Résumé

La diffusion des technologies améliorées par l’approche champ école paysan (CEP) interroge sur le taux d’adoption par les producteurs. L’objectif de cette étude et de connaître les déterminants de l’adoption des technologies et son impact sur le rendement et le revenu agricole. Il a été interviewé 380 producteurs dont 150 apprenants de CEP, 150 producteurs n’ayant pas participé au processus mais résidants des villages CEP et 80 producteurs des villages témoins. Le modèle de régression Logit a été utilisé pour l’analyse des données. Il ressort de cette étude que l’approche CEP influence l’adoption des technologies. Cette adoption a permis une augmentation de rendement du mil de 99 % et de celui du niébé de 136 % ainsi qu’une hausse de revenu de 97 % pour le mil et 120 % pour le niébé. Les facteurs déterminant les résultats de ce travail pourront être mis à profit pour renforcer les programmes de vulgarisation de technologies agricoles de production.


Mots clés: Diffusion, pratique agricole, CEP, Maradi, Zinder

INTRODUCTION

Le mil et le niébé sont des cultures adaptées à l’environnement de type sahélien caractérisé par une faible pluviométrie et des sols pauvres. Compte tenu de leur importance économique, sociale et nutritionnelle, ces spéculations sont à promouvoir pour la sécurité alimentaire et l’augmentation des revenus des populations. Cependant, le rendement de ces cultures est très bas, 500 kg/ha pour le mil et 298 kg/ha pour le niébé (MAG, 2014). Ces faibles rendements s’expliquent par le faible taux d’adoption de variétés améliorées, la pression des ravageurs des cultures et le faible encadrement agricole des producteurs.

Plusieurs approches de vulgarisation ont vu le jour depuis la période post coloniale en Afrique de l’Ouest mais les résultats issus de ces techniques de vulgarisations ont été jugés peu satisfaisants du fait que les besoins réels des producteurs cibles ne sont pas pris en compte. Selon les concernés, il leur a été proposé des technologies non appropriées à leurs préoccupations qui ne sont autres que les difficultés financières et socio-économiques. La prise en compte des besoins et objectifs des producteurs se fait de manière participative par l’expérimentation des nouvelles technologies et l’évaluation de celles-ci, ce qui leur permet de prendre des décisions par rapport aux différentes options.

L’approche Champ École Paysan (CEP), ou Farmer Field School (FFS) en anglais, a été proposée comme une solution aux manquements constatés au niveau des précédentes approches de vulgarisation qui sont jugées non participatives. Le CEP est un outil par excellence de renforcement de capacité et de prise de décision des producteurs pour une bonne conduite des exploitations agricoles.

Les premiers CEP ont vu le jour en Asie du Sud-Est avec beaucoup de succès dans la production saine de riz, dans la gestion de la fertilité des sols et dans l’élevage (Kenmore, 1991; Dragon, 2001; FAO, 2001). Ensuite, des projets financés par les Institutions Internationales comme la FAO, le FIDA ou le PNUD ont initié la conduite des activités à travers cette approche. Cette approche a été introduite en Afrique Sub-saharienne et a été adopté par le Projet Niébé pour l’Afrique en 1999 (PRONAF, 2000)

Au Niger, l’utilisation de ce concept de vulgarisation a débuté en 1999 avec le projet PRONAF/IITA (Projet Niébé Afrique) pour la protection durable du niébé dans 9 pays africains au sud du Sahara dans le but de promouvoir et sauvegarder la production du niébé. Le projet PRONAF a conduit plus d’une vingtaine de CEP à travers le pays avec la formation d’au moins 1500 producteurs.

De 2013 à 2016, dans son programme de renforcement des compétences paysannes pour l’utilisation des technologies de la recherche, le Projet SAWKI a initié la mise en place de 88 champs écoles dans les régions de Maradi et Zinder.

