Résumé

Le but du présent travail est d’étudier l’organisation de la filière des œufs de consommation et de caractériser les conditions hygiéniques de la production et de la commercialisation des œufs et des produits dérivés. L’étude est basée sur des enquêtes dans la région de Casablanca au niveau des différents maillons de la chaîne de production et de commercialisation des œufs et des ovoproduits. Les résultats obtenus font apparaître une multitude de circuits de commercialisation des œufs avec une anarchie totale au niveau du marché de gros et des points de vente. A ce niveau, les conditions d’hygiène des locaux, des équipements, des moyens de transport, de stockage et de vente, ainsi que l’hygiène du personnel amplifient le risque de dissémination des agents pathogènes. Ces conditions ne sont pas en mesure d’assurer une qualité satisfaisante des œufs de consommation. Pour les vendeurs, le souci majeur réside dans le prix des œufs; les critères de fraîcheur et de propreté de la coquille ne sont pas pris en considération, ce qui témoigne d’un manque flagrant en termes de connaissances élémentaires et de sensibilisation à l’hygiène. Au niveau des grandes surfaces et des centres de conditionnement des œufs, les bâtiments respectent les principes d’hygiène et 100% des endroits de vente et d’emmagasinage des œufs sont bien entretenus, aérés et se trouvent en général dans des conditions d’hygiène satisfaisantes. L’hygiène corporelle et vestimentaire du personnel répond en général aux objectifs fixés par la réglementation. L’industrie de transformation des œufs au Maroc se trouve actuellement en stade de développement. En effet, l’enquête réalisée auprès d’une casserie au Maroc, révèle une bonne maîtrise de la qualité sanitaire et montre que conformément à la réglementation en vigueur, les principes HACCP sont mis en place dans tous les processus de préparation des ovoproduits. Après avoir décrit l’état actuel d’hygiène de tous les maillons de la filière des œufs de consommation et des produits dérivés, ainsi que les défaillances qui y sont inhérentes; nous avons émis un certain nombre de propositions jugées capables d’apporter des améliorations et de dynamiser, par conséquent, la filière vers une piste d’assurance qualité et de salubrité du produit vendu au consommateur.


Mots clés: Œufs, ovoproduits ; Hygiène ; qualité, production ; circuits de commercialisation, Casablanca

Introduction 

L’aviculture marocaine a bien progressé, s’élevant au rang d’une véritable industrie capable d’assurer son rôle de fournisseur de protéines d’origine animale les moins onéreuses dans un temps relativement court. Ainsi, la production de la viande de volaille a atteint 670.000 tonnes et celle des œufs de consommation est estimée à 5,8 milliards d’unités (www.fisamaroc.org.ma). Ce secteur couvre actuellement 100%des besoins en viandes de volailles représentant 52% de la consommation totale toutes viandes confondues et 100%des besoins en œufs de consommation. D’autre part, avec l’évolution du mode de vie et des mutations socio-économiques suite au développement de l’urbanisation et de l’industrialisation ; il y a démarrage de la filière ovoproduits depuis plusieurs années. Une telle industrie permet une maîtrise des risques microbiologiques, une amélioration de la conservabilité et de la qualité technologique des œufs. Ce progrès technologique est appelé à s’intensifier dans l’avenir sachant que les ovoproduits sont utilisés par de nombreuses industries alimentaires appartenant aux différents secteurs d’activité (industries de biscuiterie, de desserts, crèmes glacées, sauces et assaisonnement, pâtes alimentaires et pâtisseries), et va avoir également un impact important dans la modération de la recrudescence des foyers de toxi-infections alimentaires causés par la consommation des œufs. Néanmoins, le secteur avicole connaît plusieurs problèmes au niveau de la production, le transport, la commercialisation et la transformation des produits avicoles notamment les œufs. Notre étude s’inscrit dans cette optique afin de mettre en exergue les déficiences d’ordre sanitaire et qualitatif au niveau des différents maillons de la filière.

