Résumé

Huit échantillons de miel naturel d’origine Marocaine ont été testés pour leurs effets antimicrobiens aux concentrations de 100, 75, 50 et 25 % sur trois souches bactériennes d’Escherichia coli, de Staphylococcus aureus et de Salmonella spp. La technique de diffusion en gélose a montré que les miels de l’oranger, de l’origan, de multi-fleurs et d’Euphorbe ont inhibé la croissance de S. aureus aux concentrations testées, excepté le miel de l’oranger qui a exprimé un pouvoir inhibiteur pratiquement nul à la concentration de 25 %. A cette concentration, le miel de caroube a donné une faible activité inhibitrice sur E. coli. Cependant, les miels d’eucalyptus, d’asperge et de fleurs de Tadla, n’ont révélé aucune inhibition sur E. coli. Quant aux Salmonella et E. coli, tous les miels ont exercé un effet antibactérien remarquable aux autres concentrations testées. Les tests en milieu liquide révèlent que les divers miels affectent inégalement la croissance des trois souches. Toutefois, le pouvoir inhibiteur était très prononcé à la concentration de 100 % et 75 % dans la plupart des cas, avec 98 % d’inhibition. La croissance de S. aureus était la moins inhibée à la concentration de 25 %. La majorité des miels, à une concentration de 50 %, ont montré un pourcentage d’inhibition allant de 60 à 80 % pour E. coli. Le miel d’Euphorbe était le plus efficace sur Salmonella pour les quatre concentrations testées.


Mots clés: Miel, inhibition, bactéries, activité antimicrobienne, Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Salmonella spp.

INTRODUCTION

De nombreuses recherches ont été consacrées à la connaissance et à l’utilisation du miel depuis des millénaires par de nombreuses civilisations afin d’élucider ses propriétés nourrissantes, thérapeutiques, cicatrisantes, désinfectantes et/ou antimicrobiennes (Lequet, 2010). Au début du vingtième siècle, les biens curatifs du miel ont été destitués par l’emploi des antibiotiques. Cependant, récemment le développement de la résistance à ces antibiotiques a conduit à un accroissement d’intérêt dans les propriétés curatives du miel (Baltrusaityte et al., 2007). En plus de son efficacité dans le traitement des brûlures et des plaies, plusieurs expérimentations ont montré que le miel détient la capacité de contrôler rentablement et irrésistiblement un grand nombre de micro-organismes. Tous les types de miel ont un pouvoir antimicrobien, bien que certains soient plus actifs que d’autres (Badawy et al., 2004).

Malgré sa complexité, la composition qualitative du miel est aujourd’hui bien connue bien que les proportions peuvent par contre varier. En effet, la composition quantitative de ce produit d’origine végétale est soumise à de nombreux facteurs qu’il est impossible de maîtriser, tels que la nature de la flore butinée et celle du sol sur lequel pousse ces plantes, les conditions météorologiques lors de la miellée, la race des abeilles, l’état physiologique de la colonie, ... (Bendahou et Hasnat, 2002; Philippe, 1999). Certaines études ont montré que les importants composés du miel responsables de l’activité antibactérienne sont les composés phénoliques, notamment les tanins et les flavonoïdes, les inhibines non peroxydes tels que des lysozymes et les substances volatiles et aromatiques du miel (Brudzynski, 2006). Toutefois, l’activité antibactérienne du miel est principalement due à sa forte teneur en sucres. Son hyper-osmolarité contribue à extraire l’eau contenue dans les œdèmes mais également dans les bactéries ce qui a pour conséquence leur déshydratation et leur lyse (Bessas, 2008). Bien qu’ils soient dilués, les miels restent actifs face aux bactéries. Ceci est dû à la production de peroxyde d’hydrogène en présence d’eau grâce à l’activation d’une enzyme, la glucose-oxydase. Ainsi, le peroxyde d’hydrogène formé constitue le composant principal agent responsable de l’activité antiseptique et antibactérienne du miel. De plus, le pH acide du miel situé entre 3,0 et 4,5 lui confère une acidité assez élevée capable de provoquer l’inhibition de plusieurs types de bactéries (Brudzynski, 2006; Siess et al., 1996).

