Résumé

Le PPP reste un mode de gestion courant dans le monde, notamment dans les secteurs du transport, des services publics et des équipements collectifs. Les intérêts de ce mode de partenariat résident dans le financement hors budget pour le partenaire public, le taux de rentabilité élevé pour le partenaire privé, les délais de réalisation réduits des projets inscrits dans le cadre de ce mode de collaboration et dans la disponibilité et la qualité du service public fourni. La théorie économique voit dans les PPP des avan-tages et inconvénients liés non seulement au partenariat, mais aussi à la nature de la relation public-privée qui est considérée comme une relation particulière. Dans cet article, nous analysons, dans une première partie, les principaux fondements théoriques dans lesquels s’insèrent le Partenariat Public-Privé (PPP) et nous présentons les hypothèses et les principes de chaque courant théorique. Dans la deuxième partie du présent article, nous présentons une analyse économique de ce mode de partenariat tout en présentant ses avantage, ses inconvénients et les pistes potentiels pour faire face aux limites de cette approche partenariale.
Mots clés: Partenariat Public-Privé, Fondement théorique du PPP, Analyse économique du PPP.

INTRODUCTION

Le Partenariat Public-Privé (PPP) est défini comme étant un concept de gestion permettant à l’État de confier à une société privée la conception, le financement, la construction, la gestion et la maintenance d’un équipement public pendant une longue durée limitée qui dépend, souvent, de la durée d’amortissement des infrastructures et des modalités de financement.

Le Partenariat Public-Privé reste un des outils dont les décideurs et les autorités publiques disposent pour encourager l’accroissement des investissements en infrastructure tout en faisant face aux contraintes budgétaires.

Par le passé, le financement, la construction, la propriété et l’exploitation des infrastructures relevaient exclusivement du secteur public. Actuellement, et vu que de nombreux gouvernements n’ont plus les moyens d’exercer ce rôle et d’assumer cette responsabilité, les PPP apparaissent désormais comme une solution de rechange qui peut offrir, parfois, des avantages par rapport aux modes de réalisation classiques.

Les PPP restent des modes de gestion courants dans le monde, notamment dans les secteurs du transport, des services publics et des équipements collectifs. En agriculture, le développement récent des PPP en irrigation répond à des besoins différents en terme d’accélération du rythme des investissements, de soustraction aux problèmes récurrents de gestion non durable des grands périmètres collectifs et de création des conditions favorables du développement de l’agriculture.

Les intérêts de ce mode de partenariat résident dans le financement hors budget pour le partenaire public, le taux de rentabilité élevé pour le partenaire privé, les délais de réalisation réduits des projets inscrits dans le cadre de ce mode de collaboration et dans la disponibilité et la qualité du service public fourni. Le PPP permet d’atteindre un optimum de chaque partie prenante du projet réalisé dans ce cadre: un optimum socio-économique pour le partenaire public, une rentabilité financière pour le partenaire privé et une redevance acceptable pour le consommateur du service fourni.

Les principaux fondements théoriques des Partenariats Publique-Privé peuvent être résumées dans quatre approches théoriques majeures: la théorie des coûts de transaction, la théorie de l’agence, la théorie des contrats incomplets et la théorie des droits de propriété.

Aussi, il est également important de signaler que la théorie économique voit dans les PPP des avantages et inconvénients liés non seulement au partenariat, mais aussi à la nature de la relation public-privée qui est considérée comme une relation particulière. C’est sous cet angle qu’on va essayer d’analyser les partenariats et d’étudier leurs avantages et limites, en les considérant d’abord comme une décision d’externalisation de la part de l’État.

MÉTHODOLOGIE

L’objectif de cet article est de présenter une revue de littérature sur les Partenariats Public-Privé. Le présent travail reste un produit d’analyse des différents articles et livres qui traitent la question du partenariat public-privé. Nous présenterons dans un premier temps les fondements théoriques du PPP tout en présentant les courants théoriques majeurs dans lesquels s’insèrent ce mode de collaboration, et nous présentons, dans une deuxième partie, une analyse économique des partenariats sous l’angle de leurs avantages et leurs inconvénients.

