Résumé

La République démocratique du Congo est l’un des réservoirs de la biodiversité végétale. Celle-ci constitue une source de revenus, d’aliments et de médicaments pour la population des zones rurales, périurbaines et urbaines. La présente étude a pour but d’identifier les usages ethno-médicaux et la valeur socioéconomique de Irvingia tenuinucleata à Gbado-Lite en vue de sa valorisation suivant le principe d’accès et de partage de bénéfices.  Il ressort de cette étude que cette plante soigne le gonflement de pied, l’hémorroïde, les vers intestinaux et comme utéro-tonique traditionnel (FCI=0,5). La décoction et l’expression sont les deux modes de préparation les utilisés. Le fruit (92.8%) est la partie la plus utilisée, suivi respectivement des tiges (3.8%), des feuilles (2.4%) et des écorces (1%).  La vente des fruits de I. tenuinucleata est assurée par les femmes (92,2%), les célibataires (52,9%) et les personnes d’âge compris entre 36 et 50 ans.  La taille de ménage majoritaire est composée de 1 à 5 personnes (62,7%) avec une expérience de vente de 1 à 5 ans (72,5%). Ce PFNL est prioritairement destiné à la consommation (80%) et son écoulement est partiel (90,2%). Cette vente génère une recette mensuelle d’environ 2.500 à 5.000 CDF (1 USD= 2.030 CDF) pour 68,6% des enquêtés. La principale difficulté liée à la vente est la conservation des fruits (45,1%). Les contraintes liées à la cueillette sont notamment la présence des serpents dans la forêt, l’inaccessibilité, les acheteurs moins nombreux, la difficulté d’accès aux fruits sur le pied de l’arbre, la déforestation (la forêt de plus en plus éloignée de la ville), etc. Par contre, la principale activité des paysans-ceuilleurs est l’agriculture (55,8%), celle-ci est majoritairement pratiquée par les hommes (69,2%), les ceuilleurs sont majoriatirement des mariés (69,2%). La production annuelle représente 2 à 5 bassins pour 40,4% des enquêtés. 86,5% des paysans intérrogés possèdent au moins un champ dans la forêt. 46,2% des paysans y fréquentent plus de trois fois par semaine. Le chomage et la pauvreté sont les principales causes de la pression exercée sur la forêt. D’où la nécessité de les former dans la gestion des PFNLs en renforçant leur capacité en agro-écologie. A cet effet, les recherches scientifiques approfondies devront être menées en vue d’une meilleure connaissance de l’écologie, la phyto-chimie et les propriétés pharmaco-biologiques, toxicologiques et nutritionnelles de cette espèce végétale et sa domestication dans le Nord-Ubangi.    


Mots Clés: Plantes médicinales, fruits sauvages comestibles, produits forestiers non ligneux, accès et partage des avantages, agro-écologie, agroforesterie,  Irvingia tenuinucleata

INTRODUCTION

La République démocratique du Congo (RDC) est l’un des réservoirs de la biodiversité végétale dans le monde (Asimonyio et al., 2015; Kambale et al., 2016a; 2016b). Parmi les ressources végétales disponibles, les produits forestiers non ligneux (PFNLs) constituent pour la population des zones rurales, périurbaines et urbaines une source non négligeable de revenus, d’aliments et de médicaments (Mawunu et al., 2017; Mawunu et al., 2019; Tchatchambe et al., 2017a,b; Ezebilo et Mattsson, 2010). Ces produits contribuent ainsi à la sécurité alimentaire et aux soins de santé primaire chez plus de 80% des personnes en Afrique (Allabi et al., 2011; De Wet et al., 2010). Les PFNLs contribuent également à l’amélioration de l’état nutritionnel des populations pauvres en leur apportant les vitamines, les éléments minéraux (Zn, Se, Fe, Mg, Ca, etc.), les protéines, les fibres, les glucides, les lipides, etc. (Mawunu et al., 2020; Tchatchambe et al., 2017a, b) et sont donc doués de propriétés pharmaco-biologiques scientifiquement validées (Sinsin et Kampmann, 2010). Parmi ces PFNLs, Irvingia tenuinucleata Tiegh. (Syn. I. wombulu) est une plante à valeurs alimentaire, nutritive et médicinale bien connues. En effet, les fruits sont riches en lipides et contiennent diverses vitamines et des minéraux (thiamine, riboflavine, niacine, vitamine C, Ca, Fe, etc.). L’écorce de la plante est utilisée pour soigner diverses maladies telles que la diarrhée, la dysenterie, la stérilité, la hernie et la décharge urétrale (Oyen, 2021). Cependant, la gestion d’une telle ressource biologique ne saurait être durable dans cette partie du pays si on n’intègre pas les valeurs sociale, culturelle et économique que la population locale accorde à cette dernière (Masengo et al., 2021a,b). Ainsi, la diversité biologique et culturelle constitue un potentiel inestimable de développement socio-économique de la RDC.

