Résumé

Des blocs multi-nutritionnels à base de grignons d’olives étaient fabriqués manuellement en vue d’étudier leurs caractéristiques nutritionnelles. Ces blocs sont composés de : grignons d’olives (32%), orge broyé (25%), son de blé (15%), tourteaux de soja (10%), sel alimentaire (5%), un complément de minéraux et de vitamines (3%), et enfin de la chaux vive (10%) comme fixateur. L’analyse de la composition chimique des blocs alimentaires fabriqués a révélé qu’ils sont dépourvus de métabolites secondaires et par conséquent ne possèdent nullement d’action antioxydante. La digestibilité de la matière organique est médiocre (49,2%) mais le taux de l’énergie métabolisable est bien élevé (7 MJ/kg MS). Enfin, la cinétique de la production des gaz émis suite à la consommation des blocs par les ovins était simulée in vitro durant 48 h puis modélisée. Les blocs multi-nutritionnels formulés à base de grignons d’olives pourraient probablement réduire l’émission de méthane (gaz à effet de serre) par les ruminants et pourraient remplacer des aliments plus coûteux dans l’alimentation des petits ruminants.


Mots-clés : Blocs multi-nutritionnels, Grignons d’olives, Composition chimique, Production des gaz.

INTRODUCTION

Les blocs multi-nutritionnels sont une mixture de rejets agroalimentaires (Houmani et Tisserand ,1999), solidifiés avec un fixateur tel que l’argile par exemple (Nyarko-Badohu et al., 1994), et préservés par un conservateur tel que le sel (Hadjipanayiotou et al., 1993). Les blocs fabriqués dans la présente expérience étaient formulés à base de grignons d’olives (32%). Ils sont pauvres en protéines: 48-106 g/kg MS (Molina Alcaide et Yáñez-Ruiz, 2008). L’addition des tourteaux de soja enrichit les blocs alimentaires en protéines. Aussi, l’ajout d’un complément de minéraux et de vitamines est nécessaire pour équilibrer la valeur alimentaire des blocs multi-nutritionnels. Ces blocs représentent un supplément alimentaire économique et agroécologique qui peut supplanter les aliments concentrés onéreux et de disponibilité fluctuante (Ben Salem et al., 2002). Dans cette étude, nous analysons la composition chimique et pariétale, ainsi que la valeur alimentaire des blocs à base de grignons d’olives, et nous testons aussi leur effet antioxydant. De plus, nous estimons la valeur de certains paramètres relatifs à la digestibilité des blocs, l’énergie métabolisable. Enfin, nous modélisons la cinétique de la production des gaz générée suite à la consommation des blocs alimentaires à base de grignons d’olives par les ovins.

MATERIEL ET METHODES

Matériel végétal

Les blocs multi-nutritionnels analysés dans la présente étude étaient fabriqués à l’origine dans le cadre d’une expérience d’engraissement des agneaux, afin de substituer partiellement les suppléments concentrés commercialisés. Ces blocs étaient manufacturés, à l’École Supérieure d’Agriculture de Mateur (ESAM) et sous la direction de l’Office de l’Élevage et des Pâturages (OEP), selon la formule présentée dans le tableau (1):

Tableau 1. Composition des blocs multi-nutritionnels analysés dans cette expérience

Méthodes d’analyses

La fabrication des blocs alimentaires

Nous avons adoptés la méthode de Ben Salem et Nefzaoui (2003) dans la fabrication manuelle de nos blocs : Sur un terrain propre on mélange les ingrédients secs à part (grignons d’olives, son de blé, tourteaux de soja, orge broyé, et CMV), puis on y ajoute progressivement les ingrédients liquides (eau, chaux vive diluée, et sel dissous), et on mêle le tout jusqu’à l’obtention d’un mélange pâteux. La pâte obtenue est versée dans un moule en fer de forme cylindrique. Après avoir bien tassé le mélange, on retire doucement la moule et on laisse sécher les blocs dans un endroit sec et bien aéré pendant un mois. On fait retourner régulièrement les blocs pour qu’ils sèchent de tous les côtés à la fois.

La composition chimique des blocs multi-nutritionnels

La teneur en matière sèche

La teneur en matière sèche (%MS) des blocs a été déterminée suivant le séchage d’un échantillon dans une étuve à 105°C pendant 48 h jusqu’à stabilisation du poids, selon la méthode de l’AOAC (1995):

%MS = [(P2-P0)/(P1-P0)]×100

Avec, P0: Poids du récipient vide (g); P1: Poids de l’échantillon frais avec le récipient (g); P2: Poids de l’échantillon sec avec le récipient (g).