RÉSULTATS

Fondement théorique des Partenariats Public-Privé

La théorie des coûts de transaction (TCT)

Sachant que le PPP, qui donne généralement lieu à une contractualisation de long terme, peut s’inscrire dans une définition globale des accords d’association et de coopération. Dans ce cadre, différentes approches d’analyse peuvent être proposées, en particulier celles relatives aux accords de coopération et basées sur la théorie des coûts de transaction.

Le concept de coût de transaction apparaît dès 1937 dans un article de Ronald Coase, mais c’est Olivier Williamson le père fondateur de ce courant théorique. La théorie des coûts de transaction (TCT), développée par Williamson en 1973, est basé sur les hypothèses des axiomes comportementaux ou des caractéristiques comportementales (la rationalité limitée et l’opportunisme), les attributs des transactions (la spécificité des actifs et la fréquence), et les caractéristiques de l’environnement (l’incertitude).

Rationalité limitée et Opportunisme

La rationalité limitée a été développée par Simon en 1947, et elle consiste à l’incapacité à être totalement informé et à comprendre et prévoir les réactions des différents partenaires. Ce concept est exactement le même qui a été repris par Williamson.

Quant à l’hypothèse de l’opportunisme, elle a été apportée pour la première fois par Alchian et Demsetz (1972) et repris par Williamson (1975). Ce concept illustre la volonté des différentes parties d’agir dans leur propre intérêt tout en trompant éventuellement, et d’une façon volontaire, les autres parties contractantes. Williamson distingue l’opportunisme ex ante, qui traduit une volonté de tromper son partenaire et l’opportunisme ex post, qui se limite à profiter des espaces de flou laissé par le contrat pour adopter une attitude honnête, mais non équitable (appropriation d’une plus grande partie du profit au détriment du contractant).

La rationalité limitée et l’opportunisme engendrent une asymétrie de l’information entre les différentes parties prenantes d’un projet. Pour le Partenariat Public-Privé, une partie de l’information pourra bien être détenue par le partenaire publique (État ou collectivité) sans être partagée avec le partenaire privé pour une raison quelconque. Le partage et le transfert des informations entres les deux partenaires entraîne un coût.

La présence simultanée potentielle de ces deux hypothèses comportementales justifie le recours à l’organisation contractuelle pour tout échange économique.

Spécificité des actifs

La spécificité des actifs est un concept qui a donné lieu à plusieurs travaux empiriques (Klein et Shelanski,1995, Masten,1996). Un actif est dit spécifique, lorsqu’un agent économique y aura investi d’une manière volontaire pour une transaction précise et qu’il ne pourra pas être redéployée pour une autre transaction sans un coût supplémentaire.

‘’Le concept de spécificité des actifs est particulièrement important puisqu’il influence de façon très substantielle les coûts de transaction mais également la nature du produit et de la technologie qui feront l’objet de la transaction. La spécificité des actifs influence donc le résultat des transactions en termes de choix stratégiques et des coûts de production. Plus les actifs seront spécifiques à une transaction entre deux partenaires, plus l’un et l’autre seront prêts à faire des investissements importants qui permettront des choix technologiques d’avant-garde et donc des économies d’échelle et de champ’’ (Ghertman, 1994).

Les lourdes infrastructures publiques réalisées dans le cadre du PPP, sont, dans leur grande majorité, marquées par un niveau élevé de spécificité.

Selon Williamson (1985), la nécessité de développer des actifs spécifiques pour gérer une transaction a pour conséquence directe le passage d’une situation concurrentielle à une situation de dépendance bilatérale entre les parties.

Williamson a déterminé plusieurs formes de spécificité des actifs considérées comme une provenance du caractère non redéployable des investissements, à savoir: la spécificité du site (la localisation des investissements), la spécificité physique (les caractéristiques physiques des investissements), la spécificité dédiée (la taille du marché), la spécificité humaine (les moyens humains spécialisés et nécessaires à la transaction), la spécificité du marque (l’identification des investissements à une marque) et la spécificité temporelle (le besoin de synchronisation que les investissements nécessitent).

