Typologie du profil entrepreneurial des jeunes dans le secteur agricole au Nord Bénin
Résumé
L’étude vise à réaliser une typologie du profil entrepreneurial des jeunes en lien avec le secteur agricole. Elle a été menée auprès de 301 jeunes sélectionnés de façon aléatoire au Nord du Bénin. La méthode d’analyse factorielle des correspondances a été utilisée pour caractériser les jeunes à partir de deux variables qualitatives: la formation agricole et le statut professionnel. Les résultats montrent qu’il existe dans la zone d’étude quatre profils de jeunes regroupés en deux groupes selon qu’ils soient entrepreneurs ou non. Le premier groupe comprend les agro-entrepreneurs qualifiés et les agro-entrepreneurs praticiens qui représentent respectivement 24% et 76% de l’effectif total des entrepreneurs agricoles. Pour ce qui est des non entrepreneurs agricoles, 14% sont des agronomes non praticiens et 86% des non entrepreneurs agricoles relatifs. L’étude met en relief chez les jeunes, le faible taux de qualification professionnelle en agriculture, la forte proportion d’agro entrepreneurs ayant des parents entrepreneurs agricoles et la reconversion de certains jeunes diplômés en agriculture vers des options professionnelles autre que l’entrepreneuriat agricole. La prise en compte des spécificités de chaque profil de jeunes pourrait aider à accroître la pertinence des interventions visant la promotion de l’entrepreneuriat agricole chez les jeunes.
Mots-clés: Typologie, Profil, Entrepreneuriat agricole, Jeunes, Bénin
Introduction
L’Afrique est un continent qui se démarque par le jeune âge de sa population. Plus de la moitié de la population a moins de 25 ans au Sud du Sahara (Behanzin et al., 2019). La montée vertigineuse de l’effectif de la population est à l’antipode de la situation d’emploi des jeunes. L’effectif annuel des jeunes entrants sur le marché de l’emploi est estimé à 11 millions alors que seulement 3 millions d’emplois officiels se créent chaque année.(Grandval, 2019). Ce gap accentue la précarité de la situation d’emploi de plusieurs millions de jeunes. Le faible niveau d’employabilité des jeunes représente une menace pour les pays sous-développés notamment ceux de l’Afrique subsaharienne (Cyriaque, 2018). Une jeunesse affamée et sans emploi est un risque permanent de remise en cause de la stabilité et de la paix car elle représente un terreau fertile au banditisme, à l’extrémisme violent et à la compromission de l’ordre constitutionnel des nations. Le Bénin fait face également à la problématique de l’emploi des jeunes. Moins d’un tiers des jeunes béninois sont actifs sur le marché du travail(INSAE, 2015). Pourtant, il existe de la matière pour valoriser la jeunesse et la mettre au service du développement.
Au Bénin, le secteur agricole contribue pour 32,5% en moyenne au Produit Intérieur Brut (PIB) (MAEP, 2017). Compte tenu de son potentiel, l’agriculture devrait aider à juguler le chômage des jeunes. C’est l’un des principaux réservoirs en terme de contribution à l’emploi(Boris, 2017). Selon les Résultats du recensement national agricole (RNA), la population agricole au Bénin est estimé à 6 506 980, ce qui représente environ 52% de l’effectif totale de la population béninoise et 31,3% de cette population agricole a entre 15 et 34 ans (MAEP, 2021). Au regard du poids important de l’agriculture dans l’économie béninoise, il est impérieux d’accroître les investissements sur la production agricole pour améliorer la croissance économique du pays(Akrong et Hundie, 2022). Ces investissements aideront à l’éclosion de l’entrepreneuriat agricole et à la valorisation des activités informelles en de véritables entreprises (Sabri, 2017). Malheureusement, les interventions visant