Résumé

Dans le contexte actuel de changement climatique et de pollution environnementale généralisée, l’évaluation de la durabilité des systèmes de production s’avère indispensable. Ainsi, les impacts environnementaux de la production de Clarias gariepinus et Oreochromis niloticus dans les whedos du delta de l’Ouémé au Bénin ont été évalués grâce à l’Analyse de Cycle de Vie (ACV). L’estimation des rejets en azote (N) et phosphore (P) dans les systèmes de production (whedos), (T0: poisson nourris normalement 3 fois par jour, T1: 12H de jeûne, T2: 24H de jeûne et T3: 48H de jeûne) a été réalisée selon la méthode du bilan nutritionnel, et le calcul des catégories d’impacts a été réalisé suivant la méthode CML2 Baseline 2000 à l’aide de l’outil d’analyse environnementale SimaPro®. Il apparaît que, quel que soit la catégorie d’impact environnemental considérée, le système T2 a obtenu les valeurs d’impacts les plus faibles chez C. gariepinus comparé à T0, T1 et T3. Chez O. niloticus, excepté les impacts du changement climatique et d’énergie non renouvelable qui sont plus faible en T2, les autres sont faibles en T3. La production d’aliment reste le contributeur majeur des catégories d’impacts, hormis l’eutrophisation dominée par le processus de production.


Mots- Clés : Analyse de Cycle de Vie, happa, vallée de l’Ouémé, Clarias gariepinus, Oreochromis niloticus

INTRODUCTION

Dans plusieurs communautés, en particulier dans les pays en développement, le poisson contribue à la subsistance et aux stratégies de lutte contre la pauvreté (FAO, 2009). De par sa croissance et sa composition en nutriments, il joue un rôle déterminant dans la fourniture de protéines animales, surtout dans les pays menacés de nos jours par la crise alimentaire. Selon FAO (2020), en 2018 par exemple, le monde a consommé environ 156 millions de tonnes de poisson et les prévisions pour les années à venir indiquent que la demande serait en hausse. La consommation humaine de poisson a atteint au cours de la même année un niveau record avec près de 20,5 kg de poissons consommés par personne, représentant ainsi près de 15% de l’apport moyen de protéines animales (FAO, 2011). La pêche qui constitue une source importante d’approvisionnement en poissons n’arrivant plus à combler les demandes intérieures en produits halieutiques, le Bénin fait recours donc à l’importation de poissons congelés de qualité douteuse. L’intérêt grandissant porté aujourd’hui à l’aquaculture résulte principalement de la baisse des réserves naturelles en poissons, occasionnée par la pêche excessive et incontrôlée (Naylor et al., 2000; Pauly et al., 2002). Il y a aussi la nécessité de produire 40 millions de tonnes de poisson supplémentaires à l’horizon 2030 compte tenu de la stagnation des débarquements de la pêche, de l’augmentation de la population dans le monde et de la transformation de 50% des produits de la pêche en huile et farine servant à l’alimentation animale dont les poissons d’élevage (Subasinghe, 2006).