Fréquence

La fréquence d’une transaction peut justifier la raison de mettre en place des processus particuliers qui seront rentabilisés sur le nombre des transactions. A titre d’exemple, et dans le cas des projets inscrits dans le cadre du Partenariat Public-Privé, la fréquence des transactions représente le nombre d’usagers faisant appel à une prestation fournie et ayant pour support l’infrastructure, objet de la transaction (Zertiti, 2006).

La construction d’infrastructures publique est toujours destinée à usage intensif et donc à une haute fréquence d’utilisation.

Incertitude

Vu la complexité et l’incertitude de l‘environnement, il reste pratiquement impossible de définir à l’avance l’évolution de l’ensemble des facteurs conditionnant l’avenir. Ce caractère ouvre la voie à l’incomplétude des contrats, propice au développement de l’opportunisme.

On distingue deux types d’incertitude: (1) l’incertitude naturelle indésirable par les différentes parties du projet ou de la transaction et qui est induite par la rationalité des agents économiques (qui essayent, d’une manière volontaire, d’éviter de se prononcer sur toute l’information existante) et (2) l’incertitude comportementale qui est considérée comme un résultat du comportement de l’opportunisme d’une ou de toutes les parties.

L’incertitude porte principalement sur l’évolution des marchés, sur le changement institutionnel, juridique, politico-social et technologique ou bien sur le comportement futur des différentes parties prenantes du contrat qui pourra être totalement différent de celui du présent soit à cause d’un changement comportemental ou bien de la complexité de l’objet de transaction.

Sur la base des caractéristiques et des hypothèses de cette théorie, le défi est de trouver la forme organisationnelle la plus adaptée permettant de limiter les coûts de transaction. Pour Williamson, l’entreprise, considérée comme un système contractuel très particulier, est un ‘’arrangement institutionnel’’ inscrit dans un cadre hiérarchique qui donne la possibilité à la direction générale de l’entreprise de prendre des décisions afin de limiter tous les risques d’opportunisme en cas de survenances des événements non mentionnés dans le contrat.

L’analyse de la théorie des coûts de transaction peut être résumée par le tableau suivant:

• Le contrat classique: ou le ‘’Marché’’, c’est un contrat d’une durée limitée avec un objet délimité et précis, caractérisé par l’absence d’incertitude.

• Le contrat avec arbitrage: il correspond à un contrat de long terme, ce qui justifie l’impossibilité de son déroulement sur le marché, et par conséquent il est soumis à une forte incertitude. La longue durée de ce type des contrats peut provoquer des comportements opportunistes et des conflits d’intérêt.

• Le contrat bilatéral: c’est un contrat élaboré entre des parties autonomes (contrat de sous-traitance).

• L’internalisation: L’entreprise privée reste le mode de coordination le plus adapté pour ce type de contrat qui se distingue du contrat bilatéral par le degré d’incertitude (l’internalisation est caractérisé par un degré d’incertitude très élevé).

Dans le cas des PPP, le caractère d’incertitude est beaucoup plus aggravé vu la durée des contrats qui peut être particulièrement longue. En effet, plus le niveau d’incertitude est élevé, plus l’internalisation est recommandée.

La théorie de l’agence

Selon Jensen et Meckling (1976), il existe une relation d’agence lorsqu’une personne (le principal) a recours aux services d’une autre personne (l’agent) en vu d’accomplir en son nom une tâche quelconque qui implique une délégation d’un certain pouvoir à l’agent.

En effet, toute relation contractuelle peut être considérée comme une relation d’agence. Ce type de relation, de part sa nature, pose problème du fait de la divergence d’intérêt et de l’asymétrie d’information entre les deux parties contractantes, ce qui engendrent des coûts de l’agence.

Selon Jensen (1998), la théorie de l’agence repose sur deux hypothèse comportementales: les contractants cherchent à maximiser leur utilité et ils sont susceptibles de tirer profit de l’incomplétude des contrats.

