Résumé

La présente étude porte sur l’importance socio-économique des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL) dans la région des savanes du Togo. Au total 56 espèces ont été recensées reparties en 52 genres et 29 familles. La famille des Leguminosae-Mimosoideae composée de 8 espèces est la plus représentée. Toutes les espèces recensées ont une importance pour les ménages et des populations. En termes d’usage, 36 % des espèces citées ont un usage alimentaire, 32 % un usage économique et 22 % un usage médicinal. Les espèces ayant les indices de valeur d’importance élevées sont Vitellaria paradoxa, Parkia biglobosa, Vitex doniana et Borassus aethiopum. Pour les produits retenus, les acteurs sont principalement les producteurs ou collecteurs, les commerçants de matière première, les transformateurs et les consommateurs. Mise à part les différents usages des organes des PFNL, ils constituent également une source de revenu pour les ménages. Pour le V. paradoxa, P. biglobosa et T. indica, les noix, les graines et les fruits sont les organes les plus commercialisés, soit à l’état brut ou transformés. Les revenus de ce commerce sont utilisés pour améliorer les conditions de vie des populations rurales. La production de ces PFNL se fait dans les milieux ruraux alors que leur vente se fait dans les centres urbains dont le principal est le grand marché de Dapaong.


Mots clés: Produits forestiers non ligneux, filière, socio-économique, savane, Togo

INTRODUCTION

Les produits forestiers non ligneux assurent par leur importance (plantes médicinales, plantes alimentaires, objets d’art, ustensiles) des revenus aux populations et sont par ailleurs des produits clés de subsistance (Jules et al., 2011). Selon Scherr (2004), le nombre de personnes qui tirent leur subsistance et leur revenu des produits de la forêt appelé communément "produits forestiers non ligneux" (PFNL) est estimé entre 500 millions et 1 milliard dans les pays en voie de développement (Atato et al., 2010; Scherr, 2004).

L’exploitation, la transformation et la commercialisation des produits forestiers non ligneux (PFNL) ont souvent permis de suppléer aux déficits alimentaires et de fournir des apports financiers, en particulier dans la période de soudure (Atato et al., 2010). Pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 80% de la population des pays en développement utilisent les ressources forestières pour satisfaire leur besoin en matière de santé et d’alimentation (Ndao et al., 2014). La FAO, quant à elle, estime que 75% à 90% des habitants de ces pays usent des produits naturels comme source de remède contre les maladies (Tapsoba et al., 2014). Les PFNL permettent aux populations de participer dans la stratégie effective de conservation et de sauvegarde de la biodiversité, notamment dans les régions tropicales (Belcher et al., 2005; Mbolo et al., 2002; Shankar et al., 2001; Walter, 2001). Ils offrent divers emplois pour le secteur rural et accroissent les retombées en provenance des forêts. Ils font l’objet d’importantes activités commerciales génératrices de revenus substantiels et participent à l’élévation du niveau de vie en milieu rural (Kébenzikato et al., 2015). La cueillette des PFNL est d’une grande importance pour les populations rurales (Ndao et al., 2014). Parfois, dans certaines régions, l’utilisation de diverses catégories de produits forestiers constitue l’unique source de revenus pour certaines populations locales (Jules et al., 2011; Loubelo, 2012; Okafor, 1980). Malgré leur importance, on dispose de peu d’informations quant à leur place du point de vue socio-économique, ainsi que leur mode de gestion et d'exploitation (Loubelo, 2012). La méconnaissance de la filière, couplée à une insuffisance de la mise en œuvre d’approche chaîne de valeur, constitue un véritable frein aux perspectives de gestion durable des PFNL. Contrairement au bois et aux produits agricoles, il n’existe aucun suivi et évaluation des ressources dans leur contribution socio-économique au plan national.