La teneur en matière minérale et en matière organique

Afin de déterminer la teneur des blocs en matière minérale, on fait incinérer un échantillon de 1 g dans un four à moufle durant 4 heures jusqu’à calcination totale. Une fois refroidis, les creusets contenant la matière minérale sont placés dans un dessiccateur pour en enlever toute trace d’humidité, avant d’être pesés.

Le résidu demeurant au sein des creusets correspond à la matière minérale (MM), et la perte de poids correspond à la matière organique (MO) (AOAC, 1995):

%MM = [(P1-P0)/Pe]×100

%MO = 100% - %MM

Avec, Pe: Poids de la prise d’essai; P0: Poids du creuset vide; P1: Poids de l’échantillon incinéré avec le creuset.

La teneur en matière azotée totale

La teneur en matière azotée totale (MAT) d’un échantillon des blocs est déterminée en dosant l’azote qu’il contient selon la méthode de Kjeldhal (AOAC, 1990) qui comporte les trois étapes suivantes:

I. La minéralisation et la digestion: On place dans un matras 1 g de l’échantillon avec 5 ml d’acide sulfurique concentré et 1 g d’un catalyseur (CuSO4). On laisse réagir la mixture durant une nuit, après on ajoute 3 ml de H2O2 dans le matras, et enfin on met le mélange à ébullition dans l’appareil de Kjeldhal. Cette étape consiste à transformer l’azote organique en azote minéral. L’azote est alors fixé sous forme de sulfate d’ammonium :

Norganique+H2SO4 ̶ ̶̶̶ ̶> (NH4)2SO4+H2O+CO2

II. La distillation : Cette étape permet de transformer l’ammonium (NH4+) en ammoniac (NH3) volatile : On ajoute à la solution résultant de de la minéralisation (étape I) 40 ml d’eau distillée afin de solubiliser tous les ions et particulièrement l’ion NH4+, et 10 ml d’hydroxyde de sodium (NaOH) qu’est une base forte qui sert à neutraliser le milieu et libérer l’ammoniac:

NH4++NaOH ̶ ̶̶̶ ̶> Na++NH3+H2O

La vapeur d’eau de distillation entraîne avec elle l’ammoniac. La vapeur d’ammoniac est condensée au contact d’un réfrigérant, puis récupérée dans un récipient contenant 10 ml d’acide borique en présence d’un indicateur coloré approprié: la phénolphtaléine. On obtient alors une solution de borate d’ammonium (NH4H2BO3).

III. La titration : Après distillation, la solution obtenue est titrée par une solution d’acide chlorhydrique (HCL) 0.1 N, selon la réaction chimique suivante :

HCl + NH4H2BO3 ̶ ̶̶̶ ̶> NH4Cl+H3BO3

Au point de virement de la couleur de la solution on note le volume de HCl ajouté, grâce auquel on déduit la teneur de l’échantillon en matière azotée totale (MAT):

%Ntotal = [(V-VB)/Pe] × 0.14

%MAT = %Ntotal × 6.25

Avec, V: Volume ajouté de HCL (ml); VB: Volume du blanc (ml); Pe: Poids de la prise d’essai (g).

La composition pariétale des blocs multi-nutritionnels

La teneur des blocs multi-nutritionnels en cellulose, en hémicellulose, et en lignine est déterminée, selon la méthode de Van Soest et al. (1994), à partir du résidu insoluble aux détergents neutres (pour doser les NDF) et du résidu insoluble aux détergents acides (pour les ADF).

La teneur en ADF (Fibres insolubles aux détergents acides : cellulose et lignine)

Afin de déterminer la teneur des blocs en ADF on utilise une solution d’un détergent acide (ADS): cette solution d’extraction est composée de 20 g de bromure de cétyltriméthyl d’ammonium (CTAB) dissouts dans 1 l de H2SO4 (1N). On place 1 g du bloc dans un creuset en verre et on y ajoute 100 ml de la solution ADS précédemment décrite, puis on met le mélange à ébullition pendant 60 min. Ensuite, le mélange est filtré, rincé, et séché à l’étuve (105°C) durant 24 h: c’est la dessiccation. Après, on ajoute au produit de la dessiccation 30 ml d’une solution d’un détergent acide incapable de solubiliser la lignine (ADLS). Enfin, on fait incinéré le mélange dans un four à moufle à 500°C durant 3 h.

