Résumé

L’exploitation des ressources minières constitue l’une des causes principales de la dégradation et de la pollution du sol et tout ce qui le couvre. La restauration de la mine dans tous ses aspects après son exploitation est une préoccupation majeure des sociétés minières. Dans ce travail, nous avons étudié la possibilité d’utiliser les déchets putrescibles et minéraux d’une usine de calcaire dans la fertilisation du sol du site. Un test agronomique a été réalisé sur le maïs afin de valider le potentiel fertilisant des composts. Les résultats indiquent que les composts C1 (déchets verts), C2 (déchets verts + alimentaires) et C4 (déchets verts + alimentaires + calcaires et argiles) ont permis une bonne croissance des plantes par rapport au témoin. Les plantes cultivées sur les composts C2 et C4 ont présenté les meilleures performances agronomiques. Ces composts sont riches en matière organique, azote, phosphore et potassium avec une forte conductivité électrique. Ces composts méritent d’être améliorés et valorisés dans le programme de restauration du sol de la carrière.


Mots clés: Déchets, composts, restauration, topsol, carrière, biodiversité.

INTRODUCTION

Les activités minières représentent des sources de revenus importantes pour des pays en voie de développement. Au Togo, le secteur minier contribue pour une part importante dans le développement économique du pays soit plus de 2% du PIB en 2001 (MERF, 2010). Parmi les produits miniers exportés, les phosphates et les calcaires représentent les plus importants. Les localités dans lesquelles ces minerais sont extraits sont principalement constituées de paysans dont l’activité principale de revenus est l’agriculture. Cependant, l’installation de ces industries extractives nécessite préalablement un désherbage et le déracinement des arbres affectant ainsi la diversité faunistique et floristique de la zone. Au cours des années 1900, lorsqu’une mine située dans un pays en développement avait exploité tout son minerai, celle-ci était simplement fermée et abandonnée par la suite (Thomas, 2012). Ces pratiques entraînent le plus souvent la dégradation du sol augmentant ainsi la pauvreté des populations qui entourent ces sites miniers délaissés.

La plupart des systèmes de restauration concernent l’application d’amendements organiques durant la phase d’établissement. Tous les amendements ont pour but d’améliorer les conditions du substrat pour permettre l’établissement plus rapide du couvert végétal (Tordoff et al., 2000). La sélection d’espèces est une étape aussi pertinente dans la restauration écologique d’un ancien site minier. Lorsque l’objectif est de rétablir l’écosystème de départ, les espèces choisies sont souvent celles qui étaient présentes avant le rasage du sol (Ghose, 2004) et qui entrent dans les usages des populations locales. L’application des amendements organiques parallèlement à la culture des espèces locales permettraient donc de restaurer la fertilité du sol et la biodiversité de l’ancien site minier.

ScanTogo est une carrière de roches calcaires installée au Sud-Togo à 8 km de la ville de Tabligbo à l’Est du pays. Dans la zone minière, les couches supérieures du sol, et donc plus récentes, sont des couches de sables et de limon argileux du Quaternaire. La population riveraine est essentiellement rurale et constituée d’agriculteurs. Dans cette étude, nous avons envisagé la possibilité d’utilisation de déchets putrescibles et minéraux dans l’amélioration des rendements d’une plante alimentaire majeure de la zone. Ceci permettra de mettre en place un programme de restauration écologique du site minier à la fin de son exploitation.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Localisation du site expérimental et description physico-chimique du sol de l’étude

Le site d’expérimentation est situé dans la zone écofloristique V au Togo plus précisément dans la carrière des roches calcaires de SCANTOGO sise à Sika-Kondji (8 Km de la ville de Tabligbo) à 06°36’48,7’’ Latitude Nord et 1°34’44,1’’ Longitude Est. Les caractéristiques du sol du site sont renseignées dans le tableau 1. On note que le sol du site est très pauvre en éléments minéraux essentiels (N, P et K). Il est constitué essentiellement de l’argile (49,5%). L’application d’un compost riche en matière organique et en nutriments permettra donc d’améliorer la formation du complexe argilo-humique et la teneur en nutriments du topsol afin de garantir une bonne croissance des plantes.