la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes dans le secteur agricole au Bénin ont connu des résultats peu reluisants(Coordination Sud, 2014). Entre autres insuffisances de ces interventions, la pertinence et la cohérence des appuis à l’endroit des jeunes sont souvent remises en cause. Ces jeunes sont souvent considérées comme des groupes homogènes, ce qui est bien loin de la réalité du terrain (ACED, 2017). Il urge de proposer une réponse coordonnée à l’engagement des jeunes dans le secteur agricole au regard de la diminution de la productivité agricole qui contraste avec l’augmentation continue de population mondiale (FAO, 2014). Le succès de la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes dans le secteur agricole passe forcément par une meilleure caractérisation de ces jeunes et une meilleure connaissance de leur profil en lien avec l’entrepreneuriat agricole. La jeunesse qui représente pourtant un maillon clé de la survie agricole est souvent occultée au niveau des études agricoles(Parquet et Le Coq, 2017). Au Bénin, quelques études ont abordé le positionnement de la jeunesse dans le secteur agricole (ACED, 2017; Akrong et Hundie, 2022; Alladatin et al., 2018; MAEP, 2021). L’étude de Alladatin et al. (2018) sur les caractéristiques sociodémographiques et conditions de vie des jeunes agriculteurs et agricultrices prend en compte que les jeunes agriculteurs. Le positionnement des jeunes qui ne sont pas engagés dans l’agriculture a été occulté. L’étude de ACED (2017) sur le profil des jeunes dans le secteur agricole en plus d’être orientée essentiellement sur l’agrobusiness ne couvre que la partie méridionale du Bénin.
La présente recherche vise à étudier le positionnement de la jeunesse dans l’entrepreneuriat agricole au Nord du Bénin. Elle permettra de mieux caractériser les jeunes et définir les options idoines de leur accompagnement pour une insertion socioprofessionnelle réussie dans l’agriculture.
Matériels et méthodes
Fondement théorique d’analyse du profil entrepreneurial
Le profil entrepreneurial est l’ensemble des caractéristiques qui définissent un entrepreneur. L’analyse de la littérature scientifique relative à l’entrepreneuriat met en exergue des approches d’analyse variées du profil de l’entrepreneur.
La théorie néoclassique postule que l’entrepreneur joue le rôle d’agencement des facteurs de production, d’organisation, de gestion de la production et d’innovation (Baumol, 1993). On distingue l’entrepreneur-innovateur (Schumpeter, 1934), l’entrepreneur preneur de risque (Knight, 1921). L’entrepreneur schumpétérien est considéré comme doté d’un sens lui permettant d’avoir une intuition pour l’innovation facilitant la création de son entreprise (Carter et al., 1996). Quant à l’entrepreneur preneur de risque décrit par Knight (1921), ce dernier est à même de prendre des risques dans un contexte d’incertitude. La spécification du profil entrepreneurial à partir des caractéristiques personnelles fait recours également aux domaines de la psychologie, de la sociologie, en général aux spécialistes du comportement humain. Cette caractérisation regroupe les approches axées sur les traits de personnalité et l’approche behaviouriste. Ainsi, le profil entrepreneurial peut être établi à partir de:
• Les facteurs psychologiques (le besoin d’accomplissement, la confiance en soi, la recherche d’’indépendance, la prise de risque) (Doubogan, 2016);
• L'intention (Ajzen et Fishbein, 1980; Ajzen, 1985; Kolvereid & Moen, 1997; Krueger Jr et al., 2000);
• La motivation entrepreneuriale (Robichaud et al., 2013): l’entrepreneur de nécessité ou l’entrepreneur d’opportunité selon que la motivation conduisant à la création d’entreprise soit de type pull ou push.
