Résumé

L’objectif de cette étude est de déterminer les impacts physico-chimiques des assèchements sur les affluents des rivières Alibori et Sota au nord Bénin. Des paramètres physiques ont été mesurés in situ dans les eaux de cinq ruisseaux (Bouli, Irané, Tassiné,Sanson et Yassikoga) et les paramètres chimiques ont été mesurés au laboratoire. Les résultats ont montré des différences de valeurs des paramètres physico-chimiques entre avant assèchement (T°C: 19,3 et 23,9 °C), pH (6,7 et 7,8), TDS (8,5 ppm et 20,5 ppm), NH4+ (0,075 et 0,5 mg/l) et P2O5 (0,07 et 0,16 mg/l) et après assèchement (T°C: 26,5 et 33,6 °C), pH (3,2 et 6,5), TDS (26,5 et 30,1 ppm); NH4+ (0,3 et 0,57 mg/l) et P2O5 (0,07 et 0,16 mg/l). Les différences saisonnières de ces valeurs révèlent les effets néfastes de l’assèchement sur les paramètres physico-chimiques des eaux des milieux d’études. Parmi les cinq ruisseaux étudiés, Yassikoga a présenté l’eau la plus chaude, la plus acide, la plus troublée, avec une plus forte concentration en ion NH4+ et en P2O5.


Mots clés: Assèchement des rivières, Caractéristiques physico-chimiques, Ruisseaux affluents, rivières, Alibori, Sota, Nord Bénin

Introduction

Les cours d’eau font partie des écosystèmes aquatiques les plus dynamiques et jouent des rôles essentiels dans la conservation de la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes (Aguilar Ibarra, 2004). Cependant, en raison de l’explosion démographique, la production agricole au moyen de l’agrochimie et de la mécanisation durant ces dernières décennies a entraîné des changements environnementaux sous l’effet des déforestations intensives et des dégradations des sols de nombreuses régions du monde (Laurent, 2012). Ces changements climatiques au cours de ces dernières années engendrent des assèchements aigus plus sévères et persistants pendant la saison sèche, dans le bassin cotonnier du nord Bénin. Les assèchements des lits des cours d’eaux entraînent d’une part des perturbations qui régissent les paramètres physico-chimiques de l’eau et d’autre part des pénuries d’eaux des écosystèmes aquatiques. Or, l’eau des rivières continue de pouvoir nourrir tous les êtres humains et autres organismes (Hayek, 2021). Le maintien de la qualité des eaux continentales est donc une préoccupation majeure pour les sociétés qui doivent subvenir à des besoins en eau de plus en plus importants, et ce, tant du point de vue qualitatif que quantitatif (Menbohan et al., 2013). Par ailleurs, aucune recherche antérieure ne s’est penchée sur l’évaluation de l’impact de l’assèchement sur les caractéristiques physico-chimiques des écosystèmes aquatiques au Bénin et particulièrement sur les sous bassins Alibori et Sota au nord Bénin. Dans cet article, nous avons exploré les effets de la perte d’eau de surface dans les ruisseaux affluents des rivières Alibori et Sota au nord Bénin sur les paramètres physico-chimiques de l’eau de ces ruisseaux.