%ADF = [(P1-P2)/Pe]×100, %ADL = [(P2-P0)/Pe]×100, %CB (cellulose brute) = ADF-ADL% LB (lignine brute) = [(P2-P3)/Pe]×100, %HC (hémicellulose) = NDF-ADF

Avec, P0: Poids du creuset vide (g), P1: Poids de l’échantillon avec le creuset après la première dessiccation (g), P2: Poids de l’échantillon avec le creuset après la deuxième dessiccation (g), P3: Poids de l’échantillon avec le creuset après incinération (g), Pe: Poids de la prise d’essai (g).

La teneur en NDF (Fibres insolubles aux détergents neutres -fibres totales- : cellulose, lignine, hémicellulose, et pectine)

La solution d’extraction au détergent neutre (NDS) utilisée est le dodécyl-sulfate de sodium (SDS, C12H25NaSO4S). Pour mesurer la quantité du résidu insoluble au détergent neutre on ajoute à 1 g du bloc alimentaire placé dans un creuset en verre 100 ml de la solution NDS. Ensuite, on laisse bouillir le mélange durant 60 min avant de le filtrer, rincer, et sécher à l’étuve (105°C) pendant 24 h (la dessiccation). Enfin, le mélange desséché est incinéré dans un four à moufle (500°C) durant trois heures:

%NDF = [(P1-P0)/Pe]×100, %NDF* = [(P1-P2)/Pe]×100

Avec, %NDF*: La teneur en NDF corrigée à la matière minérale, P0: Poids du creuset vide (g), P1 : Poids de l’échantillon avec le creuset après dessiccation (g), P2: Poids de l’échantillon avec le creuset après incinération (g), Pe : Poids de la prise d’essai (g).

La production des gaz

Cinétique de la production des gaz

La fermentation des blocs multi-nutritionnels est étudiée par la technique de la production des gaz in vitro établie par Menke et Steingrass (1988) qui simule la digestion des aliments dans le rumen.

La fermentation est réalisée dans une seringue en verre de 100 ml de capacité. Le bout de la seringue est connecté à un tuyau souple en caoutchouc de 5 cm de longueur. Le tuyau est fermé avec un petit bouchon en plastique pour empêcher l’échappement des gaz produits lors de la fermentation. Le piston de la seringue est préalablement lubrifié avec de la vaseline pour faciliter son glissement et permettre le dégagement des gaz produits.

Les paramètres de la cinétique de la production des gaz sont déduits à partir du modèle exponentiel établi par Orsskov et Mc Donald (1979): GP = a + b(1- exp-ct)

Avec, GP: Le volume de gaz produit après chaque temps d’incubation (ml), a : Le volume de gaz produit à partir de la fraction soluble facilement fermentiscible (ml), b : Le volume de gaz produit à partir de la fraction insoluble potentiellement fermentiscible (ml), a + b: Production potentielle des gaz (ml), c: Vitesse de production des gaz (h-1), t: Temps d’incubation (h).

Prédiction de la digestibilité de la matière organique (dMO), de la production des acides gras volatiles (AGV), et de l’énergie métabolisable (EM)

La digestibilité de la matière organique (dMO) est calculée grâce à la formule de Menke et Steingrass (1988): dMO = 14.88 + 0.889 GP + 0.45 MAT + 0.0651 MM

Avec, GP : Le volume de gaz produit après 24 h d’incubation (ml/300g MS), MAT : Taux de la matière azotée totale (g/100g MS), MM: Taux de la matière minérale (g/100g MS).

Parallèlement, la teneur en énergie métabolisable (EM), ainsi que le taux des acides gras volatiles totaux (AGV) ont été calculés selon les équations de Makkar (2003):

EM (MJ/kg MS) = 2.20 + 0.136 GP + 0.057 MAT

Avec, GP: Le volume de gaz produit après 24 h d’incubation (ml/300g MS), MAT : Taux de la matière azotée totale (g/100g MS). Une fois ainsi calculée, l’énergie métabolisable est exprimée en Kcal/kg MS, sachant que 1 MJ = 239 Kcal. AGV (mmol/l) = 0.0239 GP – 0.0601

Avec, GP : Le volume de gaz produit après 24 h d’incubation (ml/300g MS).

