Résumé

Le bassin versant de Bou Hayya (406 km2) est situé en Tunisie du centre-ouest. L’oued prend sa source dans le massif de Bou Chebka - El Ma Abiod, où les altitudes varient entre 750 et 1312 m. La topographie est contrastée et la pluviométrie est intense et irrégulière, avec une moyenne de 300 mm/an. Le couvert végétal est essentiellement steppique avec une forêt claire sur les reliefs montagneux en amont. Les nappes d'alfa et les steppes d'armoise couvrent les piémonts et les plaines. Ce bassin versant est sujet à une dynamique érosive nécessitant d’identifier les zones les plus vulnérables afin de prioriser les interventions d’aménagement. La cartographie de la sensibilité des sols à l’érosion a été réalisée moyennant un indice de sensibilité dérivé de l’approche développée dans le cadre du projet MEDALUS. La cartographie de l’indice de sensibilité a permis de monter qu’une bonne partie en amont et en aval du bassin versant est très sensible à l’action érosive par les eaux du ruissellement. Elle a permis également d’identifier les zones prioritaires d’intervention.


Mots clés: Érosion hydrique,  modélisation, MEDALUS, Indice de Sensibilité à l’Érosion

INTRODUCTION

En Tunisie centrale, l’érosion des terres est une préoccupation nationale responsable de la dégradation des sols et un risque menaçant les ressources naturelles (Hamza, 1988; Fehri, 2003; Zerai, 2006; Bkhairi, 2012), notamment dans les bassins versant à l’amont des barrages et/ou lacs collinaires.

Au cours des dernières décennies, plusieurs méthodes et approches ont été adoptées pour l’étude de l’érosion hydrique (Boujarra et al., 2004; Zerai, 2006; Ben Cheika et al., 2008; Cherif, 2008; Habboubi, 2017). Plusieurs approches quantitatives ont été largement appliquées dans plusieurs régions du monde, notamment celles de Wischmieir (1974), Zante et Collinet (2001), Fellah et al., (2005). En Tunisie, la modélisation et la cartographie de sensibilité à l'érosion hydrique ont été appliquées dans quelques petits bassins versants expérimentaux de la Dorsale tunisienne (Collinet et al., 2001; Karray, 1977; Zante et al., 2003; Ben Cheika et al., 2008). Certes, la modélisation exige la mise en place d’un Système d’Information Géographique. Ce dernier est un outil précieux pour spatialiser les risques liés à l'érosion hydrique en prenant en compte les facteurs et les indicateurs de l'érosion (Mlaouhi, 2003; Tribak et al., 2006). Les données multi-temporelles de la télédétection et les SIG sont utilisés pour évaluer et cartographier chaque facteur à part.

Le présent travail a pour but de montrer l’importance de l’érosion en Tunisie et l’utilité de la cartographie de la sensibilité de l’érosion. Dans premier temps, cette étude consiste à calculer un indice de sensibilité à l’érosion à partir d’un Système d’Informations Géographique. Dans un deuxième temps, elle consiste à établir une carte-résultat, importante dans la planification des aménagements antiérosifs et le contrôle de l’érosion des sols.

L’Indice de Sensibilité à l’Erosion (ISE) est inspiré de la méthode développée par les experts du projet MEDALUS (Méditerranéen Désertification And Land Use). Cet indice fait appel aux outils de télédétection et du Système d’Information Géographique. Il est déterminé par les croisements des facteurs d’érosion hiérarchisés, pondérés, re-classifiés et analysés.

