Résumé

Le baobab, Adansonia digitata L., espèce emblématique du Sénégal est l’une des principales espèces ligneuses à usages multiples que l’on rencontre dans le paysage urbain et périurbain en Afrique inter-tropicale. Cet arbre, charismatique et souvent mystérieux, reste au cœur des politiques urbaines, car participant de façon significative à l’amélioration du cadre de vie de ses résidents et à l’écologie urbaine. Cette étude s’est fixée comme objectif de décrire la variabilité morphologique de sa population dans la ville de Ziguinchor et de caractériser les morphotypes éventuels. Pour ce faire, une description morphologique a été effectuée sur 67 individus répartis dans sept (7) quartiers de la ville. Grâce à la méthode d’optimisation des clusters et à une classification hiérarchique, deux morphotypes ont été identifiés. Le morphotypes 1 à gros fruits, lourds et majoritairement des formes ovales. Leurs feuilles sont petites contrairement au morphotype 2, caractérisé par des individus aux grandes feuilles avec des petits et légers fruits. L’analyse multivariée des variances par permutations (permanova) a montré que les variables qualitatives tels la déformation fruit, le bord côtelé ou non, la forme du sommet et de la base du fruit n’a pas d’effet significatif sur la variabilité des individus de la population de baobabs étudiée.


Mots clés: Adansonia digitata L, diversité, caractérisation, morphotype, milieu urbain, clustering

INTRODUCTION

Le baobab (Adansonia digitata L.) est une espèce à usages multiples utilisée à des fins alimentaires, médicinales, culturelles et économiques en Afrique (Assogbadjo, 2010). Ses feuilles constituent une excellente source de protéines et contiennent tous les acides aminés essentiels, ainsi que la plupart des acides aminés non essentiels. Ses fruits (le « pain de singe») ont également une forte teneur en minéraux et en vitamines A et C (Assogbadjo et Loo, 2011). Il fournit également des fibres (écorce) utilisées pour fabriquer de la corde, du fourrage pour le bétail (feuilles) et des produits médicinaux obtenus à partir de différentes parties de l’arbre et utilisés pour traiter diverses maladies (Assogbadjo et Loo, 2011). Il est aussi reconnu comme source de revenus, d’où l’attention particulière accordée à ses produits dans le commerce national et sous-régional (Bationo, 2009). L’arbre serait enfin le dixième légume-feuille traditionnel consommé au Sénégal (Ndiaye et al., 2003).

Au vu de son importance écologique et de ses services d’approvisionnement multiples, des consultations régionales organisées par le Centre International pour les Cultures Sous-utilisées ont accordé une haute priorité à l’amélioration de la recherche et du développement de cette espèce (Sidibé et Williams, 2002). Dans ce cadre, plusieurs études ont été entreprises, permettant d’indiquer la possible présence d’une grande variabilité génétique des métapopulations de l’espèce dans plusieurs pays. Les travaux de Pettigrew et al., (2012) suggèrent qu’il en existe deux espèces nettement différentes en Afrique continentale: une espèce tétraploïde A. digitata («baobab commune») et une voisine diploïde A. kilima («baobab des collines»), probablement présente à des altitudes plus élevées, avec une morphologie florale légèrement différente.

Par ailleurs, avec la dynamique de transformations importantes des villes et villages africains, le besoin des populations vis-à-vis des plantes devient de plus en plus marqué, (Polorigni et al., 2014). L’arbre se positionne ainsi au cœur des politiques urbaines, compte tenu de sa contribution significative à l’amélioration du cadre de vie de ses résidents et à l’écologie urbaine (Bœuf et Robert, 2017). En effet, les espaces verts, privés et publics (parcs urbains, jardins privés, toits et murs végétalisés, linéaires arborés, friches et espaces vacants), font en effet bénéficier à la ville et ses habitants d’une multiplicité de services écosystémiques (séquestration du carbone, régulation thermique, services de support de la biodiversité et des écosystémiques, d’approvisionnement et de purification de l’eau, espaces de loisirs, valorisation économique du foncier, purification de l’air, production via l’agroforesterie urbaine, etc.) (Tavin et Leseur, 2016). Le baobab, espèce emblématique du Sénégal est l’une de ces principales espèces ligneuses à usages multiples rencontrée dans le paysage urbain et périurbain en Afrique intertropicale.