Au Togo, l’agriculture est la principale source de revenus et emploie plus de 70 % de la population active (Yang et Liu, 2002). Ces dernières années, les pratiques agricoles sont affectées par les effets des changements climatiques réduisant ainsi la productivité et le rendement des cultures, constituant une source d’insécurité alimentaire et de pauvreté (Tapsoba et al., 2014). Face à cette situation, les PFNL sont une alternative à l’atteinte des ODD (Objectifs de Développement Durable) en occurrence l’ODD2 (Faim Zéro, assurer la sécurité alimentaire et promouvoir l’agriculture durable). Cependant, il est constaté que les populations vulnérables à la sécurité alimentaire ont davantage recours aux PFNL pour satisfaire leurs besoins vitaux. Ces produits entrent dans l’alimentation, l’équilibre nutritionnel et l’économie des ménages togolais. Toutefois, la surexploitation, la sous-utilisation, la négligence, la méconnaissance, et les politiques agricoles tournées vers la monoculture contribuent à la dégradation des écosystèmes et des habitats favorables au développement des espèces pourvoyeuses de PFNL. En dehors des travaux sporadiques et parcellaires, peu d’études abordent la question des PFNL sous un angle d'approche filière. Il est donc nécessaire de réaliser des études sur les PFNL de telle manière à avoir des données sur l’importance socio-économique des PFNL dans la vie quotidienne de la population rurale. Ainsi, cet article a pour objectif général de contribuer à la gestion durable des PFNL. Plus spécifiquement il s’agit de: (a) Faire l’état des lieux des PFNL ayant une portée économique dans la région des savanes; (b) évaluer l’impact socio-économique de ces PFNL dans le quotidien de la population et enfin (c) identifier les circuits de commercialisation de ces PFNL dans la région des savanes.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Milieu d’étude

Représentant l’une des cinq (5) régions économiques, et faisant partie de la zone écologique 1 du Togo, la région des savanes est comprise entre 0° et 1° de longitude Est et 10° au 11° latitude Nord. Avec une superficie de 8553 km2, elle est limitée au nord par la partie méridionale du Burkina Faso, au sud par la région de la Kara, à l’Est par la république du Bénin et à l’ouest par la partie Nord du Ghana. Administrativement, cette région est subdivisée en 07 préfectures à savoir: Tône, Tandjouaré, Cinkassé, Kpendjal, Kpendjal Est, Oti, et Oti Sud; et compte aujourd’hui 39 cantons (Figure 1).

Le phénomène pédogénétique dominant dans la région est la ferruginisation caractérisée par l’altération sur place des roches sous l’influence du mouvement ascendant et descendant de l’eau et de la chaleur. Ce phénomène se manifeste par le lessivage, le concrétionnement, l’induration et l’hydromorphie (Essiomley et Amegnikpa, 1986).

Le climat qui règne dans la région des Savanes est un climat tropical de type soudanien à 2 saisons qui s’alternent, une saison sèche longue de novembre à avril et une saison pluvieuse de mai à octobre.

Les écosystèmes y sont constitués de savanes (arbustives, arborées et herbeuse), avec une végétation dominée par les Légumineuses et les Combretaceae, une strate herbacée riche (Aristida kerstingii, Chloris sp, Ctenium sp., Loudetia sp., Hypparrhenia sp. ...), et des parcs à Borassus aethiopum, Mangifera indica, Anacardium occidentale, Parkia biglobosa, Vitellaria paradoxa.

La Zone d’étude a une population totale de 549 415 habitants (RGPH, 2022), dont 29 % vivent en milieu urbain ou semi-urbain. Cette population est exclusivement composée des groupes socio-culturels Moba, Been, Gourma, Mamproussi, Yanga, Tchokossi, Gam-gam, Bissa et Peulhs. Les revenus des ménages de la zone proviennent de l’agriculture, de l’élevage et de la commercialisation des produits agricoles.

Méthodologie

Nature des données à collecter

La première étape du travail est la recherche documentaire. Elle a consisté à la consultation des documents sur les PFNL en général et sur le karité, le néré, le tamarin et le miel en particulier. De même, divers entretiens ont été effectués avec des personnes ressources du domaine. Ces recherches documentaires ont permis d’élaborer des questionnaires afin de recueillir des informations sur l’aspect socio-économique des PFNL.

Au total 32 cantons (Figure 2) des 07 préfectures des Savanes ont été parcourus. Le choix de ces cantons s’est fait sur la base de la proximité aux aires protégées, des centres urbains ou agglomérations et des grands marchés. Les ONG, les coopératives et les groupements qui participent à l’organisation de la filière des PFNL ont été enquêtés afin de recueillir des informations viables qui puissent être représentatif des acteurs concernés.

