Résumé

Une revue de littérature sur l’épidémiologie de la TAA à l’Ouest de la RDC a été réalisée. Concernant les trypanosomes, les études menées ont prouvé l’inexistence des trypanosomes chez les bovins N’dama à Kolo au Kongo Central, par contre à Mushie dans le Mayi Ndombe, les trypanosomes ont été mis en évidence chez les bovins N’dama, avec prédominance de T. vivax, suivie de T. congolense et de T. brucei brucei; chez les porcins de Kinshasa, T. simiae, T. vivax, T. congolense, et dans une moindre mesure, T. brucei brucei et T. brucei gambiense ont été identifiés; au Kongo Central, T. congolense, T. vivax et T. brucei brucei ont été isolés chez les caprins à Kimpika, Kasangulu, Kimpungi et Sanda; ainsi que T. congolense Savannah, T. brucei, T. congolense Forest et T. vivax chez Glossina palpalis palpalis à Kimpese. Pour ce qui est des glossines, les auteurs ont identifié G. tabaniformis et G. fuscipes à Mushie dans le Mayi Ndombe et à Idiofa au Kwilu, G. fuscipes quanzensis à été mis à évidence à Kinshasa, et G. palpalis palpalis a été capturé à Nomgwa, Kamba, Kimpese et Kolo au Kongo Central. Un programme national de lutte contre la TAA devra être mis en place pour parvenir à contrôler cette pathologie pour éviter des pertes économiques aux éleveurs.



Mots clés: TAA, RDC. 


 

INTRODUCTION

Les trypanosomoses sont une contrainte majeure au développement de l’élevage dans beaucoup des pays, entraînant des répercussions économiques et sociales considérables. Ce sont des affections parasitaires provoquées par des protozoaires appartenant au genre Trypanosoma et à la famille des Trypanomastidae, qui se multiplient dans le plasma sanguin, la lymphe et divers tissus, dont le muscle cardiaque et le système nerveux central des mammifères (Thomieres, 1996).

Les trypanosomes sont fréquemment décelés dans le sang de diverses espèces animales, dans des nombreuses régions du globe. Mais seules certaines espèces de trypanosomes, parasites des mammifères, sont pathogènes, non seulement pour les animaux chez lesquels ils provoquent la trypanosomose animale africaine (TAA), mais également pour l’homme chez lequel ils entraînent la trypanosomose humaine africaine (THA). En Afrique, ces espèces sont transmises par divers insectes hématophages, dont les plus importants sont les glossines ou mouches tsé-tsé, qui constituent l’hôte intermédiaire véritable de ces parasites. Les mouches tsé-tsé, insectes exclusivement africains, occupent, sur ce continent, une superficie de près de 10 millions de Km2, s’étendant de part et d’autre de l’équateur, depuis le 15ème degré de latitude Nord jusque vers le 20ème degré latitude Sud (Itard, 1981).

La TAA restent largement répandues. Environ 60 millions des bovins, 100 millions des petits ruminants et d’autres espèces animales sont menacées dans cette zone de l’Afrique, avec des pertes annuelles considérables de viandes estimées à près de 5 milliards de dollars US (Geerts et al., 2001; Mortelmans, 1986; Trail et al., 1985).

Selon l’OMS (2017), la RDC reste le pays le plus affecté par la THA avec plus de 70 % des malades dont la plus part proviennent des foyers de l’Ouest du Pays.

Si du coté humain, les statistiques de la prévalence de le THA sont disponibles, elles font souvent défauts du coté vétérinaire. Cependant beaucoup d’élevage à l’Ouest de la RDC incriminent la TAA comme la première cause de mortalité dans leurs exploitations, c’est le cas du ranch de Mushie qui est le plus grand ranch à l’Ouest de la RDC dont la TAA a constitué en 2013 la première cause de mortalité représentant 13 %.

Ce travail bibliographique fera le point sur la situation de la TAA à l’Ouest de la RDC.

FOYERS DE LA THA ET DE LA TAA EN RDC

En RDC, la plus part des foyers de la THA et de la TAA sont rencontrés dans la partie Ouest du Pays (Figure 1).

PARASITE

Les trypanosomes des mammifères appartiennent à deux grandes sections: celle des Stercoraria, qui comprennent des espèces peu ou pas pathogènes et celle des Salivaria, dans laquelle sont inclus tous les trypanosomes pathogènes existant sur le continent africain (Itard, 1981).