Dans la littérature, beaucoup d’études ont montré que l’adoption des semences de variétés améliorées de riz, de blé et de niébé pourrait conduire à une augmentation de la production, une amélioration de la sécurité alimentaire et une augmentation du revenu des agriculteurs (Awotide et al., 2012; Arouna et Diagne, 2013; Shiferaw et al., 2014; Moti et al., 2015; Tesfaye et al., 2016). Pour le Niger, il n’y pas eu assez d’études de ce genre, mais on peut noter l’étude de l’impact de l’adoption des semences améliorées sur la productivité du mil dans les régions de Tillabéri et Zinder (Issoufou et al., 2017) et celle menée par Rabé et al. (2017) où les variables formations par les champs écoles paysans et l’accès au crédit influencent l’adoption de variétés améliorées, de biopesticides et de fertilisants.

La présente étude vise à évaluer l’impact de l’approche CEP tout en abordant l’aspect relatif aux déterminants de l’adoption des technologies.

Modèles empirique et conceptuel

Le modèle Logit, souvent utilisé dans les études d’adoption des technologies comme celles de Adésina et al. (2000) et de Sale et al. (2014) a été retenu dans le cadre de cette étude.

Il est expliqué à travers celui-ci des phénomènes dont les manifestations ne peuvent prendre que deux valeurs 0 et 1. Dans la littérature trois types de modèles sont principalement utilisés pour analyser la décision des producteurs à adopter une technologie agricole: les modèles de probabilité linéaire, de Logit et de Probit. Le premier modèle présente des inconvénients parce que la probabilité peut souvent dépasser 1. Les deux derniers modèles sont les plus couramment utilisés pour spécifier les relations entre la probabilité de choix et les variables déterminantes du choix (CIMMYT, 1993). Le Logit a l’avantage de faciliter l’interprétation des paramètres β associées aux variables explicatifs xi (Amemiya, 1981).

MATÉRIEL ET MÉTHODE

Choix des sites d’étude

L’enquête a concerné les régions de Maradi et Zinder. En se basant sur cette logique, l’échantillon a été constitué de ces deux zones administratives. L’évaluation a concerné 22 % des villages de la zone d’intervention du projet choisis aléatoirement, soit 6 villages à Maradi et 9 à Zinder. Pour chacune des régions, il a été ajouté deux villages non concernés par les activités du projet, ce qui a porté l’échantillon étudié à 19 villages (Figure 1).

Échantillonnage

L’échantillon est composé de 380 chefs d’exploitation ou unité de production. Le choix a été fait de façon raisonnée à partir des listes de producteurs.

Au niveau de chacun des villages, des questionnaires ont été administré à 20 producteurs. Dans les villages d’intervention du projet, deux sous-groupes ont été distingués:

Les apprenants des CEP: il s’agit des producteurs qui ont directement participé à la formation CEP dont certains ont même contribué à la formation d’autres producteurs;

Les non participants: Il s’agit des producteurs résidents ou proches des villages ou les CEP ont été conduit et qui n’ont pas participé à la formation. Ce groupe a permis de mesurer l’effet «tache d’huile» qu’ont eu des différentes technologies et pratiques proposées.

Au niveau des villages témoins, 20 producteurs par village ont été enquêtés pour apprécier le niveau d’adoption des technologies dans une zone non couverte dans les activités du projet (Tableau 1).

Questionnaire

Le questionnaire a été transformé en un programme supporté par le logiciel ODK. L’enquête a été conduite en utilisant des tablettes pour recueillir les réponses des producteurs ciblés.

La fiche d’enquête est subdivisée en plusieurs parties dont: 1) les caractéristiques socio-économiques des répondants, 2) les technologies diffusées, 3) le nombre de producteurs qui utilisent et continuent à utiliser les technologies diffusées, 4) le rendement et le revenu avant et après utilisation des technologies 5) les atouts et les contraintes de la production du niébé.

Collecte et analyse des données

La collecte de données a permis d’obtenir une matrice EXCEL avec 165 variables pour chacun des 380 répondants. Les analyses des données ont été conduites à travers les outils suivants:

La statistique descriptive: Il s’agit essentiellement de fréquences simples qui ont permis de comparer les différentes catégories de répondants en fonction des réponses obtenues.