En dépit de l’abondante littérature sur l’entrepreneur, les différentes approches d’étude n’ont pas abouti à la définition d’un profil type d’entrepreneur (Carter et al., 1996). De nouveaux profils alternatifs d’entrepreneurs ont émergé dans la littérature scientifique récente. Il s’agit du Lifestyle entrepreneur, de l’entrepreneur par accident, et de l’usager entrepreneur (Cova et Guercini, 2016). Les raisons de la création du style entrepreneur se trouvent dans le désir d’amélioration de son mode de vie plutôt que son niveau de vie (Henricks, 2002). L’usager entrepreneur part de l’insatisfaction qu’il ressent par rapport à la solution à son besoin proposée par le marché pour proposer sa propre solution qu’il vulgarise en la commercialisant (Guichard et Servel, 2006; Shah et Tripsas, 2007; Shah et Tripsas, 2012). L’entrepreneur par accident ou par hasard se retrouve entrepreneur sans que cela ne soit son objectif de base mais des circonstances inattendues l’amènent à une découverte qui lui permettra de développer une activité économique souvent de toute autre nature (Aldrich et Kenworthy, 1999; Dew, 2009). Une nouvelle typologie met la passion au centre de la création d’entreprise. Ces types d’entrepreneurs, conduisent une activité pour vivre leur passion (Jaouen, 2010; Laaksonen et al., 2011). Outre les caractéristiques individuelles, le profil entrepreneurial peut être aussi spécifique à l’environnement et au contexte. Il peut différer d’une région à une autre ou d’un secteur d’activité à un autre. L’analyse empirique met en exergue des typologies de profil entrepreneurial basé sur des variables telle que l’environnement familial, la passion pour un secteur d’activité, la formation, l’éducation, etc. Dans ce registre et partant de l’environnement familial, Gbaguidi et al., (2017) ont utilisé le critère d’entourage entreprenant pour distinguer les profils d’entrepreneurs de première génération et de deuxième génération. L’entourage entreprenant traduit le capital d’expérience entrepreneuriale d’un parent ayant une incidence sur la décision d’entreprendre de l’entrepreneur. Dans le secteur agricole au Bénin, ACED (2017) a établi des profils entrepreneuriaux des jeunes en prenant en compte l’éducation, l’attrait pour l’agrobusiness, la formation en agriculture, l’ambition d’exceller en agrobusiness et l’implication dans l’agro business. Plusieurs autres critères sociodémographiques ont été aussi utilisés pour catégoriser dans le contexte béninois, les profils d’entrepreneurs. Il s’agit du sexe, de l’âge, du statut marital, du statut professionnel des parents, du conjoint, etc. (Boukhari et Abedou, 2016; Doubogan, 2016).
Tenant compte de la revue de littérature et du contexte de l’étude, pour définir les profils entrepreneuriaux des jeunes dans le secteur agricole deux variables qualitatives ont été utilisées: la formation agricole qui met en exergue la qualification du jeune dans le secteur agricole et le statut professionnel qui précise l’implication du jeune par rapport au secteur agricole.
Zone d’étude
L’étude a été réalisée au Nord du Bénin qui compte quatre départements (Borgou, Alibori, Atacora et Donga). Cette région mobilise 36% des ménages agricoles du Bénin. Elle est située entre 9° et 12° de latitude.
La région Nord du Bénin s’étend sur quatre pôles de développement agricole sur les sept que compte le Bénin (Tableau 1). Les communes de Malanville et Parakou situées respectivement au niveau des pôles 1 (modèle d’intégration du riz et du maraîchage) et 4 (diversification agricole) et les communes de Kouandé et Banikoara tous logés dans le pôle 2 (bassin cotonnier) ont été sélectionnés. Les communes et les pôles de production agricole pour l’étude ont été choisies de sorte à avoir une diversité de profils de jeunes et d’entrepreneurs agricoles.
Échantillonnage et collecte de données
Un échantillonnage stratifié a été adopté pour les 301 jeunes enquêtés. L’effectif de la première strate constituée des jeunes entrepreneurs agricoles est de 189 jeunes. La deuxième strate comprenant les jeunes qui ne sont pas entrepreneurs agricoles est composée de 112 jeunes. L’enquête s’est déroulée de façon aléatoire au sein de chaque strate. La collecte de données s’est appuyée sur une démarche méthodologique à la fois qualitative et quantitative. L’analyse documentaire, les entretiens semi-structurés et les entretiens structurés à l’aide d’un questionnaire ont été les principales techniques de collecte de données utilisées.