Dans ce contexte, l’aquaculture apparaît comme la seule alternative pouvant combler cette forte demande en poisson pour l’alimentation humaine (Anonyme, 2007; Agbohessi et al., 2018). Ainsi, pour atteindre les objectifs du Millénaire, l’accent est mis sur les impacts à court terme de l’aquaculture : amélioration des revenus, création d’emplois et approvisionnement des marchés en quantité suffisante de poissons. Au Bénin, ce secteur reste encore peu développer malgré les multiples efforts des différents acteurs (État, bailleurs de fonds, ONG, chercheurs, producteurs, etc.). Bien que de nombreuses études (Imorou Toko, 2007; Imorou Toko et al., 2010; Imorou Toko et al., 2011a,b; Agbohessi et al., 2019) aient prouvé les fortes potentialités aquacoles du pays (topographie et infrastructures adéquates, disponibilité d’espèces aquacoles performantes, disponibilité de ressources humaines qualifiées, etc.), l’aquaculture béninoise reste encore confronter à de sérieux problèmes au nombre desquels la disponibilité d’aliment performant et à moindre coût. A ce sujet, la pisciculture extensive se révèle un atout pour les petites exploitations agricoles. Nécessitant peu de trésorerie, elle permet de valoriser les facteurs de production et les sous-produits agricoles, diminue les dépenses liées à l’alimentation, crée une activité génératrice de revenus et améliore l’équilibre de la ration alimentaire (Gafsi et al., 2007). Des améliorations de la production halieutique des whedos du delta de l’Ouémé à travers les études sur la densité de mise en charge de Clarias gariepinus et Heterobranchus longifilis ont été effectuées par Imorou Toko (2007). Mais des contraintes liées à l’alimentation de ces poissons dans les trous à poisson demeurent et constituent des problèmes majeurs à régler. En effet, selon Gourène et al. (2002) et Agbohessi et al. (2019), l’alimentation est la contrainte majeure pour l’émergence de la pisciculture tropicale et représente environ 50% du coût total de production. Ainsi l’utilisation de nouvelles technologies s’avère indispensable pour l’amélioration de la productivité piscicole du delta de l’Ouémé. Ces travaux ont vraiment pris en compte l’amélioration de la productivité des whedos sans tenir compte de l’aspect environnemental. Or, il importe de proposer des techniques diversifiées et localement adaptées, notamment des systèmes de culture permettant une production régulière et durable (basée sur la réduction des risques), une protection de l’écosystème aquatique contre tous les désagréments. L’Analyse de Cycle de Vie (ACV), méthode globale qui évalue l’ensemble des impacts potentiels environnementaux attachés à un produit depuis sa source jusqu’à son recyclage ou à sa mise en déchet final (Guinée et al., 2002), a été identifiée comme pertinente pour l’évaluation environnementale des systèmes de production agricoles (Van der Werf and Petit, 2002) avec quelques références en aquaculture ( Aubin et al., 2006; Casaca, 2008; Roque d’Orbcastel et al., 2008; Aubin et Van der Werf, 2009; Efolé, 2011; Aubin, 2014; Abdou, 2017). Dans ce travail il s’agit de faire une évaluation environnementale du système d’hyperphagie compensatoire des poissons élevés dans les whedos du delta de l’Ouémé au Bénin par l’ACV.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Milieu d’étude

L’étude a été conduite dans le village de Ayizè (commune de Ouinhi) et de Ouébossou (commune de Bonou) en République du Bénin (Figure 1) pendant une période de 56 jours (du 30 juillet au 24 septembre 2014). Ces villages sont situés entre 6°72’ et 6°95’ latitude Nord et entre 2°15’ et 2°40’ longitude Est. C’est des villages dans lesquels la pisciculture traditionnelle dans les Whedos reste la forme majoritairement pratiquée. Le climat dans la zone est du type subéquatorial caractérisé par quatre saisons: deux saisons des pluies d’inégale importance dont la plus grande s’étale de mars-avril à juillet et la plus petite de septembre à novembre, et deux saisons sèches dont la plus grande va de décembre à mars et la plus petite de juillet-août à début septembre (Adam and Boko, 1993). Le delta de l’Ouémé connaît une seule saison de hautes eaux dans l’année et l’amplitude est très forte entre la crue (fin juillet à début novembre) et l’étiage (décembre à juin). L’apparition de la crue entraîne une inondation des plaines. Par contre, à la décrue (étiage), toute la plaine inondable s’assèche donnant lieu à l’installation des cultures (Welcomme, 2002).

Matériel animal

Les alevins de C. gariepinus (poids moyen initial: 7,02 ± 0,10 g) et d’O. niloticus (poids moyen initial: 8,06 ± 0,23 g) utilisés pour l’expérimentation ont été achetés au Centre de Recherche et d’Incubation Aquacole du Bénin (CRIAD) de Cotonou. La densité de mise en charge a été de 30 ind/m2 pour les deux espèces.

