Résumé

La fièvre catarrhale ovine (ou Bluetongue) est une maladie virale des ruminants domestiques et sauvages qui peut causer des pertes économiques énormes. Ces dernières années, elle a sérieusement impacté la production animale au Maroc. Étant donné qu’il s’agit d’une maladie vectorielle, il est possible de proposer un outil d’anticipation de l’apparition de la Bluetongue en localisant les sites les plus susceptibles d’accueillir le vecteur porteur de cette maladie.  Puisqu’aucune étude dans ce sens n’a été réalisée au niveau national, l’objectif de travail est donc d’établir un modèle mathématique de prédiction des zones favorables à l’apparition de la Bluetongue. Ce modèle aidera au suivi et la gestion de cette maladie animale. L’établissement de ce modèle est basé sur les données épidémiologiques recueillies sur le terrain combinées à deux autres types de données: de télédétection (l’indice de végétation, l’altitude) et climatiques (température, pluviométrie). Le modèle créé dans le cadre de ce travail se base sur la régression logistique. L’hypothèse concernant sa validité a été examinée en testant plusieurs combinaisons basées sur la modélisation et la validation sur des données de 2006 et 2009 de la région Fès-Meknès. L’étude a pu démontrer que la meilleure façon pour modéliser cette maladie est d’alimenter régulièrement le modèle dynamique par les données les plus récentes sur l’apparition de la maladie. Les taux de validation obtenus sont situés entre 73 % et 80 %. Dans la perspective d’améliorer ce travail, Il serait intéressant aussi d’étudier le sens de propagation de cette maladie en introduisant d’autres facteurs comme l’hydrographie, la direction et la vitesse du vent.


Mots clés: Épidémiologie, Modélisation, Bluetongue, Télédétection, régression logistique, maladie animale, prédiction, Maroc.


 

INTRODUCTION

Suivi des maladies animales au Maroc

Le secteur de l’élevage constitue l’une des composantes les plus importantes de l’économie agricole du Maroc, il représente une part importante du PIB agricole de ce dernier (26 à 32% selon les années), il offre de l’emploi à environ 20% de la population rurale active, sans oublier qu’il participe à plus de 40% dans l’approvisionnement du pays en viande rouge, soit une contribution de 21,1% de la production totale de viande (ONSSA, 2016). En outre, il est rencontré dans toutes les régions du pays où parfois il constitue la source essentielle du revenu des agriculteurs. Il joue aussi un rôle majeur sur le plan religieux, puisque environ cinq millions de têtes sont sacrifiées chaque année à l’occasion de l’Aïd Al Adha. Toutefois, Les crises sanitaires qui peuvent affecter le secteur de l’élevage peuvent engendrer des conséquences socio-économiques considérables.

A cet effet, plusieurs mesures ont été mises en place pour lutter contre les maladies animales (Tuberculose, Rage, Brucellose, Bluetongue….) qui affectent le cheptel, notamment l’organisation des campagnes de vaccination, les plans sectoriels qui ont pour objectif l’amélioration des productions animales, le programme de sauvegarde et de protection du cheptel. Aujourd’hui, le défi est de mettre en place un système de détection précoce des phénomènes de santé animale avec un potentiel prédictif de leurs motifs spatiaux et de leurs projections géographiques en établissant un modèle adéquat qui décrit le mieux ces phénomènes.

Parmi ces pathologies, figure la Bluetongue qui est une maladie animale virale, vectorielle, non contagieuse. Elle affecte les ruminants domestiques et sauvages; et impacte principalement les ovins (OIE, 2016). Le virus responsable de la FCO, appartient à la famille des Reoviridae et au genre Orbivirus. Il s’agit d’un virus nu à ARN double brin segmenté. Vingt-sept sérotypes différents ont été identifiés (Maclachlan et al., 2015) et le pouvoir pathogène du virus varie considérablement d’une souche à l’autre. La transmission de la maladie se fait essentiellement par l’intermédiaire de moucherons hématophages du genre Culicoides (Diptera: Ceratopogonidae) (Baldet et al. 2005; OIE, 2016).

