Résumé

Des prospections de Phytophthora infestans, agent responsable du mildiou, ont été effectuées au champ dans six localités productrices de la pomme de terre dans la région de Berkane, et deux autres dans les banlieues d’Oujda. Des échantillons de tubercules de pomme de terre ont également été ramenés de cinq chambres froides. Sur un total de 49 échantillons récoltés, dont 34 échantillons feuilles et 15 échantillons tubercule, seulement 23 isolats ont été identifiés, dont 22 isolats issus des feuilles et un isolat issu des tubercules. La méthode de repiquage directe des sporocystes a été la plus fiable et la plus réussie par rapport aux autres méthodes. Le milieu de culture PP congelé a été utilisé dans ce travail pour l’isolement et la purification de P. infestans sans antibiotique. Cinq milieux de culture ont été utilisés (PDA, DFPDT, PP, CMA et NYDA) pour suivre différents paramètres caractérisant le champignon, entre autres la couleur, l’aspect, le diamètre des colonies mycéliennes, la vitesse quotidienne de croissance mycélienne, la survie du mycélium à 4°C et à 20°C et le taux de sporulation. Tous ces paramètres précités sont plutôt meilleurs dans les milieux DFPDT, PP et PDA, moyens dans NYDA et faibles dans CMA. La vitesse de croissance mycélienne des isolats sur milieu PP gélosé la plus élevée a été enregistré pour l’isolat ISOSLM avec 9,51 mm/jour et la plus faible a été enregistré pour l’isolat ISOACH avec 3,64 mm/jour.


Mots clés: Phytophthora infestans, pomme de terre, milieu de culture, isolement, Oriental, Maroc

Introduction

La pomme de terre constitue la principale spéculation maraîchère pratiquée dans le périmètre irrigué de la Moulouya, pour son adaptation aux sols et au climat de la région, pour sa rentabilité et pour la facilité d’écoulement de sa production. Elle est cultivée dans tout le périmètre de la Moulouya, avec 95 % des superficies se trouvant dans la plaine de Triffa, en raison spécialement à la qualité des sols, au climat favorable, à l’abondance de l’eau d’irrigation du barrage et la nappe phréatique pour les irrigations d’appoint ainsi qu’à la bonne maîtrise des techniques de production par la majorité des agriculteurs (ORMVAM, 2019).

La pomme de terre est sujette à tout un éventail d’ennemis qui alourdissent le coût de production, dont le mildiou causé par P. infestans, une épidémie redoutable de la culture. La maladie à marqué l’histoire de l'Irlande au 17ème siècle en provoquant un effondrement de la production de pomme de terre, causant ainsi la mort d’un million d'habitants et l’exode d’un autre million vers le continent américain (chute de plus de 20% de la population) (Guyader, 2020).

P. infestans appartient à la Classe des Oomycètes, à l’Ordre des Péronosporales et à la Famille des Pythiacées, est une espèce hétérothallique, c’est-à-dire que sa reproduction sexuée nécessite l’interaction entre deux thalles distincts (Cabi, 2019).

P. infestans possède un mycélium coenocétique hyalin et à développement endogène (intercellulaire et intracellulaire) via la formation d’haustoria (Thurston et Shultz, 1981). Le pathogène a un cycle majoritairement aérien, il attaque les plants dès le champ, où les propagules du champignon peuvent se conserver dans le sol sur les débris des fanes et sur les repousses en zone à climat doux (Paitier, 1980) et suit la culture jusqu’au locaux de stockage, où le mycélium se trouve hiverné dans les yeux et/ou les blessures des tubercules, ce qui constitue la source principale d’inoculum primaire (Paitier, 1980; Gregory 1983; Davidse et al., 1983).

Dans la nature, Phytophthora infestans se comporte comme un hémibiotrophe qui commence par une phase biotrophe avant de devenir nécrotrophe (Sang-Jik et Jocelyn, 2010), sans capacité de survie saprophyte (Andrivon,1995), mais il peut tout de même être isolé et cultivé en milieu de culture artificiel. Pour pouvoir le prélever de son environnement et le cultiver dans un environnement synthétique (in vitro), Il est indispensable d’avoir des milieux de cultures adaptés à ses besoins pour sa croissance et son développement et pour la sporulation, sans oublier les autres facteurs de développement, tels que la température et la photopériode.