Le présent travail a été consacré à l’étude de l’activité antimicrobienne de huit échantillons de miel d’origine marocaine sur trois souches bactériennes: E. coli, Salmonella spp et S. aureus.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Miels testés

Le présent travail consiste en l’évaluation de l’effet antibactérien de huit échantillons de miel naturel marocain de différentes origines botaniques. Il s’agit des miels d’oranger, d’eucalyptus, de Multi-fleurs, de fleurs Tadla, d’euphorbe du Sud, d’origan, de caroube et d’asperge. Ces miels ont été récoltés dans différentes localités de la région de Tadla Azilal et classés selon leurs origines florales et leurs provenances (Tableau 1). Les échantillons prélevés sont conditionnés dans des récipients en verre hermétiquement capsulés et conservés à 4°C jusqu’à leur utilisation. Les échantillons ont été utilisés à l’état dont ils étaient achetés chez des agriculteurs sans aucune modification préalable.

Tableau 1: Origine des échantillons du miel étudiés

Échantillon Origine botanique Localisation

Miel 1 Oranger Coopérative «Terre et Terroir»

Miel 2 Fleurs Tadla Coopérative «Terre et Terroir»

Miel 3 Origan Coopérative «Terre et Terroir»

Miel 4 Eucalyptus Béni Mellal

Miel 5 Asperge El ksiba

Miel 6 Caroube Foum jemâa

Miel 7 Multi-fleurs Foum jemâa

Miel 8 Euphorbe du sud Coopérative «Terre et Terroir»

Nous avons préalablement déterminé la composition physico-chimique de ces miels afin de connaître leur constitution quantitative et qualitative (Belhaj, 2015). Le tableau 2 relate les principales caractéristiques physico-chimiques des 8 échantillons du miel testés pour leur effet antimicrobien.

Souches bactériennes étudiées

L’activité antimicrobienne du miel a porté sur deux souches bactériennes à Gram négatif, E. coli et Salmonella ssp, ainsi qu’une autre à Gram positif, S. aureus. E. coli est un coliforme fécal généralement commensal et le plus prépondérant de la flore intestinale de l’homme. Cependant, certaines souches d’E. coli peuvent être pathogènes, entraînant alors des gastro-entérites, infections urinaires, méningites, ou septicémie. Salmonella une entérobactérie protéolytique qui provoque des maladies telles que la fièvre typhoïde ou paratyphoïde et la salmonellose, une des principales causes de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) dans le monde. S. aureus est l’espèce la plus pathogène de son genre.

Elle est la cause d’intoxications alimentaires, d’infections localisées suppurées et, dans certains cas extrêmes, d’infections potentiellement mortelles. Ces bactéries micro-aérophiles à aéro-anaérobies facultatives sont aussi connues pour leur degré de résistance variable à des antibiotiques.

Ces trois souches ont été fournies en gélose inclinée par le département des Maladies Contagieuses de l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II à Rabat. Elles étaient de nouveau purifiées et confirmées pour leur appartenance sur milieu de Mueller et Hinton (Mueller-Hinton Agar, Oxoid, Code: CM0337) pour Escherichia coli et Salmonella ssp, et sur milieu Chapman (Milieu N°110 pour Staphylocoques, Oxoid; Code: CM0145) pour S. aureus. Elles sont périodiquement entretenues au laboratoire par repiquage, sur gélose nutritive inclinée et conservées sous huile de paraffine à 4°C au réfrigérateur jusqu’à leur emploi.

Méthodes d’études

L’action antibactérienne de différents miels a été étudiée pour les souches bactériennes choisies. La méthode de diffusion des puits a été adoptée pour l’estimation de l’effet inhibiteur dans le milieu trypticase soy agar (TSA, BBL Microbiology systems, Cockeysville, MD, USA). Ce milieu stérile en surfusion en tubes à essai, calibré à la température de 45 à 50°C, est préalablement inoculé par 3-7x106 cellules/ml de la souche à tester d’une culture de 18 à 20 H, puis le tout est homogénéisé et coulé en boite de Pétri. Après solidification du milieu, des puits de 6 mm de diamètre ont été creusés dans la gélose solidifiée et séchée à l’aide d’emporte-pièce stérile. Le fond des puits est colmaté par une goutte de gélose TSA pour limiter la diffusion des huiles sous la gélose. Chaque puits est rempli sans débordement par la même aliquote du miel á tester. Les boites sont incubées 24 h à 37C° et les auréoles d’inhibition dues à la diffusion radiale du miel sont mesurées par un pied à coulisse.