L’analyse de variances: Cette analyse a été faite pour comparer les différents rendements et revenus engendrés par les pratiques de gestion intégrée proposées par les CEP et les pratiques utilisées localement avant l’introduction des CEP. Elle nous a aussi permis de tester les différences entre les deux types de pratiques;

Régression: Il a été utilisé le modèle de régression pour expliquer les variables binaires ou dichotomique (0, 1). Le modèle Logit qui est une régression portant sur la probabilité qu’un événement se réalise a été utilisé en raison de sa simplicité. Dans ce cas, la probabilité affectée est de Y=1. Cette probabilité est de la forme P=P(Y=1), sachant que P est compris dans l’intervalle [0; 1].

La fonction de répartition F (.) correspond à la fonction logistique ∀ w ∈ R:

Ce modèle définit la probabilité associée à l’événement yi = 1, comme la valeur de la fonction de répartition de la loi logistique considérée au point xiβ:

Avec:

W = b0 +b1 REGION + b2SEXE+b3AGE+β4 SITUMAT + β5 NIVINSTR + β6APPOP + β7 CONTACAGRI + β8 ACCREDIT + β9 DVILGVLE+b10 DMRCHPRCH +b11 FORMATION+ ei

Avec:

Où b0 est le terme constant; bi les coefficients à estimer et ei les termes d’erreur.

Le logiciel SPSS a été utilisé pour les statistiques descriptives et les régressions économétriques.

Dans cette approche, on étudie la probabilité d’arrivée d’un événement par une ou plusieurs variables explicatives.

Variables indépendantes

Il s’agit des facteurs caractérisant le milieu et qui influencent le choix et la perception des producteurs. Ces variables sont dites explicatives.

RÉSULTATS

Description des enquêtés

L’âge des enquêtés varie de 17 à 76 ans avec une moyenne de 39,5 ans (± 19 ans).

Pour le niveau d’instruction; 58,2 % des producteurs enquêtés sont analphabètes et 41,6 % sont lettrés. Parmi ces derniers; 19,5 % sont alphabétisés en langue française dont 10,3 % sont de niveau primaire, 9,21 % de niveau secondaire; 22,1 % de l’échantillon sont alphabétisés en langue locale avec des proportions différentes selon les régions.

Pour le statut matrimonial, 96,6 % des producteurs enquêtés sont mariés dont 95 à Zinder et 98,8 à Maradi.

L’accès au crédit est très limité au niveau des deux régions (17,4%). Il est essentiellement pratiqué par les exploitations agricoles en plus de l’agriculture hivernale qui est à base des céréales (mil, sorgho), du niébé, de l’arachide, du sésame et de l’élevage. Les céréales sont prioritairement destinées à l’autoconsommation et leurs résidus (pailles et chaumes) réservés aux animaux.

Taux d’adoption des technologies

Variétés améliorées

Par l’approche CEP, il a été proposé aux producteurs essentiellement 3 variétés de mil (HKP, Zatib, CT6) et six variété du niébé (IT90K-372-1-2, IT97K-499-38, TN-5-78, IT99K 573-1-1, KVX 30-309-6G et IT89kD374-57).

A l’issue des analyses, les producteurs ayant suivi la formation ont plus adopté les variétés améliorées du mil et du niébé par rapport à ceux non formés (Tableau 3).

On constate aussi que ces variétés sont cultivées par une faible proportion de producteurs non formés. En tenant compte de l’influence de la formation par le processus CEP, les taux d’adoption calculés par variété améliorée ont varié de 2 à 77,2 % pour les producteurs formés et entre 0 et 28% pour les non formés. Les ratios ont été de 1,8 à 4 fois plus élevés pour les 6 variétés améliorées du niébé et 3 à 6 fois pour les variétés améliorées du mil recensées dans le cas des producteurs formés par rapport à ceux non formés.