La température optimale pour la croissance mycélienne et la sporulation en laboratoire est de 20 – 25°C (Fry, 2008). Le pathogène se développe mieux à l’obscurité (Kim et Jeun, 2006; Ho, 1970; Fry, 2008; Phytophthora Database, 2016). Dans la littérature, plusieurs milieux de cultures ont été utilisés pour l’isolement et la mise en culture de P. infestans. Dans cette étude, nous avons choisi 5 milieux de culture (PP, CMA, NYDA, PDA et DFPDT).

L’objectif principal de cette étude est d’isoler certaines souches de Phytophtora infestans à partir de différents organes des plants de pomme de terre (Feuilles et tubercules) présentant suffisamment les symptômes de la maladie (Le mildiou); en utilisant différentes méthodes. Ensuite, sélectionner le(s) milieu(x) et le(s) plus favorable à la croissance mycélienne et à la conservation du pathogène.

Matériel et méthodes

Prospection et collecte des échantillons

La collecte des échantillons concerne les feuilles et les tubercules de pomme de terre, les feuilles ont été collectées des champs, tandis que les tubercules ont été ramenés des chambres froides. Les régions prospectées sont Berkane (N 34°55.2’, W 2° 19.2’) (6 Centre de Mise en Valeur Agricole: 101, 103, 106, 107, 108 et 109) (Figure 1) et Oujda (N 34° 41’ 12.001", W 1° 54’ 41").

34 éventuels isolats sont collectés des feuilles (variété Spunta) attaquées sur des pieds de pomme de terre au champ espacées de 50 à 100 m. La méthode d’échantillonnage utilisée est celle de Hafidi et al., (2005) et les exploitations choisies sont bien éloignées les unes des autres, soit à une distance approximative entre champs consécutifs dépassant 1000 m. Parfois, deux échantillons sont prélevés de la même parcelle, et même de la même plante.

Cinq chambres froides de la région de Berkane ont fait l’objet de collecte des échantillons de tubercules de pomme terre, avec 3 tubercules (variété Spunta) par station frigorifique, soit un total de 15 éventuels isolats. Les échantillons des feuilles et tubercules récoltées sont mis dans des sacs en tissus, portant les informations qui facilitent leur traçabilité, puis placés dans une glacière et transférés directement au laboratoire pour l’isolement du pathogène.

Isolements de l’agent pathogène

P. infestans est considéré parmi les champignons difficiles à isoler sans l’utilisation des antibiotiques. Ceci est dû à ses caractéristiques particulières, à savoir sa faible compétitivité et ses exigences nutritives strictes (Hammi, 2003). Dans ce travail, on va pouvoir mettre en culture le champignon sans l’utilisation des antibiotiques.

Préparation des milieux de culture

Dans la littérature, plusieurs milieux de culture sont utilisés pour la mise en culture de P. infestans. Dans cette étude, 5 milieux ont été utilisés afin de choisir le meilleur pour la croissance et la conservation du champignon. Les milieux de culture testés sont préparés selon les méthodes décrites au tableau 1. Ils sont autoclavés à 121°C pendant 20 min et le pH est ajusté à 5,7 à 6. Une quantité de 15 à 20 ml de chaque milieu de culture est versée dans des boîtes de Pétri de 90 mm de diamètre.

Techniques d’isolement

Méthode directe

Technique 1

La méthode directe consiste à isoler des souches de Phytophtora infestans directement à partir des fragments (feuilles et tubercules) issus de jeunes lésions de mildiou. Les feuilles et les tubercules montrant les symptômes du mildiou sont désinfectés avec la solution d’hypochlorite de sodium à 1% pendant 2 à 3 minutes. Ensuite, elles sont rincées 3 fois avec de l’eau distillée stérile, puis laissées séchées sur un papier filtre stérile (Bastin, 2020). A l’aide d’une pince stérile, des petits fragments sont prélevés au front d’avancement de la lésion puis placés dans des boites de pétries contenant le milieu de culture PP gélosé (Caten et Jinks, 1968).