L’évolution de la maladie chez le mouton peut varier d’un état suraigu à chronique, avec un taux de mortalité de 2 à 90%. Les signes cliniques se manifestent par une fièvre, avec hyperthermie de 40,5 à 42 °C. Les animaux sont apathiques et réticents à se déplacer. Environ 2 jours après l’apparition de la fièvre, des signes cliniques supplémentaires peuvent être observés, tels que un œdème des lèvres, de l’auge et de la langue, pouvant se généraliser à la face et parfois aux oreilles et une boiterie suite de l’inflammation des couronnes de sabot. Un écoulement nasal séreux est commun et devient plus tard mucopurulent. Certains moutons touchés ont une grave enflure de la langue, qui peut devenir cyanosée «langue bleue».

La Bluetongue a sérieusement impacté la production animale au Maroc ces dernières années. Le tableau 1 illustre les taux de morbidité et de mortalité depuis 2004 ainsi que les efforts de vaccination fournis par les services vétérinaires. D’où la nécessité de réagir et d’élaborer une stratégie de lutte adéquate. Dans ce cadre, nous proposons d’effectuer une étude géo-spatiale de la Bluetongue pour l’établissement d’un modèle prédictif de cette maladie permettant son suivi et sa gestion. Ce modèle va permettre d’anticiper l’apparition de la maladie dans l’espace et dans le temps en localisant les sites les plus susceptibles d’accueillir le vecteur porteur de cette maladie.

L’établissement de ce modèle va être basé sur les données recueillies sur le terrain par les services vétérinaires répartis sur tout le territoire marocain ainsi que les laboratoires régionaux d’analyse et de recherches vétérinaires. Ce modèle va permettre par la suite de cartographier le risque d’apparition de cette maladie.

État de l’art sur la modélisation des maladies animales

Au cours de ces 25 dernières années, plusieurs modèles géographiques ont été développés pour la modélisation des maladies animales et humaines. Parmi ces modèles proposés, certains se basent sur des données météorologiques issues des stations terrains et d’autres sur des données extraites à partir des images satellitaires, dans la perspective de déterminer les coefficients de chaque modèle.

Au début des années 90, les premières études modélisant la répartition d’une maladie animale en se basant sur des données météorologiques ont vu le jour. Ces modèles ont été développés en Australie pour le vecteur Culicoides brevitarsis (Ward, 1994; Ward and Thurmound,1995) et aux États-Unis pour Culicoides sonorensis (Wright et al.,1993). Ils tiennent compte des dimensions spatiales et temporelles de la circulation de ces vecteurs. La température et la pluviométrie sont les variables météorologiques les plus utilisées par ces modèles. Cependant, la fréquence de prise d’échantillon dans le temps (journalière ou horaire) ainsi que les sites exploités diffèrent d’un modèle à l’autre. Dans ce cadre, plusieurs modèles ont été développés en fonction des données météorologiques ( Conte et al., 2003; Wittmann et al., 2001).

Nous remarquons l’existence de plusieurs modèles géographiques développés dans la perspective d’assurer une meilleure couverture de la maladie en question selon la région étudiée. Les caractéristiques géographiques et climatiques ont un taux de validation très variable. Les paramètres utilisés changent aussi d’un modèle à un autre sauf quelques-uns qui sont omniprésents comme la température et la pluviométrie.

En exploitant la nature numérique des données de télédétection qui se prête particulièrement bien à des opérations entre canaux afin de déterminer l’indice recherché, plusieurs études ont été développées en s’appuyant sur la modélisation de la répartition de la Fièvre catarrhale ovine à partir des données météorologiques et environnementales issues d’imagerie satellitaire (Baylis et al.,2001; Roger, 2002; Roger et al., 2003; Tatem et al., 2003; Purse et al., 2004).

Pour ces modèles, les données météorologiques proviennent toutes du capteur AVHRR (Advanced Very High Resolution Radiometer) porté par les satellites NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration). Ces satellites présentent une basse résolution spatiale, et une haute résolution temporelle (au moins deux acquisitions de la même scène par jour). Le capteur AVHRR mesure le rayonnement électromagnétique dans cinq bandes spectrales couvrant les domaines du visible, du proche infrarouge et de l’infrarouge thermique. À partir des images acquises par ces capteurs, des indices météorologiques (tels que LST, TAIR, NDVI …) peuvent être extraits. Les principaux avantages de ces indices sont leur disponibilité en tout point de l’espace couvert par l’image à une fréquence temporelle élevée.