Concernant la première hypothèse relative à la maximisation de l’utilité, les parties contractantes possèdent des fonctions d’utilité différentes et agissent de façon à maximiser leur utilité respective. Cette situation pousse à avoir une divergence d’intérêts accentuée par la différence des risques encourus. Le principal peut perdre ses apports et l’agent encours le risque de perdre son emploi et sa valeur sur le marché de travail.

Quant à la deuxième hypothèse, l’asymétrie de l’information associée à la divergence des intérêts créent le problème de l’agence. S’il n’existe pas un problème d’asymétrie d’information, les conflits d’intérêts entre les deux acteurs (agent et principal) restent des conflits potentiels à surmonter vu que le principal estime l’agent mieux placé que lui pour gérer son bien. De même, l’asymétrie de l’information ne posera pas de problème vu que l’agent choisira son action en accord avec le principal.

Chaque situation demandant un effort de coopération entre les deux parties contractantes donne lieu à des coûts d’agence. Dans chaque relation d’agence, le principal et l’agent subissent trois types de coûts (Jensen et Meckling, 1976): (1) les coûts de surveillance supportés par le principal pour faire face et limiter le comportement d’opportunisme de l’agent et les coûts d’incitations engagés par le principal pour orienter le comportement de l’agent; (2) les coûts d’obligation ou de motivation que l’agent engage pour mettre le principal en confiance et (3) les coûts d’opportunité qui s’assimile à la perte d’utilité subie par le principal suite à une mauvaise gestion de l’agent.

L’existence des coûts d’agence entraînera des calculs afin d’évaluer le degré d’intérêt de la relation principal-agent. La délégation de la gestion des droits de propriété génère un coût de surveillance (S) pour le principal et une perte résiduelle (R), liée à l’opportunisme de l’agent. Le revenu du principal (dans le cas d’une entreprise par exemple) peut s’exprimer par: P-S-R où P est le profit de l’entreprise en cas de gestion direct (sans un coût d’agence). L’agent, ayant une rémunération W, dépense des coûts d’obligation pour une bonne exécution du contrat. L’agent peut avoir une rémunération supplémentaire R* en cas d’une gestion opportuniste qui est égale à une perte résiduelle du principal. Par conséquent, le revenu de l’agent est W+R*-O (où O est le coût d’obligation).

Les Partenariats Public-Privé peuvent être analysés selon cette théorie (Cahuc, 1993). Le contrat de partenariat est une relation de type ‘’Principal-Agent’’ dont le principal est le partenaire public et l’agent est le partenaire privé. Le partenaire public se trouve obligé de faire face à une asymétrie d’information en deux phases vis-à-vis des sociétés privées. La première, il fait face à un problème ‘’d’anti-sélection’’ traduit par la difficulté de choisir les entreprises les plus performantes. La deuxième est relative à l’ombrage du comportement des entreprises privées, ce qui crée un problème de l’aléa moral (le partenaire public trouve des difficultés à déterminer si le partenaire privé met tous les efforts et les moyens nécessaires pour réussir à offrir un meilleur service avec le coût le moins élevé possible.

La théorie des droits de propriété

Le point de départ de la théorie des droits de propriété consiste à considérer que tout échange entre agents peut être considéré comme un échange de droits de propriété sur des objets. Le droit de propriété permet de faire ce que l’on veut avec la chose objet de ce droit.

La théorie des droits de propriété a vu le jour au début des années soixante en vue de montrer la supériorité du système privé sur toutes les autres formes de propriété collective. Le fondement économique de cette théorie réside dans l’idée que tout échange entre agents peut être considéré comme un échange de droits de propriété sur des objets (Nellis, 1999).

Cette théorie est rattachée à l’économie des contrats et à l’analyse économique du droit. Elle se trouve dans une grande proximité et en complémentarité avec la théorie des coûts de transaction (TCT) et la théorie de l’agence.

Selon la définition classique du droit, les droits de propriété associés à un actif consistent en trois attributs: le droit d’utiliser l’actif, le droit de s’approprier les revenus générés par l’actif et le droit de disposer de l’actif. Pour définir précisément les droits de propriété, il est important de différencier entre deux dimensions: le droit au rendement résiduel correspondant au droit de propriétaire de la firme qui détient le droit au rendement résultant de la production, et le droit au contrôle résiduel détenu par le manager de l’entreprise et relatif au droit de prendre toutes les décisions nécessaires à l’utilisation de l’actif.