Analyse des données
La typologie des jeunes a été réalisée avec deux variables qualitatives comportant chacune cinq modalités (Tableau 3). Pour la réalisation de typologie basée sur les deux variables qualitatives, l’Analyse Factorielle des Correspondances a été utilisée avec le logiciel R et le package FactoMiner. L’analyse des caractéristiques socio-économiques des jeunes a été réalisée à l’aide de la statistique descriptive à travers les fréquences, les paramètres de position et de dispersion. La caractérisation des catégories de jeunes issues de la typologie a été faite à l’aide de la statistique descriptive avec la version 4.0.3 du logiciel R.
Résultats
Typologie des jeunes enquêtés selon leur profil entrepreneurial dans l’agriculture
Significativité du modèle
Les résultats du test de khi deux sur les variables d’étude (formation professionnelle agricole et statut professionnel) montrent que la statistique du Khi deux est égal à 301 pour une probabilité inférieure à 1%. Il y a donc liaison significative entre les deux variables (Tableau 5).
Contribution des dimensions à l’explication du modèle
Les résultats de l’Analyse Factorielle des Correspondances ressortent cinq axes factoriels qui permettent d’expliquer l’inertie. Les deux premiers axes factoriels contribuent à restituer l’information initiale respectivement à hauteur de 87,1 % et de 10,7 %. Ces deux axes totalisent à eux seuls 97,8 % de l’inertie. Ces deux dimensions ont donc été retenues pour l’explication de l’inertie.
Contribution des variables introduites dans le modèle à l’explication des dimensions
Les contributions des différentes modalités des variables «formation agricole» et «statut professionnel» ont par conséquent été prises en compte pour expliquer les dimensions à cause des différences d’effectifs marginaux très importantes.
Formation agricole
Les modalités «Sans Qualification en Agriculture» et «Formation sur le Tas» avec respectivement 64,6 % et 31,1 % ont les plus fortes contributions à l’explication de la dimension 1 (Tableau 5). Le cumul de leurs contributions s’élève à 95,8%. La dimension 1 caractérise les jeunes sans formation agricole professionnelle (formation sur le tas ou aucune qualification en agriculture).
Les modalités «Formation universitaire agricole» avec un taux de 63,5 % et «Formation dans un Lycée agricole» avec un taux de 24,6 % contribuent à 88,1 % (Tableau 5) à l’explication de la dimension 2. La dimension 2 représente les jeunes qui ont suivi un formation agricole professionnelle.
Statut professionnel
Les modalités «entrepreneurs agricoles» et «entrepreneurs autre secteurs» avec 84,9 % de contribution (Tableau 5) expliquent plus la dimension 1. La dimension 1 caractérise donc les entrepreneurs.
Les modalités «employés autre secteur» et «entrepreneurs autre secteur» contribuent à 91,2 % (Tableau 5) à la dimension 2. La dimension 2 caractérise les «emplois non agricoles». Les modalités «Employés autre secteur» et «entrepreneurs autre secteur» contribuent à 91,2 % à la dimension 2. La dimension 1 caractérise donc l’entrepreneuriat (auto emploi) et la dimension 2 caractérise l’emploi non agricole.
Projection des jeunes sur les deux premières dimensions
Le croisement de l’analyse de contribution des variables à la construction des dimensions et la projection des individus sur le plan constitué par les deux premières dimensions permet de catégoriser les jeunes (Figure 2) en quatre groupes représentant les profils entrepreneuriaux.