Tableau 1: Caractéristiques physico-chimiques du sol de l’étude

Paramètres Valeurs

pH 6,80

Ec (µS/cm) 140,60

MOT (% m.s.) 7,600

COT (%m.s.) 4,410

N (% m.s.) 0,080

P (% m.s.) 0,270

K (% m.s.) 0,022

Ca (% m.s.) 0,202

Argile 2µ (%) 49,50

Limons fins 2 à 20µ 17,50

Limons grossiers 20 à 50µ 04,35

Sables fins 50 à 200µ 16,70

Sables grossiers 200 à 2000µ 7,80

Eléments 2mm 0,00

Caractéristiques chimiques des composts testés

Quatre différents types de composts sont préparés par un mélange de différents types de déchets putrescibles (déchets verts et déchets alimentaires) produits sur le site de SCANTOGO et d’un adjuvant naturel (mélange de déchets calcaires et argileux). Le tableau 2 présente les caractéristiques agronomiques de ces 4 types de composts. Il s’agit des composts C1 (déchets verts), C2 (déchets verts + alimentaires), C3 (déchets verts + calcaires et argiles) et C4 (déchets verts + alimentaires + calcaires et argiles). Le tableau 2 présente les caractéristiques chimiques de ces composts.

Choix de l’espèce et dispositif expérimental

Une variété du maïs (Zea mays) de 2 mois et demi a été utilisée dans cette étude. Cette espèce est choisie par rapport à sa prédominance dans les champs des paysans des villages environnants. Elles produisent également des fleurs et une forte biomasse pouvant attirer la macrofaune (insectes et arachnides) et fertiliser le sol du site. Les grains ont été semés selon un dispositif en bloc de Fisher comptant 15 parcelles élémentaires repartis de façon aléatoire. Chaque parcelle expérimentale a une superficie de 6 m2. L’expérimentation a été menée pendant 4 mois (mai à août). La figure ci-dessous présente les quantités de pluie et les valeurs moyennes de température enregistrées au cours de la période d’essai.

Figure 1: Évolution mensuelle de la température et de la pluviométrie de la zone

Les travaux agrotechniques ont porté sur la préparation du terrain, le semis, le repiquage, le démariage, l’entretien de la parcelle et la récolte. 5 traitements ont été appliqués par culture avec trois répétitions par traitement. Ces traitements correspondent aux quatre types de compost (C1, C2, C3 et C4) et un traitement témoin sans amendement (T). Une dose de 10 t/ha fractionnée en deux applications (Avant semis et à la floraison).

La collecte des données

La collecte des données a concerné les paramètres physiologiques de croissance tels que la hauteur moyenne des plantes et le nombre moyen de feuilles par parcelle élémentaire. A la maturité, les rendements en grains et en pailles ont été évalués. Le rendement en grains a été évalué après séchage à la température ambiante jusqu’à l’obtention d’un taux d’humidité de conservation (14 % en moyenne).

Analyses statistiques

Les données collectées ont été analysées à l’aide des logiciels MSTATC et XLSTAT. Ces données ont été soumises à une analyse de variance (ANOVA) à deux facteurs (amendement et statut hydrique) par l’utilisation du logiciel MSTATC (version 2,10). Le logiciel XLSTAT (2008) a été également utilisé pour identifier des relations entre les paramètres et les caractéristiques chimiques des composts au seuil de probabilité de 5%.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Impacts des composts sur les paramètres physiologiques de croissance: la hauteur moyenne et le nombre moyen de feuilles