Bonnes pratiques culturales du mil et du niébé

Le niébé constitue l’une des cultures les plus fortement attaquées par les parasites (Jackai, 1986). De tradition, pour traiter leur champ de niébé, les producteurs utilisaient des pesticides chimiques. Ces producteurs ignoraient les réels effets néfastes liés à l’utilisation des pesticides chimiques, et d’autre part ils ne disposaient pas d’assez de moyens financiers pour acheter les pesticides recommandés pour le traitement du niébé. La préparation des extraits botaniques constitués de feuilles ou de graines de neem (Azadirachta indica) n’exigeait des producteurs que leur force physique et du temps.

Les résultats obtenus démontrent que les extraits botaniques aqueux sont beaucoup utilisés par les producteurs formés comparativement au non formés (Tableau 4). Les producteurs ayant participé au processus CEP utilisant cette technologie représente 67,3% des formés contre 8,9% pour les répondants non formés. Ce qui explique une très faible diffusion de cette technologie des producteurs formés vers les non formés.

Taux d’adoption des technologies comparés aux villages témoins

Au niveau des villages témoins, ou il n’y avait eu aucune activité CEP, il a été identifié toutes les technologies diffusées. Le taux d’adoption varie de 0,5 à 32,9% pour les variétés du niébé; 1,3 à 38 % pour celles du mil puis 6,6 à 60,8 pour les bonnes pratiques de production toutes spéculations confondues (Tableau 5). Les taux les plus élevés concernent l’utilisation de la fumure organique (60,8%), la combinaison fumure organique et fumure minérale (23,2%), l’utilisation des Sacs PICS (28,10%), l’utilisation de la variété améliorée HKP (38%) et IT90k372-1-2 (32,9%). Les plus faibles taux d’adoption concernent l’utilisation de quelques variétés améliorées comme la CT6 (1,3%), la IT89kD374-57 (0, 3%), la IT97 K 499-38 (0,50%) et quelques pratiques culturales tels que l’achat des sacs de lâcher pour le mil (7,6%) et l’utilisation des extraits aqueux pour le niébé (6,6%). Les ratios d’adoption de toutes les technologies recensées sont 1,36 à 16,4 fois plus importants chez les producteurs formés comparés aux producteurs des villages témoins. Les écarts des taux d’adoption entre les producteurs des villages encadrés et les producteurs des villages témoins varient de 1, 7 à 67,4%.

Rendement et revenu du mil et du niébé

L’amélioration efficiente du rendement est toujours l’une des préoccupations des producteurs puis l’un des paramètres les plus considérés pour l’efficacité des champs écoles paysans.

Pour 90% des répondants formés, la mise en œuvre des CEP a permis une amélioration quantitative de leur rendement du mil et de niébé dans les deux régions.

Le rendement du mil avant la formation a été estimé en moyenne à 304 ± 364 Kg/ha. Il est 1,74 fois inférieur à la moyenne après formation qui est de 531 ± 408 Kg/ha (t=18,87; P<0,001), soit une hausse de rendement due à cette formation de 99% (Tableau 6).

Étant une culture très vulnérable en champ comme en stock, le niébé a un rendement très bas en milieu paysan avec une moyenne nationale de 298 kg/ha (MDA/DS, 2014), nettement inférieur au potentiel du rendement qui est de l’ordre de 1 à 1,5 T/ha. La pression des ravageurs des cultures est l’une des causes expliquant la faible productivité de la culture. Le rendement moyen du niébé avant formation est de 222 ± 281 kg/ha, soit 2 fois moins importants que celui après la formation CEP (521 ± 212 kg/ha (t=12,002; P<0,001)

Les revenus ont connu une amélioration chez les producteurs qui ont suivi la formation. Il est noté une amélioration de 97% pour la culture de mil et 120% pour le niébé (Tableau 7). Quant aux producteurs du mil et du niébé non formés, 41,3% et 31,1% ont respectivement noté une amélioration de leur revenu de niébé grâce à leurs contacts avec ceux qui ont été formés.