Au Sénégal, comme partout en Afrique, les populations de baobab sont souvent plus vieilles que l’installation de l’homme dans certaines contrées urbaines et même rurales. La présence de ce dernier, qui a tendance à sélectionner et /ou maintenir les individus en fonction de ses besoins, pourrait constituer une menace sur la conservation de cette espèce et surtout sur sa diversité génétique (Badiane et Mbaye, 2019).

A Ziguinchor, les travaux de Charahabil et al., (2018), ont classé le baobab parmi les cinq (5) espèces les plus fréquentes de la ville. Il s’agit aussi d’une espèce qui entre dans les principaux rites et traditions des populations de cette ville cosmopolite où subsiste une cohabitation entre tradition et modernisme. Il s’agit donc une espèce patrimoniale à mieux connaître pour la conserver. Tel est l’objectif principal de cette étude: contribuer à une meilleure connaissance de la diversité génétique du baobab pour une meilleure conservation. Il s’agit d’étudier la variabilité morphologique, afin d’identifier des morphotypes pour les caractériser et les localiser dans l’espace urbain. Des données génétiques et moléculaires viendront compléter l’étude de la variabilité.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Présentation du milieu

L’étude a été réalisée dans la Commune de Ziguinchor, chef-lieu de la région du même nom, ville composée de 27 quartiers repartis sur une superficie de 9 km2, entourée par des zones humides constituées en marigots et rizières. Elle est limitée au Nord par le fleuve Casamance, au Sud, à l’Est et à l’Ouest par la commune de Niaguis.

Le climat est de type Soudano-guinéen avec une température moyenne de 27°. La région de Ziguinchor constitue la partie la plus arrosée du Sénégal, en dépit d’une pluviométrie irrégulièrement repartie dans le temps et dans l’espace, avec une moyenne annuelle de 1254 mm pendant les trois décennies 1990-2020.

La forêt demi-sèche dense à deux étages, rencontrée dans la région apparaît caractéristique du domaine guinéen. La flore est la plus diversifiée du pays avec 1150 espèces végétales sur les 2500 espèces répertoriées (MEPN, 1997).

La région dispose d’une grande diversité ethnique et culturelle. Ce brassage ethnique fait de cette région l’une des plus cosmopolites du Sénégal. Les principales ethnies sont: Diola (57,8 %) majoritaire, Mandingue (11,1 %), Pulaar (10,5 %), Ouolof (3,9 %), Manjack (3,5 %), Ballante (2,9 %), Sérère (2,7 %) et Mancagne (2,4 %) (ANSD, 2012). Les religions dominantes restent l’Islam (78 %) et le Christianisme (18 %), néanmoins, on trouve une forte communauté d’animistes et de païens dans le département d’Oussouye (32,7 %). L’économie de la région demeure largement dominée par le secteur primaire qui occupe les 90 % des actifs durant 3 à 4 mois dans l’année (Charahabil et al., 2018). Ce secteur comprend principalement l’agriculture, essentiellement hivernale et tributaire des aléas climatiques, l’exploitation forestière, la pêche et l’élevage. Il s’y ajoute l’artisanat et le commerce. Les différents types de cultures pratiquées dans la région portent sur les cultures céréalières, cultures de rente et cultures maraîchères.

Méthodes d’étude

Une phase de prospection a consisté au repérage des quartiers de la ville ayant de grands sujets de baobab. Dans le cas où ces derniers se trouvent dans une concession ou un domaine protégé, des responsables ont été identifiés et des accords établis pour la récolte de fruits. Les arbres identifiés et ciblés pour les mesures ont été étiquetés et géoréférencés pour établir une liste d’occurrences.

La récolte des fruits et des feuilles a été effectuée entre décembre 2019 et Février 2020. Pour chaque individu, la récolte a porté sur 5 à 10 fruits et sur 3 à 5 feuilles/arbre. La hauteur et la circonférence de l’arbre ont nécessité l’usage d’un blum leiss et d’un ruban mètre. La description standard des critères phénotypiques des baobabs (Figure 1) a retenu la méthode IPBGR (1986).