Le premier groupe est composé de jeunes entrepreneurs agricoles ayant une formation modulaire et des jeunes formés dans un centre de formation professionnelle ou dans un lycée technique agricole (Figure 2). En dehors d’être des entrepreneurs agricoles, ces jeunes disposent d’une formation agricole professionnelle. Ce profil peut être qualifié d’agro-entrepreneurs qualifiés (AQ). Le deuxième groupe est constitué de jeunes entrepreneurs agricoles formés sur le tas. Ils ont créé leur entreprise sans avoir une formation agricole formelle. Ce deuxième groupe représente les agro-entrepreneurs praticiens (AP). Le troisième groupe comporte les jeunes ayant une formation agricole professionnelle et exerçant dans des secteurs d’activité en dehors de l’agriculture. Ils ne sont ni entrepreneurs ni employés dans le secteur agricole. Ce groupe illustre le profil des Agronomes non pratiquants (ANP). Le quatrième et dernier profil est constitué de jeunes sans qualification en agriculture qui sont soit étudiants, soit chômeurs, soit employés agricoles ou entrepreneurs dans d’autres secteurs. Parmi toutes les catégories socio-professionnelles représentées dans ce groupe, aucun n’est entrepreneur agricole. Toutefois, le fait que le groupe contienne des entrepreneurs opérant dans d’autres secteurs, des étudiants, des chômeurs ou encore des employés agricoles laisse une possible ouverture de migration vers l’entrepreneuriat agricole en fonction des opportunités qui se présentent. Ce groupe peut être qualifié de « Non entrepreneurs agricoles relatifs (NEAR).
Caractérisation des profils entrepreneuriaux des jeunes
Caractéristiques générales des profils entrepreneuriaux des jeunes
La typologie des jeunes sur la base des variables « formation agricole » et «statut professionnel» a permis de regrouper les jeunes en quatre groupes: les agro-entrepreneurs qualifiés, les agro-entrepreneurs praticiens, les agronomes non pratiquants et les non entrepreneurs agricoles relatifs. Ces quatre groupes peuvent être résumés en deux profils: les entrepreneurs agricoles regroupant les agro-entrepreneurs qualifiés et les agro-entrepreneurs praticiens et les non entrepreneurs agricoles comprenant les agronomes non pratiquants et les non entrepreneurs agricoles relatifs.
Les entrepreneurs agricoles sont des agro-entrepreneurs praticiens pour 76% contre 24% d’agro-entrepreneurs qualifiés (Tableau 6). Parmi les non entrepreneurs, 14% sont des agronomes non pratiquants et 86% des non entrepreneurs agricoles relatifs.
De façon globale, le taux de jeune ayant une formation agricole de type professionnel est de 20%. Ce taux est légèrement plus élevé (24%) chez les entrepreneurs agricoles et plus bas pour les non entrepreneurs agricoles soit 14%. Le faible taux des jeunes ayant suivi une formation agricole professionnelle traduit la faible attractivité du secteur agricole pour les jeunes.
On note une plus grande proportion des entrepreneurs agricoles (79%) qui ont des parents entrepreneurs comparativement aux non entrepreneurs agricoles (59% ont des parents entrepreneurs). Le fait d’avoir des parents entrepreneurs agricoles est un catalyseur d’orientation du choix des jeunes vers l’entrepreneuriat agricole.
La moyenne d’âge de tous les jeunes enquêtés est de 28 ans. Les non entrepreneurs agricoles sont plus jeunes (26 ans) que les entrepreneurs agricoles (28 ans). Les moins jeunes espèrent décrocher d’autres opportunités professionnelles. Ils ne s’orientent vers l’agriculture que lorsqu’ils sont dans une impasse.
Les jeunes enquêtés sont en majorité des hommes (78%). La tendance dominante des hommes est la même au niveau des entrepreneurs et des non entrepreneurs agricoles. Les jeunes pour la plupart sont mariés aussi bien dans l’ensemble qu’au niveau des différents profils entrepreneuriaux. Les jeunes sont scolarisés pour 84% et 67% ont au moins atteint le niveau d’étude secondaire. La majorité des enquêtés (67%) est de religion musulmane.
La caractérisation de chaque profil type de jeune en lien avec l’entrepreneuriat agricole est détaillé ci-après.