MÉTHODOLOGIE 

Présentation de la zone d’étude

Le bassin versant de l'oued Bou Hayya fait partie de la Tunisie du centre-ouest, il s'étend sur une surface de 406 km2 (Figure 1). Ce bassin versant se situe à environ 30 km au Sud de la ville de Kasserine, dans les délégations de Feriana et Majel Bel Abbès. Sur le plan hydrographique, il appartient au bassin versant de l’oued Kébir-Baiech. Sa partie amont se prolonge en Algérie, au Nord de la région de Maa Labiadh et au Sud-est de Tebessa. L’oued Bou Hayya prend sa source dans le massif de Bou Chibka, où les altitudes varient entre 750 et 1312 m. Cette région est marquée par des chainons montagneux comme l’ensemble de Tamessmida-Bou Chibka-Chaambi et Kchem Kaleb. Le bassin est caractérisé essentiellement par la faiblesse et l'irrégularité des pluies, qui sont le plus souvent à caractère orageux et mal réparties dans le temps et dans l’espace, des températures à grandes amplitudes. La pluviométrie moyenne annuelle est de 300 mm et la température moyenne annuelle varie entre 17 et 18 °C. L’humidité est de l’ordre de 62 %. L’évaporation moyenne annuelle est très élevée (~1566 mm/an), aussi ces conditions bioclimatiques engendrent un déficit hydrique qui dépasse les 1000 mm.

Figure 1: Répartition spatiale des altitudes

Données et matériel utilisés

Pour enrichir notre base de données et préparer les couches thématiques nécessaires pour le modèle, nous avons utilisé des documents divers (cartes topographiques, images satellitaires, photos aériennes, etc.). Pour le traitement et l’analyse de ces données, nous avons utilisé divers outils et logiciels (Tableau 1).

Tableau 1: Matériel utilisé

Approche méthodologique de MEDALUS

La méthode MEDALUS a été employée dans le cadre du projet DISMED (2003). Le principal objectif de cette méthode est la réalisation de la carte de sensibilité à la désertification pour les pays méditerranéens. Elle est basé sur quatre facteurs: Sol; Végétation; Climat et Activités humaines pour calculer l’indice de sensibilité à la désertification (ISD).

La méthodologie utilisée adopte une notation des paramètres variant de 1 pour les zones faiblement sensibles à l’érosion à 2 pour les zones à sensibilité très élevée, de la moyenne géométrique des scores affectés aux quatre facteurs thématiques d’érosion considérée à savoir: le climat avec l’érosivité des pluies, le sol avec ses caractéristiques topographiques, géologiques et pédologiques, le couvert végétal à travers l’occupation des sols et les aménagements de conservation des eaux et des sols (CES) existants avec leurs états.

Cette méthode a été utilisée et adaptée dans des régions humides (Haboubi, 2017), aride et semi-aride pour évaluer la sensibilité à l’érosion notamment, hydrique dans le cadre d’études de planification d’aménagements de conservation des eaux et sols (CES) dans le bassin versant de l’oued Sarrath (Etude de protection du barrage Sarrath) et la délégation de Bir M’cherga du gouvernorat de Zaghouan et du gouvernorat de Sidi Bouzid (Chérif, 2008).

La sensibilité est évaluée par un indice, appelé Indice de Sensibilité à l’Erosion ISE, qui repose sur la cartographie et la combinaison de la moyenne géométrique des quatre indices de qualité des facteurs retenus et qui est donné par les paramètres suivants:

- le climat avec l’érosivité des pluies;

- le sol avec ses caractéristiques topographiques, géologiques et pédologiques;

- le couvert végétal selon l’occupation des terres;

- les aménagements CES existants avec leurs états.

L’équation retenue est la suivante: (selon l’étude de protection du barrage Sarrath)

ISE=(IQS×IQV×IQC×IQ〖A)〗^(1/4)

Où IQS est l’indice de qualité du sol, IQV est l’indice de qualité de la végétation, IQC est l’indice de qualité du climat et IQA est l’indice de qualité d’aménagement