Matériels et méthodes 

L’étude a eu lieu au niveau de la ville de Casablanca, qui regroupe la majeure partie de l’activité du secteur avicole, filière poule pondeuse. Il s’agit d’une enquête qualitative descriptive, dont le but est d’étudier l’organisation de la filière de production des œufs, et de réaliser un premier diagnostic de l’état actuel de l’hygiène au niveau des maillons de production, de distribution et de commercialisation des œufs de consommation et des ovoproduits au niveau du Grand Casablanca. A cet effet, nous avons adopté la méthodologie suivante:

• Enquêtes par un questionnaire (fiches d’enquêtes) auprès des professionnels du secteur des œufs : Elevages de la poule pondeuse, marchés de gros, intermédiaires de vente des œufs, détaillants ambulants, grandes surfaces, un centre de conditionnement des œufs et une casserie industrielle.

• Analyse des données des enquêtes et interprétation des résultats obtenus.

Résultats 

Le dépouillement des fiches d’enquêtes et l’analyse des informations recueillies, nous ont permis de dégager les résultats suivants:

Élevages de poule pondeuse

L’étude a porté sur 2 élevages de poule pondeuse. Au cours de nos enquêtes, nous avons remarqué que:

• L’activité principale des 2 unités visitées est l’élevage de la poule pondeuse;

• Les deux unités adoptent le système d’élevage en cage;

• Les 2 élevages sont reconnus indemnes de salmonellose et la volaille est régulièrement vaccinée;

• Les tests sérologiques de contrôle sont régulièrement effectués à l’entrée en ponte;

• La source principale d’eau est un puits avec une profondeur moyenne de 40 m. Les bâtiments s’approvisionnent en eau à travers une tuyauterie qui relie le réservoir principal aux réservoirs qui se situent à l’intérieur du bâtiment;

• Les deux unités d’élevage effectuent régulièrement des analyses physico-chimiques et bactériologiques de l’eau;

• Le suivi sanitaire est assuré par un vétérinaire contractuel, qui effectue des visites de manière hebdomadaire ou une fois tous les 15 jours et chaque fois qu’il y a un problème sanitaire. Le choix des antibiotiques se fait après consultation du vétérinaire. Ce dernier préconise le médicament nécessaire en prenant en compte l’historique de l’élevage, les commémoratifs, les résultats de l’autopsie, et si nécessaire les résultats de l’antibiogramme;

• Présence d’antibiorésistance au sein des bandes des deux élevages;

• La durée du vide sanitaire pratiqué au niveau des élevages varie de 45 à 60 jours;

• Le ramassage du fumier se fait de manière automatique par l’intermédiaire d’un tapis roulant. Les travaux de décapage et de lavage du bâtiment et du matériel se font avec des jets à haute pression;

• Le désinfectant utilisé est le formol par le biais de la fumigation;

• Le personnel est occasionnel, non sensibilisé à l’hygiène et de niveau d’instruction ne dépassant pas le niveau primaire;

• Les deux élevages visités font une collecte mécanique quotidienne des œufs, un élevage fait le ramassage 2 fois/jour tandis que l’autre élevage, le fait tous les 2 heures par souci d’éviter le bris de coquille et les souillures des œufs. Le ramassage des œufs se fait par le biais d’un tapis roulant qui transporte les œufs du bâtiment d’élevage jusqu’au magasin de stockage, lorsque les œufs arrivent à travers le tapis roulant au niveau de la salle de stockage, une personne se charge de les mettre dans les plateaux alvéolés cartonnés. Les œufs restent stockés pendant une durée comprise entre 1 et 7 jours en fonction de la demande du marché. Le stockage se fait à l’extérieur du bâtiment dans une salle aérée, exempte d’odeurs étrangères, maintenue à température ambiante et propre pour les deux élevages visités;