Les métabolites secondaires

Avant de procéder au dosage des métabolites secondaires (polyphénols totaux, flavonoïdes, et tanins condensés) contenus dans les blocs alimentaires aux grignons d’olives que nous avons fabriqués, on a d’abord préparé un extrait aqueux d’un échantillon des blocs selon la procédure d’Owen et Johns (1999) : Cette méthode consiste à macérer 1 g de l’échantillon dans 20 ml d’eau distillée pendant 24 h. Le macérat est par la suite filtré à travers un papier filtre, et le filtrat obtenu est séché à l’étuve à 50°C. L’extrait sec est pesé puis solubilisé dans 8 ml d’eau distillée.

Le résidu sec (RS) est ainsi calculé : RS = (P1-P0)/Pe

Avec, Pe : Poids de la prise d’essai (g), P0: Poids du bécher vide (g), P1: Poids du bécher contenant le résidu sec (g).

La teneur en polyphénols totaux

Le dosage des composés phénoliques totaux (Ph.t) est réalisé selon la méthode de Singleton et al. (1999) : Un volume de 500 µl de l’extrait aqueux des blocs alimentaires est dilué dans un tube à essai. On y ajoute 500 µl du réactif de Folin-Cieucalteau (acide phosphotungstique + acide phosphomolybdique) 10 fois dilué et 1 ml de carbonate de sodium (Na2CO3) 7.5%. On laisse reposer le mélange obtenu à l’obscurité pendant une heure, et après on lit l’absorbance de la solution à 760 nm. Afin de déterminer la teneur en polyphénols totaux on fait appel à la courbe d’étalonnage de l’acide gallique.

% Ph.t (mg EGA/g MS) = [(D.O.760nm/a)×V×F]/Pe

Avec, a: Cœfficient de l’équation de la courbe d’étalonnage de l’acide gallique, V: Volume de l’extrait (20 ml), F: Facteur de dilution, Pe: Poids de la prise d’essai (g).

La teneur en flavonoïdes

La teneur en flavonoïdes (% Flav.) est déterminée selon le protocole expérimental de Yi et al. (2007 : On mélange, dans un tube à essai, 1 ml de l’extrait aqueux dilué avec 1 ml d’une solution méthanolique de chlorure d’aluminium (AlCl3) 2%. Après avoir gardé le mélange réactionnel à l’obscurité pendant 15 minutes, on lit sa densité optique à 430 nm. La quantité des flavonoïdes est déterminée à partir d’une gamme étalon de la quercétine.

% Flav. (mg EQ/g MS) = [(D.O.430nm/a)×V×F]/Pe

Avec, a: Cœfficient de l’équation de la courbe d’étalonnage de la quercétine, V: Volume de l’extrait (20 ml), F: Facteur de dilution, Pe: Poids de la prise d’essai (g).

La teneur en tanins condensés

On a déterminé la teneur en tanins condensés (% T.C.) en utilisant la méthode décrite par Sun etal. (1998) : On introduit dans un tube à essai, 50 µl de l’extrait aqueux dilué de l’échantillon avec 3 ml d’une solution méthanolique de vanilline 4%. La densité optique est lue à 500 nm, après 15 minutes de repos à l’obscurité. La teneur en tanins condensés est déduite à partir d’une gamme étalon de la catéchine.

% T.C. (mg EQ/g MS) = [(D.O.500nm/a)×V×F]/Pe

Avec, a: Cœfficient de l’équation de la courbe d’étalonnage de la catéchine, V: Volume de l’extrait (20 ml), F: Facteur de dilution, Pe: Poids de la prise d’essai (g).

L’activité antioxydante

Pour évaluer l’activité antioxydante de nos blocs multi-nutritionnels on a eu recours au test DPPH (Brand-Williams et al., 1995): Cette méthode est basée sur la capacité des antioxydants à piéger le radical 2.2-diphenyl-1-1-picrylhydrazil (DPPH). Ainsi, 1ml de la solution aqueuse du bloc alimentaire à différentes concentrations est ajouté à 1ml d’une solution éthanolique de DPPH 0.06 mM (2.4mg/100ml).

Parallèlement, un contrôle négatif est préparé en mélangeant 1 ml d’eau distillée avec 1 ml d’une solution de DPPH ; la lecture de la D.O. est faite à 517 nm après 30 min d’incubation à l’obscurité. Le contrôle positif est représenté par la réaction d’un antioxydant standard: l’hydroxytoluène butylé (BHT).