Haboubi (2017) a appliqué le modèle MEDALUS pour la cartographie de la sensibilité à l’érosion hydrique des bassins versants occidentaux de Garaet Ichkeul au Nord de la Tunisie. Mais, il est recommandé d’intégrer le paramètre hydrographique dans la modélisation de la sensibilité des sols à l’érosion. Par l’ajout du paramètre « densité du chevelu hydrographique » à MEDALUS, le modèle sera nommé MEDALUS modifié. En fait, la conception d’Indice de la Sensibilité à l’Erosion (ISE) reste la même et elle est synthétisée par l’équation suivante (Figure 2) :

ISE=(IQS×IQV×IQC×IQ〖A×IQDd)〗^(1/5)

Où IQC est l’Indice de Qualité du Climat, IQS est l’Indice de Qualité du Sol, IQV est l’Indice de Qualité de Végétation, IQA est l’Indice de Qualité d’Aménagement et IQDd est l’Indice de Qualité de Densité de drainage.

Pour notre bassin versant de Bou Hayya, nous avons appliqué le modèle MEDALU S modifié. Nous avons essayé de garder la même conception et les mêmes facteurs adoptés par Haboubi (2017).

Justification du choix de MEDALUS

Le choix a été basé essentiellement sur la quantité des données requises et la simplicité de mise en œuvre. C’est une méthode raisonnable à la fois qualitative et quantitative, calée sur des données à l’échelle régionale, ainsi des données du terrain et la photo-interprétation. Elle permet d’obtenir des analyses statistiques et une carte des indices de sensibilité à l’échelle du pixel facile à actualiser et à modifier en ajoutant d’autres paramètres selon la spécificité de la région ou le problème ou/et le risque évalué (Haboubi, 2017).

Difficultés et limites

Le bassin versant de Bou Hayya, situé dans l’extrême centre-ouest de la Dorsale et connu par la rareté des études géomorphologiques consacrées à l’érosion. Il est barré dans plusieurs endroits de lacs et de barrages collinaires. A ce jour, ce bassin reste très peu étudié à cause de l’absence de données et des mesures d’érosion (Ben Jalleb, 2016). Ce qui explique les difficultés rencontrés lors du calcul et de l’analyse des indices. Ainsi, la validation du résultat obtenu nécessite des observations et des vérifications sur terrain pour effectuer des pondérations adéquates. Nous avons adopté la méthode modifiée par Haboubi (2017) pour intégrer le facteur hydrographique afin d’identifier les unités de sensibilités homogènes.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Calcul des indices retenus

Les facteurs de l’érosion sont essentiellement liés aux conditions climatiques, au relief et à la topographie du terrain, à la lithologie et la structure du sol, à l’état du couvert végétal et l’utilisation des terres. Pour élaborer la carte de sensibilité à l’érosion, nous avons calculé cinq indices de qualité, selon les scores attribués à chaque paramètre.

L’indice de qualité correspondant est obtenu à partir de la moyenne géométrique des scores affectés aux différents paramètres du facteur considéré. L’évaluation finale du degré de sensibilité à l’érosion est obtenue en multipliant entre eux les indices de qualité des cinq facteurs retenus.

Figure 2: Conception du modèle MEDALUS modifié (Haboubi, 2017)

Indice de Qualité du Climat (IQC)

Les conditions climatiques agissent sur l’accélération des processus érosifs. En effet, les paramètres d’accroissement du phénomène d’érosion sont à la fois l’agressivité du climat et l’érosivité des pluies. Ainsi, l’indice de qualité du climat est caractérisé par le degré d’agressivité basé sur l’étage bioclimatique et le niveau d’érosivité des pluies liée l’intensité et l’importance des pluies.

L’indice de qualité du climat IQC (Figure 3 et Tableau 2) a été calculé par l’expression suivante :

IQC=(EB×EP)^(1/2)

Où EB est le score affecté à l’étage bioclimatique et EP est le Score affecté à l’érosivité des pluies.

L’évaluation de l’agressivité du climat est basée sur les étages bioclimatiques. Du point de vue bioclimatique (Bortoli, 1967), la zone d’étude est située dans l’étage aride supérieur frais à semi-aride moyen frais d’altitude. Elle est caractérisée essentiellement par la faiblesse et l'irrégularité des pluies et la sécheresse.