Les producteurs, les commerçants et les transformateurs représentent le public cible. Trois cent six (306) personnes ont été enquêtées dont 52 % de femmes et 48 % d’hommes.

La majorité des enquêtes a été faite par focus groups 83 % composé en moyenne de 8 personnes. Les focus groups ont été complétés par des entretiens individuel comme l’ont expérimenté Atakpama et al., (2012) et Pereki et al., (2012) afin de connaître la valeur économique, les types d’usage et les parties les plus utilisés des espèces pourvoyeuses de PFNL dans la population locale considérée. Les autorités locales (administration forestière, institutions de gestion et protection des végétaux) ont été aussi prises en compte pour avoir les informations et ensuite pour faciliter l’administration du questionnaire.

Sur les 306 enquêtés, 31 % ont un âge moyen de 40 ans et moins de 1 % ont un âge moyen de 65 ans (Figure 3). Par ailleurs, plus de 44 % des enquêtés sont des analphabètes, et 3 % ont un niveau universitaire (Figure 4).

Les Moba représentent 61 % des enquêtés et les Tchokossi 27 % et sont les ethnies les plus rencontrés. Les ethnies les moins rencontrés sont les Bissa (4 %), les Ewé (3%), les Gam-gam (2 %) (Figure 5).

Traitement des données

Les analyses statistiques ont été réalisées sur le Logiciel Microsoft-Excel et la fréquence de citation de l’usage des espèces (F), de valeur d’usage de l’espèce (𝑽𝑼𝒔𝒑), le nombre d’usage de l’espèce (𝑵𝑼𝒔𝒑) et la valeur d’importance de l’espèce (𝑽𝑰𝒔𝒑) ont été calculés et représentés sous forme de graphe. Pour l’identification des espèces, la flore analytique du Bénin a été utilisée. La fréquence de citation d’usage (F) d’une espèce correspond au rapport entre le nombre d’enquêtés ayant cité le même usage de cette espèce et le nombre total des enquêtés.

𝑭 =n/N x100

n=nombre d’enquêtés ayant cité l’usage de espèce et N=nombre total d’enquêtés

D’autre part, les indices suivants ont été calculés:

Nombre d’usage de l’espèce (𝑵𝑼𝒔𝒑): le nombre d’usage de l’espèce correspond à la somme de citation d’usage par organe de l’espèce.

𝑵𝑼𝒔𝒑 = ∑ 𝑵𝑼𝒐𝒓𝒈𝒂𝒏𝒆

𝑵𝑼𝒐𝒓𝒈𝒂𝒏𝒆 =Le nombre de citations pour un organe spécifique de la plante par l’ensemble des enquêtés.

Valeur d’usage de l’espèce (𝑽𝑼𝒔𝒑)

La valeur d’usage de l’espèce correspond au rapport entre 𝑵𝑼𝒔𝒑 et la somme totale des nombres d’usage de toutes les espèces. L’espèce ayant la valeur d’usage la plus élevée est celle dont l’usage est plus reconnu.

𝑽𝑼𝒔𝒑 =𝑵𝑼𝒔𝒑/∑ 𝑵𝑼𝒔𝒑𝒊

Valeur d’usage de l’organe (𝑽𝑼𝒐𝒓𝒈𝒂𝒏𝒆)

La valeur d’usage d’un organe d’une espèce est égale au rapport entre le nombre total de citations de l’organe et le nombre total de citations d’usage de l’espèce. L’organe dont la valeur d’usage est plus élevée est l’organe le plus utilisé par la population.