Technique 2

Les organes infectés sont lavés, désinfectées et séchées comme décrit précédemment. Ils sont ensuite incubés dans des boîtes de Pétri stériles de 90 mm contenant du papier filtre humidifié à 20°C à l’obscurité pendant 24 h pour favoriser la fructification du champignon (Hammi, 2003).

Les sporocystes formés lors de la fructification du champignon ont été prélevés aseptiquement à l’aide d’une aiguille stérile dont l’extrémité contient un fragment de la gélose de 1 à 2 mm de diamètre. Ce prélèvement est effectué au front d’avancement de la lésion et la manipulation est réalisée sous la loupe. Les fragments de gélose inoculés dans des boîtes de Pétri contenant le milieu de culture PP gélosé et incubées 20°C à l’obscurité (Hammi, 2003).

Méthode indirecte (un appât)

La méthode indirecte, comme son nom l’indique, consiste à isoler le champignon indirectement a travers un intermédiaire qui sont des tranches des tubercules. L’isolement du champignon s’est fait suivant le protocole décrit par Zhu et al., (2001) avec quelque modification. Des fragments issus de tissus malades sont prélevés à la limite de la nécrose, désinfectés et séchés comme décrit précédemment, puis déposés sur des tranches de pomme de terre saine et sensible (variété Spunta) de même diamètre et épaisseur qui sont préalablement désinfectés à l’hypochlorite de sodium à 1% et lavés à l’eau distillée stérile, en mettant la face sporulante en contact avec la tranche du tubercule. Le test est conduit dans des boîtes de Pétri stériles contenant du papier filtre imbibé d’eau distillé stérile.

Des repiquages successifs réguliers et rapides sur milieu PP gélosé sans antibiotique ont permis de purifier le pathogène (Djeugap et al., 2011). Huit isolats de ces cultures pures ont été choisis au hasard, soit 1 isolat de chaque localité (1ISOTW, 1ISOHF, 1ISOACH, 1ISOCM, 1ISOMD, 1ISOSLM, 1ISOWJ, 1ISOCMF) ont été transférés dans des boites de Pétrie contenant les 5 différents milieux de culture (PDA, PP, DFPDT, CMA, NYDA) afin de suivre et contrôler différents paramètres liés au pathogène. Les exemplaires ont été conservés dans des tubes inclinés à 4°C pour des études ultérieures.

Identification

Un fragment de thalle de chaque isolat est prélevé à l’aide d’une aiguille lancéolée et déposé sur la lame contenant une goutte d’eau distillée stérile est fixé avec de la glycérine pour éviter l’évaporation ainsi que son dessèchement sous l’effet de la chaleur émise par le microscope optique, le frottis est recouvert avec la lamelle (Kerroum, 2019). L’identification du pathogène s’est faite en se basant sur l’observation des caractéristiques macroscopiques et microscopiques du champignon. Ces techniques classiques d’observation des souches sont largement suffisantes pour déterminer le genre des moisissures isolées (Bourgeois et Leveau, 1980).

Les paramètres mesurés

• L’observation périodique de la couleur et de l’aspect des colonies à 4°C et à 20°C;

• Le diamètre des colonies mycéliennes après dix jours d’incubation à une température de 20°C et à l’obscurité, le paramètre a été mesuré le 5ème et le 10ème jour;

• La croissance mycélienne quotidienne jusqu’au 10ème jour;

• La survie du mycélium à 4°C et à 20°C;

• L’intensité de sporulation;

• La vitesse de croissance mycélienne des isolats sur milieu PP gélosé.

Intensité de sporulation

La détermination des intensités de sporulation de 8 isolats, collectés des différentes localités de la région de Berkane et d’Oujda, est effectuée à partir des cultures mycéliennes âgées de 10 jours. Une quantité de 10 ml d’eau distillée stérile est versée dans la boîte contenant la colonie de l’isolat afin de préparer une suspension sporangiale. Celui-ci est lavé soigneusement de manière à ne pas blesser la gélose. La suspension sporangiale récupérée est filtrée, puis dénombrées en utilisant la cellule de THOMA. Tout le test est répété trois fois et 3 mesures sont effectuées pour chaque échantillon.