La combinaison des deux sources de données est un élément aussi important. En effet, la disponibilité des données terrains ponctuelles peut nous aider à contrôler les données extraites, issues de l’imagerie satellitaire. Dans ce sens, quelques modèles géographiques de répartition de C. imicola en fonction des variables météorologiques et environnementales mixtes combinant les deux sources de données (stations terrain et les images satellitaires) ont été proposés (Baylis and Rawlings 1998; Baylis et al., 1998; Baylis et al.,1999).

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Zone d’étude

Pour notre étude, nous avons choisi de travailler sur la région Fès-Meknès durant l’année 2006 parce que, d’une part, elle présente une forte densité de données pour établir le modèle, et d’autre part cette année est proche de la date d’apparition du serotype 1 pour la première fois, donc la maladie suit sa distribution normale sans l’influence d’autres facteurs. Pour la validation de ce modèle nous avons choisi l’année 2009 vu qu’elle présente des données suffisantes au niveau de cette région.

La région Fès-Meknès comprend 9 provinces (Fès, Meknès, Taza, Ifrane, Boulmane, Taounate, El Hajeb, Sefrou, Moulay Yacoub), dont le chef-lieu est Fès. Le climat est généralement continental avec des influences méditerranéennes sur la zone de Fès-Meknès. La province d’Ifrane jouit d’un climat océanique dégradé. Les neiges sont abondantes dans une grande partie de cette région. Cette région reçoit une moyenne très élevée de précipitations par an. Le tableau 2 résume les données extraites de la base de données épidémiologique et qui concernent notre zone d’étude. Les statistiques fournies par ce tableau renseignent sur le nombre de fois d’apparition ou de présence de la maladie au niveau des provinces étudiées.

Tableau 1: Statistiques des déclarations de la bluetongue dans la région Fès-Meknès en 2006 et 2009

Province 2006 2009 Total

Fès 18 3 21

Meknès 29 11 40

Taza 3 2 5

Ifrane 1 9 10

Boulmane 1 0 1

Sefrou 10 15 25

El Hajeb 4 0 4

Moulay Yacoub 19 4 23

Taounate 37 0 37

Total 122 44 166

Après avoir étudié les conditions favorables de vie du vecteur Culicoides imicola, et en se référant aux experts et aux études déjà établies sur ce vecteur, nous avons pu déduire les paramètres influençant sa présence ou son absence, et qui sont en nombre de quatre: Température, Pluviométrie, végétation (NDVI: Normalized Difference Vegetation Index) et l’altitude. Nous allons combiner deux types de données: climatiques (Température et pluviométrie) et de télédétection (NDVI et MNT: Modèle Numérique du Terrain «Altitude») pour arriver à un modèle hybride de prédiction.

Technique de modélisation

Au cours de cette étude, nous avons utilisé un jeu de données comportant quatre variables prédictives pour la création d’un modèle de prédiction de l’absence ou la présence de la maladie Bluetongue dans la région Fès-Meknès au Maroc. Les quatre variables prédictives sont: la température, l’humidité, l’indice NDVI et l’altitude moyenne.

Nous avons choisi la province comme unité d’intégration spatiale (UIS), vu que les données climatiques (Température et Pluviométrie) utilisées sont généralement présentes au niveau de la province. Pour l’indice NDVI et l’Altitude, il sera intéressant de les traiter par commune vu qu’elles présentent une très grande variation dans la même province.

La statistique fournit plusieurs méthodes de modélisation, comme la régression linéaire simple et multiple, l’analyse discriminante et la régression logistique. Ces méthodes se différencient par leurs conditions d’application, leurs algorithmes utilisés ainsi que leurs résultats.

Afin de produire le modèle de prédiction, nous avons choisi la régression logistique car notre variable dépendante Y est dichotomique (présence ou absence de la maladie).En outre, puisque l’objectif de cette étude est de livrer des cartes de risque de la maladie basées sur la probabilité d’apparition de cette dernière, il est préférable d’utiliser la régression logistique étant donné que son modèle fournit directement cette probabilité. D’autre part, la régression logistique n’exige pas une distribution normale des prédicteurs ni l’homogénéité des variances.