Les miels ont été testés aux concentrations de 100, 75, 50 et 25%. Trois à quatre répétitions ont été effectuées pour chaque souche et chaque échantillon du miel.

En parallèle, l’effet antimicrobien sur les 3 souches a été également déterminé selon la méthode adoptée par Chaibi et al., (1997). Les tubes contenant 10 ml de trypticase soy broth (TSB, BBL Microbiology Systems, USA) ont été additionnés par différentes concentrations du miel à tester. Ces tubes ont été aseptiquement inoculés par la souche à tester à la concentration finale de 3-5 x106 cellules /ml et mis ensuite à l’incubation à 35°C pendant 24 h.

La densité optique (DO) a été mesurée à une longueur d’onde de 625 nm au temps initial et après 24 h d’incubation. L’inhibition est exprimée par l’indice d’inhibition (II) calculé selon la formule suivante:

dA1: différence entre l’absorbance après 24 h d’incubation et l’absorbance au temps initial ensemencé et contenant l’échantillon (miel);

dA2: différence entre l’absorbance après 24 h d’incubation et l’absorbance au temps initial ensemencé et sans l’échantillon.

Un II=0 indique qu’il n’y a pas d’inhibition; un II = 1 montre une inhibition totale; un II > 1 se traduit par une lyse cellulaire alors qu’un II < 0 indiquerait qu’il y a une stimulation de la croissance (Chaibi et al. ,1997).

Les déterminations ont été répétées 3 à 4 fois pour chaque concentration en miel et pour les trois souches testées.

Analyse statistique des résultats

Nous avons trouvé intéressant de comparer les résultats obtenus à l’aide des traitements statistiques. La saisie des données a été réalisée à l’aide du tableur Excel 2013 (Suite Office de Microsoft) et l’analyse statistique des données est effectuée avec le logiciel XLSTAT Version 2016.

L’analyse de la variance (ANOVA) utilisée a pour objectif d’étudier l’influence d’un ou plusieurs facteurs sur une variable quantitative. Le modèle fixé a été adopté pour établir les niveaux ou les modalités des facteurs. C’est la comparaison de moyennes pour plusieurs groupes (> 2). Il s’agit de confronter la variance intergroupe (entre les différents groupes: écart des moyennes des groupes à la moyenne totale) à la variance intra-groupe (somme des fluctuations dans chaque groupe). S’il n’y a pas de différence entre les groupes, ces deux variances sont à peu près égales. Dans le cas contraire, la variance intergroupe est nécessairement la plus grande. Le test d’hypothèse avec α égal à 0,1% suivi du test de Newman Keuls pour des comparaisons multiples de moyennes a permis ensuite de classifier les différents groupes en classes de moyenne homogène.

RÉSULTATS 

Plusieurs études ont été réalisées in vitro pour mettre en évidence les propriétés thérapeutiques et antimicrobiennes du miel. Cependant, l’analyse des différents résultats rapportés sur les inhibitions de croissance bactérienne causées par les miels à des concentrations variables révèle à la fois des similitudes et des divergences. Cette étude expose les résultats relatifs à l’action de huit miels sur la croissance de ces 3 souches bactériennes qui présentent un intérêt hygiénique pour le consommateur.

En milieu solide

L’évaluation de l’effet inhibiteur des différents miels testés sur les trois souches bactériennes est exprimée par le diamètre de l’auréole d’inhibition. Les résultats obtenus pour les différentes souches testés sont résumés dans le tableau 3.

Pour S. aureus, les zones d’inhibition obtenues peuvent aller de 0 à 44 mm de diamètre. La valeur maximale a été attribuée aux miels d’origan et d’euphorbe testés sans dilution. Quant aux autres souches, tous les miels ont donné un effet antibactérien. Les diamètres d’inhibition étaient de 12 à 44 mm et de 10 à 44 mm respectivement pour Salmonella et E. coli. L’importance d’inhibition peut être expliquée par la sensibilité de chaque souche vis à vis des différentes concentrations en miels testés. Les miels de l’oranger, l’origan, multi-fleurs et d’euphorbe montrent une activité antibactérienne élevée contre S. aureus à toutes les concentrations utilisées, excepté le miel de l’oranger qui avait une action nulle à la concentration de 25%. Cependant, les miels d’eucalyptus, d’asperge, de caroube et de fleurs de Tadla n’ont révélé aucune inhibition sur cette souche (Figure 1).