Dans la perspective de valorisation et de gestion durable de ces ressources, il est important de documenter les connaissances endogènes et pratiques traditionnelles associées à ces plantes. La présente étude a pour but d’identifier les usages ethno-médicaux et la valeur socio-économique de Irvingia tenuinucleata Tiegh. à Gbado-Lite en RDC et s’inscrit donc dans le cadre de la mise en œuvre du protocole de Nagoya qui vise à créer une base de données des plantes médicinales afin de faciliter l’accès et le partage des avantages tout en prenant en compte, la protection des connaissances, innovation et pratiques traditionnelles des communautés locales conformément aux dispositions de la Convention sur la Diversité Biologique.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Milieu d’étude

La présente étude a été réalisée à Gbado-Lite (Latitude: 4° 16′ 41″ Nord; Longitude: 21° 00′ 18″ Est; Altitude: 300-500 m au-dessus de la Mer). La ville de Gbado-Lite (Figure 1) est située dans l’écorégion oubanguienne, un sous ensemble appartenant aux forêts congolaises du nord-est (Northeastern Congolian low land forests). Cette écorégion fait partie des 200 écorégions terrestres prioritaires sur le plan global dites les «G200». Sa superficie est de 278 Km2 et la population est estimée à 198.839 habitants (Ngbolua et al., 2018; Ngbolua et al., 2019a-c; Ngbolua et al., 2020a,b).

Méthodes

Enquête ethno-botanique

L’enquête ethno-botanique a été réalisée à Gbado-Lite auprès de 200 personnes selon la méthode d’échantillonnage stratifié probabiliste comme précédemment décrit (Ngbolua et al., 2019d; Ngbolua., 2020; Masengo et al., 2021a, b). Pour collecter les données ethnobotaniques, un échantillon de 200 personnes a été tiré aléatoirement. Les répondants ont été questionnés individuellement sur base d’une fiche d’enquête. Les principales données collectées sont relatives aux données socio-démographiques (sexe, âge, groupe socio-culturel, niveau d’études, profession et statut matrimonial) et aux données ethnobotaniques (nom vernaculaire, partie utilisée, maladies soignées, catégorie d’utilisation et mode de préparation des recettes médicinales, etc.).

Enquête socio-économique

La technique d’échantillonnage par «boule de neige» (qui consiste à identifier un informateur compétent pour le sujet d’étude puis cet informateur après être enquêté indique à son tour un autre informateur compétent de la même communauté) a été utilisée. Ce processus s’est poursuivi jusqu’à l’investigation de tous les informateurs experts compétents sélectionnés cette étude. La population d’étude était composée des paysans et des vendeurs impliqués respectivement dans la cueillette et la vente Irvingia tenuinucleata Tiegh. Deux types de questionnaires ont été à cet effet utilisés pour la collecte de données. L’un pour les paysans-cueilleurs (52 personnes) et l’autre pour les vendeurs (51 personnes) de ce produit forestier non ligneux. Ces questionnaires ont préalablement été testés et adaptés au contexte de l’étude et du milieu.

L’enquête a été réalisée selon les principes repris dans la déclaration d’Helsinki (consentement libre des enquêtés, etc.) et en langue locale (Lingala).