Les Stercoraria sont les trypanosomes à développement postérograde, ce qui signifie une transmission par les déjections contaminantes (T. theileri avec les Tabanidae chez les bovins, T. lewisi avec les puces chez les rats et T. cruzi avec les punaises chez l’homme sur le continent américain) et les Salivaria sont les trypanosomes à développement antérograde, c’est à dire que la transmission se fait par inoculation; ce groupe est le plus représenté en Afrique (T. congolense, T. vivax, T. b. brucei, T. b. gambiense, T. b. rhodeziense, T. simiae, T. suis,…) (Haore, 1972).

Pour ce qui est de l’Ouest de la RDC, les études réalisées par ILCA (1986) ont prouvé l’inexistence des trypanosomes chez les bovins N’dama à Kolo au Kongo Central, par contre à Mushie dans la Province de Mayi Ndombe, la prévalence de la TAA chez les bovins N’dama a été de 7,5%, avec prédominance de T. vivax, suivie de T. congolense et de T. brucei brucei. Sumbu et al., (2009) ont démontré que dans certains quartiers de Kinshasa la TAA est un réel problème pour l’élevage porcin. Au total, dans 38 % des fermes prospectées, les animaux ont été trouvé positifs au diagnostic d’ELISA. Les fermes présentant des cas parasitologiquement confirmés (6 % de toutes les fermes prospectées) se situent essentiellement dans la Commune de Mont Ngafula. T. simiae, T. vivax, T. congolense; et dans une moindre mesure, T. brucei brucei et T. brucei gambiense ont été identifié. Les études réalisées chez les caprins au Kongo Central par Tshilenge et al., (2015), montrent que la prévalence de la TAA est de 12,8 % pour T. congolense, dont 20 % à Kimpika et 4 % à Sanda; 5,6 % pour T. vivax, dont 12 % à Sanda et 4 % à Kimpika et à Kimpungi; et enfin 4 % pour T. brucei brucei avec 8 % à Kimpika et 4 % à Kasangulu, Kimpungi et Sanda. Simo et al. (2012) ont mis en évidence T. congolense savannah, T. brucei, T. congolense forest et T. vivax chez Glossina palpalis palpalis à Kimpese au Kongo Central.

VECTEUR

On connaît 31 espèces de mouches tsé-tsé appartenant au genre Glossina. Le mâle et la femelle sont des insectes hématophages. La femelle, vivipare, n’est fécondée par le mâle qu’une fois dans son existence. Elle dépose une seule larve à la fois, environ tous les dix jours, sans autre contact avec le mâle. Les mouches tsé-tsé vivent en moyenne six mois et prennent un repas sanguin tous les deux à trois jours. Les espèces et sous espèces incriminées dans la transmission de la maladie appartiennent toutes à deux groupes à deux groupes, le groupe Glossina morsitans d’une part, que l’on trouve généralement en savane arborée et le groupe Glossina palpalis d’autre part, qui occupe les zones des forets secondaires telles que les forets galeries et les mangroves. Un troisième groupe, Glossina fusca, limité dans sa distribution à la foret primaire, mais dont son implication dans la transmission de la maladie n’a jamais été démontrée (Cattand, 2001).

Sept espèces sont reconnues etre les vecteurs principaux de la maladie. Il s’agit de Glossina palpalis et ses sous espèces, Glossina fuscipes et ses sous espèces, Glossina tachinoides, Glossina calliginea, Glossina morsitans, Glossina pallidipes et Glossina swinnertoni (Cattand, 2001).

A l’Ouest de la RDC, les études menées par Leak et Rowlands (1997), ont identifié G. tabaniformis et G. fuscipes à Mushie dans la Province de Mayi Ndombe et à Idiofa dans la Province de Kwilu. G. fuscipes quanzensis à été mis à évidence à Kinshasa (Lombe et al., 2013; Simo et al., 2006; Sumbu et al., 2009). G. palpalis palpalis a été capturé à Nomgwa, Kamba, Kimpese et à Kolo au Kongo Central (ILCA, 1986; Kaba et al., 2014; Simo et al., 2012).

DIAGNOSTIC

Bien que le diagnostic paraclinique avec certitude de la trypanosomose est possible par des techniques parasitologiques, sérologiques et moléculaires (Dwinger et Hall, 2000). Il reste cependant limité à quelques projets de recherche limité dans le temps. Les éleveurs n’y ont pas accès à cause de leur coût souvent élevé.