Matériels et Méthode

Milieu d’étude

La présente étude a été réalisée dans le bassin cotonnier au nord du Bénin sur les rivières Alibori et Sota (Figure 1). La rivière Alibori naît à 410 m d’altitude environ dans le massif granitique de Kita sur le flanc de la chaîne de l’Atacora dans la commune de Péhonco et couvrant une superficie de 13 740 km² avec une longueur de 427 km. Tandis que la Sota, d’une superficie de 13 360 km2, et d’une longueur d’environ 254 km, elle prend sa source à plus de 400 m d’altitude sur les flancs Est du plateau gréseux de Kalalé qu’elle va contourner par le nord avant d’emprunter la direction SSW-NNE sur les formations du socle. Quatre-vingt-dix (90) km après sa source, la Sota pénètre dans les formations gréseuses du Crétacé qu’elle entaille assez profondément et rejoint après 250 km de parcours, le Niger à environ 1 km en aval de Malanville (Adam et Boko, 1993). La rivière Alibori s’étend dans le département d’Alibori avec beaucoup d’affluents éparpillés dans les communes du bassin cotonnier (Kandi, Gogounou, Banikoara, Karimama et Malanville), dans le département de l’Atakora (Kerou, Pehonko) et dans le département du Borgou (Sinendé), tandis que la Sota couvre les communes de Malanville, Ségbana, Kandi et Gogounou dans le département de l’Alibori et les Communes de Bembèrèkè, Kalalé et Nikki dans le département du Borgou. Ces rivières sont des écosystèmes aquatiques situés en zone soudanienne d’un climat de type tropical sec avec une seule saison de pluie allant de Mai à Septembre et une seule saison sèche allant d’Octobre à Avril (Koumassi, 2014). L’Alibori est situé entre 10°30’ et 12° de latitude Nord et 1°32’ et 3°50’de longitude Est. La Sota localisé entre 9°54’ et 11°95’ de latitude Nord et 2°28’ et 3°52’ de longitude Est. L’Alibori reçoit sur sa rive droite de l’amont vers l’aval, le Souédarou, le Sarédarou, le Darou-Woka et le Sanson sur sa rive gauche, le Morokou, la Kparé, le Kénou, le Yassikoga, le Konékoga et le Kpako avant de se jeter dans le Niger en amont de Malanville. Quant à la Sota, elle reçoit successivement le Souamon sur sa rive droite, le Tassiné, le Bouli, l’lrané, le Gouroukpa et la cascade de Sosso sur sa rive gauche (Le Barbé et al., 1993).

Caractéristiques climatiques du bassin nord Bénin

De l’analyse de la figure 2, il ressort qu’au pas de temps mensuel, le bilan climatique dans le bassin cotonnier au nord Bénin permet d’identifier deux périodes opposées:

• Quatre mois humides qui s’étendent entre mi-Mai à mi-Octobre, avec un maximum en Août.

Les rivières Alibori et Sota pendant ces mois, sont alimentées en surplus d’eau et favorisent l’alimentation des réservoirs souterrains des sous bassins versants. Cette période est aussi favorable à l’inondation causée par les fortes pluies enregistrées en Août.

• Entre mi-Octobre et mi-Mai, ce sont les mois secs où la demande évaporatoire de l’atmosphère est très importante, avec un fort amenuisement et même l’assèchement des réserves d’eau de surface et du sous-sol.

La température minimale varie entre 17,5°C et 26°C. Quant à la température maximale, elle a oscillée entre 34°C et 39,5°C. La plus forte température a été enregistrée pendant la saison sèche en Mars tandis que la température la plus faible a été mesurée en saison des pluies et surtout dans le mois d’Août.

Caractéristiques des stations d’échantillonnages

La présente étude a été réalisée sur 05 ruisseaux du bassin cotonnier au nord Bénin. Trois ruisseaux (Bouli, Irané et Tassiné) affluents de la rivière Sota et deux ruisseaux (Sanson et Yassikoga) affluents de la rivière Alibori sont considérés lors de la collecte des échantillons. Les rivières Alibori et Sota sont arrosées par ces affluents uniquement pendant la saison pluvieuse. Suite à la déforestation et la dégradation des écosystèmes aquatiques sous l’évolution du secteur agricole associé aux effets du changement climatique, ces ruisseaux connaissent ces dernières années un assèchement sévère et persistant pendant la saison sèche, ce qui est l’objet du présent travail.