Tests de corrélation entre les rendements du mil et quelques variables mesurées

Les corrélations entre les rendements du mil et du niébé est l’utilisation des variétés améliorées puis l’application de la densité optimale de semis. Il ressort des très faibles coefficients variant de 0,16 à 0,24 pour les deux cultures et les deux technologies (Tableau 8). Cela voudrait dire que dans le cas du mil et du niébé, l’utilisation des variétés améliorées et de la densité optimale de semis ont très peu contribué à l’augmentation des rendements du mil et du niébé. Il doit y avoir une contribution aussi appréciable des autres technologies de production, notamment les apports de fertilisants et les techniques de gestion de ravageurs.

Facteurs déterminants l’adoption

Facteurs déterminants l’adoption des variétés améliorées

Les analyses faites avec le programme Logit font ressortir principalement les variables Sexe, l’appartenance à un champ école, la région, l’appartenance ou non à un groupement (OP) comme étant déterminantes dans la diffusion des variétés améliorées du mil et du niébé (Tableau 9).

• Le sexe: Il semble avoir une très forte contribution des femmes dans le processus de diffusion des nouvelles technologies. Pour les variétés IT 90 K 372-1-2, IT99K 573-1-1 et TN5-78, les taux d’adoption par les femmes sont beaucoup plus élevés que ceux des hommes.

• L’appartenance à un groupement: La diffusion des variétés améliorées du mil et du niébé a été plus importante au sein des groupements. La variable appartenance au CEP : L’existence d’un lien entre l’émetteur d’information et le récepteur a influencé de façon positive la diffusion des nouvelles technologies (variétés améliorées du mil et du niébé).

• L’accès au crédit a été aussi significatif dans l’adoption de certaines variétés améliorées du niébé.

Facteurs déterminants l’adoption des autres technologies de production du mil

Le modèle LOGIT utilisé a permis d’identifier les facteurs qui ont un coefficient de corrélation positif avec les technologies production du mil diffusées par le projet SAWKI. Ainsi six (6) des 10 facteurs semblent être assez déterminants (Tableau 10):

• L’appartenance à un champ école paysan (APPCEP) a été positivement corrélée aux taux d’adoption des technologies suivantes par ordre d’importance: 1) Respect de la densité de semis, 2) Achat des sacs de lâcher, 3) l’utilisation de Zai, 4) l’utilisation de la fumure organique et 5) l’application de la combinaison FO+ NPK.

• L’appartenance à une organisation des producteurs semblent être corrélée aux technologies suivantes: 1) l’application de combinaison FO+ NPK, 2) l’utilisation de la fumure organique 3) le respect de la densité de semis, 4) l’achat des sacs de lâcher et 5) le Zai.

• L’accès au crédit (ACCREDIT) a donné une corrélation positive avec l’achat des sacs de lâcher;

• La variable région a aussi influencé positivement les taux d’adoption de 4 technologies: 1) l’achat des sacs de lâcher, 2) le respect des densités de semis, 3) le traitement des semences et 4) l’application de la combinaison FO+NPK.

Facteurs déterminants l’adoption des autres technologies de production du niébé

Sur les 10 facteurs considérés dans le modèle LOGIT avec les technologies du mil, deux (2) ont un coefficient de corrélation positif avec les technologies de production du niébé (Tableau 11):

• L’appartenance à un champ école paysan (APCEP) a été positivement corrélée aux taux d’adoption des technologies suivantes par ordre d’importance: 1) les extraits aqueux des graines de Neem, 2) la densité de semis, 3) l’utilisation des sacs PICS, 4) l’application de la combinaison FO+ NPK et 5) l’utilisation de la fumure organique.

• L’accès au crédit (ACCREDIT) a donné une corrélation positive avec l’achat des bios pesticides et des intrants.

DISCUSSION

Pour le développement des cultures du mil et du niébé, il a été diffusé 16 technologies dont 3 variétés améliorées de mil, 6 génotypes de niébé et 7 technologies liées à la pratique culturale. Selon Norton (2003), il existe un lien entre le développement, le transfert, l’adoption et l’impact des technologies. L’une des raisons pour laquelle, le CEP est attractive pour les producteurs est qu’il les aide à explorer les bénéfices et les coûts liés aux technologies. Ce qui facilite le développement et la diffusion et l’adoption des technologies par les producteurs (Norton, 2003).