L’érosivité des pluies est définie comme étant la capacité potentielle de la pluie pour produire l’érosion. Celle-ci a été attribuée à l’intensité des pluies par Wischmeier et Smith (1978).

Comme les données relatives à l’intensité de la pluie ne sont pas disponibles, il est difficile d’évaluer l’érosivité des pluies à l’aide du coefficient R de Wischmeier (1974) qui tient compte de l’intensité maximale de la pluie de durée 30 mn (I30mn) (Wischmeier et Smith, 1978). Pour remédier ce problème, nous avons utilisé l’Indice de Fournier modifié (Fm) qui donne l’érosivité moyenne des pluies à partir des pluies mensuelles, par la relation suivante (Tableau 1):

Fm=∑_(n=1)^12〖(Pi/P〗)

Où Pi est la pluviométrie mensuelle du mois i exprimée en mm et P est la pluviométrie annuelle exprimée en mm.

La disponibilité spatiale et temporelle des données pluviométriques mensuelles des stations d’El Ma Abiod, Bouchebka, Gareit En Naam et Feriana a permis le calcul de cet indice.

Tableau 2: Pondération de l’érosivité des pluies d’après l’Indice de Fournier modifié

Tableau 3: Pondération de l’Indice de Qualité du Climat (IQC)

Figure 3: Indice de qualité du climat

Indice de Qualité du Sol (IQS)

Les paramètres du sol qui favorisent la naissance d’une dynamique érosive sont si nombreux, qu’il est difficile de les prendre tous en considération. Pour cette raison, nous nous sommes limités à quelques paramètres simples, facilement mesurables.

L’indice de Qualité de Sol (IQS) est calculé par la formule suivante :

IQS=(RM×Z×T×P)^(1/4)

Où RM est l’indice de résistance des roches mères, Z est l’indice de profondeur du sol, T est l’indice de texture du sol et P est l’indice de pente du terrain.

Indice de résistance des roches

Les roches mères sont regroupées et notées en fonction de leur cohésion et de leur résistance à l’érosion. A partir d’une carte lithologique (Figure 4 et Tableau 4), les matériaux sont classés en quatre classes de résistance des roches : roches très dures, dures (résistantes), friables, très friables (tendres ou meubles).

Les roches dures sont constituées par les calcaires crayeux à blancs du Sénonien supérieur, les marnes à intercalations calcaires du Sénonien inférieur et les alluvions récentes et actuelles (Trabelsi, 1989). Elles représentent 50% de la superficie du bassin. Ces formations sont localisées à l’aval, la plaine de Feriana et la totalité de la partie Algérienne. Les roches très friables caractérisent les rives des oueds et occupent 33% de la zone d’étude et elles.

Tableau 4: Pondération de l’indice de résistance des roches

Indice de profondeur du sol

Ce paramètre est tiré à partir de la carte agricole de 2003 (DG/ACTA, 2003) et trois cartes pédologiques (Tunisie au 1/500 000, Feriana et Bou Chebka au 1/50 000 et de la zone d’étude (Figure 5 et Tableau 5)). La profondeur du sol est un paramètre qui est en relation avec la capacité de stockage d’eau du sol et les réserves minérales et organiques disponibles (FAO, 1977). D’après ces études pédologiques, environ 56% du bassin versant sont des sols peu profonds. Les sols moyennement profonds se trouvent dans la plaine de Feriana. Les sols peu évolués d’apport le long d’oued Bou Hayya et les sols isohumiques sur les piémonts de Jbel Marfig Khsam Al Kaleb, sont regroupés dans les sols profonds. Les scores attribués à la profondeur du sol varient entre 1 pour les sols très profonds et 2 pour les sols superficiels.