Résultats et discussion

Collecte des échantillons

Différentes localités de la région de l’Oriental Marocain ont fait l’objet des prospections en 2018, dont 18 exploitations et 5 chambres froides de stockage. Le nombre d'échantillons récoltés ainsi que le nombre d'exploitations prospectées sont reportés dans le tableau 2.

Techniques d’isolement

La méthode indirecte par appât à partir des fragments infectés semble difficile à réaliser, peu efficace et non fiable. Les tranches de pomme de terre incubées, ont presque tous développés des pourritures à leur surface, ce qui rend l’isolement difficile et nécessite obligatoirement un milieu sélectif avec antibiotique. L’apparition de l’amas mycélien sur les tranches des tubercules est très faible environ un amas par 8 tranches incubées. Cette méthode est jugée non fiable par certains auteurs comme Hammi (2003). Néanmoins, elle est préconisée par d’autres pour l’isolement de P. infestans (Corbiére et Glais, 2005), mais nécessite lors du repiquage du mycélium un milieu de culture selectif riche en amidon et contenant les antibiotiques adéquats (Beninal, 2009).

La méthode directe à partir des fragments infectés semble aussi un peu difficile à réaliser. En effet, le dépôt de fragments infectés directement sur milieu artificiel sans antibiotique s'avère impossible pour isoler le pathogène. Ceci peut être expliqué par l’utilisation du milieu de culture à base de petits pois qui est non sélectif et aussi dû aux exigences nutritives strictes et par la faible compétitivité de P. infestans vis à vis des champignons saprophytes et des bactéries développées sur le milieu de culture (Beninal, 2011). Pourtant, la méthode du repiquage directe des sporocystes semble la plus facile, le champignon fructifie rapidement, et l’isolement est réussi facilement. Ces résultats sont en accord avec ceux de Beninal, (2011) et Hammi (2003) qui ont rapporté que seule la technique de repiquage directe des sporocystes développés sur les lésions des tâches du mildiou sur feuilles permet d’isoler plus facilement le Phytophthora infestans, par rapport aux autres méthodes.

Les taux de réussite d’isolement du pathogène à partir des différents fragments de pomme de terre analysés sont montrés dans le tableau 3. Ce dernier montre que l’isolement de P. infestans à partir du feuillage infecté est plus réussi que celui effectué à partir des tubercules. Ceci peut être essentiellement expliqué par la présence d’une fructification abondante du pathogène sur le feuillage que sur les tubercules, ce qui rend le repiquage des sporocystes plus facile. Sur un total de 49 éventuels isolats, nous avons réussi l’isolement de 23 isolats, dont 22 isolats issus des feuilles et 1 isolat issu des tubercules.

Observation morphologique et microscopique du Phytophthora infestans

Après purification de P. infestans, le champignon apparaît sous forme des colonies claires qui poussent de façon radiale, compacte sans marge nette, elles sont duveteuses et présentent de courts hyphes aériens (Figure 2) (Kerroum, 2019). Le mycélium est siphonné et les sporocystes de forme citronnés. Le caractère morphologique principal de ce pathogène est la présence de renflements au niveau des sites de ramification, en particulier aux points de la formation des sporocystes ( Thurston et Shultz, 1981). Ces derniers, en position terminale ont une forme souvent citronnée et possèdent une papille apicale. Leur paroi est mince et leurs dimensions sont de 21-38 x 12-23 μm (Thurston et Shultz, 1981). Ce mycélium permet de distinguer le mildiou d’autres maladies foliaires de la pomme de terre (Agrios, 2010).

Paramètres mesurés

Couleur et aspect du champignon dans différents milieux

Milieu PDA

Les milieux de culture PDT + sucrose et PDA semblent favorables à la croissance et au développement du champignon, l’aspect nuageux et cotonneux du mycélium et la couleur blanche du champignon n’ont pas été changés même après une durée importante d’incubation, à différents température 4°C et 20°C (Figure 3).

Milieu DFPDT

Le milieu de culture DFPDT semble favorable à la croissance et au développement du champignon. L’aspect nuageux et cotonneux du mycélium et la couleur blanche du champignon n’ont pas été changés même après une longue durée d’incubation, à différents température 4°C et 20°C (Figure 3).