Méthode de collecte de donnée des paramètres physico-chimiques

Dans le cadre de cette étude, deux campagnes de collectes des données ont été effectuées. Huit (08) paramètres physico-chimiques ont été respectivement mesurés avant assèchement (en Novembre) et après la remise en eau (Juin) au niveau des stations d’études. Deux valeurs de paramètres physico-chimiques tels que la température, la conductivité, le TDS, la profondeur, la transparence et le pH des eaux sont mesurés in situ entre 6 heures et 12 heures dans toutes les cinq (5) stations d’études. La conductivité, la température et le taux de solides dissous (TDS) ont été mesurés à l’aide d’un conductimètre (Hanna HI 99300). Le pH est mesuré à l’aide d’un pH-mètre (Hanna HI 98107). La profondeur est mesurée à l’aide d’une règle graduée et la transparence de l’eau est mesurée à l’aide d’un disque de Secchi. Enfin un GPS, navigateur Garmin GPS 72 est utilisé pour déterminer les coordonnés géographiques des stations d’échantillonnage (Tableau 1). Deux échantillons d’eau ont été prélevés à l’aide des bouteilles stériles au niveau de chaque station d’étude et conservés à température fraîche, pour le dosage des paramètres chimiques tels que l’Azote ammoniacal (NH4+) et le Phosphate total (P2O5) au laboratoire de la direction de l’analyse des eaux de Parakou.

Analyses statistiques

Les données obtenues ont été traitées à l’aide du logiciel Excel 2013 et du logiciel R3.4.4 (Team, 2013). Les valeurs moyennes et l’écart-type des paramètres physico-chimiques ont été calculées pour chaque station d’étude. Les tests de student et celui de Kruskal-Wallis ont été utilisés pour évaluer la variabilité saisonnière des paramètres physico-chimiques au seuil de 5%. De plus, l’Analyse en Composante Principale (ACP) et la Typologie de station d’échantillonnage ont été réalisées à l’aide du Logiciel statistique Past (Hammer, 2001). L’ACP a permis d’ordonner nos stations d’étude en fonction des gradients de concentration et de la variabilité saisonnière des paramètres physico-chimiques. La typologie de station a permis de réaliser la classification hiérarchique à l’aide de la matrice d’avant et après assèchement de stations d’échantillonnages.

Résultats 

Variation spatio-temporelle des paramètres physico-chimiques des ruisseaux d’étude

Les valeurs moyennes saisonnières, l’écart type ainsi que le coefficient de variation de chaque paramètre physique et chimiques des eaux des cinq ruisseaux (Bouli, Irané,Tassiné, Sanson et Yassikoga) affluent des rivières Alibori et Sota sont présentés dans le tableau 2. L’analyse de ce tableau montre une différence saisonnière des valeurs moyennes de chaque paramètre mesuré. En effet, on remarque de fortes valeurs de température, de pH, de conductivité, de solides dissous totaux, d’azote ammoniacal et de phosphore total avant assèchement par rapport à l’après la remise en eau (après assèchement). Quant à la transparence enregistrée, les eaux des stations d’études sont plus transparentes avant assèchement que celles de l’après assèchement. Dans l’ensemble, au niveau de chaque station d’études, les paramètres physico-chimiques ont significativement varié d’une saison à une autre (p <0,05).

Caractérisation des eaux des ruisseaux affluent des rivières Alibori et Sota

Température (T°C)

L’analyse des valeurs moyennes de la température des cinq ruisseaux d’étude montre des valeurs comprises entre 19,3°C et 23,9°C avant l’assèchement et entre 26,5°C et 33,6°C après la remise en eau. Au niveau de toutes les stations d’études, les plus faibles valeurs ont été enregistrées avant l’assèchement, tandis que les plus fortes valeurs sont mesurées après la remise en eau des stations d’études. La température la plus faible a été mesurée dans la station d’Irané avant l’assèchement et celle la plus élevée a été enregistrée dans la station de Yassikoga après la remise en eaux des stations lors des premières pluies (Figure 3).

Potentiel hydrogène (pH)

Les valeurs moyennes de pH mesuré ont varié entre 6,7 et 7,8 avant l’assèchement et entre 3,2 et 6,5 après la remise en eau des stations d’études. Le pH est modérément neutre avant l’assèchement des lits des cours d’eaux de toutes les stations d’études. Quant au début de la saison pluvieuse (après l’assèchement), on remarque une diminution des valeurs du pH au niveau de tous les cinq ruisseaux d’études et il est légèrement acide dans toutes les stations d’étude. Les faibles valeurs de pH de l’avant et après la remise en eau ont été obtenue au niveau de la station de Yassikoga et les plus forte valeurs de pH ont été mesurées sur le ruisseau de Tassiné (Figure 4).