Les pourcentages d’inhibition (I%) sont calculés selon l’équation suivante :

I%= [(D.O.contôle-D.O.test )/ D.O.contôle]× 100

Les valeurs d’IC50 ont été déterminées graphiquement en traçant la courbe des pourcentages d’inhibition en fonction des différentes concentrations du bloc multi-nutritionnel.

L’Analyse des glucides: dosage des sucres totaux (glucose, fructose, et maltose)

Nous avons adopté la procédure de Dubois et al. (1956) pour doser les sucres dans les blocs multi-nutrititonnels :

Taux des sucres totaux (%) = [(X.V.D)/P]×100

Avec, X: Quantité des sucres calculée à partir de la courbe d’étalonnage (mg/ml), D: Facteur de dilution, V: Volume de la solution analysée (ml), P : Poids de la prise d’essai (mg).

Enfin, les sucres (fructose, glucose, et maltose) sont identifiés et quantifiés grâce à des pics de rétention standard (Figure 1).

Figure 1. La courbe d’étalonnage du glucose

RESULTATS

La composition chimique, la composition pariétale, et la valeur alimentaire des blocs multi-nutritionnels

L’analyse de la composition chimique et pariétale, ainsi que de la valeur alimentaire des blocs multi-nutritionnels montre les résultats listés dans le tableau 2. Notre analyse ne révèle pas la présence de métabolites secondaires. Ainsi, les blocs alimentaires fabriqués sont dépourvus d’activité antioxydante.

Tableau 2. Composition chimique, pariétale, métabolites secondaires et valeur alimentaire

ADF: fibres insolubles aux détergents acides, ADL: lignine insoluble aux détergents acides, CB: cellulose brute, HC: hémicellulose, MAT: matière azotée totale, MG: matière grasse, MM: matière minérale, MS: matière sèche, NDF: fibres insolubles aux détergents neutres, PDIE: protéines digestibles dans l'intestin provenant de l’énergie, PDIN: protéines digestibles dans l'intestin provenant de l’azote, UFL: unité fourragère lait.

Prédiction de la digestibilité, Energie métabolisable et Acides gras volatiles

Les valeurs prévues de la digestibilité de la matière organique, de la teneur en énergie métabolisable, du volume des gaz produits après 24 h de la consommation des blocs par les ruminants, et de la production des acides gras volatiles, sont citées dans le tableau 3:

Tableau 3. Prédiction de certains paramètres relatifs à la digestibilité des blocs alimentaires

AGV: production des acides gras volatiles, dMO: digestibilité de la matière organique, EM: teneur en énergie métabolisable, V24: volume des gaz produits après 24 h de l’ingestion des blocs.

La cinétique de la production des gaz

La production des gaz pendant la fermentation des blocs alimentaires suit la cinétique illustrée par la figure 2. La génération des gaz était suivie aucours de 48 h. Le modèle adopté est: Y = a + b(1 - e-ct). La production asymptotique des gaz (A) = 29,7 ml, et le temps de la demi-asymptote (B) = 9,4 h.

Figure 2. Cinétique de la production des gaz engendrés par consommation des blocs multi-nutritionnels

DISCUSSION

La composition chimique, la composition pariétale, et la valeur alimentaire des blocs multi-nutritionnels

Les blocs alimentaires que nous avons fabriqués contiennent une teneur plus importante (15,94% MS) en matière azotée totale (MAT) que les blocs formulés par Ben Salem et al. (2002) sans urée (10,1% MS). L’inclusion des tourteaux de soja dans la composition des blocs que nous avons façonnés a permis de les enrichir en MAT. Lorsque Ben Salem et son équipe (2002) ont inclus l’urée dans la formulation de leurs blocs le taux de la matière azotée totale augmente et devient même supérieur (23,5% MS) à notre valeur.

En accord avec les résultats de notre analyse, les blocs à 42% de grignons d’olives fabriqués par Ben Salem et al.(2000) sont dépourvus de tanins condensés, et ceux formulés par Ben Salem et al. (2002) de façon analogue à nos blocs ne contiennent ni tanins condensés ni polyphénols.

