication de la réussite du greffage. Le meilleur taux d’émission des bourgeons (31,9 %) a été obtenu avec la combinaison Z1B6a/PG3, suivi en 2ème lieu par la combinaison Z3A1a/PG2 (29,6 %)dont 19,05% présentaient des pourritures (Figure 4). Sur le porte-greffe PG2, la reprise des greffons du génotype Z1B6a a été des plus faibles(15,7 %) et aucune pourriture ou dessèchement n’a été noté (Figure 4).

Un mois après le greffage, des effets hautement significatifs du génotype du greffon, et très hautement significatifs de l’interaction porte-greffe x greffon ont été trouvés. Le porte-greffe semble par contre ne pas avoir d’influence sur le taux de reprise des greffons (Tableau 6).

Concernant la pourriture du bourrelet de greffe, l’analyse de la variance a mis en évidence des effets significatifs (P<0,05) des porte-greffes, des greffons, et de leur interaction (Tableau 6).

Le taux de réussite du greffage par combinaison greffon/porte-greffe (G/PG) est illustré sur la Figure 5. Les associations Z1B6a/PG2 et Z3A1a/PG1 dévoilent les taux de réussite les plus élevés (95,8 %). En 2ème lieu, suit la combinaison Z3A1a/PG3 avec 91,7 % de réussite. Le plus faible taux de reprise atteint (45,8 %) a été celui de la combinaison Z1B6a/PG1.

L’influence du génotype du greffon a clairement été mise en évidence. Le génotype Z3A1a a présenté un taux moyen de reprise tous porte-greffes confondus de 81,2 %, suivi de Z1E6a et Z1B6a avec des pourcentages moyens respectifs de 74,0 % et 63,5 %.

A côté du critère taux de réussite du greffage, le nombre de feuilles formées et leur taille permettent de mieux estimer la vigueur des plants greffés.

Le nombre et la longueur des feuilles des bourgeons axillaires émis par combinaison G/PG sont illustrés sur la Figure 6. Le nombre moyen de feuilles a oscillé entre 5,6 et 11,7 chez respectivement les traitements Z3B6a/PG14 et Z1A1a/PG14 (Figure 6). D’autre part, la longueur moyenne des feuilles a varié de 0,90 à 1,96 cm chez respectivement les associations génotypiques Z3B6a/PG1 et Z1A1a /PG14.

L’ANOVA à deux facteurs de classification du nombre moyen feuilles formées et de leur longueur n’a pas mis en évidence d’effet porte-greffe, ni du greffon ou de l’interaction.

La Figure 7 illustre la vitesse d’émission des bourgeons ‎chez les greffons. La durée moyenne était entre 16,4 jours pour la combinaison Z1B6a/PG1 et 24,7 jours pour Z1E6a/PG14.

En comparant entre les génotypes du greffon, Z1B6a a présenté le temps moyen d’émission de bourgeons le plus court avec une moyenne de 18 jours ;d’autre part, le génotype Z1E6a a été le plus tardif à former des bourgeons, ça lui a pris en moyenne 23 jours.

DISCUSSION

Les résultats obtenus à partir des essais de bouturage et de greffage confirment l’utilité de ces deux techniques pour la multiplication végétative de l’arganier. Les pourcentages d’enracinement atteints lors des essais de bouturage, restent approximativement de même ordre que ceux rapportés par d’autres auteurs (Kaaya, 1998; Harrouni, 2002; Alouani, 2003; Ferradous et al., 2011). Les taux d’enracinement, de production de cal et de pourriture dépendraient principalement du génotype. En effet, le facteur génotype a contribué de plus de 75% à la variabilité totale. Le génotype Z3B4b a présenté le pourcentage d’enracinement le plus élevé, Z1B6a a formé le plus de cal et Z1E6a a été le plus affecté par la pourriture. Le génotype Z3A1a est resté dormant pendant les 4 mois de l’étude en formant seulement quelques cals.

Ces différences comportementales entre les génotypes seraient dues soit aux propriétés intrinsèques de chaque génotype, soit à leur état physiologique. Des effets similaires ont été rapportées chez l’arganier multiplié par bouturage (Harrouni, 2002) et marcottage (Bouiche, 2008), et chez d’autres espèces ligneuses propagées par bouturage (Preece et al., 1991; Pérez-Tornero et Burgos, 2000; Awan et al., 2012). Selon ces auteurs, l’aptitude d’enracinement serait plus liée au génotype qu’à autres facteurs. Cette variabilité entre génotypes aurait aussi comme cause des différences de l’équilibre hormonal interne; certains génotypes seraient sans doute carencés en auxines endogènes, en cofacteurs d’auxines ou en enzymes responsables de la synthèse des complexes auxino-phénoliques ou leurs activateurs. Cette déficience auxinique peut être aussi causée par la présence d’inhibiteurs ou d’enzymes responsables de l’oxydation ou de la dégradation des auxines ou de leurs cofacteurs (Leakey, 1985).

Ces différences d’aptitude génotypique dues à l’état physiologique, peuvent être vérifiées en entreprenant des expérimentations à des périodes et des saisons différentes. Des tests d’enracinement sous des conditions contrôlées à différentes concentrations d’AIB, couplés avec des analyses de teneurs d’hormones endogènes, devraient aider à déterminer la concentration optimale à la rhizogénèse pour chaque génotype.