• La livraison des œufs se fait généralement à l’abri du soleil dans des camions propres, secs, exempts d’odeurs étrangères et isothermes pour un des deux élevages. Ces camions sont lavés et désinfectés après chaque utilisation. • Les chariots permettent le transport des œufs depuis le magasin de stockage vers la porte de l’élevage;

• La livraison se fait en plateaux alvéolés cartonnés pour les deux élevages ; une livraison en plateaux filmés sera envisagée dans un futur proche pour un de deux élevages. Le marché de gros de Casablanca reste la première destination; les élevages approvisionnent également les épiceries de proximité. Les œufs cassés ou fêlés sont vendus aux pâtisseries.

Le tableau 1 illustre les critères de qualité des œufs retenus par les éleveurs.

Marché de gros

Les œufs produits au niveau des élevages sont livrés directement aux vendeurs grossistes ou parviennent au marché par le biais des intermédiaires. Le marché de gros des œufs de la ville de Casablanca occupe une superficie de1800 m² environ. Ce marché existait depuis le protectorat; c’était auparavant la halle aux grains de la ville de Casablanca. Les intermédiaires qui n’ont pas de magasin au niveau du marché de gros, s’installent de part et d’autre de la ruelle et réalisent la vente des œufs directement du camion ou d’autres engins de transport.

Selon les résultats de l’enquête, 100% des grossistes sont informés sur l’origine des œufs. Ainsi, les œufs de consommation commercialisés au niveau du marché de gros proviennent en majorité des élevages industriels ou traditionnels de poule pondeuse, situés au niveau de Casablanca et ses régions: Had Soualem, Laassilat, Mediouna, Tit Mlil, BirJdid; mais aussi, des autres villes du royaume telles que Rabat, Berchid, Témara, Meknès…: Là où les prix des œufs sont moindres selon les paroles d’un intermédiaire. 6 % des vendeurs grossistes sont eux-mêmes des producteurs qui s’approvisionnent de leur propre élevage. 18% des grossistes possèdent leurs propres moyens de transport des œufs (camions, estafettes, etc.) et s’approvisionnent directement des élevages. Le reste des grossistes s’approvisionnent à partir des intermédiaires.

Le transport des œufs se fait en plateaux alvéolés cartonnés pour les œufs provenant des élevages industriels et en cartons, ou en caisses de bois remplis de paille lorsqu’il s’agit des œufs issus des élevages traditionnels. Le transport des œufs du marché de gros vers les épiceries, les restaurants, les pâtisseries ou autres se fait par différents types de moyens de transport: Estafettes, motos, chariots, bicyclettes …etc. Pour la majorité des personnes enquêtées (soit 80%), le transport est effectué de manière à respecter la propreté des œufs, les préserver de la chaleur et des chocs. Pour 6% des transporteurs, les œufs sont acheminés dans des camions isothermes. Selon les observations recueillies, 100% des vendeurs grossistes ne disposent pas d’un local prévu pour le stockage des œufs qui peut durer de 1 à 7 jours selon la demande et à température ambiante.

Les œufs issus des élevages industriels sont présentés à la vente dans des plateaux cartonnés alvéolés à l’intérieur comme à l’extérieur du magasin, tandis que ceux provenant des élevages traditionnels et des villageois sont présentés dans des caisses en bois remplies de paille pour minimiser les risques de bris, ou dans des plateaux cartonnés de récupération. D’après les informations collectées auprès des vendeurs grossistes, les œufs sont livrés à tout type de clientèle : Détaillants ambulants (100%), épiceries (100%), pâtisseries (100%), détaillants des marchés municipaux (100%), établissements de restauration collective (60%), et directement aux consommateurs qui veulent acheter plus de 10 plateaux (30%).De même, les intermédiaires livrent leur marchandise à tout type de clientèle, y compris les intermédiaires d’autres villes tels qu’Azilal, Agadir...etc.