Transparence

La valeur de transparence mesurée avant l'assèchement des ruisseaux d’études est comprise entre 9,5 cm et 27 cm. Elle a varié également entre 13 cm et 17,5 cm après l'assèchement des stations d’étude. Les valeurs les plus faibles indiquant un faible niveau de transparence coïncident avec l’après assèchement des stations d’études. La forte valeur est enregistrée avant l’assèchement (Figure 5). Dans l’ensemble de cinq ruisseaux d’étude, on note des faibles transparences avant et après l’assèchement dans le ruisseau de Yassikoga (Figure 5).

Profondeur

Les valeurs de la profondeur enregistrée ont variés entre 16,5 cm et 44,5 cm avant l’assèchement et entre 13,5 cm et 49,5 cm après l’assèchement des lits des stations d’études (Figure 6). Parmi les stations d’études, Sanson a présenté une eau plus profonde avant le phénomène d’assèchement et à la fois moins profonde après la remise en eau. La forte profondeur a été enregistrée dans la station de Tassiné après l’assèchement et la faible profondeur a été mesurée avant l’assèchement dans la station de Yassikoga (Figure 6).

Conductivité

Avant l’assèchement, la conductivité enregistrée a varié entre 17 μS/cm et 37,5 μS/cm et après l’assèchement, elle a varié entre 46 μS/cm et 60 μS/cm (Figure 7). Les fortes valeurs des conductivités ont été mesurées après la remise en eau au niveau de toutes les stations d’études. Dans l’ensemble, les valeurs de conductivité électrique sont inférieures à la norme d’OMS. Les conductivités des eaux des stations d’études sont plus faible au niveau des stations de Tassiné avant et après l’assèchement tandis que Irané a présenté des fortes valeurs de conductivité après la remise en eau (Figure 7).

Solides totaux dissous (TDS)

Les TDS des stations d’études sont en relation avec les conductivités électriques. Les solides totaux dissous mesurés ont varié entre 8,5 ppm et 20,5 ppm avant l’assèchement. Après la remise en eau des stations d’études, ils ont variés entre 22,5 ppm et 30 ppm. Les valeurs de l’avant l’assèchement de TDS ont été plus élevées dans la station d’Irané et faible dans la station de Tassiné (Figure 8). Quant à l’après remise en eau des lits des stations d’études, les fortes valeurs de TDS ont été mesuré à Bouli tandis que les faibles valeurs ont été obtenues à Tassiné (Figure 8).

Azote ammoniacal (NH4+)

Dans la présente étude, les concentrations de NH4+ enregistrées ont varié entre 0,1 mg/l et 0,5 mg/l avant l’assèchement et entre 0,3 mg/l et 0,57 mg/l après la remise en eau. On remarque donc une augmentation de concentration en ions NH4+ après l’assèchement des lits des stations d’études. Les plus fortes valeurs de l’ion NH4+ de l’avant et après l’assèchement ont été mesurés au niveau de la station de Yassikoga tandis que les plus faibles valeurs de l’avant et après l’assèchement ont été obtenues au niveau de la station de Tassiné (Figure 9).

Phosphate total (P2O5)

La figure 10 présente les concentrations des phosphates mesurée avant l’assèchement et après la remise en eau des stations d'études. On remarque une variation des concentrations de phosphate total entre 0,07 mg/l et 0,16 mg/l avant l’assèchement et entre 0,2 mg/l à 0,4 mg/l après la remise en eau. Les faible valeurs de l’avant et après l’assèchement ont été enregistrées au niveau des stations de Tassiné et des fortes valeurs ont été mesurées dans la station de Yassikoga (Figure 10).