Tableau 5: Pondération de l’indice de profondeur des sols

Indice de texture des sols

Les horizons de surface du sol ont des textures variées. Les textures peuvent être catégorisées en trois grands types: grossière, moyenne et fine (Tableau 6). La texture fine est riche en argile et en limon et montre une perméabilité très faible des sols. La texture est un paramètre très important pour évaluer le risque d’érosion (Mankai, 2010). Les données de texture ont été extraites de la carte agricole de Kasserine (DG/ACTA, 2003). La texture argilo-limoneuse caractérise de petites zones dans la partie aval du bassin versant et les piémonts du Jbel Al Miskin et Al Kbir. Une grande partie du bassin versant (massif de Bou Chebka et les vastes piémonts) est dominée par des sols à texture limono-sableuse (moyenne), et représente 71% du bassin versant. Les sols à texture sableuse et sablo-limoneuse (grossière) sont localisés dans les lits de l’oued Bou Hayya et Jbel Marfig Khsam Al Kaleb et le village de Bou Chebka. Ces sols caractérisent la totalité du sous bassin versant El Aouin et d’Algérie. Le tableau 5 donne les scores attribués aux textures du bassin versant de Bou Hayya.

Tableau 6: Pondération de l’indice de texture des sols

Indice de pente

Le bassin versant de Bou Hayya comprend les plus hauts reliefs de la Dorsale Tunisienne où les altitudes varient entre 750 et 1312 m. Les paramètres relief et pente jouent un rôle primordial dans la stabilité des versants. La pente agit directement sur le ruissellement et la concentration des eaux. A partir de la carte de pente (Figure 7), quatre classes ont été identifiées (<3%, 3-7%, 7-15% et >15%). Les seuils choisis sont similaires à ceux utilisés par Haboubi (2017) et le Commissariat Régional au Développement Agricole (CRDA) de Bizerte et celle de Kasserine (Tableau 7).

Tableau 7: Pondération de l’Indice de Pente

La classe à pente nulle à faible (<3%) occupe les plaines et représente une aire d’accumulation (12%) où le risque d’érosion est très faible;

La classe à pente moyenne (3-7%) représente 25% de la superficie totale. Elle est repartie de manière éparpillée sur tout le bassin;

La classe à pente assez forte (7-15%) est très étendue, soit 42% du bassin. Elle marque surtout la plaine de Feriana et la partie aval du bassin;

Les secteurs caractérisés par une pente (>15%) représentent 21% de la superficie du bassin. Ces zones sont situées essentiellement dans les massifs montagneux de Jbel Feriana, Jbel Wad Al Wa’ir, Jbel Al Kbir, Jbel Al Miskin. Elles sont essentiellement dominées par des parcours, des sols nus et du massif forestier de Jbel Tamessmida.

La combinaison des indices de roche mère, de profondeur du sol, de texture et de pente a donné l’Indice de Qualité du Sol (IQS) (Figure 8).

Figure 4: Indice de résistance des roches Figure 5: Indice de texture des sols

Figure 6: Indice de profondeur du sol Figure 7: Indice de pente

Figure 8: Indice de qualité du sol (IQS)

Indice de Qualité de Végétation (IQV)

La couverture végétale subit des interventions de l’Homme tel que le surpâturage et les défrichements. Cette situation marque surtout la partie algérienne où ne subsiste que des broussailles à la place de forêt. La plaine de Feriana montre des changements spectaculaires des paysages avec notamment une extension inhabituelle des cultures aux dépens des parcours et des nappes alfatières. En fait, une carte d’indice de qualité de végétation (Figure 9) a été obtenue en combinant la carte d’occupation des sols, la carte de l’indice NDVI (Indice de Végétation Normalisé) calculé sur l’image Sentinel (2018) et la carte agricole de Kasserine (2003).