𝑽𝑼𝒐𝒓𝒈𝒂𝒏𝒆 =𝑵𝑼𝒐𝒓𝒈𝒂𝒏𝒆/𝑵 𝑼𝒔𝒑

Indice de valeur d’importance d’usage spécifique (𝑰𝑽𝑰𝑼𝒔𝒑)

𝑰𝑽𝑰𝑼𝒔𝒑 = 𝑽𝑼𝒔𝒑 + 𝑫𝑰𝑽𝒔𝒑 + 𝑭

avec Divsp qui correspond au rapport entre le nombre d’usage de l’espèce et le nombre d’usage de l’espèce ayant le nombre d’usage maximal des espèces citées. Les calculs des indices d’usages font références à Avocèvou-Ayisso et al., (2012), Gomez-Beloz, (2002) et Atakpama et al., (2012) réalisé sur une étude de plusieurs espèces tandis que les travaux des deux derniers font référence à des espèces spécifiques et uniques. La formule de l’indice de valeur d’importance d’usage spécifique fait référence à Zabouh et al., (2018).

RÉSULTATS

Diversité des espèces pourvoyeuses de PFNL

Au total 57 espèces ont été recensées appartenant à 52 genres et 29 familles. La famille des Leguminosae-Mimosoideae est la plus représentée (Figure 6) avec 8 espèces suivie de la famille des Leguminosae- Caesalpinioideae avec 5 espèces. Le genre Acacia et Ficus sont les plus représentés. Toutes ces espèces ont une valeur alimentaire, médicinale et/ou économique.

Classification selon le type d’usage

Les espèces recensées présentent une diversité d’usage selon un degré d’importance varié (Figure 7). 36 %, soit 20 espèces recensées ont une importance alimentaire (Borassus aethiopum, Mangifera indica, Parkia biglobosa, Vitex paradoxa, vitex doniana, etc.), alors que 32 %, soit 18 espèces, contribuent à l’amélioration des revenus des ménages (Borassus aethiopum, Mangifera indica, Parkia biglobosa, Vitex paradoxa, etc.). Quant aux premiers soins, à la prophylaxie ou aux traitements de divers maux, plus de 20 % des espèces citées sont utilisées dans l'élaboration de médicaments traditionnels.

Classification des espèces selon la valeur d’importance

Les 57 espèces recensées, ont une valeur d’importance. Cependant, certaines sont considérées comme ayant une grande valeur d’importance plus que d’autres. Ces espèces classées comme les plus importantes interviennent dans divers usages. L’espèce la plus importante est V. paradoxa suivie de P. biglobosa, V. doniana et B. aethiopum (Figure 8).

Classification selon la fréquence d’utilisation des organes

En termes de fréquence d’utilisation des organes, l’usage des feuilles par les groupes socioculturels enquêtés représente 25 %. L’usage des écorces (14 %) est également important. La pulpe tout comme l’arille des fruits des espèces citées représentent des proportions non négligeables dans les usages (5 %). Les fruits, les écorces et les graines sont aussi valorisés soit dans l’alimentation, dans le commerce ou dans le traitement de certaines maladies (Figure 9).

Diagnostic socio-économique des espèces de PFNL retenues

Part socio-économique du Néré

Les organes du néré ont une importance non seulement dans l’économie (22 %) mais aussi dans l’alimentation (23 %) et sur le plan médicinal (21 %) (Figure 10). Les usages multiples font de cette plante une essence à grande valeur dans la région des savanes. L’organe le plus utilisé est le fruit (gousse) composé de sous-produits tel que la graine (38 %), l’arille (pulpe jaune) (3 %) et les enveloppes de la gousse (9 %). Les graines sont vendues directement ou transformées en moutarde avant la mise sur le marché.

Toutes les parties du néré sont utilisées depuis les feuilles jusqu’aux racines. Les parties les plus rapportées sont les graines, les écorces et les feuilles (Figure 11). Les enveloppes des gousses réduites en poudre sont utilisées comme peinture ou teinture pour badigeonner les cases. La farine jaune (pulpes) est employée dans la pâtisserie locale pour produire des beignets. Cette pulpe associée au mil sert à la préparation de couscous ou de boissons fortement utilisées lors des travaux champêtres d’entraide.