Dans les exploitations pastorales, le diagnostic reste entièrement clinique. Pourtant, il n’existe aucun signe ou symptôme pathognomonique de la maladie, ainsi les symptômes de la TAA peuvent être confondus à ceux d’autres pathologies comme les maladies à tiques, certaines verminoses,…

TRAITEMENT

Les méthodes de lutte contre la trypanosomose utilisées sur terrain depuis des années reposent sur deux grandes stratégies. La première consiste à lutter contre le vecteur et la deuxième qui est plus fréquente recours à la thérapeutique chimique.

En effet, l’élimination des trypanosomes pose moins de problèmes que celle des glossines. D’ailleurs, il s’agit du recours le plus avantageux financièrement.

Les trypanocides les plus couramment utilisés sont en RDC sont:

1) Acéturate de diminazène qui se présente sous forme d’une poudre jaune qui se dissout dans l’eau tiède pour produire une solution jaune transparente. Ce produit est utilisé sous forme de solution à 7 % à la posologie de 3,5 mg/Kg de poids corporel, et se conserve pendant deux à trois jours, tandis que le produit sec est très stable. Il est commercialisé sous le nom de BERENIL® ou de SANGAVET®.

2) Isométamidium est vendu sous le nom de TRYPAMIDIUM® en Afrique francophone et de SAMORIN® dans les pays Anglophones. Quelques soit le nom déposé, il s’agit d’une poudre rouge foncée qui se dissout facilement dans l’eau froide pour donner une solution brun rouge. Ce trypanocide est remarquable car il offre une vaste amplitude de possibilité en terme de posologie: il peut être utilisé à des doses variant de 0,25 à 1 mg/Kg. On a donc une marge de sécurité élevée, en ce qui concerne la toxicité éventuelle. Il est recommandé de l’utiliser sous forme de solution à 1 %, injectée par voie intramusculaire profonde, à la posologie de 0,25 mg/ Kg. Son injection par voie intraveineuse est mortelle chez la chèvre.

La chimio-résistance est un phénomène pouvant se développer au cours d’un traitement. Il s’agit de la perte de sensibilité d’une souche de micro-organisme, qui est apparue vis-à-vis d’un composé auquel elle était précédemment sensible.

Les circonstances les plus propices au développement d’une pharmaco-résistance sont:

• L’utilisation d’un médicament curatif dans une zone de forte exposition, dans le cas ou le produit persiste assez longtemps dans le sang, et souvent à un seuil infra-curatif. L’emploi de ces médicaments curatif par inoculation en bloc des troupeaux entier des bovins est une pratique qui favorise tout particulièrement un tel échec de traitement;

• L’application d’un schéma prophylactique lorsque les intervalles ont été déterminés de façon inexacte, et si en conséquence, avant chaque rappel, la concentration plasmatique tombe en dessous du seuil curatif;

• Le sous dosage;

• La formation d’un abcès au point d’injection. Dès lors, une partie du médicament a pu être rejeté avec l’exsudat inflammatoire. Sinon, il peut se passer une réaction d’enkystement, ce qui aura emprisonné le médicament et limité sa disponibilité pour l’organisme. On revient donc, certes indirectement, à la problématique précédente d’insuffisance de concentration plasmatique du produit;

• La suppression de la couverture prophylactique alors que le degré de l’exposition reste élevé, sans qu’aucune mesure ne soit prise pour faire face à l’apparition éventuelle d’une souche résistante;

• La négligence de l’éleveur qui ne rassemble pas tous les animaux au moment voulu pour les traiter dans le cadre de prophylaxie (Desquesnes et al., 1994; Otte et al., 1994).

CONCLUSION

Aujourd’hui, la TAA se pérennise dans certains foyers à l’Ouest de la RDC. La lutte anti-vectorielle est quasiment inexistante. La lutte contre la TAA se limite essentiellement à l’utilisation des trypanocides sur base d’un diagnostic clinique, par des médecins vétérinaires dans des grandes exploitations pastorales, et par des éleveurs dans des petites exploitations. L’utilisation des trypanocides par des personnes non qualifiées risquerait de développer des souches des trypanosomes résistantes.

Donc, un programme national de lutte contre la TAA devra être mis en place afin d’appliquer des stratégies efficaces de lutte contre cette pathologie.

RÉFÉRENCES

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