Typologie de station d’échantillonnage

La classification hiérarchique réalisée à partir de la matrice de l’avant et après l’assèchement de stations d’échantillonnages, à l’aide de la méthode de Ward avec le logiciel statistique Past, a permis de classer les 05 stations d’échantillonnages en deux (2) grands groupes et en six (6) sous-groupes (Figure 11). Le groupe 1 est caractérisé par toutes les stations de l’avant l’assèchement et le groupe 2 est lié à toutes les stations de l’après la remise en eau. En ce qui concerne les sous-groupes, le sous-groupe 1 est caractérisé par les stations de l’avant l’assèchement de Irané et de Sanson, le sous-groupe 2 est représenté par la station de l’avant l’assèchement de Tassiné, le sous-groupe 3 est caractérisé par les stations de l’avant l’assèchement de Bouli et de Yassikoga, le sous-groupe 4 est lié à la station de l’après la remise en eau d’Irané, le sous-groupe 5 a relié les stations de Bouli et de Sanson de l’après remise en eau, quant au sous-groupe 6, il représenté par les stations de l’après l’assèchement de Yassikoga et celle de Tassiné.

Analyse en Composante Principale (ACP)

L’analyse de la projection des stations et des paramètres physico-chimiques en fonction de la saison dans un système de dimension défini par l’ACP montre qu’on peut subdiviser les points de mesures en trois groupes (Figure 12):

• Groupe I: Il est caractérisé par les fortes valeurs de profondeurs et de transparence et est lié aux stations de l’avant l’assèchement de Sanson et de Irane ainsi que la station de l’après remise eau de Tassine;

• Groupe II: Il est représenté par les fortes valeurs de conductivités; de TDS et de température et est associé aux stations d’après l’assèchement de Yassikoga, de Bouli et de Sanson;

• Groupe III: c’est un groupe intermédiaire, il est caractérisé par les stations de l’avant l’asséchement de Tassiné, de Yassikoga et de Irané.

Discussion 

L’analyse statistiques des paramètres physico-chimiques mesurés pendant les deux saisons dans les cinq ruisseaux d’études a montré une différence significative entre avant l’assèchement et après l’assèchement.

La transparence est l’un des indicateurs de l’état de santé des écosystèmes aquatiques. La transparence permet une évaluation de la zone où l’intensité lumineuse résiduelle rend l’activité de la photosynthèse possible dans la production primaire et dépend largement de la matière en suspension. Elle joue un rôle important dans la description des variations du milieu tout en englobant la densité phytoplanctonique et de matières en suspension dans l’eau telles que l’argile, les substances humiques, la vase et les colorants. Ainsi, les fortes turbidités réduisent la pénétration de la lumière et l’oxygénation du milieu aquatique. Les valeurs moyennes de la transparence ont varié entre 9,5 cm et 27 cm avant l’assèchement et de 13 cm et 17,50 cm après. Les eaux de toutes les stations d’études sont moins transparentes après l’assèchement et pourrait s’expliquer par les effets de l’assèchement complet sur les lits des ruisseaux d’études pendant la saison sèche. Les plus faibles valeurs ont été enregistrées au niveau de la station de Yassikoga. La faible transparence observée après la remise en eau des cours d’eaux est identique à l’observation faite par Houelome et al., (2016) dans les régions polluées de la rivière Alibori. Cette situation pourrait s’expliquer par le lessivage et le drainage des terres agricoles ainsi que des déchets et les boues des traces humaines et animales lors des premières pluies vers les ruisseaux d’études.