Le néré est plus utilisé dans l’alimentation (23 %) à travers son fruit et la moutarde pour faire la sauce. Ces usages dans l’alimentation contribuent à la réduction d’achat de certains ingrédients pour la sauce. Ces organes (gaines, fruit, farine jaune et les gousses) et produits dérivés (moutarde, beignets) font l’objet de commerce générant ainsi des sources de revenus. Ces revenus permettent aux ménages de se procurer des biens de première nécessité. L’arbre et ses feuilles ont une importance dans l’agriculture et sur le plan culturel. Dans l’agriculture, le néré permet la fertilisation des sols, réduit l’érosion des sols faisant ainsi améliorer le rendement des cultures. Les feuilles, en dehors de leur rôle de fertilisant sont aussi utilisées pour transporter le cadavre dans l’ethnie moba. Le revenu issu de la vente des produits (graine, moutarde et autre) sert à subvenir aux besoins vitaux et à l’achat des produits de première nécessité. Ces revenus servent également à payer la scolarité des enfants, à se soigner en cas de maladie. Les usages du néré ne sont plus à démontrer dans les ménages des producteurs, commerciaux, et des transformateurs (Figure 12).

Importance socio-économique du Karité

Presque toutes les parties d’organes du Karité sont utilisés pour des fins médicinal ou économique (Figure 13). Cependant, les écorces sont destinées au traitement de la diarrhée et la gale; les racines pour la diarrhée et le paludisme tandis que les feuilles sont utilisées comme engrais vert. Seules les noix du karité ont une valeur économique dans les ménages. Ces noix sont transformées directement sur place par les producteurs/collecteurs ou vendues à des commerçants.

Importance socio-économique du tamarinier

Toutes les parties des organes du tamarinier ont une valeur sociale, voir économique à travers son fruit (Figure 14). En effet, seul le fruit est commercialisé, les autres parties étant utilisées dans la médecine traditionnelle pour le traitement de certaines maladies dans la communauté Moba. Les feuilles sont utilisées pour le traitement des maux de tête, de la morsure de serpent, le fruit contre la toux, les racines contre la dysenterie et le paludisme et les écorces sont utilisées pour le traitement des affections cutanées, la méningite et le paludisme.

Le fruit est vendu par les producteurs ou collecteurs en boule pour sa transformation en jus de tamarin. Le fruit transformé en jus par l’ONG «RAFIA» à Dapaong est vendu sur toute l’étendue du territoire. Une bouteille de 33 cl est vendue à 350 F CFA. La transformation du fruit en jus est réalisée seulement par une minorité.

L’aspect économique du tamarinier n’est pas reconnu par la majorité de nos enquêtés. Par contre, 75 % des enquêtés savent l’utilité du tamarinier dans la médecine traditionnelle et dans l’alimentation (Figure 15). Le fruit est mangé directement ou est transformé en jus avant la consommation.

Importance socio-économique du miel

Le miel, issu de la cire d’abeilles à une grande importance dans les ménages des apiculteurs ou les collecteurs de miel sauvage tant sur le plan économique (27 %), alimentaire (30 %) et médicinal (43 %). Dans la médecine traditionnelle, le miel est utilisé dans le traitement des affections comme la fièvre, l’évanouissement, la toux, le vertige, la fatigue mentale, surtout chez les élèves. Selon certains enquêtés, le miel est utilisé dans la fabrication de certains savons ou pommades utilisés pour le traitement des affections cutanées.

Le miel produit par les collecteurs ou apiculteurs est utilisé pour l’alimentation et le traitement de certaines maladies (Figure 16). En effet, dans l’alimentation, le miel est utilisé comme substituant de sucre chez les diabétiques. La consommation du miel facilite la digestion et aide un bon développement du cerveau chez les nouveaux nés.

Le miel, malgré ses plusieurs fonctions dans les ménages constitue également une source de revenus pour ces producteurs et les autres acteurs de la filière. C’est surtout les apiculteurs qui ont été identifiés pour la collecte des données. Les récolteurs de miel sauvage n’étant pas identifiés, ces apiculteurs sont organisés en groupement ou non. Les ruches artificielles d’une grande capacité de 100 à 150 litres ont été installées. La récolte se fait généralement 2 à 3 fois par an.

État organisationnel des acteurs

La chaîne de valeur des PFNL rencontrée lors de cette l’étude est composée de la production, le transport et la distribution, la transformation et la consommation.