Description des systèmes de production étudiés

Quatre systèmes en hyperphagie compensatoire basés sur la mise à jeun (1: nourrit normalement 3 fois par jour; 2: 12 H de jeûne; 3:24 H de jeûne; 4:48 H de jeûne) contenus dans des dispositifs en happas (de dimensions 1 x 1 m à la densité de 30 ind/m2) installé dans les whedos, ont été analysés (Figure 2).

Au total deux (2) «whedos» de forme rectangulaire et de surface moyenne 140 m2 chacun ont été utilisés. Ils sont alimentés par nappe phréatique avec des hauteurs moyennes d’eau de 0,6 m. La gestion de l’eau au sein des «whedos» a consisté au remplacement du volume d’eau perdu, par infiltration ou évaporation toutes les deux semaines durant l’essai, par pompage d’eau du fleuve à proximité.

Conduite de l’essai

Deux (2) whedos de dimension (10 m × 14 m × 1 m) ont été utilisés. Les happas (système) de 1 m 3 (1m x 1m x 1m) sont conçus à l’aide des toiles moustiquaires en matière nylon et installés dans les whedos (Figure 2). Le taux de renouvellement est d’environ 3%. Quatre (4) (systèmes) ont été testés:

Système T0: lot témoin nourris normalement 3 fois par jour (7H, 12H, 17H)

Système T1: lot nourris après une période de jeûne de 12h (7H, 19H)

Système T2: lot nourris après une période de jeûne de 24h (7H)

Système T3: lot nourris après une période de jeûne de 48h (7H)

Durant toute l’expérience, les poissons ont été nourris à satiété avec l’aliment Skretting importé de la France à 35% et 45% de protéine respectivement pour tilapia et pour clarias (composition bromatologique de l’aliment bien connue). Les poids moyens finaux chez C. gariepinus ont varié entre 46,6 ± 0,71 g et 18,3 ± 1,96 g. Chez O. niloticus, ils ont varié entre 26,8 ± 1,39 g et 13,9 ± 0,75 g.

La quantité d’aliment servie durant toute l’expérience par système est consignée dans le Tableau 1 ci-dessous.

Les données au niveau de la ferme ont été obtenues par des mesures directes (caractéristiques des infrastructures; qualité de l’eau) et par estimations (quantités d’aliments distribuées et volume d’eau) durant la période d’étude.

Analyse de Cycle de Vie

Les limites de chaque système de production piscicole analysé dans cette étude comprennent les processus de construction des infrastructures d’élevage (happas), de production des ingrédients alimentaires (production au champ comprise) pour les poissons, la production des alevins et de poissons marchands ainsi que le transport à toutes les étapes du berceau à la sortie de la ferme (Aubin et Van der Werf, 2009), (Figure 3). L’acquisition des données d’inventaire, a porté sur un cycle de production (de la mise en charge des alevins à la récolte). L’ACV a été réalisée suivant la méthode CML2 baseline 2000 version 4.2. (Guinée et al., 2002) adaptée à l’aquaculture et suivant son application antérieure dans divers systèmes de production aquacole (Aubin et al., 2006; Casaca, 2008; Roque d’Orbcastel et al., 2008; Aubin et Van der Werf, 2009; Efolé, 2011; Aubin, 2014; Abdou, 2017) sur un cycle de production en utilisant:

• L’allocation économique basée sur la moyenne des prix du marché de la zone d’étude au cours de l’année 2014;

• Une (1) tonne de poisson frais produit à la sortie de la ferme comme unité fonctionnelle;

• Des données secondaires s’agissant de l’énergie, des transports, des matériaux, qui proviennent de la base électronique de données d’inventaire ACV Ecoinvent (Ecoinvent, 2007).