Le contrôle de la pourriture constitue une deuxième contrainte à la multiplication de l’arganier. Bakry et al. (2009) a rapporté que l’infection des boutures est causée par Pestalotiopsis clavispora. Cet ascomycète entretient une relation opportuniste et endophyte avec son hôte et est transmis aux boutures à travers un pied mère déjà infecté. La virulence de P. clavispora augmente considérablement avec le niveau de stress auquel sont exposées les boutures pendant l’essai et les conditions environnementales à l’intérieur de la serre, normalement favorables au développement fongique. Un traitement préalable des plants mères avant le prélèvement des boutures, suivi de traitements antifongiques tout au long de la période de multiplication seraient nécessaire pour contrôler l’infection.

L’apport de calcium n’a apporté aucune‎ amélioration à l’enracinement des boutures des génotypes testés d’arganier. Au contraire, les meilleurs ‎pourcentages d’enracinement ont été obtenus avec le témoin, ce qui est totalement opposé aux résultats rapportés sur d’autres espèces (Eliasson, 1978; Bellamine et al., 1998). Le calcium est un élément minéral non toxique aux plantes (Marschner, 1995); son effet négatif sur les boutures d’arganier peut être attribué en partie à l’augmentation de la concentration en sels solubles de la solution de culture, ce qui aurait perturbé l’absorption d’eau à cause de l’osmose inverse. L’ion Cl- par contre, dont la concentration atteignait 36 mM dans le cas du traitement au CaCl2, aurait pu avoir sur les boutures un effet de toxicité.

Le pouvoir désinfectant du traitement au calcium s’est révélé dépendre fortement du génotype. En effet, chez les génotypes Z1B6a et Z1E6a, le traitement au CaCl2 a permis de réduire significativement le taux de mortalité des boutures. Le calcium aurait un rôle de protection de l’intégrité des parois cellulaires et un effet positif sur l’amélioration du niveau de résistance aux stress biotiques (White et Broadley, 2003).

Contrairement à l’effet très prononcé du génotype sur le bouturage, le greffage dépend peu du génotype du greffon (seulement 12% de la variabilité totale) et apparemment pas de celui du porte-greffe. L’absence d’influence du PG et l’importance de la variabilité résiduelle seraient dues à la constitution génétique des porte-greffes utilisés. Étant issus d’un même arbre et d’une espèce allogame, les graines n’ont qu’environ 25% de leurs allèles en commun (Nerd et al., 1998). L’influence du génotype du greffon, bien qu’apparente, est dominée par l’effet de l’interaction GxPG qui montre que le taux de reprise dépend plus de la combinaison G/PG que du génotype du greffon. La rapidité d’émission des bourgeons a été optimale avec le greffon Z1B6a. Le temps d’émission représenterait en effet la capacité d’établissement des structures de transit entre greffon et porte greffe qui permettent le transport actif de l’eau et des éléments minéraux (sève) vers les sites de croissance, les méristèmes. Une capacité qui serait aussi liée à la taille et au nombre des vaisseaux du greffon.

La comparaison entre les deux techniques de multiplication végétative montre que la variabilité génétique de l’arganier constitue une contrainte majeure à sa multiplication par bouturage. Il s’avère difficile de mettre au point un seul milieu d’enracinement optimal pour les différents génotypes. Ce type de contrainte est fréquent chez les espèces ligneuses pour lesquelles il est souvent nécessaire d’adapter les ‎conditions nutritionnelles et celles du microclimat en fonction des exigences de chaque clone (Pérez-Tornero et Burgos, 2000). Cette contrainte peut cependant être surmontée en grande partie par le greffage, technique plus rapide et dont le rendement est peu influencé par le génotype des greffons. La technique de greffage présente cependant l’inconvénient d’apparition d’une hétérogénéité entre plants greffés à cause de la grande variabilité génétique entre les porte-greffes. Le contrôle de la pollinisation des arbres semenciers et l’étude plus approfondie de l’effet à long terme du porte-greffe sur la performance des plants devraient atténuer les hétérogénéités induites par les porte-greffes.

CONCLUSION

La présente étude a montré que la technique de greffage serait mieux adaptée que le bouturage pour la production de plants d’arganier de qualité, vu son rendement élevé et son délai de production. En effet, l’opération de greffage et l’acclimatation des plants durent qu’environ 1 mois. Malgré les quelques difficultés techniques et l’obligation de tenir compte de la compatibilité greffon/porte greffe, la technique de greffage reste à l’heure actuelle la plus recommandée pour la production de plants de qualité nécessaires à l’installation de vergers intensifs d’arganier.

L’effet déterminant du génotype dans le cas du bouturage, nécessite l’évaluation de l’aptitude à l’enracinement d’arbres d’intérêt économique et écologique, avant d’entamer leur multiplication à grande échelle. Des études plus approfondies sur l’interaction génotype d’arganier et type d’auxine et teneurs devraient être entreprises. L’apport du calcium n’a pas permis de dégager d’effet bénéfique sur le bouturage, ceci est probablement à cause d’un surdosage. Il serait donc nécessaire de prospecter cet aspect en testant différentes concentrations et d’autres sources de calcium avant des tirer des conclusions.

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