L’indice de végétation NDVI permet d’estimer le taux de recouvrement et d’identifier et de suivre l’évolution temporelle des couverts végétaux. Il permet d’évaluer certains paramètres du couvert comme la biomasse et l’activité chlorophyllienne (Girard & Girard, 1999). Le calcul de cet indice est basé sur la combinaison des bandes rouge et infrarouge (Rouse et al., 1974). L’indice de végétation normalisée NDVI est calculé par l'extension Transform-NDVI du logiciel ENVI, selon la formule suivante (Rouse et al., 1974 in Girard & Girard, 1999) :

NDVI=((PIR-R))/((PIR+R))

La carte montre trois classes de végétation:

une classe relativement dense constituée par les forêts de Pin d’Alep et les maquis de romarin et des steppes d’alfa caractérisant les reliefs de l’amont du bassin versant. La valeur attribuée à cette classe est de 1 (Tableau 8);

la deuxième classe concerne les steppes d’alfa, d’armoise et les parcours d’élevage. Elle caractérise une grande partie du bassin versant. La valeur attribuée à cette classe est de 2;

la dernière classe, correspondant sols nus où la végétation est absente et/ou très rare. Cette classe ne concerne que de petites zones fortement érodées telles que le piémont sud-est de Jbel Kbir. Le code attribué à cette classe est 4. Nous avons attribué des poids en fonction de degré de recouvrement, selon les types d’occupation des sols.

Une superficie de 55 % de la région est caractérisée par un couvert végétal faible à très faible. Au contraire, les terres couvertes par des forêts sont inférieures à 22 % (Tableau 8) et (Figure 8).

Tableau 8: Pondération de l’indice de qualité de végétation

Indice de qualité d’aménagement (IQA)

Les moyens et les techniques antiérosifs ont été répertoriés dans plusieurs zones du bassin d'étude afin de freiner certains processus de l'érosion et pour la mobilisation des eaux du ruissellement. La carte réalisée par l’arrondissement CES de Kasserine (DG/ACTA, 2003) et actualisée par des photos aériennes, Google Earth et le terrain permet de déduire que les techniques et les moyens antiérosifs sont centrés dans certains secteurs. Ces travaux se localisent essentiellement dans sur le secteur moyen de l'oued Bou Hayya et la partie aval de Bou Chibka et les périmètres irrigués du Gar’it An Nam. Il s'agit notamment des banquettes, des gabions en pierre sèche et des murs de renforcement des berges. En effet, on a distingué trois classes selon l’importance et l’état des aménagements réalisés, pour évaluer de la sensibilité à l’érosion des zones aménagées (Figure 10 et Tableau 9). En affectant, pour chaque situation un score allant de 1 pour Zones hors aménagements ou aménagées par des travaux en bons états à 2 pour les Zones menacées par l’érosion et non aménagées. Les zones stables présentent 65% (zones hors aménagements ou aménagées avec des travaux en bons états).

Tableau 9: Pondération de l’indice de qualité d’aménagement (IQA)

Indice de qualité de densité de drainage (IQDd)

Le principal oued dans le bassin versant est celui de Bou Hayya qui descend du massif de Bou Chibka. Il draine les versants et les piémonts orientaux de l’ensemble de Tamessmida-Bou Chebka-Chaambi et Kchem Kaleb. Il prend naissance en collectant les eaux des oueds Klij, Chrek pour former l’oued Bouhaya qui se dirige vers le Sud-Est. Son bassin versant est légèrement plus petit et à une forme allongée, peu compacte avec un indice de compacité (IC) de l'ordre de 1,7.

L’indice de drainage dépend de la structure et la lithologie du bassin versant. Il est exprimé par un simple rapport entre par la longueur totale des cours d’eau divisé par les superficies des unités de lithofaciès. A partir de cet indice, une carte d’Indice de Qualité de densité de drainage a été élaborée (Figure 11). Cette carte montre une densité presque égale du chevelu hydrographique. Nous avons noté une seule classe caractérisée par une moyenne densité du chevelu hydrographique qui varie de 2,3 à 2,8.