La régression logistique a été utilisée pour la modélisation. Elle est définie comme étant une technique prédictive qui vise à construire un modèle permettant d’ajuster une surface de régression à des données lorsque la variable dépendante est dichotomique, qualitative et le plus souvent binaire, on parle alors de régression logistique binaire, cela à partir d’un ensemble de variables explicatives quantitatives ou qualitatives.

Il s’agit alors de connaître les facteurs associés à un phénomène dont il dépend en élaborant un modèle de prédiction. C’est en d’autres termes la mise en évidence de l’existence d’une liaison fonctionnelle sous-jacente de la forme Y = f(X; α) entre ces variables. La fonction f est le modèle de prédiction.

Soit la fonction logistique et g une fonction sigmoïde tel que:

(1)

Avec: Vecteur des variables prédictives.

T: la température.

P: la pluviométrie.

H: l’altitude moyenne.

NDVI: indice de végétation.

: Vecteur des coefficients de l’équation.

Pour la détermination des vecteurs des coefficients de la fonction logistique, nous définissons les quantités suivantes: le gradient et la fonction coût tel que :

- Le gradient:

(2)

- Fonction coût: (3)

- La matrice:

(4)

Avec: X: vecteur des variables explicatives (données).

Y: vecteur des variables expliquées (résultats).

La détermination du vecteur des paramètres de la fonction logistique est réalisée via un processus itératif. Pour arrêter le processus itératif, il est possible d’utiliser l’une des conditions suivantes: Fixer un nombre d’itérations maximales ou fixer un écart faible entre deux estimations successives de la matrice (minimisation de la fonction gradient).

Afin de procéder à la régression logistique, nous avons besoin d’établir un fichier d’entrée qui contient des cas connus et réels sur la présence ou l’absence de la maladie associés aux conditions climatiques T, P, NDVI, et Altitude.

La structure de ce fichier est la suivante: ID, Date de déclaration, Province, Communes, présence ou absence, Température, Pluviométrie, NDVI, Altitude respectivement.

Pour traiter les données, nous avons utilisé les fonctionnalités du toolbox sous le logiciel Arcgis à savoir: zonal_statistic, Zonal_statistic as table, IDW, Raster_calculator, Mosaic To New feature.

La procédure de validation consiste à analyser premièrement la matrice de confusion, la courbe ROC(Receiving Operating Characteristics), qui est une méthode d’évaluation et de comparaison des modèles dont le principe est de faire varier le seuil d’affectation, et finalement le calcul de quelques coefficients à savoir: le taux d’erreurs, F1-score, Précision, Spécificité et Sensibilité.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Au cours de cette étude, nous avons testé les caractéristiques des modèles créés par régression logistique, dans la perspective de trouver la meilleure équation pour la modélisation de la Bluetongue dans la région Fès-Meknès.

Après avoir choisi le meilleur algorithme de régression logistique adapté à notre étude, nous avons augmenté la taille de l’échantillon dans l’espoir de trouver le ‘bon’ modèle de prédiction mais les résultats ont montré le contraire de ce que nous cherchions. Nous avons aussi essayé de combiner les données de plusieurs années pour la création d’un modèle représentatif du phénomène étudié mais sans aboutir à des résultats satisfaisants. Donc nous avons révisé l’hypothèse de base relative à la nature du modèle et poser la question sur son unicité, surtout que d’après notre recherche nous avons constaté que l’insecte vecteur (Culicoides imicola) n’est pas le seul facteur de transmission de cette maladie. En effet, d’autres facteurs contribuent à la diffusion de la maladie : mouvement des animaux, vent…. Ces informations nous poussent à concevoir un modèle dynamique de prédiction qui s’adapte aux données épidémiologiques actualisées ou à jour relatives à la maladie.

Pour tester l’hypothèse posée en haut il nous faut au moins deux expériences sur deux années différentes, pour chaque année un fichier de modélisation et un autre de validation doivent être préparés. Les années 2006 et 2009 sont les deux années réservées aux expériences.

Modélisation et validation sur l’année 2006

Les données de modélisation ainsi que celles de validation pour l’année 2006 sont extraites à partir du fichier complet relatif à l’année 2006 qui contient 500 observations de telle sorte à ce que 75% des données vont être consacrées à la modélisation alors que 25 % le seront pour la validation. De plus, il faut tenir compte de l’hypothèse que nous voulons tester et qui exige l’utilisation des données des six mois antérieurs pour la modélisation. Les données des six mois qui les suivent seront prises pour la validation. Les détails des deux fichiers seront illustrés dans ce qui suit.