L’enquête de terrain a permis de retrouver toutes ces technologies faisant déjà partie des itinéraires techniques développés par les producteurs ce qui démontre l’efficience du système de vulgarisation mis en œuvre pour la diffusion de ces technologies.

Les effets des changements climatiques constituent les principales menaces de l’agriculture nigérienne. Les producteurs ont besoins de technologies mieux adaptées au contexte pluviométrique et pédologique. Les taux d’adoption donné dans la présente étude, sont des indicateurs assez précis sur l’appropriation des technologies par les producteurs. Pour les variétés, on peut noter des taux d’adoption assez élevées 77,2% pour le mil HKP et 73,5% pour la variété de niébé IT 90 K 372-1-2 chez les apprenants des CEP. Ces génotypes sont bien connus pour leur précocité et leur rendement. La variété IT 90K 372-1-2 est aussi connue par sa résistance aux ravageurs (Dugje et al., 2009 ; Saidou et al., 2011). Ces données confirment aussi les affirmations de Bellon et al., (2006) qui ont avancé que les producteurs adoptent les variétés améliorées afin de maximiser les avantages des caractéristiques tels que le rendement, la résistance aux ravageurs. Toujours chez les apprenants des CEP, les taux d’adoption d’autres technologies telles que l’apport des fertilisants, la densité des semis ont varié entre 76,2 et 85,7%. Ces ratios élevés s’expliquent par la pauvreté des sols qui constitue une contrainte permanente en milieu paysan sahélien (Osbahr, et Allan, 2003; Dutordoir, 2006). Les sols sableux sont carencés en phosphore et en azote (Bationo et al., 1989). L’apport de l’engrais composé NPK seul ou combiné à la matière organique permet d’augmenter la disponibilité en nutriments du sol et donc influencer positivement le rendement des cultures (Bationo et Mokwunye, 1991). Ces quelques cas illustrent que les technologies diffusées sont bien en adéquation avec les attentes et les besoins des producteurs.

Les taux d’adoption des producteurs apprenants des CEP sont 1,3 à 7,6 fois plus élevés que ceux des producteurs du même village mais n’ayant pas pris part aux CEP. Cela démontre l’importance de la participation et de l’assiduité aux CEP. Mais dans le groupe de ces producteurs qui n’ont pas participé à l’animation autour des parcelles de démonstration, les taux d’adoption sont assez élevés: 28% pour la variété de mil HKP, 17,8% pour la variété de niébé IT 90 K 372-1-2, 46,7% pour la fumure organique, 37,8% pour la combinaison fumure organique et fumure minérale et 16,7% pour la densité de semis. Ces données démontrent l’effet «tache d’huile» dans la diffusion des technologies. En effet les technologies performantes ne restent pas uniquement avec les producteurs apprenants des CEP. Elles sont aussi partagées avec les autres producteurs et notamment les affinités.

Pour les technologies, il est aussi important de noter l’avancée importante notée dans le domaine de la protection des cultures. Il a été expérimenté la lutte biologique pour la lutte contre la Mineuse de l’épi, l’utilisation des biopesticides à base de Neem pour la protection du niébé en champ et aussi l’utilisation du sac PICS pour la conservation du niébé. Ces technologies sont sans pesticide chimique et sans danger pour la protection des personnes et de l’environnement. Le taux moyen d’adoption des bio pesticides à base de graines de Neem a été estimé à 29,5% soit 4 fois plus élevé que celui enregistré par Rabé et al., 2016 et Adéoti et al., (2002).

Par rapport aux villages témoins ou n’il aucune intervention, les taux d’adoption des apprenants des CEP sont 1,3 à 16,4 fois plus élevés. Les écarts entre les taux d’adoption des deux groupes de producteurs varient de 1,7 à 60,7% et cet écart assez important est certainement imputable aux activités du programme de vulgarisation menée.