Agro-entrepreneurs qualifiés
Les agro-entrepreneurs qualifiés sont diplômés des Lycées techniques agricoles pour 44%. Dans ce groupe, 27% ont suivi une formation modulaire de courte durée et 16% ont été formés dans un centre professionnel de formation agricole (Tableau 6). Seulement 13% ont une formation agricole universitaire alors que 96% sont scolarisés. Plus de la moitié des agronomes qualifiés ont des parents entrepreneurs agricoles (51%). Alors, le fait d’avoir grandi dans un environnement familial a influencé l’orientation et le choix de leur branche de formation professionnelle. Avant de lancer leur propre entreprise, 31% étaient au chômage et 42% étaient employés. Ces derniers ont dû travailler auprès de leurs parents et d’autres exploitations afin d’acquérir de l’expérience. Les agro-entrepreneurs qualifiés sont pour la plupart mariés (51%) et de religion musulmane (51%). Seulement 2% des jeunes agro-entrepreneurs qualifiés sont des femmes. En raison des contraintes culturelles d’accès des femmes à la terre, peu de femmes s’inscrivent dans les formations agricoles professionnelles. La moyenne d’âge des agro-entrepreneurs qualifiés est de 28 ans pour une taille de ménage estimée à 06 personnes environ.
Agro-entrepreneurs praticiens
Les agro-entrepreneurs praticiens n’ont aucune qualification agricole au démarrage de leur entreprise. Ils se sont formés sur le tas dans l’exercice des métiers agricoles. La taille moyenne de leur ménage est de 7 personnes et l’âge moyen de 29 ans. La plupart d’entre eux sont des hommes (86%), de religion musulmane (78%), mariés (74%) et 45% n’ont pas dépassé le niveau d’étude primaire. Un certain nombre a transité du chômage vers l’entrepreneuriat agricole (47%) alors que 23% étaient des entrepreneurs dans d’autres secteurs avant de s’engager dans l’agriculture. C’est le profil de jeunes qui a le plus fort taux de parents entrepreneurs agricoles soit 88%. Il s’agit essentiellement des jeunes qui ont hérité l’agriculture de leurs parents et ont un accès plus facile au foncier.
Agronomes non pratiquants
La moitié des agronomes non pratiquants a une formation agricole de niveau universitaire et environ le tiers est diplômé des lycées techniques agricoles; le reste a été formé dans un centre de formation professionnelle (6%) ou a suivi une formation modulaire de courte durée (13%) (Tableau 6).
Les agronomes formés à l’université ont beaucoup plus de possibilités d’emplois et préfèrent l’emploi salarié à la création et la gestion d’entreprise agricole. Selon les résultats de l’étude, 50% des agronomes non pratiquants opèrent en qualité d’employés dans des secteurs autres que l’agriculture et 19% comme entrepreneurs. Le reste des jeunes de ce groupe n’est pas en situation d’emploi: 19% poursuivent leurs études et 13% sont des chômeurs. Il faut souligner qu’aucun des agronomes non pratiquants n’est employé agricole. 81% des agronomes non pratiquants n’ont pas des parents entrepreneurs agricoles. Ils sont âgés en moyenne de 30 ans et dirigent un ménage d’un effectif moyen de 3 personnes.
Non entrepreneurs agricoles relatifs
Ce profil regroupe une diversité de statuts professionnels qui ont tous la caractéristique commune de n’avoir aucune qualification en agriculture en plus de n’être pas entrepreneurs agricoles. Par contre, 70% de jeunes de cette catégorie sont entrepreneurs (artisanat, commerce et transport) dans d’autres secteurs, 11% sont étudiants,10% sont chômeurs, 2% sont employés dans le secteur agricole et 6% dans d’autres secteurs. Ceux qui sont employés dans le secteur agricole n’ont aucune qualification et opèrent comme ouvriers agricoles. La majorité des non entrepreneurs actifs (66%) ont un statut professionnel antérieur précaire (occasionnel ou sans emploi) avant de réussir à améliorer leur statut professionnel actuel (78% sont en situation d’emploi salarié ou indépendant). Les membres de cette catégorie sont scolarisés (84%) et 66% ont des parents entrepreneurs agricoles. C’est le profil de jeunes où on retrouve la plus grande proportion de femmes (45% de la catégorie). Celles-ci- conduisent des microentreprises génératrices de revenus dans les domaines de l’artisanat et du commerce. Ils sont en majorité (59%) des musulmans. La taille de leur ménage est de 02 personnes. Ils sont en moyenne âgés de 26 ans.