Milieu PP

Le milieu de culture PP congelé est aussi favorable à la croissance et au développement du champignon, l’aspect et la couleur du champignon n’ont pas été changés à différents température 4°C et 20°C (Figure 3). De plus, ce milieu de culture contient un facteur stéroïde qui stimule davantage la croissance végétative et la production de sporange de P. infestans qui pousse la plupart des auteurs à l’utiliser (Glais et Corbiére, 2005).

Milieu CMA

Le développement du champignon est significativement très faible par rapport aux autres milieux de culture, même après une période d’incubation importante. L’aspect macroscopique du champignon dans ce milieu diffère de celui des autres, le mycélium reste transparent et plat. Après 20 jours d’incubation à 20 °C, le champignon change de couleur du blanc au violet, cela peut être dû soit à l’épuisement rapide des nutriments soit à la dépigmentation du champignon après 62 jours à 4°C (Figure 3). La qualité d’image prise ne montre pas bien la couleur violette du mycélium, pourtant le milieu est préconisé par plusieurs auteurs pour la culture de P. infestans.

Milieu NYDA

Ce milieu de culture est très peu cité par les auteurs. Il n’est pas le meilleur mais dans notre cas il a été favorable à la croissance et au développement du champignon, l’aspect et la couleur de champion n’ont subi aucun changement (Figure 3).

Diamètre des colonies

La croissance mycélienne moyenne, testée sur 5 milieux de culture à base de PP, CMA, NYDA, PDA et DFPDT a été appréciée par la mesure du diamètre des colonies. Les résultats représentent la moyenne des 8 isolats choisis au hasard (1ISOTW, 1ISOHF, 1ISOACH, 1ISOCM, 1ISOMD, 1ISOSLM, 1ISOWJ, ISOCMF). L’analyse de variance des résultats obtenus a révélé une différence significative (P <0.05) du facteur milieu et interaction isolat-milieu.

Les mesures diamétrales des colonies sont réalisées selon deux directions perpendiculaires. Le diamètre des colonies après 10 jours d’incubation à 20°C et à l’obscurité, s’avère meilleur dans les milieux DFPDT, PP et PDA respectivement avec 82 mm, 80 mm et 79,5 mm, moyennement élevé dans le milieu NYDA soit 42,5 mm et très faible pour le milieu CMA avec 2,98 mm (Figure 4).

Vitesse de croissance mycélienne

La croissance mycélienne moyenne/jour les plus importantes ont été obtenues pour les milieux de culture DFPDT, PP et PDA, respectivement 9,3 mm/j, 8,2 mm/j et 8,0 mm/j et moyennement rapides à faibles successivement dans NYDA et CMA avec 4,33 mm/j et 0,5 mm/j (Figure 5). Ceci est en concordance avec les constats de Shaw (1991)et Medina et Platt (1999), qui ont signalé l’existence d’une relation étroite entre le pouvoir de croissance mycélienne et le milieu de culture.

Les milieux de culture utilisés, à l’exception du CMA, s’avèrent convenables à la croissance et au développement de Phytophtora infestans, du fait qu’ils favorisent une très bonne croissance mycélienne.

La survie du mycélium

La période de survie du mycélium sur les milieux de culture gélosés sans transfert correspond au temps nécessaire pour l’épuisement des besoins trophiques du pathogène contenu dans le substrat. A 4°C, et quel que soit le milieu de culture, la survie du champignon est remarquablement élevée. C’est très élevé dans le milieu DFPDT, PP et PDA, plus de 200 jour, moyennement élevée dans le milieu NYDA et sensiblement faible dans CMA respectivement 130 et 62 jours. Réciproquement, à 20°C la longévité du mycélium est moyenne à faible et varie de 20 jours pour le CMA à 56 jours pour le PDT (Figure 6).

De plus, la rapide détérioration du mycélium lorsqu’il est incubé à 20°C et à l’obscurité, dû à un certain nombre de contaminants, champignons de différentes formes et couleurs et des bactéries qui se développent à l’égard du champignon P. infestans (Figure 7). Cela dû à la faible compétitivité du champignon par rapport aux saprophytes.