La figure 2 résume l’action inhibitrice des échantillons de miel sur la croissance bactérienne de Salmonella. Sans exception, toutes les concentrations en miel étaient notablement inhibitrices. Cette souche s’est avérée très sensible, surtout aux concentrations de 100, 75 et 50%.

Quant à E. coli, tous les miels étaient efficaces à toutes les concentrations testées. L’action antimicrobienne la plus faible a été enregistrée par le miel de caroube à 25%, montrant ainsi un diamètre d’inhibition de 10 mm (Figure 3).

Les figures 4, 5 et 6 entre autres illustrent l’aspect de la zone d’inhibition causée par quelques échantillons de miel sur les 3 souches étudiées.

En milieu liquide

Le tableau 4 indique que les divers miels testés ont montré une activité accentuée sur S. aureus pour les concentrations 100, 75 et 50%. Cependant, à 25%, les inhibitions trouvées étaient très minimes. Dans ce cas, l’indice d’inhibition obtenu n’a pas excédé 0,32 pour tous les miels. Les miels d’oranger et d’eucalyptus ont donné l’inhibition la plus faible avec des indices d’inhibition de 0,16 et 0,19 respectivement.

En se basant sur la faible concentration testée (25%), l’activité inhibitrice des miels contre la croissance de chacune les trois souches, peut être classée de la plus efficace vers la plus faible comme suit:

- Miel Fleurs Tadla > Miel Euphorbe > miel Asperge ≥ miel Caroube ≥ miel Origan > miel multi-fleurs > miel Eucalyptus > miel Oranger pour S. aureus;

- Miel Euphorbe > miel Asperge > miel Caroube ≥ miel Multi-fleurs ≥ miel Fleurs Tadla miel > Eucalyptus ≥ miel Origan > miel Oranger dans le cas de Salmonella;

- Miel Euphorbe > miel Asperge ≥ miel Fleurs Tadla > miel Origan ≥ miel Oranger ≥ miel Multi-fleurs miel > Eucalyptus > miel Caroube pour E. coli.

A cette concentration (25%), presque tous les miels ont montré un indice d’inhibition inférieur ou égal à 0,57. Toutefois, presque tous les miels ont donné un pourcentage d’inhibition supérieure à 66% pour les trois souches. Le miel de caroube a montré l’indice d’inhibition le plus faible aux concentrations 50 et 25% Le miel d’Euphorbe était le plus inhibiteur montrant ainsi une inhibition totale pour toutes les trois premières concentrations sur Salmonella et S. aureus. En général, les données de l’indice d’inhibition montrent que les concentrations en miel affectent différemment la croissance de ces trois souches. Cependant, pour les concentrations les plus élevées notamment 100% et 75%, les différents miels ont donné tous, une inhibition prononcée, avec un II > 0,98 dans la plupart des cas (Tableau 4).

Les concentrations minimales inhibitrices (CMI) pour chaque miel sont déduites des résultats précédents et présentés dans le tableau 5. Ces concentrations correspondent à celles qui ont montré un indice d’inhibition supérieur ou égal à 0.95. Ces CMI ont été obtenues dans la plupart des cas par des concentrations en miel comprises entre 50 et 75%, sauf pour Salmonella où la CMI a été donnée à 25%.

Concernant le traitement statistique pour la variable diamètre d’halos d’inhibition, les trois types d’analyse de la variance (ANOVA) fournissent des résultats pratiquement identiques, ce qui explique que le dispositif expérimental adopté est parfaitement équilibré. Même si l’effet type de miel (p-value = 0,001) et l’interaction miel x souches x concentrations (p-value = 0,423) ne soient pas significatifs au seuil de 5%, l’effet concentration x souches est très significatif (p-value < 0,0001). Dans notre cas, seules les analyses relatives à l’effet de l’interaction entre la concentration en miel et la souche ont été prises en considération (données non présentées).

Le test de Newman-Keuls (SNK) a permis l’analyse des différences entre les modalités de miel avec un intervalle de confiance à 95% sur la base de la moyenne des diamètres d’inhibition (D en mm) donnée par toutes les concentrations de chaque type de miel (tableau 6). Les résultats obtenus montrent que, selon leur activité antibactérienne, trois miels appartiennent à un groupe A, trois autres à un groupe B et deux appartiennent simultanément aux deux groupes A et B.