L’utilisation des technologies plus précisément les variétés améliorées a été bien ressenties sur le rendement des producteurs. il est noté une augmentation de 99% du rendement de mil et 136% de celui du niébé avec la mise en œuvre des CEP. Au Niger, à travers plusieurs études (Assiya, 2010; Issoufou et al., 2017) ont illustré que l’adoption des variétés améliorées du mil et du niébé permet d’augmenter le rendement des producteurs. Au Nigéria, Awotide et al. (2012) ont rapporté que l’adoption des variétés améliorées du riz a un impact positif et significatif sur la productivité (358, 89 kg ha-1). Il a aussi été démontré selon une étude de la FAO (2013) la possibilité de rehausser le rendement de plus 25% par les producteurs du Niger utilisant les variétés améliorées du mil et du niébé.

C'est en ce sens que les chercheurs et décideurs voient les semences des variétés améliorées comme un facteur indispensable à cette augmentation (MA, 2012).

Les revenus agricoles ont aussi connu des hausses de 97% pour le mil et 120% pour le niébé. Les CEP mis en œuvre par le projet SAWKI ont donc permis aux producteurs de plus que doubler leur production et leur revenu et cela confirme l’atteinte des objectifs du projet pour la sécurité alimentaire et l’augmentation des revenus. Une étude mené par plusieurs auteurs (Awotide et al., 2012; Arouna et Diagne, 2013; Shiferaw et al., 2014; Moti et al., 2015; Tesfaye et al., 2016) montre que l’adoption des semences des variétés améliorées comme le riz, le blé et le niébé pourrait conduire à une augmentation du revenu des agriculteurs.

Selon aussi une étude menée par Mauceri (2004), grâce aux CEP le revenu des producteurs de patate douce de Carchi en Équateur peut connaître un accroissement de 12% à 56%.

Les différentes analyses et corrélations effectuées démontrent, l’introduction des variétés améliorées et de la densité de semis ne suffit pas pour une augmentation importante de rendements. Les variables, sexe, l’appartenance à une OP, appartenance à un CEP et l’accès au crédit sont corrélées à l’adoption des technologies. Cette adoption est significativement déterminée à P<0,001 par l’appartenance à une OP, la formation par le canal de champ école paysan puis le sexe, l’accès au crédit et la région à P<0,05. Cela voudrait dire l’obtention d’un taux d’adoption élevé lors d’une opération de vulgarisation passe par la mise en place des CEP, avec des producteurs organisés en OP, en mettant l’accent sur le genre et favorisant l’accès au crédit aux membres.

Pour les facteurs déterminants l’adoption des technologies, les variables appartenance à un groupement et en lien avec le CEP se sont beaucoup plus distinguées.

La variable appartenance à un groupement est significative (p<1 %). La diffusion des technologies a été plus efficace à l’intérieur des groupements. Ces résultats confirment la théorie de Rogers (1983) et Degenne et al. (2004) qui parlent de l’importance des réseaux sociaux dans la diffusion des innovations.

La variable lien avec le CEP est significatif au seuil de 1 % aussi. L’existence d’un lien entre l’émetteur d’information et le récepteur a influencé de façon positive la diffusion des nouvelles technologies du Niébé. Ce résultat confirme la théorie de Degenne et al. (2004) qui affirme que la diffusion est beaucoup plus efficace entre les personnes ayant un lien ou une relation quelconque entre eux.

Conclusion et recommandations

De l’analyse des résultats de l’étude il ressort que les technologies améliorées diffusées font désormais partie des itinéraires techniques développés par les producteurs des villages d’intervention des régions de Maradi et Zinder. Les variétés HKP et IT 90 K 372-1-2 ainsi que les pratiques comme la combinaison fumure minérale et fumure organique, le traitement des semences, le respect de la densité de semis, l’utilisation des Sacs PICS, les extraits botaniques ont connu de succès auprès des producteurs. Les analyses ont montré également que l’utilisation de ces technologies a permis ou moins le doublement des rendements et des revenus des bénéficiaires.

La théorie de l’efficacité de l’approche champ école a été bien donc vérifiée dans sa globalité. Toutefois, beaucoup reste à faire sur certaines technologies qui ont eu des difficultés à se faire accepter par certains producteurs compte tenu de leur pénibilité. Il s’agit du Zai et des extraits botaniques.

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