Selon les formes de propriété, chaque attribut (cité au dessus) peut être détenus ou non par un même individu. On distingue généralement cinq formes fondamentales de propriété: (1) la propriété privée qui se définit généralement par l’existence d’un droit sur un actif, socialement validé, assigné à un individu et aliénable par l’échange, (2) la propriété communale qui se caractérise par le fait que plusieurs individus appartenant à un groupe ont simultanément le droit d’usage d’un même actif, (3) la propriété collective qui se caractérise par le fait que l’usage de l’actif est géré collectivement par un groupe d’individu, (4) la propriété mutuelle qui recouvre également une situation où plusieurs individus ont des droits conjoints sur une même ressource et ils peuvent transférer leur droit à un autre agent et (5) la propriété publique qui se définit par l’attribution de droits sur un actif à un agent public.

Dans le cas des Partenariats Public-Privé, le détenteur des droits de propriété est celui qui détient les droits résiduels de contrôle sur les actifs. Cela signifie que c’est à lui que revient la décision finale sur l’utilisation de ces actifs en cas d’échec de la relation, lui conférant ainsi une meilleure option de sortie et une position de force en cas de renégociation du contrat. Par conséquent, et pour résoudre les problèmes de renégociations opportunistes et de sous-investissement, il convient de répartir les droits de propriété en faveur de la partie contractante dont le niveau d’investissement spécifique est le plus important pour le succès de la relation (Saussier, 2015).

La théorie des contrats incomplets

Issue d’un questionnement autour des droits de propriété, de la nature de la firme (Grossman et Hart, 1986) et de son organisation interne (Stole et Zwiebel, 1996), la théorie des contrats incomplets se trouve actuellement au cœur de l’analyse de la structure financière de la firme.

La plupart des économistes, notamment ceux de l’économie néo institutionnelle, considèrent que l’incomplétude des contrats comme un choix contractuel efficace et non pas une contrainte à laquelle les différentes parties contractantes font face lors de l’élaboration du contrat.

La littérature économique précise deux origines potentielles de l’incomplétude contractuelle: (1) l’incomplétude contractuelle qui est définie comme étant l’impossibilité de décrire dans les contrats quelques contingences prévisibles et (2) l’asymétrie de l’information.

Ce qui distingue la théorie des contrats incomplets de celle des coûts de transaction, sont les solutions proposées à cette incomplétude. Concernant la théorie des coûts de transaction, c’est le principal qui donne à l’agent le pouvoir de prendre des décisions dans chaque situation non prévue par le contrat (Williamson, 1973). Quant à la théorie des contrats incomplets, c’est l’affectation des droits de propriété qui donne le droit au propriétaire de disposer de la ressource en cas d’incertitude.

Étant donné que les PPP portent souvent sur des montages complexes, et par conséquent la difficulté de construire un cadre contractuel englobant toutes les possibilités de prévoir des solutions à chaque situation, il est intéressant d’envisager la problématique des PPP dans le cadre de la théorie des contrats incomplets (Hart et Moore, 1990).

Hart (1997) sépare deux périodes pour les PPP: la phase de signature du contrat et de mise en œuvre et la phase d’exploitation. Au départ, le contrat ne peut pas prévoir toutes les situations possibles, on parle donc d’un ‘’contrat incomplet’’. Le partenaire privé a la possibilité de choisir entre deux types d’investissements ayant un impact sur ses gains et ses coûts. Un type qui consiste en un investissement dit productif, car il permet de minimiser les coûts d’exploitation du partenaire privé, et un deuxième type d’investissement dit non productif parce qu’il ne permet la réduction des coûts d’exploitation qu’au détriment de la qualité du service fourni (objet du contrat de partenariat). Le partenaire privé se trouve dans l’obligation de mettre un arbitrage afin de maximiser son profit. Par contre, avec un contrat global ou complet, la rémunération du partenaire privé est liée à la qualité de service à fournir, celui-ci aura intérêt à mettre en œuvre les investissements qui minimisent à la fois les coûts de construction et de fonctionnement.