Le calcul des quantités d’azote (N) et de phosphore (P) dans l’aliment a été effectué par analyse chimique de la matière sèche de l’aliment (N et P total). Le niveau des rejets a été calculé par la différence entre les quantités d’azote et de phosphore entrées sous forme d’intrants et la part retenue par le poisson pour son gain de poids suivant la méthode du bilan nutritionnel (Cho et Kaushik, 1990). Les calculs d’impact ont été réalisés à l’aide de l’outil informatique d’analyse environnementale SimaPro ® 8.0.5.13 (Pré Consultants, Netherlands). Les catégories d’impacts retenues pour cette étude ont été: l’énergie non renouvelable utilisée (EU) (en MJ); le changement climatique potentiel (CC) (eq kg CO2); la toxicité des eaux douces (TED) et l’écotoxicité terrestre (ET) (eq kg 1,4 DB); l’acidification potentielle (AP) (eq kg SO2) et l’eutrophisation (E) (eq kg PO4). Pour placer les systèmes étudiés dans un contexte global, leurs impacts environnementaux potentiels ont été comparés à ceux d’autres études antérieures analysées avec la même méthodologie ACV, au Brésil (Casaca, 2008), en France (Aubin et Van der Werf, 2009), au Cameroun (Efolé et al., 2012) et en Côte d’Ivoire (Amian et al., 2018) (Tableau 2).

L’effet des différents systèmes (T0, T1, T2 et T3) sur l’environnement a été testé en comparant les différents impacts (EU, CC, TED, ET, AP et E) par l’analyse de la variance à un facteur (ANOVA 1). Le test HSD de Tukey a été utilisé pour comparer les moyennes des impacts au seuil de 5% au niveau des différents systèmes. L’analyse statistique a été faite à l’aide du logiciel STATISTICA 6.0 (Statsoft, Inc.).

Les données sont implémentées dans des tableurs (Excel 2007) et retranscrites dans les fichiers projets (pour chacun des cycles de production). Les niveaux des indicateurs d’impact ont été calculés suivant la méthode CML2 baseline 2000 version 2.03 (Guinée et al., 2002).

RÉSULTATS

Le Tableau 3 présente les résultats de l’évaluation des impacts environnementaux potentiels par tonne de poisson produit, en système de production d’hyperphagie compensatoire dans les whedos du delta de l’Ouémé au sud du Bénin.

Il en ressort que, chez C. gariepinus quel que soit la catégorie d’impacts considérée (EU, CC, TED, ET, AP et E), le système T2 a obtenu les valeurs d’impacts les plus faibles comparé aux systèmes T0, T1 et T3. Mais chez O. niloticus en dehors des catégories d’impacts (EU et CC) qui présentent les plus faibles valeurs d’impacts au niveau du système T2 comparativement à T0, T1 et T3, c’est le système T3 qui a obtenu les catégories d’impacts (TED, ET, AP et E) les plus faibles comparativement à T0, T1 et T2. L’analyse de variance ANOVA I montre qu’il existe des différences significatives (p < 0,05) au seuil de 5% entre les valeurs des catégories d’impacts considérées (EU, CC, E, TED, ET et AP) obtenues dans les différents systèmes quel que soit l’espèce. Par ailleurs, le test de comparaison de moyenne HSD de Tukey révèle que l’EU et le CC du système T3 sont significativement supérieurs (p < 0,05) à l’EU et au CC des systèmes T0, T1 et T2. Le test HSD de Tukey montre également qu’il n’existe pas de différence significative entre l’E des systèmes T0, T1 et les systèmes T2 et T3 chez C. gariepinus. Mais il existe une différence significative (p < 0,05) au seuil de 5% entre l’E, l’AP et le TDE des systèmes T2 et T3 chez O. niloticus.

La Figure 4 montre la contribution des différents processus aux impacts en fonction des systèmes. Il ressort de l’analyse de la figure qu'à l’exception de l’eutrophisation, exclusivement dépendante du processus de production, les constructions des happas et la production des aliments ont fortement contribué aux différentes catégories d’impacts considérés notamment dans les catégories énergie non renouvelable utilisée, changement climatique, acidification potentielle en raison de la source et de l’origine des matières premières utilisées. Après une analyse du tableau 3 et de la figure 4, il ressort que les systèmes de productions chez C. gariepinus impactent moins l’environnement comparativement aux systèmes de production de O. niloticus. Mais considérant chaque système étudié au niveau de chaque espèce, le système T2 minimise les impacts environnementaux comparativement au système T0, T1 et T3 quel que soit l’espèce.