La température est l’un des facteurs qui varie en fonction de l’état de la couverture végétale de la berge et de l’ensoleillement. La température est un paramètre qui affecte le niveau d’oxygène dissous dans l’eau, la photosynthèse des plantes aquatiques, les taux métaboliques des organismes aquatiques et la sensibilité de ces organismes à la pollution, aux parasites et aux maladies (vitesse de réaction de certaines enzymes dépendent de la température de l’eau). La température de l’eau est critique car c’est une qualité importante dans les paramètres environnementaux. Les valeurs moyennes de la température des cinq ruisseaux d’étude ont été comprises entre 19,3°C et 23,9°C avant l’assèchement et entre 26,5°C et 33,6°C après la remise en eau. Les valeurs moyennes de température enregistrée après la remise en eau sont plus élevées que celles avant l’assèchement. Cette augmentation de la température de l’eau des stations d’études après la remise en eau pourrait s’expliquer par l’accroissement du déboisement entraînant la réduction des forêts (Goula et al., 2006). La déforestation à l’extrême dans le bassin cotonnier au nord Bénin, en faveur de l’agriculture, a entraîné les assèchements des rivières et le réchauffement des lits des stations asséchées sous l’influence du rayonnement solaire dont la chaleur était propagée en profondeur du sol. Selon IPCC (2007), en réponse au réchauffement climatique, de la contraction du volume d’eau dans les zones asséchées, et de la déconnection des eaux de surface et des eaux souterraines, la température des milieux aquatiques augmente de façon significative. Les plus fortes températures ont été mesurées après la remise en eau dans les stations des Sanson et de Yassikoga. La plus forte élévation thermique des eaux des ruisseaux de Sanson et de Yassikoga que les autres ruisseaux après la remise en eau serait due d’une part par l’utilisation excessive de l’oxygène dissous et la libération de CO2 à travers le phénomène de la nitrification de l’azote d’origine agricole en nitrites (NO2-) et nitrates (NO3-) par les bactéries. D’autre part, cette élévation thermique serait due à la turbidité de l’eau des cours d’eaux par les premières pluies, empêchant la pénétration des rationnements solaires utiles pour la photosynthèse. Car lors de la photosynthèse, les plantes aquatiques captent le CO2, la lumière solaire et les matières nutritives afin de fabriquer leur propre matière organique en libérant l'oxygène favorisant ainsi la baisse de la température et l’augmentation du pH.

Le pH exprime l’état d’acidité ou d’alcalinité de l’eau par rapport à l’échelle logarithmique de 0 à 14. Ainsi une eau de pH = 7 est dite neutre, une eau de pH < 7 est dite acide et une eau de pH > 7 est dite basique. Les valeurs moyennes du pH enregistrées (6,7 et 7,8) avant l’assèchement sont proches de la neutralité, car la plage du pH optimale pour une vie aquatique durable se situe entre 6,5 et 8,2 (Murdock et al., 2001). La norme Béninoise est située entre 6,5 et 8,5 (Décret, 2001). Quant aux pH mesurés après l'assèchement (3,2 et 6,5), ils sont légèrement acides. Les faibles valeurs de pH peuvent être liées aux forts phénomènes de respiration et de minéralisation dans les milieux d’études lors de la remise en eau. Alayat et al., (2013) ont révélé que la respiration contribue à l’abaissement du pH par production de gaz carbonique. De même, lors de la minéralisation de la matière organique, la production de CO2 entraîne une baisse du pH (Alayat, 2006). Les faibles valeurs de pH de l’avant et après la remise en eau ont été obtenue au niveau de la station de Yassikoga et les plus forte valeurs de pH ont été mesurées sur le ruisseau de Tassiné. Cette observation pourrait être liée à la tendance vers la respiration et surtout la fermentation pour dégrader les apports en matières organiques drainées par les eaux usées et qui entraîne une diminution du pH.

La profondeur est le premier un paramètre à être touché par le phénomène d’assèchement. Ce paramètre n’influence pas beaucoup la qualité chimique de l’eau mais un cours d’eau à profondeur élevée résiste aux réchauffements d’origine solaire et aux assèchements précoces. Ce paramètre est dépendant de la saison et des facteurs climatiques. La profondeur de l’eau des stations d’étude a varié entre 16,5 cm et 44,5 cm avant l’assèchement et entre 13,5 cm et 49,5 cm après l’assèchement des lits des stations d’études. Les faibles profondeurs des cours d’eaux seraient dues aux changements environnementaux et aux dégradations des conditions anthropiques. Ces observations sont similaires à celles de Dehédin (2012) qui affirme que le développement des activités humaines (Agriculture, urbanisation et industrialisation), favorise les apports en solutés organiques et nutriments, dont la concentration accentue la diminution des volumes d’eau induite par l’assèchement.