Il y a lieu de signaler qu’un contrat global n’est efficace que si le partenaire public arrive à définir précisément ses objectifs en terme de qualité au moment de la négociation afin de pouvoir déterminer toutes les clauses contractuelles incitatives.

Synthèse des caractéristiques des courants théoriques

Le tableau 5 présente la synthèse des caractéristiques des courants théoriques.

Analyse économique des Partenariats Public-Privé

L’analyse économique propose d’étudier les PPP sous l’angle de leurs avantages potentiels et leurs inconvénients, en les considérant comme une décision d’externalisation de la part de la puissance publique. Dans cette partie, on va exposer d’abord les avantages potentiels de ce mode de partenariat avant de passer à leurs inconvénients en essayant de donner des pistes pour minimiser les limites potentielles de ce mode de gestion autant que possible.

Les partenariats public-privé: Quels avantages d’externalisation de la fourniture des services publics ?

La recherche de compétences

Dans la littérature économique relative aux PPP, la recherche de compétences est identifiée comme la raison principale de l’externalisation, et ce à cause du manque de compétences en interne. Le partenaire public, et au lieu de s’intéresser au développement des compétences de ses personnels qui est généralement un processus très longs qui génère des coûts élevés (coût de formation), préfère externaliser la fourniture du service public. Ce manque de compétence pousse l’administration publique à se concentrer sur ses missions régaliennes relatives au contrôle du service public et non pas sa production (Saussier, 2015).

Aussi, le service public pourra être fourni par un partenaire privé avec un coût inférieur par rapport à son coût de production par l’État, tout en bénéficiant de l’expertise et de l’ingénierie de ce partenaire. Ce coût inférieur de production est la résultante des économies d’échelle, d’expérience et d’envergure dont le partenaire privé bénéficie.

Les économies d’échelle

Dans la plupart du temps, les entités publiques justifient le recours à ce mode de collaboration, en cherchant un partenaire privé de grande taille, par la possibilité de tirer un bénéfice en terme d’économie d’échelle. Autrement dit, si l’entité publique cherche à produire une grande quantité du service publique (objet du contrat), il est opportun d’externaliser cette production vers une firme (un partenaire) spécialiste en la matière et ayant plusieurs clients, ce qui va lui permettre de réduire ses coûts moyens (économie d’échelle).

Cette situation va permettre au partenaire public d’assurer un service public d’une qualité supérieure (vu la spécialité du partenaire privé) avec un coût de production inférieur par rapport au coût nécessaire en cas d’internalisation.

Les économies d’expérience

Chaque firme spécialisés dans une activité, a la possibilité de bénéficier d’économies liées à l’expérience accumulée de leur personnel avec le temps. Grâce à cette expérience, et en profitant de l’esprit organisationnel qu’il a pu mettre en place en faisant face à plusieurs situations et problèmes rencontrés au cours de son passé, le partenaire privé profite généralement de la réduction de ses coûts opérationnels.

Les économies d’envergure

Les économies d’envergure, peuvent être, dans certains cas, très similaires aux économies d’échelles. S’il est intéressant d’externaliser un service vers un partenaire privé spécialisé et opérant sur plusieurs projets en parallèle, et ce en profitant d’économies d’échelle, il est aussi intéressant et efficace d’externaliser vers un partenaire proposant des services multiples et différents lui permettant des économies d’envergure. Certaines activités peuvent exiger des compétences communes permettant au partenaire de réduire ses coûts.

A titre d’exemple, et en cas d’externaliser la production, la distribution et la gestion du réseau de l’eau d’irrigation à un seul partenaire, ce dernier arrive à réaliser des économies d’envergure, et par conséquent maîtriser et réduire ses coûts.

La partage du risque

L’externalisation présente des avantages en matière de partage des risques. Elle permet de transférer un risque de production, de demande et d’exploitation du partenaire public au partenaire privé. En effet, l’importance de l’externalisation réside dans la diversification des risques par les opérateurs en fonction de leurs compétences dans la gestion de ces risques.