RÉSULTAS ET DISCUSSION

Étude ethno-botanique

La figure 2 donne la répartition des enquêtés en fonction de leur sexe.

Il ressort de cette figure que la majorité des enquêtés sont des femmes, soit 53 % par rapport aux hommes qui représentent 47%.

La figure 3 donne la répartition des enquêtés en fonction de leur âge.

Il ressort de cette figure que la majorité des enquêtés ont l’âge compris entre 18-35 ans, soit 36,5%. Suivi de ceux dont l’âge est de 36-50 ans, soit 36% et enfin les personnes dont l’âge est supérieur à 50 ans qui représentent 27,5%.

La figure 4 donne la répartition des enquêtés en fonction de leur groupe socio-culturel.

Il ressort de cette figure que la majorité des enquêtés sont des peules Ngbandi, soit 34%. Par rapport aux autres peuples: Mbanza, Mono, Ngbaka et Ngombe qui représentent 16,5% chacun.

La figure 5 donne la répartition des enquêtés en fonction de leur niveau d’études.

Il ressort de cette figure que la majorité des enquêtés ont un niveau secondaire, soit 56%. Suivi de ceux de niveau primaire (27%), des analphabètes (10,5%) et enfin des universitaires qui représentent 6,5%.

La figure 6 montre que la majorité des personnes enquêtées étaient des agriculteurs (36%) suivi respectivement des élèves (12,5%), enseignants et fonctionnaires de l’état (12% chacun), commerçants (10.5%), maçons (7%), étudiants et pécheurs (3,5% chacun) et chasseurs (3%).

La figure 7 donne la répartition des enquêtés en fonction de leur statut matrimonial.

Il ressort de cette figure que la majorité des enquêtés sont des mariés, soit 71%. Suivi respectivement des célibataires (19%) et des veufs qui représentent 10%.

Données ethnobotaniques

Localement, Irvingia tenuinucleata (Synonyme: I. wombolu) est appelé boro (chez les Mbanza), oboro (chez les Mono), ngbi (chez les Ngbaka), bolo (chez les Ngbandi) et bolobolo (chez les Ngombe). Il s’agit d’une plante médicinale alimentaire sauvage très appréciée par la population vivant dans l’écorégion Ubangienne.

La figure 8 donne l’origine (source d’approvisionnement) de l’espèce.

Il ressort de cette figure que la majorité des enquêtés trouve leurs espèces au marché, soit 53%. Tandis que d’autres les trouves dans la forêt, soit 47%.

La figure 9 donne les différentes parties utilisées de l’espèce.

Il ressort de cette figure que le fruit (92,8%) est la partie la plus utilisée, suivi respectivement des tiges (3,8%), des feuilles (2,4%) et des écorces (1%).

La figure 10 donne les maladies soignées par Irvingia tenuinucleata (Synonyme: I. wombolu).

Il ressort de cette figure que les maladies les soignées sont le gonflement de pied, l’hémorroïde, les vers intestinaux et comme utéro-tonique traditionnel (accouchement sans douleur). La valeur calculée de facteur de consensus informateur (nombre de citations Nr moins nombre de maladies soignées Na divisé par nombre de citation Nr moins 1) (Ngbolua, 2020) est 0,5 et indique qu’il existe un consensus entre les informateurs qui utilisent cette plante comme médicament pour les soins de santé primaire à Gbado-Lite.

Les figures 11 et 12 donnent respectivement les catégories d’utilisation et les modes de préparation de l’aliment et des recettes médicinales à base de I. tenuinucleata (Synonyme: I. wombolu).

Il ressort de ces figures que la plante Irvingia tenuinucleata (Synonyme: I. wombolu) est un alicament. Du point de vue médical, la décoction et l’expression sont les deux modes de préparation les utilisés.

La figure 13 donne la perception de la population sur la fréquence de l’espèce.

Il ressort de cette figure que l’espèce est peu abondante pour la majorité des enquêtés. Suivi de ceux qui confirment la rareté de l’espèce et enfin ceux qui estiment que l’espèce est abondante.