Selon les affirmations des vendeurs grossistes, les œufs cassés ou fêlés sont vendus à bas prix à des clients qui les revendent aux professionnels de la pâtisserie et aux traiteurs. Le suivi médical du personnel (ouvriers et vendeurs) prévu par la réglementation n’est pas respecté. La totalité des employés ne sont pas informés ou sensibilisés à l’hygiène, 80% sont occasionnels et plus de 40% n’ont aucun niveau d’instruction. De même, 12% des vendeurs grossistes ont un niveau d’instruction secondaire, 6% un niveau universitaire, 41% ont un niveau primaire et le reste sont analphabètes. Concernant l’hygiène vestimentaire, nous notons que 90% des employés ne portent pas de blouse protectrice. D’autre part, les travaux de balayage et de ramassage des déchets au niveau du marché se font presque régulièrement (chaque jour), mais de manière rapide et insuffisante. Ces travaux sont effectués par les ouvriers de la municipalité, en pleine journée et à proximité des plateaux des œufs qui sont exposés à l’extérieur des magasins.

Les plateaux cartonnés souillés, sont jetés directement dans les poubelles; tandis que ceux utilisés et apparemment propres, sont rassemblés et gardés dans le magasin pour une éventuelle réutilisation. La catégorisation des œufs se fait selon l’espèce (poule, caille, …) et selon la taille, critère principal de classification affirmé par la totalité des vendeurs. 76% font le triage des œufs selon le nombre de jaunes, 35% font la catégorisation selon la couleur de la coquille et aucun des vendeurs ne classe les œufs selon l’âge. A travers les résultats d’enquêtes auprès des acheteurs, le prix et la taille de l’œuf représentent les principaux critères de qualité de l’œuf. Les critères d’appréciation de la qualité des œufs selon les consommateurs sont: Prix (100%), taille (82%), couleur de la coquille (50%),forme (40%), propreté de la coquille (30%) et fraîcheur (12%).

Pour les vendeurs grossistes, la solidité (100%) et la couleur (88%) de la coquille représentent les principaux critères de choix des œufs, suivis par la propreté de la coquille (23%). La coloration du jaune et la fraîcheur de l’œuf représentent des critères très secondaires.

Centre de conditionnement

La visite et l’enquête ont porté sur un seul centre de conditionnement et de distribution des œufs de consommation, situé dans la ville de Casablanca. Ce centre, connu à l’échelle nationale, existe depuis 1977 et réalise une capacité dépassant 2.000.000 œufs/mois. Il s’agit de la première entreprise à avoir introduit le marquage des œufs au Maroc.

Le centre de conditionnement s’approvisionne auprès de producteurs d'oeufs contractuels avec un cahier de charge. Les œufs livrés au centre subissent des contrôles permanents avec des prélèvements et analyses bimensuels d’échantillons dans le Laboratoire Régional d’Analyses et de recherches de Casablanca. Selon les résultats de l’enquête, nous avons pu faire ressortir les informations suivantes:

• Le stockage des œufs a lieu dans la même salle où se déroulent les opérations de conditionnement;

• La température de stockage est de 18°C;

• Vu la demande élevée, la durée de stockage des œufs au niveau du centre ne dépasse pas une journée;

• Les conditionnements utilisés sont soit des films, des conditionnements soignés en polystyrène cristal transparent s’adaptant à la présentation en linéaire et recyclables en plastique;

• L’établissement s’approvisionne avec un cahier de charges, auprès des producteurs d'oeufs au niveau de Casablanca et sa région;

• La livraison des œufs se fait en plateaux filmés, ou encore sous d’autres types de conditionnements. Les œufs sont destinés vers les supermarchés, les hôtels, les restaurants, et les pâtisseries/boulangeries;

Le centre de conditionnement dispose de sept véhicules de livraison isothermes, propres, exempts d’odeurs et régulièrement nettoyés.