DISCUSSION
L’étude a permis d’identifier quatre profils des jeunes en lien avec le secteur agricole: les agro-entrepreneurs qualifiés les agro-entrepreneurs praticiens, les agronomes non pratiquants et les non entrepreneurs agricoles relatifs. Les agro-entrepreneurs praticiens et les agro-entrepreneurs qualifiés ont respectivement des profils similaires aux entrepreneurs tournés vers l’agrobusiness sans formation agricole et aux entrepreneurs tournés vers l’agrobusiness avec formation agricole identifiés par ACED (2017) au sud du Bénin. Cette étude tout comme nos résultats met en exergue quatre profils de jeunes dont deux impliqués dans l’entrepreneuriat agricole: ceux ayant une formation agricole et ceux n’ayant pas suivi une formation agricole.
L’étude a montré que 79% des jeunes entrepreneurs agricoles ont des parents entrepreneurs contrairement aux agronomes non pratiquants qui ne sont que 19% à avoir des parents entrepreneurs agricoles. Ces résultats se rapprochent du constat fait par Simon (2013) en Bretagne (France) selon lequel, les jeunes agriculteurs sont issus à 72 % de l’environnement familial proche du cédant. Le constat met en évidence l’influence parentale chez les jeunes entrepreneurs issus d’un milieu agricole dans l’orientation de leur carrière professionnelle. L’influence des parents sur l’engagement de leur descendance à entreprendre a été abordée par Gbaguidi et al., (2017) qui distinguent à cet effet, les entrepreneurs de deuxième et de première génération. L’engagement dans l’entrepreneuriat des entrepreneurs de deuxième génération a été influencé par les parents entrepreneurs alors que les entrepreneurs de première génération n’ont subi aucune influence parentale dans le processus de création de leur entreprise.
Une minorité de l’ensemble des jeunes enquêtés (20%) a une formation en agriculture. Cela marque un faible engouement des jeunes pour l’agriculture tout comme souligné par Alladatin et al ( 2018). Ce faible engouement des jeunes pour la question de l’agriculture contraste avec les potentialités du secteur. Le difficile accès aux financements, au foncier, aux intrants et aux équipements de production, la pénibilité du travail dans le secteur agricole caractérisé par une technologie peu développée sont souvent mis en cause (MAEP, 2017). Tous ces facteurs ont une incidence négative sur l’attractivité du secteur agricole.
Les résultats de l’étude ont par ailleurs mis en évidence la reconversion professionnelle du groupe des «agronomes non pratiquants». Ces derniers biens qu’ayant une qualification professionnelle en agriculture s’orientent vers d’autres secteurs. Cela pose la problématique de l’adéquation de la formation-emploi (Tingbe-Azalou et Ahodekon, 2016). Cette situation amène Baba-Moussa (2017) à suggérer une articulation de l’ éducation formelle et l’éducation non formelle, afin définir des modèles inspirants de parcours formation-insertion inspirants pour les jeunes.
CONCLUSION
Les jeunes ont été regroupés en quatre profils d’entrepreneuriat agricole: les agro-entrepreneurs qualifiés, les agro-entrepreneurs praticiens, les non entrepreneurs agricoles relatifs et les agronomes non pratiquants. La diversité de profil entrepreneurial des jeunes dans le secteur agricole montre que ces derniers ne sont pas un groupe homogène. Pour être efficace, les actions d’appui à l’entrepreneuriat agricole doivent tenir compte des spécificités de chaque profil. Il est alors impérieux de prendre en compte ces données pour une intervention optimale des acteurs de développement qui promeuvent l’entrepreneuriat agricole au niveau de la jeunesse.
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