Selon Mongeke et al. (2018), les plantes médicinales constituent des ressources pour les générations actuelle et future et nécessitent une gestion durable en vue de leur valorisation suivant le principe d’accès et de partage de bénéfices (APA). En effet, ces plantes peuvent fournir des métabolites secondaires bioactifs susceptibles d’être utilisés par la médecine moderne comme molécules tête de série (hits) ou pour mettre au point des phyto-médicaments standardisés moins coûteux et facilement accessibles à la population.

Irvingia tenuinucleata est l’une de ces plantes nécessitant une attention soutenue en tant qu’alicament. Cette plante contient les minéraux tels que le phosphore (P), le calcium (Ca), le potassium (K), le sodium (Na), le manganèse (Mn), le fer (Fe), le cuivre (Cu) et le zinc (Zn) qui sont indispensables pour le bon fonctionnement de l’organisme tant animal qu’humain (Atoyebi et al., 2020). En outre, les graines, les écorces de racine et de tige ainsi que les feuilles de I. tenuinucleata contiennent les glucides, les lipides, les protéines, les fibres et les substances naturelles telles que les alcaloïdes, les flavonoïdes, les tanins, les saponosides, les stérols, les anthraquinones et les terpénoïdes (Chinelo et Ezeani, 2016). La peau et la pulpe de des fruits de I. tenuinucleata contiennent la lysine et la sérine. Elles contiennent aussi le friedelan-3-one (un composé anti-inflammatoire), le stigmasterol (composé à propriétés anti-tumorales et anti-cholestérol) et le béta-sitostérol, un métabolite secondaire connu pour ses propriétés anti-cholestérol et immuno-modulatrices et sa capacité à réduire le risque des maladies cardiovasculaires et à prévenir le cancer de colon (Oduntan et al., 2019).

Études socio-économique et environnementale

Le tableau 1 donne la fréquence relative aux données sur la vente de Irvingia tenuinucleata.

Il ressort de ce tableau que la vente de I. tenuinucleata est activité assurée par les femmes (92,2%), les célibataires (52,9%) et les personnes d’âge compris entre 36 et 50 ans. La taille de ménage majoritaire est composée de 1 à 5 personnes (62,7%) avec une expérience de vente de 1 à 5 ans (72,5%). Ce PFNL est prioritairement destiné à la consommation (80%) et son écoulement est partiel (90,2%). Cette vente génère une recette mensuelle d’environ 2.500 à 5.000 CDF (1 USD= 2.030 CDF) pour 68,6% des enquêtés. La principale difficulté liée à la vente est la conservation des fruits (45,1%).

La figure 14 donne l’appartenance ethnique des enquêtés.

La vente est plus assurée par les trois groupes ethniques majoritaires du Nord-Ubangi notamment les Ngbandi, Ngbaka et Ngombe.

Le tableau 2 donne la fréquence relative aux données sur la cueillette de Irvingia tenuinucleata.

Il ressort de ce tableau que bien que la majorité des ceuilleurs pensent n’éprouver aucune difficulté dans la récolte de cette plante, quelques contraintes ont été signalées. Il s’agit notamment de la présence des serpents dans la forêt, l’inaccessibilité, les acheteurs moins nombreux, la difficulté d’accès aux fruits sur le pied de l’arbre, la déforestation (la forêt de plus en plus éloignée de la ville), etc.

La présente étude a montré que le revenu issu de la cueillette et vente de ce PFNL à Gbado-Lite est orienté prioritairement vers le loyer et l’éducation des enfants, ceci est une caractéristique des pays pauvres où les dépenses prioritaires sont celles de la survie (Cockx, 1996).

Les soins de santé n’occupent que 10 à 11%. Ceci montre que la population recourt plus à la Médecine Traditionnelle et aux plantes médicinales pour les soins de santé primaire qu’à la médecine moderne (Mongeke et al., 2019; Ngbolua et al., 2019d; Masengo et al., 2021a,b). En effet, selon l’OMS (Organisation Mondiale de Santé), plus de 80% de la population en Afrique mais aussi dans d’autres régions pauvres du monde recourent à la Médecine Traditionnelle pour la prise en charge des maladies courantes (Ngbolua et al., 2011a,b).