Autres avantages du PPP

Les Partenariats Public-Privé ont des avantages sur le plan financier et le plan opérationnel. Le potentiel d’optimisation des ressources des PPP est supérieur à celui des modes de réalisations classiques, à condition d’y avoir recours pour les bons projets. La mise en place d’une infrastructure publique peut, grâce au PPP, être plus rapide et moins coûteuse et fournir un service public de qualité supérieure. Un projet réalisé en PPP permet de respecter les budgets et les échéanciers de construction et à faire preuve d’innovation, chose qui n’est pas toujours assurés par les autres modes de réalisation classiques.

Aussi, il reste nécessaire de signaler que le coût de financement du secteur privé est nettement supérieur au coût d’emprunt des entités publiques. Les bailleurs de fonds des deux partenaires ont intérêt de récupérer les coûts de financement pendant la durée de vie utile du projet, c’est pourquoi le partenaire privé se trouve dans l’obligation de payer une prime de risque élevée par rapport à celle payée par le partenaire public. Par conséquent, la solution du PPP revient, généralement, plus coûteuse que les modes de réalisation classiques.

Les PPP ont également un impact positif sur les dépenses publiques vu qu’ils permettent de réduire les dépenses et les niveaux d’endettement des personnes publiques en allant chercher des partenaires privés assurant des capitaux propres pour la réalisation des projets.

Les avantages des PPP ne se limitent pas à l’optimisation des ressources et à la réduction des dépenses publiques, mais il permettent aussi une optimisation du cycle de vie des projets en tenant compte dès le départ des besoins liés à l’exploitation et à l’entretien, ce qui permet de créer les conditions favorables au développement du projet grâce à une approche portant sur l’intégralité de sa durée de vie.

Les PPP : Quelles limites potentielles et comment peut-on faire pour y palier?

La solution partenariale du PPP présente, comme cité au dessus, plusieurs avantages, mais elle ne permet pas d’écarter tous les problèmes et les contraintes auxquels sont soumis les gestionnaires publics. Parmi ces contraintes, on cite:

• Les coûts élevés du montage des dossiers initiaux: le montage initial du dossier reste une étape très importante, décisive et cruciale pour la réussite d’un projet réalisé en Partenariat Public-Privé. Cette étape permet de désigner le partenaire privé le plus compétent à développer le projet en question, et ce en fonction de plusieurs critères de choix pertinents.

Cette étape nécessite l’intervention de conseillers spécialisés (techniques, financiers, juridiques…), ce qui implique des dépenses très importantes pour le partenaire public chargé de cette étape.

Face à ces dépenses importantes, le risque pour l’entité publique de recevoir peu d’offres reste potentiel. Par conséquent, et pour faire face à cette limite, deux principales conditions doivent être remplies à savoir:

• Le niveau d’importance du projet: le projet doit avoir une importance suffisante afin de pouvoir compenser les coûts liés au montage des dossiers initiaux par les économies générées lors de l’étape de l’exploitation.

• Une organisation de l’appel à candidature telle qu’elle génère une motivation suffisante afin d’avoir de nombreux soumissionnaires: l’organisation globale du partenariat devra apporter, pour le partenaire privé, une possibilité de gain et de profit suffisante pour le pousser et l’inciter à proposer une offre. A titre d’exemple, l’entité publique peut proposer un dédommagement financier des offres non retenues, organiser des étapes de présélection pour limiter le nombre des soumissionnaires …etc.

• Les coût de financement supérieurs au financement public: l’État peut, généralement, emprunter avec des taux d’intérêts inférieurs et plus avantageux que ceux appliqués aux entreprises privées. Par conséquent, le souci de contrainte budgétaire ne devrait pas être la seule raison d’initier le Partenariat Public-Privé. Dans la plus part des cas, la subvention à verser au partenaire privé par l’entité publique reste du même ordre de grandeur que le montant total des intérêts en cas d’un emprunt. En effet, il y a lieu de signaler que les PPP ne sont pas une solution magique à la contrainte budgétaire, et si l’infrastructure, objet de partenariat public-privé, n’est pas en mesure de générer des recettes propres, l’État se trouvera dans l’obligation d’apporter les moyens financiers.