Tous ces maillons assurent des fonctions économiques déterminantes. La production des PFNL est réalisée par les hommes car étant propriétaire terrien tandis que la transformation ainsi que la commercialisation sont beaucoup plus réservées aux femmes. Les exploitants interviennent par simple collecte ou ramassage dans les aires forestières accessibles sans aucune formalité. Ces lieux de collectes sont aussi les jachères ou champs. Les acteurs, surtout les transformateurs, sont organisés en groupement ou coopératives et interviennent dans la transformation et la vente des produits dérivées.

Ces chaînes de valeur abritent des sous-chaînes de valeur destinées à la commercialisation des produits dérivés ou produits issus de la transformation. Dans le cas du miel, le produit est vendu sans avoir subi des transformations artisanales.

Deux formes majeures de production sont à distinguer:

• L’autoconsommation qui permet l’assurance des besoins internes des ménages représentant environ 60 % de la production;

• La production aux fins d’approvisionnement des villes (Dapaong, Mango, Mandouri et Cinkassé) et la commercialisation dans les centres urbains représentant en moyenne 40%.

Circuits de commercialisation

Circuits de commercialisation de Néré, Karité, Tamarinier

Plusieurs types de circuits de commercialisation ont été dégagées à partir des enquêtes:

• Les circuits non commerciaux qui assurent l’auto-approvisionnement: les ménages exploitants consomment directement les produits transformés ou les parties d’organe prélevées;

• Les circuits commerciaux: deux ont été identifiés:

o Les circuits courts: la vente des produits transformés ou parties d’organes issues des PFNL ne sont pas transportés sur plus de 15 à 20 Km de leur lieu de production. Ces circuits impliquent moins d’intermédiaires. Ils consistent à approvisionner les localités proches des zones de production.

o Les circuits longs: les flux des produits sont assurés sur des centaines de kilomètres. Ils facilitent l’approvisionnement des grandes villes tels que, Kara, Sokodé, Atakpamé, Lomé etc. Ces flux impliquent beaucoup d’acteur surtout les femmes (95%) générant des revenus. L’approvisionnement des villes se fait par les camions ou des véhicules de transport commun. Les commerçantes des produits bruts ou transformés viennent de tous les coins du pays pour la recherche de ces produits dans la région des savanes. Ces femmes passent la moitié de leurs temps dans les villages qui sont les sites de production pour faire les collectes et l’envoi vers les centres urbains.

Circuits de commercialisation du miel

Le miel vendu sur le marché de Dapaong provient des pays voisins comme le Burkina, Ghana et Bénin. Ce miel provient également de l’intérieur du pays (Kara Sokodé). Cependant, l’existence de forêts ou réserves dans certaines zones comme Borgou, Naki-Est, Naki-Ouest, Mandouri, Mango, Bombouaka et autre font d’elles des sites de production.

DISCUSSION

Cette étude sur l’importance socio-économique des PFNL dans la région des savanes a permis de recenser, au total 57 espèces regroupées en 52 genres et 29 familles. Les familles les plus représentées sont Leguminosae-Mimosoideae et Leguminosae-Caesalpinioideae. Le nombre d’espèces recensées dans cette étude est moins que le résultat de Lougbégnon Olou et al., (2015) qui ont inventorié 111 espèces dans la commune de Ouidah et celui de Assogba Ballè, (2011) qui a inventorié 159 espèces dans les 5 arrondissements de la commune de Pobè pour une étude ethnobotanique des plantes utilisées pour la santé de l’enfant. Le faible nombre d’espèces présentes est totalement valorisé à travers ses différents organes. Le niveau élevé de connaissance des plantes est lié non seulement à la culture, mais aussi au taux de pauvreté élevé des populations et à la faible urbanisation de la zone. Ce constat a été fait aussi par Atakpama et al., (2012).

L’usage alimentaire est le plus cité (36 %) suivi de l’usage économique (32 %) et médicinal (22 %). Cela s’explique par le fait que ces différentes espèces recensées ont une valeur importante dans les ménages des populations. Ces résultats sont inférieurs à ceux trouvés par Kébenzikato et al., (2015) qui ont trouvé que l’usage alimentaire de A. digitata est reconnu par la population à 99,5 % des enquêtés suivi de l’usage thérapeutique (80 %). Cette différence est due au fait que son étude a porté sur une seule espèce et s’est réalisée sur toute l’étendue du territoire togolais. L’utilisation de ces espèces pour le traitement des maladies courantes comme le paludisme, les maux de tête et de ventre, faiblesse sexuelle et autres est soulevée par cette étude. Ce résultat est similaire à ceux trouvés par Lougbégnon Olou et al., (2015).