La présente étude a également montré que la principale activité des paysans-ceuilleurs est l’agriculture (55,8%), celle-ci est majoritairement pratiquée par les hommes (69,2%), les ceuilleurs sont majoritairement des mariés (69,2%). La production annuelle (récolte) représente 2 à 5 bassins pour 40,4% des enquêtés. L’agriculture traditionnelle sur brûlis peut avoir un impact négatif sur l’environnement notamment les écosystèmes forestiers. Nous avons ainsi voulu avoir une idée sur son impact sur l’exploitation de I. tenuinucleata à Gbado-Lite et ses environs (Tableau 3).

86,5% des paysans interrogés possèdent au moins un champ dans la forêt. 46,2% des paysans y fréquentent plus de trois fois par semaine. Le chômage et la pauvreté sont les principales causes de la pression exercée sur la forêt. Bien que le PFNL récolté n’est pas encore perçu par la population comme rare (63,5%), la fréquence de son prélèvement in situ risque de causer son érosion si aucune mesure n’est prise pour sa conservation in situ ou ex situ puisque 25% des personnes interrogées récolte ce PFNL (Figure 15) à plus de 15 Km de la ville de Gbado-Lite. Toutes les personnes interrogées reconnaissent les services rendus par la forêt d’où nécessité de sa protection et de sa bio-ressource (I. tenuinucleata) pour les générations actuelle et future.

En Afrique, les plantes alimentaires spontanées (ou sauvages) constituent l’une des sources les plus exploitées pour l’alimentation humaine en zone rurale (Mawunu et al., 2019; Tchatchambe et al., 2017a,b). Cependant, ces plantes sont de plus en plus abandonnées par la population locale au profit des plantes dites exotiques en raison notamment de la rareté, mais aussi leur méconnaissance et l’absence des preuves scientifiques sur leur toxicité et autres évidences pharmaco-biologiques (Ngbolua et al., 2021). Pourtant, ces plantes présentent souvent les meilleurs caractéristiques agronomiques (rendement élevé et facilité de production) et la haute valeur nutritive (Sinsin & Kampmann, 2010). A l’heure actuelle, les plantes sauvages occupent une place de choix dans la nutrithérapie du fait de leurs propriétés médicinales et nutritives. Outre le fait que ces plantes servent d’une part de sources de compléments nutritionnels, et un élément important de l’économie de nombreux ménages en RDC d’autre part, elles sont aussi utilisées comme médicaments.

La présente étude révèle que I. tenuinucleata constitue à la fois un aliment, un médicament et une source de revenu pour la population locale. La protection et la valorisation des connaissances, innovation et pratiques traditionnelles liées à cette ressource biologique s’avère donc indispensable. En effet, la plante I. tenuinucleata est insuffisamment mise en valeur à Gbado-Lite.

En dépit de ses multiples usages en Médecine Traditionnelle, seule la pulpe est consommée pourtant les amendes sont oléagineuses et peuvent fournir une huile pouvant servir de matière première pour les industries cosmétiques (fabrication de savons) et agro-alimentaires (alimentation humaine) ou pour fabrication de biodiesel. La gestion participative et le développement de cette plante alimentaire spontanée peut donc constituer un moyen de réduction de la pauvreté dans la province du Nord-Ubangi et aider ainsi à la réalisation des objectifs du développement durable (ODD). En effet, l’exploitation, la transformation et le commerce de PFNLs peuvent permettre de suppléer aux déficits alimentaires et de fournir des apports financiers substantiels en période de disette (Mawunu et al., 2017; Mawunu et al., 2019; Mawunu et al., 2020; Ngbolua et al., 2019b; Ngbolua et al., 2021). Autrement dit, en valorisant scientifiquement et économiquement toutes les parties (organes) de la plante I. tenuinucleata, les paysans pauvres pourront accroître leurs revenus et pourront ainsi assurer le bien-être de leurs ménages.