La conductivité (μS/cm), est une mesure de la capacité de l’eau à conduire un courant électrique, donc une mesure indirecte de la teneur de l’eau en ions. La conductivité électrique est probablement l’une des plus simples et des plus importantes pour le contrôle de la qualité des eaux. La conductivité électrique traduit le degré de minéralisation globale, elle nous renseigne sur le taux de salinité (Idrissi et al., 2015a; Idrissi et al., 2015b). Les valeurs moyennes de conductivité avant l’assèchement (17,0 μS/cm et 37,5 μS/cm) et après l’assèchement (46,0 μS/cm et 60,0 μS/cm) des stations d’études du bassin cotonnier nord Bénin sont similaires à celles (20 μS/cm et 60 μS/cm) obtenues par Yehouenou et al., (2018) dans la commune d’Adjohoun au Bénin. Les valeurs de conductivités mesurées sont très inférieures à celles (340 μS/cm et 468 μS/cm) enregistrées par De Nardi et al., (2010), ces auteurs révèlent que les faibles valeurs de conductivités de l’eau des écosystèmes aquatiques se traduit par les faibles degrés de minéralisation globale. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les eaux ayant des conductivités situées entre 100 µs/cm et 200 μS/cm sont faiblement minéralisées et par conséquent sont des eaux douces. Les plus faibles valeurs de conductivités de l’avant et après l’assèchement ont été enregistrées dans la station de Tassiné. Les plus fortes valeurs de conductivité de l’avant et après la remise en eau ont été obtenus respectivement dans la station de Bouli et Irané. Dans l’ensemble des cinq ruisseaux d’études, les plus fortes valeurs moyennes de conductivité ont été mesurées après la remise en eau par conséquent ces eaux sont fortement minéralisées que celles des stations de l’avant l’assèchement.

Les Solides Totaux Dissous (TDS) représentent la concentration totale des substances dissoutes dans l’eau. Ce paramètre est utilisé comme indicateur des caractéristiques esthétiques de l’eau potable et un indicateur de la présence d’un large éventail de contaminants chimiques. Les Solides Totaux Dissous (TDS) enregistrés pendant les deux saisons dans l’ensemble des milieux d’études sont en relation avec la conductivité. Les valeurs moyennes de TDS mesuré ont variées entre 8,5 ppm et 30,0 ppm. Ces valeurs mesurées sont très faibles par rapport à la norme européenne (500 ppm). Selon l’OMS, la valeur optimale pour les Solides Totaux Dissous est de 1000 mg/l. Les faibles valeurs des TDS pourraient signifier qu’il y a moins de solides dissous dans l’eau des cinq ruisseaux d’études avant et après l’assèchement et que l’eau est principalement constituée de molécules d’eau. Les valeurs des TDS après l’assèchement sont plus élevées que celles d’avant l’assèchement surtout la station de Irané a présenté une valeur plus forte que les autres stations d’échantillonnages. Ceci indique que les eaux des premières pluies ont chargé les lits de toutes les stations asséchées en particulier la station d’Irané avec des minéraux, des sels et des matières organiques.