Le miel d’euphorbe était le plus antimicrobien avec une moyenne de diamètres d’inhibition de 31,5 mm, alors que le miel de caroube était le moins inhibiteur avec une moyenne de diamètres de 16,8 mm. Cependant, l’erreur standard montre que tous les miels restent identiques quant à leur pouvoir inhibiteur puisque la différence entre eux n’est pas significative.

De même, les différences entre les modalités de concentrations montrent que les concentrations 50 et 75% font partie du même groupe B signifiant ainsi que les huit miels, à ces deux concentrations, possèdent un effet inhibiteur semblable, tandis que les concentrations 25 et 100% ont chacune une action antimicrobienne différente sur les trois souches constituant ainsi deux autres groupes A et C (Tableau 7).

Le test de Newman-Keuls a servi aussi pour déterminer les interactions entre les modalités de souches. La comparaison de ces interactions indique que Salmonella et E. coli se situent toutes les deux à un niveau identique de sensibilité vis-à-vis des miels testés, appartenant ainsi au même groupe. Cependant, S. aureus a manifesté une sensibilité inférieure et distincte. La moyenne de l’ensemble des diamètres d’inhibition pour les deux premières souches dépasse 26,5 mm alors que celle trouvée pour la troisième souche est de 17 mm (Tableau 8).

DISCUSSION

Les résultats d’évaluation de l’activité inhibitrice montre que les trois souches bactériennes testées sont sensibles à l’action antibactérienne des huit échantillons de miel naturel. Des différences d’inhibition ont été notées d’un type de miel à un autre et d’une souche bactérienne à l’autre. L’effet inhibiteur du miel est plus prononcé avec les échantillons concentrés, mais il a nettement diminué dans le cas de la faible concentration.

En milieu solide, les trois miels d’euphorbe, de multi-fleurs et d’origan étaient les plus inhibiteurs sur les trois souches testées. Toutefois, les autres échantillons n’ont inhibé que Salmonella et E. coli. Ceci montre que les bactéries à Gram positif sont plus sensibles que les Gram- négatives. Plusieurs travaux ont montré que les bactéries Gram-positives dotées d’une paroi épaisse et dense, résistent mieux à des fortes pressions exercées par des concentrations élevées en sucres que les bactéries à Gram négatif possédant une paroi fine et lâche (Merah et al. 2010). Ces miels naturels ont montré deux types d’inhibition sur les bactéries; une action bactéricide observée sur les zones les plus proches des puits remplis de miel où la diffusion est très forte et une action bactériostatique sur les zones relativement lointaines.

En milieu liquide, les trois souches ont été affectées d’une façon similaire par les divers miels testés surtout aux concentrations les plus élevées. Aux fortes dilutions (25%), c’est également S. aureus qui s’est montrait le plus résistant.

Dans une étude antérieure, le miel Tualang a montré une puissante action inhibitrice sur la croissance de Staphylococcus à coagulase négative, alors que le miel Manuka était plus inhibiteur de Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (Delphine, 2010).

Dans un autre travail algérien, les auteurs ont rapporté que E. coli et Pseudomonas aeroginosa sont les moins résistantes à l’effet de trois types de miel testés. Staphyloccocus aureus s’est avérée moyennement sensible, alors que Serratia marcescens est partiellement résistante aux deux miels parmi les cinq testés et entièrement résistante à un autre type de miel. Cependant, la levure, Candida albicans a montré une faible sensibilité pour tous les miels testés (Merah et al. 2010).

Le mode d’action du miel comme agent antibactérien n’est pas bien élucidé. Cependant, il est actuellement reconnu que le caractère inhibiteur du miel est lié à ses propriétés physico-chimiques, ainsi qu’à la présence de plusieurs autres composants antimicrobiens appelés inhibines. Le miel possède une activité d’eau comprise entre 0,56 et 0,62, donc une osmolarité élevée liée à sa forte concentration en sucres. La forte interaction entre les molécules de sucre et d’eau laisse donc peu d’eau libre disponible pour le développement microbien. Ceci provoque une forte déshydratation des germes mettant en jeu leur survie.