Les données de modélisation sont en nombre de 375 observations dont 92 cas de présence de la Bluetongue et 283 cas de son absence. Pour chaque cas, les valeurs de la température, de la pluviométrie, du NDVI et d’altitude moyenne sont préparées et insérées au niveau du fichier d’entrée.

Le modèle trouvé de prédiction de la Bluetongue créé en se basant sur les données de 2006 s’écrit sous la forme suivante:

(5)

Tel que: (6)

La validation du modèle présenté précédemment doit être réalisée en tenant compte de l’hypothèse testée au niveau de cette partie, pour cela les données de validation sont extraites à partir de données originales contenant 500 observations en utilisant les données relatives aux six mois qui suivent les données de modélisation.

Tout en respectant la représentativité de chaque réponse, les cas d’absence de la maladie sont plus nombreux que les cas de sa présence (96 cas contre 29) pour s’assurer du fonctionnement du modèle dans des différentes conditions.

L’évaluation interne du modèle en utilisant la courbe ROC montre sa capacité en terme de prédiction, en effet la courbe est presque collée aux extrémités Ouest et Nord du repère, très loin de la bissectrice ce qui a créé une aire sous cette courbe de 0,863, donc la discrimination est excellente. L’application du modèle obtenu sur le fichier de validation a donné naissance à la création de la matrice de confusion représentée dans le tableau 2.

Tableau 2: Matrice de confusion de la validation externe du modèle de 2006

1 0 Total % Correct

1 23,0 6,0 29,0 79,3

0 11,0 85,0 96,0 88,5

Total 34,0 91,0 125,0

% Correct 67,6 93,4

Les pourcentages obtenus suite à cette concordance sont très élevés, ce qui peut signifier que nous avons peut être finalement trouvé la « bonne » façon pour modéliser cette maladie. Il est important dans ce cas de s’assurer de la qualité de ce modèle en calculant les indicateurs de performance (Tableau 3).

Tableau 3: Calcul et interprétation des indicateurs de 2006

Indicateur Valeur Commentaire

Taux d’erreur 0,136 Les mauvais classés représentent 13,6% d’effectif total, qui est un faible taux d’erreur.

Taux de succès 0,864 La probabilité de bon classement du modèle dépasse 86,4%.

La sensibilité TVP 0,793 La capacité du modèle à retrouver les positifs est de 79,3%.

La précision 0,676 Les individus classés positifs et qui sont des vrais positifs représentent 67,6% d’effectif classé.

La spécificité 0,885 La proportion de négatifs détectés est de l’ordre de 88,5%.

F1-mesure 0,730 Le modèle est validé avec 73%.

Le modèle trouvé présente:

- Une faible valeur de taux d’erreur (13,6%).

- Un taux de succès très élevé (86,4%).

- Des valeurs élevées de sensibilité (0,7931), de précision (0,676) et de spécificité (0,8854).

- Une F-mesure très intéressante (0,73).

Donc, nous pouvons dire que le modèle a été validé avec succès.

Nous proposons dans ce qui suit de présenter des exemples de résultats de prédiction par le modèle créé en se basant sur les données de 2006 sur toutes les communes de la région Fès-Meknès sous forme de cartes de prédiction avec des intervalles de probabilité d’apparition de la maladie Bluetongue pour le mois de Novembre.

La première carte (Figure 1) représente les données épidémiologiques existantes et la deuxième (Figure 2) représente les prédictions par le modèle.

En analysant ces deux cartes, nous pouvons constater que les communes qui ont connu des cas de présence de la maladie illustrées en rouge dans la première carte, sont celles qui possèdent les plus fortes probabilités d’apparition dans la deuxième carte de prévision générée par le modèle.

L’hypothèse posée au début de cette partie a été bien validée pour le modèle créé à base des données de 2006 et validé sur la même année, donc il faut la tester encore sur une autre année et voir est ce que c’est une règle générale que l’on peut appliquer dans d’autres situations.

Modélisation et validation sur l’année 2009

Le choix de l’année 2009 comme année de confirmation des résultats a été effectué parce que dans un premier temps, c’est une année qui contient des données épidémiologiques liées à la même région d’étude et dans un deuxième temps pour la disponibilité des données de température, de pluviométrie de NDVI et d’altitude moyenne.