• L’établissement emploie un nombre de 23 personnes, dont 3 cadres, 2 secrétaires, 7 livreurs et 11 ouvriers. Selon le gérant du centre, le niveau d’instruction des ouvriers est très hétérogène (primaire, secondaire, et parfois universitaire) et le centre organise régulièrement des journées de formation continue et de sensibilisation à l’hygiène au profit de son personnel. Le port de blouse blanche par le personnel est obligatoire durant les heures de travail; toutefois le suivi médical n’est réalisé que pour les marchandiseurs (représentant du centre de conditionnement dans les grandes surfaces) et à la demande du client;

• Au cours de leur passage dans le centre, les œufs sont triés, classés par catégories de poids et enfin conditionnés. Le triage des œufs se fait manuellement pour repérer les œufs cassés et/ou fêlés en vue de les écarter du lot. Tandis que le calibrage se fait en lots de 10 plateaux au niveau de l’entrée du centre d’emballage, le poids doit être conforme à 10 kg;

• Avant de conditionner les œufs, ils sont datés à l’aide d’une machine qui marque la durée recommandée de vente;

• Les œufs livrés au centre subissent des contrôles permanents avec des prélèvements et analyses bimensuels d’échantillons dans le laboratoire officiel d’analyses. De même, les services de contrôle accompagnent le centre en matière d’assurance qualité et réalisent parfois des visites inopinées;

• Pour l’établissement, les critères de qualité des œufs sont au nombre de 5: la propreté de la coquille, la couleur de l’œuf qui vire au marron, moins de blanc dans l’œuf, l’homogénéité de taille des œufs, et la solidité de la coquille.

Casserie

Au Maroc, les casseries sont agréés par l’ONSSA. Nous avons visité la première casserie au Maroc, qui se trouve à Kenitra. Les ovoproduits préparés par la casserie sont destinés aux grandes surfaces, restaurants-pâtisseries. L’expédition se fait dans des camions et des voitures réfrigérés qui appartiennent à l’entreprise.

Points de vente

En dehors des supermarchés, les œufs sont vendus en grande partie au niveau des marchés municipaux, les épiceries et chez les détaillants ambulants. En vue de contribuer à l’étude de l’état hygiénique et sanitaire ainsi que les conditions de vente des œufs dans ces points de vente, les enquêtes ont touché un nombre de 4 supermarchés, 4 marchés municipaux et 10 détaillants ambulants. Selon les résultats de l’enquête, 50% des points de vente ont pour activité principale la vente des œufs, et le reste sont spécialisés, en plus de la vente des œufs, dans l’abattage des volailles (tueries). A ce niveau, la totalité des locaux sont dépourvus de cabinets d’aisance. De même, les murs ne sont pas lisses et les raccordements sol/mur et toit/mur ne sont pas arrondis. Soixante-quinze pour cent des lieux de vente présentent un sol rugueux et crevassé et ne sont pas profilé d’une pente pour l’évacuation des eaux de lavage. L’aération et l’approvisionnement en eau potable font défaut ou restent insuffisants dans la majorité des locaux visités.

Le dépouillement des résultats montre que 75% des commerçants s’approvisionnement en œufs à partir du marché de gros; pour le reste, les œufs proviennent des unités d’élevage des poules pondeuses situées dans les régions avoisinantes de Casablanca. Les œufs sont vendus essentiellement à des particuliers et 25% des commerçants vendent une partie des œufs aux traiteurs. Il s’agit surtout d'oeufs cassés qui représentent un pourcentage qui varie entre 1 à 5%.Chez 75% des vendeurs enquêtés, les œufs restent stockés dans le local pour une période de plus de 3 jours. Le stockage a lieu dans des plateaux cartonnés alvéolés, à température ambiante et dans un endroit préservé de la lumière et du soleil (100% des cas). Les lieux de stockage sont dans un mauvais état hygiénique, avec une présence d’odeurs ammoniacales fortes (issues de la volaille vivante) et de saletés sanguines. Selon les résultats de l’enquête; la totalité des employés sont permanents, ne font pas de suivi médical et sont inconscients des risques sanitaires liés à la contamination des œufs. L’hygiène corporelle et vestimentaire est négligée. La totalité des commerçants confirment la rareté du contrôle sanitaire des œufs par l’autorité compétente. Au niveau des marchés, ce contrôle a lieu surtout durant les périodes de forte demande en œufs (Ramadan) ou lors de certains épisodes de toxi-infections alimentaires collectives.