L’ensemble des mesures et observations ont permis d’obtenir une matrice de 20 variables, composée de 15 variables quantitatives et 5 variables qualitatives.

Traitement et analyse des données

Des méthodes d’analyse multivariées ont servi à établir la variabilité morphologique des baobabs. Un clustering, est réalisé pour regrouper les points les plus proches, ou les plus semblables. Le concept de clustering repose fortement sur les distances de similarité (Cleuziou, 2004). A partir de la matrice des données (67 individus de baobabs /paramètres de fruits, feuilles et dendrométriques), le clustering a cherché à définir des groupes stables de baobab similaires (clusters), susceptibles de constituer des morphotypes. Les études génétiques pourront ensuite survenir, pour définir éventuellement des variétés ou des sous-espèces dans ces groupes.

Pour estimer le nombre optimal de clusters à définir, la méthode de la silhouette moyenne a été utilisée. L’idée consiste à calculer l’algorithme PAM en utilisant différentes valeurs de clusters k. Ensuite, la silhouette moyenne des grappes est dessinée en fonction du nombre de grappes. La silhouette moyenne mesure la qualité d’un regroupement. Une silhouette moyenne à haute largeur indique un bon regroupement. Le nombre optimal de clusters k correspond à celui qui maximise la silhouette moyenne sur une plage de valeurs possibles pour k (Kaufman et Rousseeuw, 1990).

Une ACP a été réalisée sur la matrice 67 individus /15 variables quantitatives et a permis d’établir les corrélations entres les variables (15 variables quantitatives) et définir la classification des individus (67 pieds de baobab). L’influence des paramètres qualitatifs (déformation, bords côtelés, forme fruit, forme base du fruit, forme sommet du fruit) sur la variabilité des individus a été évaluée à l’aide d’une analyse multivariée des variances par permutations (permanova) se basant sur la méthode de distance de Bray-Curtis (Bray et Curtis, 1957). Les valeurs de cet indice sont comprises entre 0, si les deux échantillons ont la même composition et 1, si les échantillons apparaissent totalement dissemblables (Bloom, 1981). Chaque variable qualitative, d’abord testée séparément avec l’ensemble des variables quantitatives, fait l’objet de tests ensemble avec des combinaisons allant de 2 à 5 pour voir si elle a un effet de dispersion sur les individus.

A l’aide du logiciel Arc GIS version 10.4.1, la liste d’occurrence des espèces a été convertie en fichier spatial de format Shapefile (Shp). Les individus ont ensuite été catégorisés en deux groupes: le groupe 1 correspondant au morphotype 1, auxquels la couleur marronne a été affectée et le groupe 2 correspondant au morphotype 2, auxquels la couleur verte a été affectée. La superposition des individus aux limites administratives des quartiers de la commune de Ziguinchor a permis d’avoir la répartition spatiale des morphotypes dans les quartiers étudiés.

RÉSULTATS

Contribution relative et corrélation entre les variables

La figure 2 montre la représentativité des variables quantitatives par rapport aux dimensions et le pourcentage d’informations de chaque dimension. La dimension 1 referme 30,3% d’informations avec le poids de l’ensemble du fruit, poids coque, poids de la pulpe-graine, le poids pédoncule et la largeur coque, les variables les plus contributives à la formation de la dimension 1 avec des coefficients de corrélations respectifs de 0,93; 0,84; 0,86; 0,52 et 0,60. Quant à la dimension 2, elle renferme 21,6 % d’informations et les variables qui contribuent plus à la formation cette dimension sont les paramètres de la feuille: la taille du pétiole, longueur du limbe, largeur du limbe et le nombre de nervures latérales avec des coefficients de corrélations respectifs de 0,57; 0,76; 0,70 et 0,64.

La figure 3 présente les résultats de l’ACP montrant d’une part une corrélation entre les variables du fruit (poids et tailles) et d’autre part une corrélation des variables de la feuille. Des corrélations plus représentatives ont été notées entre certaines variables:

• Le poids ensemble fruit, poids pulpe + graine, le poids de la coque et la largeur de la coque;

• La hauteur totale du fruit et la longueur du pédoncule;

• La longueur du limbe, la largeur du limbe et le nombre de nervures latérales.