Dans le présent test, les milieux de culture DFPDT, PP et PDA ont donc confirmé leur performance pour la croissance et la conservation du pathogène. Pourtant, le milieu de culture CMA ne s’est pas révélé favorable pour la croissance mycélienne de nos isolats. Les milieux DFPDT, PP, et PDA seront donc utilisés dans les différents tests conduits dans cette étude.

Intensité de sporulation in-vitro

L’intensité de sporulation in vitro des différents isolats a été déterminée sur des colonies ayant poussée sur les milieux de culture étudiés précédemment (DFPDT, PDA, CMA, NYDA et PP) pendant 10 jours. La sporulation in-vitro des isolats dépend du substrat. Les analyses statistiques ont montré l’existence d’une différence significative (P < 0.05) du facteur substrat. En effet, les souches cultivées sur milieu de culture DFPDT sporulent beaucoup plus que celles qui sont cultivées sur les autres. Le milieu de culture CMA a enregistré la sporulation la plus faible (Figure 8).

La survie du mycélium, le diamètre des colonies et la sporulation sont toujours élevées dans le milieu de culture PDT + sucrose ce qui peut être dû à l’ajout du sucrose dans ce milieu.

Le sucrose est une molécule composée de glucose et de fructose (Tran et Tappy, 2012). P. infestans, régulent leur métabolisme en réponse à la disponibilité en nutriment, dont font partie les sucres. Ces derniers ont donc une grande importance dans la croissance mycélienne et la sporulation chez P. infestans (Kumbar, 2017). Cela permet de considérer qu’un milieu plus riche en sucrose favorise la croissance et la sporulation, ce qui est en accord avec les résultats obtenus dans la présente étude.

La vitesse de croissance mycélienne des isolats sur milieu PP gélosé

La vitesse de croissance mycélienne des huit isolats a été mesuré chaque jour. Un explant de culture pure de chaque isolat a été mis au centre de boite de pétrie contenant le milieu de culture PP gélosé. Tous les isolats commencent à se développer sur milieu PP gélosé à la deuxième journée. L’isolats ISOSLM a enregistré la vitesse de croissance mycélienne la plus élevée avec 9,51 mm/jour, suivi de ISOAH avec 9,45 mm/jour et ISOTW avec 7,22 mm/jour. Les isolats ISOCM, ISOCMF, ISOMD et ISOWJ ont enregistrés respectivement les vitesses moyennes de 5.43 mm/jour, 5,62 mm/jour, 6 mm/jour et 6.22 mm/ jour. Cependant, l’isolat ISOACH a enregistré la vitesse la plus faible avec 3,64 mm/jour.

Conclusion

Les prospections qui ont été réalisées dans les exploitations de pomme de terre et dans les chambres frigorifiques, dans la région de Berkane et Oujda, ont permis d’obtenir 23 isolats dont 22 issus des feuilles et 1 isolat issu de tubercule. L’isolement du pathogène est réalisé à partir des fragments de tissus malades des tubercules et feuilles et la technique de repiquage directe des sporocystes est la seule qui semble efficace et fiable. Le pathogène a été identifié sur la base des observations macroscopique et microscopique. La culture pure obtenue a été cultivé sur cinq milieux de culture (DFPDT, PDA, CMA, PP, NYDA) afin de suivre et contrôler différents paramètres liés au champignon.

Les mesures ont concerné l’observation périodique de la couleur et de l’aspect des colonies à 4°C et 20°C, le diamètre des colonies et la vitesse de la croissance mycélienne à 20 °C, la survie du mycélium à 4°C et à 20°C et la sporulation des isolats dans chaque milieu de culture. Tous ces paramètres sont meilleurs dans le milieu DFPDT, suivie par les milieux PP et PDA, moyenne dans le milieu NYDA et faible dans le milieu CMA. Seul le milieu de culture CMA a conduit à un changement d’aspect et de couleur du champignon. Les milieux de culture PDT, PP et PDA, pourront donc être utilisés pour une meilleure croissance, conservation et sporulation de P. infestans.

La vitesse de croissance mycélienne des isolats sur milieu PP gélosé la plus élevée a été enregistrée pour l’isolat ISOSLM avec 9,51 mm/jour et la plus faible a été enregistré pour l’isolat ISOACH avec 3,64 mm/jour.

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