Tous les produits forestiers non ligneux cités par les enquêtés ont une importance socio-économique dans leurs ménages. Spécifiquement, ceux retenus pour cette étude ont non seulement une importance économique mais aussi alimentaire et médicinale du fait que leurs organes entrent dans différents usages spécifiques.

Selon les organes utilisés dans le cas du néré, les graines sont les plus utilisées suivies des écorces et les feuilles. Ces résultats sont contraires de celui de Padakale, (2015) qui a trouvé que les parties les plus rapportées sont la pulpe (96,9 %), le bois (90,7%), les valves (89,7 %) et les graines (89,7 %). Cette différence est due au fait qu’il a rencontré plusieurs groupes ethniques. Quant aux types d’usages, l’usage alimentaire est le plus connus suivi de l’usage économique et médicinal dans le cas de cette étude. Par contre, Padakale (2015) à rapporté que l’usage médicinal est le plus connus suivi de l’artisanal, magico-religieux et alimentaire. Les groupes ethniques rencontrés seront également la cause de cette différence. Les usages alimentaires ont été cités par tous les enquêtés en ce qui concerne les produits retenus dans cette étude. Ces résultats sont similaires à ceux de Assongba et al., (2014), de Gbesso et al., (2014) et ceux de Koura et al., (2011).

Les PFNL occupent la troisième place en matière de source de revenus pour les populations rurales après l’agriculture et l’élevage (Tapsoba et al., 2014). La production, la commercialisation et la transformation des graines de karité, néré et le tamarinier et de leurs produits dérivés à un impact positif sur le bien-être des populations. En effet, ces spéculations permettent d’abord une augmentation du revenu de chaque acteur, de manière à répondre en partie à leurs nombreux besoins. Ce constat est également fait par Tanizi (2017), Kébenzikato et al. (2015), Ouedraogo et al. (2012) et Ndao et al. (2014). Ensuite, il y a lieu de retenir que ce secteur offre des emplois aux jeunes. Aussi, l’exploitation des PFNL permet de relever le défi de l’insécurité alimentaire (BONOU, 2007; Doyon et Roy-Malo, 2020; Lescuyer, 2010; Ndao et al., 2014; Tapsoba et al., 2014).

Presque tous les PFNL produits dans les zones rurales sont envoyés vers les grands marchés de la région, voire même les pays voisins. Ce constat est également fait par Padakale (2015). Ceci s’explique par le fait que dans les agglomérations, la demande de ces produits est forte. Le transport des PFNL des marchés des zones de production vers les lieux de consommations potentiels (Dapaong, Mango, Mandouri, Cinkassé) se fait généralement par les taxis moto, tricycles et parfois des véhicules.

CONCLUSION

Il ressort de cette étude que sur les 57 espèces recensées, 20 sont utilisées dans l’alimentation, 18 ont une valeur économique et 12 sont utilisées dans la médecine traditionnelle. Spécifiquement, le néré, le karité, le tamarinier et le miel ont une importance non seulement économique mais aussi alimentaire et médicinale. Ces différentes filières ont impliqué plusieurs acteurs entre autres les producteurs, les commerçants, les transformateurs et les consommateurs créant ainsi de l’emploi aux jeunes du milieu. Cependant, le manque d’organisation dans ces filières est à souligner. Pour ces PFNL, il faut noter que leurs organes ou parties d’organes sont vendus à l’état brut ou transformé permet aux différents ménages de subvenir à leurs besoins. Principalement, les graines, les noix, et fruits respectivement du néré, du karité et du tamarinier sont les organes vendus de ces plantes. Pour assurer l’essor de cette grande filière des PFNL il est indispensable de mettre en place de très bonnes infrastructures ainsi que des entreprises de transformation afin de faciliter l’écoulement des produits et la transformation totale de ces produits.

RÉFÉRENCES

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