Prédictions relatives à la digestibilité, EM et AGV

La digestibilité de la matière organique (MO) dans les blocs alimentaires que nous avons manufacturé est plus modeste que celle enregistrée pour les blocs de Ben Salem et al., (2002) (492 g/kg vs 523 g/kg). Ces mêmes auteurs ont constaté que les suppléments concentrés garantissent une meilleure digestibilité de la MO que les blocs multi-nutritionnels (598 g/kg vs 523g/kg, p<0,05), et que la digestibilité de la matière sèche (MS) est plus efficace par suite de l’administration des concentrés que des blocs (583 g/kg vs 492 g/kg, p<0,05). À un autre point de vue, l’administration des blocs à base de grignons d’olives (36,7% de grignons) aux caprins améliore la digestibilité de la MS, de la MO, et des NDF, probablement en catalysant l’activité microbienne ruminale (Ben Salem et al., 2003). De même, Ben Salem et Znaidi (2008) ont trouvé que la substitution de la moitié de la quantité des concentrés offerte aux agneaux Barbarine par des blocs multi-nutritionnels aux grignons d’olives développe la digestibilité de la MAT (p<0.05).

Le niveau de l’énergie métabolisable (EM) dans nos blocs alimentaires à 32% de grignons d’olives (7,004 MJ/kg MS) est plus élevé que dans les blocs de Ben Salem et al., (2002) formulés sans urée (4,2 MJ/kg MS) ou avec (6,1 MJ/kg MS).

La cinétique de la production des gaz

La cinétique de la production des gaz générés en conséquence de la fermentation des blocs alimentaires aux grignons d’olives n’était pas étudiée auparavant. Lagrange et al., (2019) ont suivi la cinétique des gaz produits suite à la dégradation in vitro des plantes légumineuses riches en tanins. Ils ont noté un temps de la demi-asymptote (B) égal à 9.5 h pour le sainfoin, qui est quasiment égal au temps que nous avons obtenu pour les blocs à 32% de grignons d’olives (B= 9,4 h). Cependant, les valeurs de la production asymptotique des gaz (A) mesurées pour les légumineuses tanniques (18,8 ml, 19,8 ml, et 21 ml) sont largement inférieures à la valeur de (A) que nous avons enregistrée (A=29,7 ml).

Par ailleurs, l’inclusion de 95% de rejets agro-industriels (son de blé, noyaux de dattes, et tourteaux de grains de maïs) dans la ration alimentaire des ruminants induit la production journalière de moins de méthane (p<0,01) par rapport à un régime ne contenant que 35% de ces rejets (Smith et al., 2020). En effet, la ration contenant une proportion élevée de rejets est plus riche en lipides. La fermentation ruminale des lipides est médiocre (Nagaraja et al., 1997). Le faible degré de fermentation des lipides réduit la digestibilité de la ration et par suite l’émission de méthane. Ainsi, la consommation d’un supplément alimentaire contenant une proportion élevée de tourteaux de graines oléagineuses rabaisse l’émission de méthane par les ruminants (Smith et al., 2020). De plus, la consommation des tourteaux des graines oléagineuses, riches en lipides, fait diminuer l’émission de méthane en réduisant le nombre de la flore ruminale fibrolytique chez les caprins (Abubakr et al., 2014) et chez les bovins (Castillo-Lopez et al., 2014; Ramirez et al., 2012 ; Zhou et al., 2012).

Les résultats d’Aguilera et Molina-Alcaide (2021) sont en contradiction avec les constatations précédentes: L’augmentation du taux des grignons d’olives (de 100 à 400 g/kg) dans la ration des béliers Segureňa provoque une élévation parallèle de l’émission quotidienne de méthane (de 18.4 à 21.0 l/jour, p<0.001).

CONCLUSION

Les blocs multi-nutritionnels à base de grignons d’olives que nous avons fabriqués n’ont pas d’activité antioxydante et ne contiennent nullement de métabolites secondaires. Nous envisageons, dans les manipulations futures, d’inclure dans leur formule les pépins de raisin (rejets agro-industriels provenant de la fabrication du vin) qui sont une riche source de polyphénols, et qui exercent de ce fait une forte activité antioxydante. Même sans urée, nos blocs contiennent un niveau élevé d’énergie métabolisable. Cependant, la digestibilité de la matière organique est inférieure à celle des suppléments concentrés. Enfin, l’inclusion des grignons d’olives dans la formule des blocs alimentaires permettrait probablement de réduire l'émission entérique de méthane par les ovins. D’autres analyses sont requises pour estimer exactement l’impact des blocs alimentaires basés sur les grignons d’olives administrés comme supplément alimentaire pour les agneaux sur l’émission de méthane par ces ruminants.

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