Le dépouillement des résultats, montre que la taille reste le principal critère de triage et de catégorisation des œufs. La taille constitue l’élément primordial de détermination des prix. Les préoccupations des acheteurs au niveau du marché sont le prix, la taille des œufs et la couleur de la coquille. La fraîcheur ou la propreté de l’œuf ne constituent pas des critères de qualité pour les acheteurs. Les critères de qualité des œufs selon les acheteurs au niveau du marché: Prix (100%), taille (100%) et couleur de la coquille (100%), par contre la fraicheur et la propreté de la coquille sont des critères secondaires. Pour les vendeurs (marchés municipaux), Le prix reste le critère de choix de la qualité de l’œuf (75%), suivi de la couleur de la coquille (50%) et de la taille de l’œuf (50%) ; et en dernier lieu vient la fraîcheur (25%) et la propreté de la coquille (0%).D’après nos constatations et les réponses collectés auprès des responsables des rayons produits frais au niveau des quatre supermarchés; 100% des endroits de vente des œufs sont bien entretenus, aérés, et se trouvent en général dans des conditions d’hygiène satisfaisantes. En effet, et contrairement à ce qui se passe au niveau de la majorité des locaux de vente des œufs dans les marchés municipaux, les conditions hygiéniques de commercialisation au niveau des grandes surfaces montre que l’hygiène au Maroc est à deux vitesses. Ce qui incite davantage à une revalorisation et restructuration du secteur tout au long de la chaîne de commercialisation des œufs.

Selon les résultats des enquêtes, 100% des supermarchés s’approvisionnent auprès des centres de conditionnement pour l’achat des œufs de consommation. En plus du consommateur particulier, un parmi les quatre supermarchés, vend ses œufs à des hôtels et à des restaurants. Tandis que pour les trois autres, la principale clientèle est le consommateur. Pour 50% des supermarchés les œufs cassés sont éliminés, 25% vendent les œufs cassés aux traiteurs et aux pâtisseries et 25% les font retourner aux fournisseurs (le retour de la marchandise fait partie des clauses du contrat établi avec le fournisseur). Dans la totalité des supermarchés, les œufs sont stockés durant une période moyenne de deux jours. Les endroits de stockage des œufs sont exempts de mauvaises d’odeurs, propres et préservés de la lumière. Le stockage à froid n’est réalisé que pour un seul supermarché (soit 25 % des cas).Pour 100% des supermarchés, la présentation des œufs à la vente se fait sous la forme emballée, dans des plateaux cartonnés alvéolés et filmés (emballages de 30 unités), ou dans des boites en carton ou en plastique (emballages de 6 ,12 et 24 unités). Tandis qu’un supermarché sur 4, utilise aussi des cartons contenant un nombre de 12 plateaux d’œuf en cartons alvéolés. L’état du personnel au niveau des grandes surfaces se caractérise par une bonne hygiène corporelle et vestimentaire (100%), une sensibilisation à l’hygiène (100%), un niveau d’instruction secondaire et universitaire (100%) et un suivi médical (50%). Pour la totalité des grandes surfaces et en plus du suivi quotidien d’hygiène (réalisé par le service qualité du supermarché), le contrôle sanitaire des œufs est assuré, de manière régulière, par les services vétérinaires. Les critères de choix des œufs selon les responsables des grandes surfaces sont dans 31% la fraîcheur, 30% le prix, 23% la taille de l’œuf et 8% à la fois pour la propreté et la couleur de la coquille. Le prix reste le critère déterminant dans le choix de l’achat par les clients des œufs (100%), suivi par les critères de la fraîcheur (contrairement à ce qui se passe au niveau des marchés municipaux)et du poids de l’œuf (75%). Les critères de la couleur et de la propreté de la coquille représentent 50% chacun.