DISCUSSION

Les valeurs d’impacts environnementaux potentiels élevées avec eutrophisation obtenues chez les deux espèces au niveau du système T0 et T1 comparativement aux systèmes T2 et T3 (Tableau 3) s’expliqueraient par l’utilisation de l’aliment, car le système T0 est nourrit trois (3) fois par jour et le T1 deux (2) fois par jour. Ainsi le reste de l’aliment non consommé par les poissons tombe et coule au fond après quelques minutes et se désagrège. Du coup on relève un enrichissement du milieu en nutriments biogènes au détriment de leur assimilation par les poissons (Yakupitiyage et al., 2007). Ce qui confirme le processus de répartition des nutriments dans un écosystème étang (Gross et al., 2000; Nhan et al., 2006; Boyd et al., 2007; Nhan et al., 2007).

Par ailleurs, la faible valeur de l’eutrophisation au niveau des systèmes T2 et T3 comparativement à T0 et T1 peut être due d’une part à l’effet de jeûne; les poissons étant affamés, une fois qu’ils retrouvent la nourriture mangent correctement et digèrent suffisamment et profitent surtout de la teneur en protéine (35% et 45%) (Silvenius etGronroos, 2003; Aubin et Van der Werf, 2009; Efolé et al., 2012; Aubin, 2014).

Toutefois les valeurs d’eutrophisation obtenues chez C. gariepinus dans le cadre de notre étude sont inférieures à celles obtenues par Efolé (2011) au Cameroun en pisciculture semi extensive; Amian et al., (2018) en Côte d’Ivoire en pisciculture extensive et Aubin et Van der Werf, (2009) en pisciculture intensive (Tableau 2). Ces écarts peuvent être justifiés d’une part, par le fait que les travaux de Efolé (2011) ont été réalisés avec les fertilisants (déchets agricoles et déjection des animaux) qui sont responsables de la production primaire du milieu aquacole. D’autre part, l’écart se justifie par le rendement faible chez Efolé (2011) (7,5 t/ha/an, 6,2 t/ha/an et 3,4 t/ha/an) dans les systèmes de production sus-cités (Tableau 2) comparativement à notre rendement (21,8 t/ha/an, 27,5 t/ha/an, 20,0 t/ha/an et 9,24 t/ha/an). Donc plus les rendements sont faibles, les impacts sont élevés (Efolé, 2011). Nos résultats sont inférieurs à ceux obtenus par Efolé et al. (2012) du fait que l’aliment utilisé par ces auteurs est très pauvre en Azote et Phosphore.

Mais les valeurs de l’eutrophisation obtenues dans le cadre de notre étude chez O. niloticus sont largement supérieures à celle trouvées par Efolé (2011) au Cameroun; Amian et al. (2018) en Côte d’Ivoire; Casaca (2008) en système étang semi-intensif. Ces différences pourraient être expliquées d’une part par le système de polyculture développé au Brésil qui utilise un grand nombre d’espèce même à faible croissance mais à rôle écologique important, d’autre part à une meilleure optimisation des nutriments (Efolé, 2011). De plus, les Clarias sont des espèces benthophages donc ils filtrent à la surface comme à la vase, en plus des Tilapias qui sont filtreurs. Ainsi, ils exploitent plus le milieu aquacole comparativement aux Tilapias, ce qui réduit l’eutrophisation.