Les données de modélisation contiennent 119 Observations dont 31 déclarations de présence de la maladie et 88 cas d’absence.

Le modèle de prédiction de la maladie Bluetongue dans la région Fès-Meknès en 2009 s’écrit sous la forme suivante:

(7)

Tel que:

(8)

Les données de validation comprennent 49 observations relatives à la même année (2009) dont 14 déclarations de présence de la Bluetongue et 35 cas d’absence.

D’après la courbe ROC le modèle a été validé (validation interne) sur 87,6% des cas, ce qui signifie que c’est une excellente discrimination.

Le modèle obtenu a été exploité pour la prédiction de la présence ou l’absence de la maladie dans la même année, puis ces prédictions ont été confrontées avec les réponses réelles relatives à ce jeu de données, ce qui a donné naissance à la matrice de confusion représentée dans le tableau 4.

Tableau 4: Matrice de confusion de la validation externe du modèle de 2009

1 0 Total % Correct

1 10,0 4,0 14,0 71,4

0 1,0 34,0 35,0 97,2

Total 11,0 38,0 49,0

% Correct 90,9 89,5

Les pourcentages obtenus suite à cette concordance sont bons comme le montre la matrice de confusion, mais il faut calculer les indicateurs de performance pour confirmer ce jugement (Tableau 5).

Tableau 5: Calcul et interprétation des indicateurs de 2009

Indicateur Valeur Commentaire

Taux d’erreur 0,102 Un faible taux d’erreur qui ne dépasse pas 10.20%.

Taux de succès 0,898 La probabilité de bon classement du modèle est de l’ordre de 89.8%.

La sensibilité TVP 0,714 La capacité du modèle à retrouver les positifs est de 71.4%.

La précision 0,909 La précision sur la classification des cas de présence de la maladie est de l’ordre de 90.9%.

La spécificité 0,971 La proportion des négatifs détectés est 97.1.

F1-mesure 0,800 Le modèle est validé avec 80%.

Il est clair d’après ces indices que le modèle testé est bien valide, ce qui signifie que nous avons pu appliquer l’hypothèse du ‘’modèle dynamique’’ sur deux années différentes et par conséquent nous pouvons l’adopter.

CONCLUSION 

Dans cette étude nous avons exploité les connaissances relatives à plusieurs disciplines, à savoir : la télédétection, les statistiques, les bases de données, la cartographie des risques et bien sûr la médecine vétérinaire pour proposer un outil d’aide à l’anticipation de la Bluetongue, moyennant un modèle de prédiction capable de donner avec une précision satisfaisante la probabilité d’apparition de cette maladie à n’importe quel lieu de la région étudiée. Le modèle créé se base principalement sur les données météorologiques (la température et la pluviométrie), sur l’indice de végétation (NDVI) et sur la topographie (l’altitude moyenne de la zone).

Par ailleurs, le modèle établi donne un taux d’erreur situé entre 10% et 14%. C’est un taux d’erreur qui est faible et qui montre la fiabilité de la modélisation proposée. Pour l’exploitation des résultats de ce modèle, les décideurs en santé animale seront intéressés par la localisation des zones où il y a une grande probabilité d’apparition de la maladie. Ils pourront ainsi concentrer l’effort de surveillance sur ces zones limitées. Dans ce sens, Les cartes de prédiction (voir exemple de la figure 2) sont d’un grand apport. Elles permettront de cibler les interventions et éviter ainsi la dissémination de la maladie.

Nous avons testé plusieurs hypothèses concernant les propriétés du modèle de prédiction, ainsi nous avons pu conclure qu’il n’existe pas un seul modèle valable dans tous les temps et dans n’importe quel lieu et qu’un bon modèle est celui qui se base sur les données les plus récentes d’apparition de la maladie.

Pour améliorer cette étude, nous proposons d’élargir les tests sur l’ensemble des paramètres agissant sur cette maladie (la latitude, mouvement des troupeaux, résistance des races), afin d’ajuster le modèle et de l’analyser le sens de propagation de cette maladie en introduisant d’autres facteurs tels que l’hydrographie, la direction et la vitesse du vent et le remplacement de la pluviométrie par l’humidité.

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