Aussi, les individus ind219, ind222, ind238, ind388, ind396, ind398, ind400, ind419 et ind486 sont bien représentés par rapport à la dimension 1 et se corrèlent aux variables des fruits (poids et taille). De même, les individus ind221, ind235, ind237, ind247, ind248, ind399, ind438, ind483 et ind487 prédominent par rapport à la dimension 2 et se corrèlent aux variables des feuilles.

Optimisation du nombre de clusters

La figure 4 représente la courbe de variance au sein des clusters obtenus. Elle décroît lorsque k augmente, et forme une courbure (ou «coude») à k = 2. Cette courbure indique que les clusters au-delà de ce nombre ont peu de valeur. Dans la section suivante, les individus seront donc classés en 2 groupes.

Classification hiérarchique

Après une optimisation du nombre de clusters donnant k =2, une classification hiérarchique (CHA) a été effectuée et a permis de scinder les 67 individus en deux groupes, correspondant à des morphotypes distincts de la population de baobab de la ville (Figure 5). Le morphotype 1 compte 30 individus et morphotype 2, 37 individus.

Répartition spatiale des morphotypes

La figure 6 représente la répartition spatiale des morphotypes de baobab dans la ville.

La grande majorité des individus du groupe 1 est principalement localisé dans les quartiers de Kenia et de Kandialang, alors que ceux du groupe 2 proviennent en essentiellement des quartiers de Kandé et Djibock.

Contribution des paramètres qualitatifs à la variabilité morphologique des individus

L’influence des paramètres qualitatifs (déformation, bords côtelé, forme fruit, forme base du fruit, forme sommet du fruit) sur cette même variabilité est établie à l’aide d’une analyse de variance à plusieurs facteurs (Permanova). Le tableau 1 et la figure 7 présentent les résultats de cette analyse.

Les résultats d’analyse présentés dans tableau 1 révèlent une absence d’effet significatif de toutes les variables catégorielles sur la variabilité morphologique de la population de baobab.

En effet, les variables déformation, forme du fruit, forme du sommet de fruit, forme de base du fruit, bords côtelés ou non et y compris les interactions pouvant exister entre-elles peuvent être considérées comme impertinentes sur la variabilité de cette analyse. Les valeurs de probabilités respectives (0,596; 0,505; 0,223; 0,887 et 0,881), sont toutes suffisamment supérieures au niveau de signification conventionnel de 0,05 (5%). Même avec les interactions pouvant exister entre les différentes variables catégorielles, les résultats d’analyse révèle une absence totale d’effet significatif c’est-à-dire une impertinence de ces dernières sur la variabilité morphologique de la population étudiée. Cela traduit qu’on pouvait à priori s’en limiter à la seule collecte des 15 variables quantitatives pour optimiser sur le coût d’échantillonnage.

La figure 7 nous illustre les tracés de la dispersion relativement aux différentes variables catégorielles (déformation, la forme du fruit, la forme sommet du fruit, la forme base du fruit et le bord côtelé ou non) qui sont en adéquation avec les résultats présentés au tableau 1.

En effet, il y est facile de remarquer une ressemblance partout traduisant un milieu homoscédastique des différentes covariables. Cela obéit à la loi «ceux qui se ressemblent, s’assemblent» d’où la ressemblance se traduit par les proximités des diverses covariables.

Caractéristiques des morphotypes

La classification hiérarchique a indiqué deux groupes, puis une comparaison des moyennes de ces derniers a été faite par rapport à la dimension du fruit, à leurs poids, aux paramètres dendrométriques, à la forme du fruit et aux dimensions de la feuille.

Dimension du fruit

Les paramètres relatifs à la dimension du fruit montrent que le morphotype 1 a une moyenne plus élevée que le 2 Figure 8).

Poids du fruit

Les fruits du morphotype 1 sont en moyenne largement plus lourds que ceux du 2 (Figure 9). Ceci en se basant sur le poids total du fruit, le poids de la coque et celui de la pulpe plus la graine. On constate que le groupe 1 intègre des individus qui ont des poids de fruit les plus importants (ind238, ind234, ind219 et ind208) avec respectivement un poids de fruit de 587 g, 517 g, 558 g et 509 g.