L’Azote ammoniacal (NH4+) est toxique pour la vie aquatique lorsque sa concentration dépasse le seuil optimal. Le cycle de l’azote est affecté par l’assèchement des écosystèmes aquatiques. Dans les eaux de surface, l’azote ammoniacal provient principalement du lessivage des terres agricoles ainsi que des eaux usées d’origine municipale et industrielle. L’azote ammoniacal constitue l’un des gaz solubles dans l’eau. Cependant, il existe en faible proportion dans les eaux naturelles, inférieure à 0,1 mg/l (Pont, 2009). Il constitue un bon indicateur de la pollution organique des eaux superficielles et il provient essentiellement de la biodégradation de la matière organique azotée. Le cycle de l’azote est également affecté par l’assèchement des zones humides (Dehedin et al., 2013). Le NH4+ est la forme ionisée de l’azote ammoniacal. Les valeurs de NH4+ enregistrées ont varié entre 0,1mg/l et 0,5 mg/l avant l’assèchement et entre 0,3 mg/l et 0 ,57 mg/l après la remise en eau. Selon l’OMS, la valeur optimale de NH4+ est située entre 0,2 mg/l et 0,3 mg/l. Les concentrations de NH4+ enregistrées sont légèrement supérieures à la limite tolérable de l’OSM, surtout celles obtenues après l’assèchement, et se justifie par l’accumulation de l’ammoniac (NH3) au cours de l’assèchement. Skoulikidis et Amaxidis (2009) ont montré que l’accumulation et la dégradation de la matière organique (litière et organismes sénescents) après l’assèchement des cours d’eaux induit un relargage plus important de l’ammonium (NH4+) au cours de l’étiage. La forte concentration de NH4+ au niveau de la station de Yassikoga pourrait se justifier par la forte utilisation de produit azoté, car le ruisseau Yassikoga est l’un des affluents de la rivière Alibori, la commune de Banikoara à forte production cotonnière sur le plan national.

Le phosphate est un élément nutritif primaire nécessaire au fonctionnement normal de nombreux organismes et phytoplactons de l’écosystème. Cependant, la présence en excès de phosphate dans les systèmes aquatiques conduit à l’eutrophisation qui peut favoriser la croissance d’algues nuisibles et diminuer la quantité d’oxygène dissous dans l’eau et qui exacerbe l’inquiétude concernant la détérioration de la qualité de l’eau et de l’équilibre écologique global (Rashid et al., 2017). Les concentrations de phosphore total (P2O5) enregistrées ont varié entre 0,07 mg/l et 0,16 mg/l avant l’assèchement entre 0,2 mg/l à 0,4 mg/l après l’assèchement. Les valeurs de P2O5 enregistrées après l’assèchement sont supérieures à la valeur optimale (0,2 mg/l) de l'Établissement Public Territorial du Bassin de la Sèvre Nantaise (Moulin de Nid d’ Oie). Les fortes valeurs de phosphore total (P2O5) après la remise en eau des stations d’études pourraient être dues au phosphore total (P2O5) provenant de l’érosion des terres agricoles. La concentration élevée de phosphore total (P2O5) après l’assèchement est similaire aux résultats de Haridi et al., (2012). Ces auteurs dans les travaux sur la rivière du Mafrag ont remarqué que les teneurs de phosphore total (P2O5) des eaux de surfaces en période sèche (Juin - Décembre) dépassent celles de la période humide (Janvier - Mai). Dans les eaux de surface, la forte concentration de phosphore total (P2O5) peut favoriser l’eutrophisation grâce la prolifération d’algues et rend l’eau non potable et causer de nombreux dommages sur la faune aquatique (Allain, 2001). Dans l’ensemble des stations d’études, les concentrations plus élevées de phosphore total (P2O5) ont été enregistrées dans le ruisseau de Yassikoga. Les fortes valeurs de phosphore total (P2O5) dans ce ruisseau pourraient s’expliquer par l’utilisation excessive des instants chimiques agricoles dans la commune de Banikoara.

Conclusion 

Cette étude nous a permis d’obtenir une première approche sur le degré de pollution chimique des écosystèmes aquatiques pendant l’assèchement des rivières. L’assèchement se manifeste par une tendance à la hausse de T°C, de l’acidité (pH), de conductivité,de turbidité, de TDS, de NH4+ et de P2O5 après la remise eau. Cette étude montre que l’assèchement a des effets sur les paramètres physico-chimiques des cinq ruisseaux étudiés. Parmi ces cinq ruisseaux, il a été retenu que Yassikoga est le plus touché en raison des activités agricoles plus intensives. Après l’analyse des variations saisonnières des paramètres physico-chimiques en relation avec le changement environnemental, il s'est avéré que c’est le développement des secteurs agricoles et l’urbanisation qui sont à l’origine des assèchements sévères et persistants des lits des écosystèmes aquatiques et par conséquent des changements physico-chimiques des eaux de surfaces.

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