Les valeurs de l’énergie non renouvelable (EU) (16698 ± 1733 MJ), du changement climatique (CC) (1059 ± 11,9 Kg CO2 eq) et de l’acidification potentielle (AP) (5,6 ± 0,51 Kg SO2 eq) sont plus élevées au niveau du système T3 comparativement au système T2 qui enregistre les plus faibles valeurs de l’EU et de CC respectivement (10239 ± 222 MJ ; 639 ± 14,4 Kg CO2 eq et 3,82 ± 0,06 Kg SO2 eq) chez C. gariepinus. Les mêmes remarques sont faites chez O. niloticus. Ces valeurs élevées du Changement climatique pourraient être liées à la production des intrants du système (transport, production au champ et production à l’usine) et à la mécanisation agricole dans les pays de l’Europe qui consomme de grandes quantités de combustibles fossiles (Aubin et van der Werf, 2009; Efolé, 2011). Aubin et van der Werf, (2009) révèlent que la production et le transport d’intrant agricole contribueraient à l’ordre de 10 à 17% à l’émission des substances acidifiantes.

L’aliment utilisé dans le cadre de cette étude est le Skretting importé de la France. Ainsi la production de cet aliment a pris en compte d’autres intrants indirects tels que: la semence, l’engrais et les pesticides dont la production consomme beaucoup d’énergie et engendre l’émission de gaz à effet de serre et de substances acidifiantes (Aubin et van der Werf, 2009).

Par ailleurs la construction du système (happa) a nécessité la production du nylon qui a également engendré la consommation de l’énergie et engendre l’effet de gaz à effet de serre (Aubin et van der Werf, 2009).

Les valeurs d’énergie non renouvelable (E) trouvées par Efolé (2011) et Casaca (2008) (Tableau 1) sont inférieures à celles obtenues dans le cadre de cette étude. Cela est lié à l’énergie (nucléaire) utilisée pour la production de l’aliment Skretting, à la mécanisation de l’agriculture qui utilise beaucoup d’énergie en France et au transport. Elles sont supérieures à celles trouvées par Aubin et van der Werf (2009) en France et Amian et al. (2018) en Côte d’Ivoire (Tableau 2). Cette différence d’énergie observée est liée d’une part à l’exclusion du transport de l’aliment chez Aubin et van der Werf (2009) et d’autre part à la production locale de l’aliment et l’utilisation d’Energie hydro électrique chez Amian et al. (2018).

Les valeurs d’acidification (AP) obtenues par Efolé (2011) et Amian et al. (2018) sont faibles comparativement à celles obtenues dans le cadre de ce travail. Ce constat serait dû à l’infrastructure (happa) provenant d’une fabrication à base de nylon donc utilisation de l’énergie nucléaire et le transport de la matière. Mais nos valeurs sont faibles à celles de Aubin et van der Werf (2009) et Casaca (2008) respectivement en France et au Brésil (Tableau 2). Cela s’expliquerait par le fait que les éléments issus de la construction de leurs infrastructures sont localement produits donc il n’y a pas eu transport du matériel.

CONCLUSION

Au terme de cette étude, nous pouvons retenir que:

• L’analyse de Cycle de Vie est plus adaptée au système de pisciculture à bas niveau d’intrant;

• Les impacts énergie non renouvelable et changement climatique sont plus élevés chez les deux espèces. Mais l’impact eutrophisation s’avère plus élevé chez Tilapia Oreochromis niloticus;

• La contribution principale aux impacts environnementaux est l’aliment importé Scretting. La fabrication de cet aliment a pris en compte deux phases à savoir : la phase agricole (utilisation semences, engrais, pesticides et machines agricoles) et la phase industrielle (utilisation d’énergie nucléaire);

• Parmi les systèmes étudiés, les systèmes T3 (48H de jeûne), T2 (24H de jeûne) ont obtenu les valeurs les plus faibles quelques soient la catégorie d’impact environnemental;

• Pour une optimisation de la productivité et une durabilité des systèmes de production, le système T2 peut être conseillé aux producteurs quelques soit l’espèce.

Nous suggérons de:

• Formuler des aliments à base d’ingrédients locaux qui permettront de réduire les impacts environnementaux;

• Utiliser une espèce qui pourra exploiter au mieux le réseau trophique en dehors ou en plus de Tilapia Oreochromis niloticus.

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