Paramètres dendrométriques

Les individus du morphotypes 1 se révèlent plus hauts que ceux du groupe 2, alors que ceux du groupe 2 apparaissent légèrement plus larges (Figure 10).

Feuilles

Le morphotype 2 présente des valeurs légèrement plus élevées en termes de longueur du pétiole, du limbe et du nombre de nervures latérales. Quant à la largeur du limbe, elle se montre légèrement plus grande chez les individus du groupe 1 (Figure 11).

Forme du fruit

Les résultats sur la forme du fruit montrent que les formes ovales et elliptiques dominent chez tous les individus par rapport aux formes ronde et oblongue (Figure 12). On note cependant, une légère dominance de la forme ovale dans le morphotype 2 (19 individus). Par ailleurs, il existe plus de fruits à forme ronde dans le morphotype 1 (5 individus) et plus de forme oblongue dans le morphotype 2 (3 individus), (Figure 13).

DISCUSSION 

Le clustering réalisé et optimisé a permis de définir deux morphotypes de baobabs avec respectivement 30 et 37 individus. L’analyse des paramètres qualitatifs et quantitatifs a permis de dresser le portrait de chacun et de faire les comparaisons nécessaires pour une meilleure identification.

En effet, le poids moyen de l’ensemble fruit du morphotype 1 (387 g) est largement supérieur au poids moyen du morphotype 2 (205 g) avec une différence de 181 g. Dans le même sens le morphotype 1 compte des fruits de tailles plus importantes (20,9 cm/10,3 cm en moyenne) que le morphotypes (16,4 cm / 8,2 cm) avec une différence de 4,5 cm / 2,1 cm.

La hauteur moyenne des individus du morphotype 1 (19,4 m) est plus importante comparée au second (18,3 m) avec une différence de 1,02 m, mais avec des diamètres moyens presque égaux, respectivement 1,5 m et 1,6 m. On note cependant, pour l’ensemble des paramètres dendrométriques, une répartition homogène des individus les plus importants dans les deux groupes.

Les feuilles du morphotype 2 sont généralement plus grandes que celles du premier. La comparaison se base sur la taille du pétiole, la longueur du limbe et le nombre de nervures latérales, respectivement de 9,0 cm; 9,4 cm et 14 pour le morphotype 1 et de 8,3 cm; 8,7 cm et 13 pour le deuxième.

Concernant les variables qualitatives, les résultats de l’ACP et la Permanova montrent qu’il n’y a pas d’effet significatif avec des probabilités de 0,596; 0,505; 0,223; 0,887 et 0,881 respectivement pour la déformation, la forme du fruit, la forme sommet fruit, la forme base fruit et le bord côtelé. Les variables qualitatives n’influencent pas la dispersion des individus.

Des études menées au Bénin sur la caractérisation de la variabilité morphologique et de production (Assogbajo et al., 2005) et celles sur la diversité morpho-biochimique des morphotypes paysans de baobab au Sénégal (Sanogo et al., 2013) ont confirmé cette variabilité qui était principalement liée aux conditions d’environnement et d’habitat. Selon ces auteurs, cette variabilité pourrait probablement résulter d’une diversité génétique au sein des populations de baobab.

La variation génétique entre les populations résulte en effet de diverses combinaisons de sélection, mutation, migration, dérive génétique et comportement d’accouplement (Vanderbank et al., 1996). En général, les événements d’accouplement s’avèrent comme le principal déterminant de la structuration génétique spatiale des espèces d’arbres (Young et Merriam, 1994). Les chauves-souris frugivores figurent parmi les principaux agents de dispersion du pollen et des graines de baobab (Harris et Baker, 1959; Baum, 1995), bien que le comportement diffuseur de l’espèce n’ait pas été largement étudié, le baobab est considéré comme généralement consanguin (Assogbadjo et al., 2006; Ouédraogo, 2000). Cependant, le flux génétique entre les populations s’appréhende mieux également par le statut du baobab en tant qu’espèce semi-domestiquée. En effet, depuis le début de la semi-domestication de cet arbre, les populations rurales, les agriculteurs et les commerçants ont joué un rôle important dans le flux de gènes entre des populations géographiquement éloignées en facilitant le transport des fruits de village à village (Assogbadjo et al., 2006).Cette observation se pose en corrélation avec le fait que les espèces d’arbres à longue durée de vie, telles que le baobab, présentent des niveaux élevés de diversité génétique au sein de la population et faible différenciation (Hamrick et al., 1992; Austerlitz et al., 2000), probablement en raison de leurs niveaux élevés de flux de pollen et de populations multi générationnelles (Vanderbank et al., 1996; Austerlitz et al., 2000).