Figure 9: Indice de qualité de végétation (IQV)

Figure 10: Indice de qualité d’aménagement (IQA)

Figure 11: Indice de qualité de densité de drainage (IQDd)

Cartographie de la sensibilité de l’érosion

Nous avons obtenu une base des données sous forme numérique, ce qui facilite les opérations de stockage, de manipulation et même de croiser des données provenant de plusieurs sources. Selon la carte de sensibilité à l'érosion, nous avons adopté cinq classes d’érosion (Figure 12 et Tableau 10):

Les zones de sensibilité très faible et faible à l'érosion correspondent en particulier aux zones en pentes assez forte à forte et représentent 49.81%. Ces régions occupent essentiellement de parcours dégradés, sol nus dans la partie aval et les cultures et les arboricultures sur la plaine de Feriana.

Environ 16 %, ce sont les zones de sensibilité moyenne à l'érosion. Elles occupent des terres des cultures notamment sur l’amont ainsi de l’arboriculture et parcours situés sur les piémonts et à Garit En Naam;

34,44 % de la zone d’étude, présentent une sensibilité forte à très forte à l'érosion.

Ces zones occupent notamment l’amont, le massif forestier de Bou Chebkha ainsi des broussailles surtout sur la partie Algérienne.

Les observations sur terrain montrent que le résultat obtenu est très proche de la réalité. Des dynamiques érosives caractérisent plusieurs secteurs du bassin d’étude en particulier sur les surfaces forestières de Bou Chibka, le flanc oriental du jbel Dakhla à l’est de Talabit, les environs de la ville de Feriana, Bhirit Feriana et à Ouled Kharsallah sur le versant sud-ouest de Khchem Al Kalb. Ils sont dans des affleurements tendres en particulier les sables et les limons holocènes. Les pentes relativement importantes et l’absence des travaux de CES. Dans plusieurs secteurs ainsi que la présence d’un couvert végétal dégradé expliquent la prolifération de l’érosion hydrique et l’apparition de des paysages dénudés.

Tableau 10: Classification de la sensibilité des sols à l’érosion par MEDALUS

Figure 12: Carte de l’indice de la sensibilité des à l’érosion (ISE)

CONCLUSION

L’évaluation spatiale de la sensibilité des sols à l’érosion constitue une étape fondamentale pour les prises de décision. Le produit final obtenu est jugé acceptable, et il répond à l’objectif de spatialiser les zones sensibles à l'érosion, nécessitant une intervention prioritaire à la fois curative et préventive pour la lutte contre l'érosion.

Le recours à des travaux d’entretien des aménagements existants, des levés manuels de terre ainsi qu’à des traitements biologiques (cactus, eucalyptus et acacia) et des travaux de restauration est une nécessité.

Les propositions de travaux d’aménagements sont indispensables afin de protéger et de gérer ce risque d’érosion et prendre en considération les travaux antérieurs. La priorité devrait être donnée aux zones moyennement et fortement érodées dans le bassin versant. Enfin, l’implication de la population dans la conception et la mise en œuvre de ces travaux est nécessaire pour garantir leur réussite et leur durabilité. A titre d’exemples, on peut citer la rationalisation de l’utilisation humaine du milieu naturel, l’amélioration des nappes alfatières et des parcours et le traitement des terrains en pente et des voies d’eau.

En fait, la modélisation, par l’approche MEDALUS modifiée a permis de réaliser une analyse spatiale à la fois qualitative et quantitative. Ce travail de recherche montre que le bassin versant de Bou Hayya est vulnérable à l’action érosive des pluies, au ruissellement et à la pression exercée sur les ressources naturelles. Nous signalons aussi que la dégradation du couvert végétal est accentuée par la pression humaine notamment le surpâturage des parcours, le développement de l'élevage et la déforestation. De plus, la nature du sol et le climat contribuent fortement à la vulnérabilité du milieu.

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