Cette plante offre ainsi une réelle opportunité de développement aux paysans à travers le financement et l’encadrement des coopératives associatives par l'État, les ONG nationales et internationales. Cependant, dans une étude récente, nous avons démontré que la pratique de l’agriculture traditionnelle sur brûlis dans la province du Nord-Ubangi en RDC est la principale cause de la déforestation et la dégradation des forêts. Ainsi, dans la seule commune de Molegbe, environ 245 ha de forêts sont défrichés chaque année et convertis en espace agricole avec comme corollaire, la disparition des PFNLs générateurs de revenus pour les ménages.

A cet effet, la gestion participative qui permet d’allier le développement socio-économique et la conservation de la nature est une stratégie à encourager afin de prévenir l’érosion de la biodiversité et limiter l’impact de l’agriculture sur l’environnement du faite que les ménages interrogés disposent au moins un champ en pleine forêt. Ainsi, en élargissant l’activité agricole à la domestication des PFNLs, les paysans peuvent développer une agriculture paysanne raisonnée, multi-fonctionnelle et durable dans le but d’assurer la résilience face aux mutations en cours dans la province du Nord-Ubangi. En effet, la majeure partie de la population du Nord Ubangi s’adonne à l’agriculture et la quasi-totalité de la production agro-alimentaire est assurée par des petits agriculteurs pratiquant encore l’agriculture de subsistance (Kpula et al., 2021).

Il a été aussi rapporté que le niveau d’instruction de la population a une incidence très remarquable dans l’adoption des innovations et/ou dans le transfert de connaissances, de technologies en vue d’accroître la productivité dans tous les secteurs d’activités et dans la prise de décision (Tingu et al., 2019). La présente étude révèle que la majorité des enquêtés ont un niveau d’études secondaires.

D’où la nécessité de les former dans la gestion des PFNLs renforçant de leur capacité. Ainsi, l’agro-écologie définie comme étant la science de la gestion des ressources naturelles au bénéfice des plus démunis confrontés à un environnement défavorable constitue de ce fait une discipline à développer et vulgariser dans la province du Nord-Ubangi (Triplet, 2016).

CONCLUSION 

La présente étude a pour but d’identifier les usages ethno-médicaux et la valeur socio-économique de Irvingia tenuinucleata à Gbado-Lite en vue de sa valorisation suivant le principe d’accès et de partage de bénéfices. Il ressort de cette étude que:

• Cette plante est traditionnellement utilisée comme utéro-tonique et soigne le gonflement de pied, l’hémorroïde et les vers intestinaux;

• Le fruit est la partie la plus utilisée, suivi respectivement des tiges, des feuilles et des écorces;

• La vente des fruits de I. tenuinucleata est assurée par les femmes, les célibataires et les personnes d’âge compris entre 36 et 50 ans;

• La taille de ménage majoritaire est composée de 1 à 5 personnes avec une expérience de vente de 1 à 5 ans;

• Ce PFNL est prioritairement destiné à la consommation et son écoulement est partiel;

• Dans la majorité des cas, cette vente génère une recette mensuelle d’environ 2.500 à 5.000 CDF.

• La principale difficulté liée à la vente est la conservation des fruits;

• La principale activité des paysans-ceuilleurs est l’agriculture, celle-ci est majoritairement pratiquée par les hommes, les ceuilleurs sont majoritairement des mariés;

• La production annuelle représente 2 à 5 bassins pour 40,4% des enquêtés;

• La majorité des paysans possède au moins un champ dans la forêt et y fréquente plus de trois fois par semaine;

• Le chômage et la pauvreté sont les principales causes de la pression exercée sur la forêt.

Il est ainsi souhaitable que les recherches scientifiques approfondies soient menées en vue d’une meilleure connaissance de l’écologie, la phyto-chimie et les propriétés pharmaco-biologiques, toxicologiques et nutritionnelles de cette espèce végétale et sa domestication dans le Nord-Ubangi.

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