• La durée de la relation contractuelle: les contrats de PPP sont généralement des contrats de longue durée (plus de 20 ans). Si les termes contractuels sont mal négociés, l’un des deux partenaires risque de se retrouver en situation désavantageuse pendant une longue période. Par conséquent, il est nécessaire de prévoir des modalités de renégociation des contrats.

• La dilution des actifs publics: les projets de PPP se réalisent, dans les plupart des cas, sur des fonciers appartenant à l’entité publique. Par ailleurs, il est possible que les montages de PPP comprennent un transfert de propriété (des infrastructures et du foncier) vers le partenaire privé. Ce transfert peut causer une dilution importante des propriétés publiques.

• Quand on envisage, grâce à un projet de PPP, de transférer au partenaire privé des activités d’entretien, de gestion, d’exploitation et de maintenance d’une infrastructure et/ou un service, on accepte implicitement d’assumer les conséquence sur l’emploi au sein de l’entité publique. Pour y faire face, il existe plusieurs solutions potentielles (transfert des intéressés vers le partenaire privé) même s’elles ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre à cause des oppositions syndicales et des résistances psychologiques.

CONCLUSION 

Toutes les relations contractuelles sont susceptibles d’êtres analysées à la lumière des quatre principales théories économiques: la théorie des coûts de transaction, la théorie de l’agence, la théorie des contrats incomplets et la théorie des droits de propriété. L’originalité de notre article réside, non seulement dans l’analyse de ces différents fondements théoriques, mais aussi dans l’analyse économique de cette approche partenariale sous l’angle de ses différents avantages et inconvénients tout en essayant de donner des pistes pour minimiser les limites potentielles de ce mode de gestion autant que possible.

Ainsi, l’ambition de cet article est de montrer que le Partenariat Public-Privé n’est pas seulement un type de financement et un mode de gestion mais un système complexe dirigé vers la durée contractuelle, le cycle de vie des infrastructures, le partage des risques et la difficulté de gestion des contrats public-privé.

En règle générale, il est difficile de justifier l’intérêt du PPP par rapport aux autres modes de gestion classiques en terme de coût, sur la seule base des prévisions différentielles de coût liées aux procédures, parce que nous n’avons pas encore un retour d’expérience nécessaire. C’est donc, en fait, l’aspect de partage de risques qui va se révéler être l’élément discriminant susceptible de faire basculer la balance comparative en faveur du contrat de partenariat.

Le Partenariat Public-Privé n’est un contrat ‘’Win-Win’’ que si les deux partenaires défendent clairement leurs propres intérêts sans aucun comportement opportuniste tout en ayant une symétrie d’information durant la phase de négociation. Certains partenaires publics n’ont pas suffisamment d’expérience et de compétences nécessaires qu’ont la plupart des entreprises et des investisseurs privés qui mobilisent souvent des juristes et des experts pour négocier avantageusement le contrat. Malgré cela, le partenaire public gagne en contrôle et en efficacité (technique et allocative) tout en réduisant les coûts de transaction et l’incertitude générée par le contrat.

En effet, le recours au partenariat public-privé reste une bonne alternative si la société en retire des avantages plus grands par apport aux autres modes de gestion. Néanmoins, dans le cas où les coûts de transaction, les coûts externes et les objectifs du partenaire public en terme de qualité sont connus au moment de l’élaboration du contrat (ce qui nous mène à une complétude contractuelle avec des clauses incitatives), le PPP n’est pas forcément le meilleur choix possible.

Même dans les pays ayant un nombre très élevé des contrats de PPP (et donc une bonne expérience en matière de négociation des contrats de partenariat), comme le Royaume-Uni et l’Australie, le partenaire public (l’État) n’y gagne pas à tout moment. Par conséquent, et devant un contrat de PPP qui ne répond pas parfaitement aux attentes du partenaire public et du consommateur, il est très opportun de faire preuve d’une intelligente intervention, même lorsque les cadres stratégique, institutionnel et juridique sont déjà mis en place.

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