Les composts ont en général amélioré la croissance des plantes par rapport au témoin (113,2±10 cm en moyenne contre 84,75±7 cm pour le témoin). On note également que les plantes cultivées sur le compost C1 présentent la hauteur la plus élevée soit une hauteur moyenne de 133 cm. En effet, les teneurs en macro-nutriments des composts sont largement supérieures à celles du sol. L’apport des composts a donc favorisé une bonne nutrition des plantes donc des paramètres de croissance élevés par rapport aux plantes cultivées sur le sol témoin sans amendement (Diallo et al., 2008; Yin et al., 2012; Toundou et al., 2014; Toundou, 2016). Les meilleures performances de croissance obtenues sur le compost C1 (déchets d’ordures ménagères) s’expliquent par l’équilibre ionique des nutriments dans le sol amendé avec ce compost. En effet, il existe un équilibre ionique nécessaire à l’absorption des éléments nutritifs dont la plante a besoin pour bien croitre. Ainsi, bien que ce compost soit moins riche que C2 et C4, sa teneur équilibrée en ions lui a permis d’améliorer la croissance de la plante. Ainsi, une forte teneur en cations peut par exemple inhiber l’absorption de potassium et d’ammonium (Etchebest, 2000) pouvant ralentir la croissance de la plante, cas des plantes cultivées sur les composts C3 et C4 qui renferment de fortes teneurs en calcium (Toundou et al., 2014). Par ailleurs, la composition minérale du compost C1 est le plus favorable pour une bonne croissance des plantes sur le top-sol.

Impacts des composts sur les paramètres agronomiques: rendement en grains et en pailles

Les composts ont en général amélioré les paramètres agronomiques par rapport au témoin. En ce qui concerne la production en grains, les plantes cultivées sur les composts C2 et C4 présentent des valeurs les plus élevées (2,29±0,29 t/ha en moyenne) contre 0,97 t/ha pour le traitement témoin. Les plantes cultivées sur les composts C1 et C2 enregistrent les meilleures performances en poids de paille. Le compost C3 (déchets verts + déchets calcaires et argileux) est celui qui présente les plus faibles performances agronomiques. Les résultats obtenus sur les composts C2 et C4 s’expliquent par leurs fortes teneurs en matière organique, en azote et en phosphore (Tableau 2). En effet, une teneur élevée en matière organique du sol contribue fortement à l’absorption du phosphore (Rabeharisoa, 2004) qui joue un rôle très important dans la photosynthèse chez les plantes (Zeinselmeier et al., 1999; Chapman and Edmeades, 1999). La faible production obtenue par les plantes sur le compost C3 s’expliquerait alors par sa faible teneur en nutriments plus particulièrement en phosphore (Kim et al., 2000; Fonseca and Wesgate, 2005; Toundou et al., 2014) d’une part et sa forte teneur en calcium pouvant empêcher l’absorption d’autres ions tels que le potassium et l’ammonium indispensables à la croissance et à la production de la plante (Toundou, 2016).

Figure 2: Hauteur moyenne des plantes et nombre moyen de feuilles des plantes de maïs 50ème JAS

Figure 3: Rendement en grains et biomasse de pailles en fonction des traitements à la récolte

Relations entre les caractéristiques des composts et les paramètres collectés: Analyses en Composantes Principales (ACP)

L’analyse en composantes principales permet de séparer les traitements en deux groupes. Les plantes cultivées sur les composts C1, C2 et C4 sont celles qui sont plus liées aux paramètres de croissance et de rendement puis celles évoluant sur T et C3 qui présentent les faibles performances de croissance et de rendement. Les composts C1, C2 et C4 sont alors les substrats qui peuvent améliorer la croissance et le rendement du maïs sur le topsol. Ces composts renferment de fortes teneurs en azote, phosphore et potassium puis une forte conductivité électrique favorisant une bonne absorption des éléments minéraux donc une bonne production des plantes.

Figure 4: Relations entre les paramètres évalués

CONCLUSION

Les résultats obtenus dans ce travail permettent de conclure que les composts C2 (déchets verts + alimentaires) et C4 (déchets verts + alimentaires + calcaires + argiles) sont les plus performants pour l’amélioration de la fertilité du sol de la mine et un bon rendement du maïs sur ce sol. Ces composts renferment de fortes teneurs en matière organique, azote, phosphore et potassium puis une forte conductivité électrique. Nos futurs travaux concerneront l’amélioration en matière organique et en nutriments de ces composts afin de mettre en place un programme de restauration du sol de la mine après l’exploitation de la carrière.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Toundou O., Tozo K., Amouzouvi K.A.A., Lankondjoa K., Tchangbedji G., Kili K., Gnon B. (2014). Effets de la biomasse et du compost de Cassia occidentalis L. sur la croissance en hauteur, le rendement du maïs (Zea mays L.) et la teneur en NPK d’un sol dégradé en station expérimentale. ESJ, 10: 294-308.

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