Cette influence de l’homme sur le flux génétique du baobab s’explique mieux dans les milieux urbains et périurbains. Dans la ville de Ziguinchor, la répartition spatiale des morphotypes définis indiquerait une sélection ou un maintien des individus en fonction des usages.

Dans les quartiers Kenia et Kandialang, qui font partie des nouvelles zones urbanisées de la ville, jadis réservés aux activités agricoles (ASIDSU, 2006), les baobabs rencontrés portent des fruits intéressants par la taille et le poids. Ils seraient exploités dans la préparation des mets et jus à base pain de singe. L’homme les aurait introduits ou maintenus pour ce service.

On retrouve dans cette même zone nouvellement urbanisée, mais un peu plus au nord, notamment à Kandé et Djibock, des individus essentiellement du morphotype 2 avec des grandes feuilles. L’exploitation ici serait liée à la préparation des plats et sauces à base de feuilles de baobab.

Ces affirmations sont conformes à ceux de plusieurs auteur (Young et Merriam, 1994; Aldrich et al, 1998; Allaye Kelly et al., 2004). Ces derniers affirment que les populations de baobabs dans les systèmes agroforestiers ouest-africains subissent l’influence constante des activités humaines, ce qui peut affecter la structure génétique des espèces d’arbres par leur effet sur la dispersion, la densité, la fragmentation et la sélection des graines et du pollen. Les populations locales appliquent un système de classification morphologique pour les baobabs et arrivent ainsi à guider dans la sélection et la collecte de matériel génétique à partir d’arbres, avec des combinaisons de caractères préférées (Assogbadjo et al., 2008). Par ailleurs, l’échange actif de semences sur les marchés locaux entre les populations améliorerait la diversité génétique, en maintenant la variation génétique au sein des populations et en réduisant la différenciation génétique entre les populations et les niveaux de consanguinité (Loiselle et al, 1995; Chung et al., 2000).

CONCLUSION

La caractérisation morphologique des baobabs dans la ville de Ziguinchor a permis de fournir des informations utiles pour une meilleure connaissance et une (future ?) bonne gestion durable des populations de baobab de cette ville à urbanisation galopante. On constate que la plupart des baobabs ont un poids et des dimensions du fruit qui dépasseraient ceux des baobabs des autres zones soudano-guinéennes, avec des formes de fruits ovales et elliptiques dominantes. Bien que les paramètres dendrométriques et foliaires de cette zone présentent des variations au sein des individus, ils se rapprochent de ceux trouvés dans d’autres localités de même zone climatique.

Ainsi, on note une variation des paramètres poussant à les diviser en deux morphotypes:

• Le morphotype 1 se caractérise par des individus possédant des gros et lourds fruits, des formes majoritairement elliptiques et ovales, disposant de petites feuilles.

• Le morphotype 2 rassemble des individus portant des grandes des fruits, des fruits de petites tailles, moins lourds et majoritairement de forme ovale.

Dans la ville, les individus du groupe 1 sont principalement localisés dans les quartiers de Kenia et de Kandialang, alors que ceux du groupe 2 proviennent en majorité des quartiers de Kandé et Djibock.

Par ailleurs, les méthodes de ségrégation utilisées ont montré que les variables qualitatives telles que la déformation fruit, le bord côtelés ou non, la forme fruit, du sommet et de sa base n’ont pas d’effet significatif sur la variabilité de la population de baobab.

Des études génétiques et moléculaires permettraient d’analyser en profondeur cette variabilité et définir les éventuelles variétés ou sous-espèces.

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