En plus, le miel présente la plupart du temps un pH qui varie entre 3 et 4 et les bactéries sont incapables de croître dans un milieu aussi acide. Cependant, certains miels à pH élevé compris entre 5 et 6 (miel de miellat, par ex.) sont aussi capables d’exercer une activité antimicrobienne. En outre, les miels dilués ont de même montré un effet antimicrobien, ce qui laisse penser l’existence d’autres substances antimicrobiennes notamment des inhibines qui sont impliquées dans cette activité (Molan, 1997).

Actuellement, le peroxyde d’hydrogène (H2O2) constitue la principale inhibine retrouvée dans la plupart des miels. Il résulte de la réaction enzymatique entre le glucose et la glucose-oxydase, en présence d’eau et d’oxygène (Kerkvliet, 1996). Cette enzyme n’est pas active dans le miel pur, par contre, elle le devient dans le miel dilué, générant ainsi plus de H202. De plus, la formation d’acide gluconique accroît l’acidité du miel limitant ainsi la croissance de microorganismes. D’autres inhibines dites non peroxydes tels que des lysozymes, flavonoïdes, acides aromatiques et autres substances non identifiées possèdent également cette propriété antimicrobienne (Brudzynski, 2006). Toutefois, des composés volatils et aromatiques contribuent également au pouvoir inhibiteur du miel (Manyl- Loh et al. 2011).

Il semblerait que l’action des miels naturels sur les bactéries dépend de la structure de la paroi bactérienne, puisque certains miels possèdent une action inhibitrice remarquable sur les bactéries à Gram négatif et une autre faible voire nul sur les bactéries à Gram positif. Elle pourrait aussi dépendre de la composition de type du miel. Cette dernière, elle-même dépend de plusieurs facteurs notamment la nature du sol, la race des abeilles et l’état physiologique de la colonie (Merah et al. 2010).

Par conséquent, le miel peut inhiber la croissance d’un large spectre de bactéries, champignons, protozoaires et virus sans que ces derniers ne puissent développer de résistance. C’est notamment le cas des plaies infectées par les bactéries à Gram positif et Gram négatif tels que Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa ou Escherichia coli ainsi que d’autres germes (Delphine, 2010).

CONCLUSION

Ce travail a permis la caractérisation physico-chimique de huit variétés de miel marocain et l’évaluation de leur effet antibactérien vis-à-vis de deux souches bactériennes à Gram négatif dont Salmonella et Escherichia coli et une autre à Gram positif Staphylococcus aureus.

Les miels testés sont dotés d’une large activité antibactérienne sur les 3 souches testées avec une certaine variabilité d’un échantillon à un autre et d’une souche à une autre. Tous les miels étaient efficaces sur Salmonella et Escherichia coli. Les miels de l’oranger, de l’origan, de multi-fleurs et d’Euphorbe montrent une très bonne activité antibactérienne contre S. aureus à toutes les concentrations utilisées, excepté celui de l’oranger qui avait une action nulle à la concentration de 25%. Cependant, les miels d’eucalyptus, d’asperge, de caroube et de fleurs de Tadla n’ont manifesté aucune inhibition sur cette souche.

Quant à l’inhibition en milieu liquide, les différents miels affectent diversement la croissance de ces trois souches. Aux concentrations de 100% et 75%, les différents miels ont tous montré une activité antimicrobienne accentuée, avec une inhibition de 98% dans la plupart des cas. Cependant, à 25%, leur pouvoir inhibiteur était très minime pour tous les miels. Le miel d’oranger a donné l’effet antimicrobien le plus faible avec une inhibition de 16%.

En général, Staphylococcus aureus était le moins sensible aux divers miels relativement à Salmonella et E. coli.

Les résultats obtenus ont mis en évidence le pouvoir antibactérien du miel notamment les variétés étudiées. Toutefois, des études supplémentaires sur un grand nombre d’échantillons et à de faibles concentrations au-delà de 25% doivent être menées afin de confirmer et compléter ces résultats. Il serait également utile de poursuivre leur activité inhibitrice sur d’autres souches microbiennes antibio-résistantes afin de trouver une application possible dans le traitement des déférentes maladies causées par des germes pathogènes. Ce produit naturel des abeilles pourrait constituer une alternative pour substituer des agents chimiques à effet secondaire nuisible pour la conservation de certains produits alimentaires.

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