Détaillants ambulants

Ces détaillants sont très proches aux consommateurs moyens puisqu’ils circulent à l’aide de chariots à deux roues dans les différentes rues de la ville. Certains font même le porte à porte des maisons. Leur nombre est important et sont présents partout même dans les souks de quartiers. Les chariots servant à la fois pour le transport et la présentation des œufs sont conçus de manière artisanale avec du bois ou encore avec du métal. Les œufs se vendent le jour même étant donné que la majorité des vendeurs commercialisent des petites quantités d'oeufs. L’approvisionnement en œufs se fait généralement au quotidien. Le reliquat non vendu dans la journée est stocké à domicile ou dans certains parkings de nuit gardés. Selon les personnes enquêtées, aucune précaution relative aux conditions de stockage n’est prise par les détaillants. L’approvisionnement en œufs a lieu, presque au quotidien, à partir du marché de gros de Casablanca. Les œufs sont vendus au niveau des petits souks ou directement aux consommateurs des différents quartiers populaires de la ville. Les œufs fêlés et/ou cassés sont vendus à bas prix directement aux consommateurs. Le personnel détaillant est dans 50% des cas analphabète; 40% a suivi des études primaires et seulement 10% des études secondaires. D’après les résultats de l’enquête, ce type de détaillants ignore totalement les risques hygiéniques et sanitaires liés à la consommation de l’œuf ; et aucun intérêt n’est porté à l’hygiène corporelle et vestimentaire. L’ensemble des détaillants affirment l’absence totale de contrôle des œufs par les autorités sanitaires. Le triage se fait toujours selon la taille, et l’augmentation de la taille conditionne l’augmentation du prix de l’œuf. Les œufs sont commercialisés dans des plateaux cartonnés alvéolés, généralement réutilisables et présentés à la vente directement sur chariot en plein air. Ils sont très manipulés à la fois par les acheteurs et le vendeur lui-même. Les vendeurs sont préoccupés surtout par le prix des œufs.

Discussion 

Notre étude est une contribution à l’évaluation de la qualité des œufs de consommation et des produits dérivés à travers l’appréciation hygiénique des conditions de production, de transport et de commercialisation. Selon l’autorité sanitaire vétérinaire, ces conditions handicapent le dynamisme de la filière de la poule pondeuse. Les améliorations sont très modestes et limitées à quelques maillons de la filière. Notre étude s’est intéressée à évaluer les aspects hygiéniques par le biais d’un certain nombre d’enquêtes à travers les maillons de la filière poule pondeuse. Toutefois, la taille de l’échantillon des élevages enquêtés reste réduite (2 élevages, soit 8,7% du nombre total). Les enquêtes auraient pu être complétées par des analyses de laboratoire, qui auraient permis de mieux évaluer la qualité sanitaire des œufs.

D’après les résultats des enquêtes, les poules pondeuses sont bien suivies de point de vue sanitaire (vaccins, tests sérologiques, traitements...). L’état sanitaire du cheptel influe directement ou indirectement sur la qualité des œufs produits. Les maladies aviaires se manifestent souvent par une réduction de la consommation alimentaire et par des perturbations au niveau de la formation de l’œuf. L’incidence des maladies virales impactent dans la plupart des cas, les performances zootechniques et la qualité de la coquille et de l’albumen. A titre d’exemple, les effets de la bronchite infectieuse sont bien connus : diminution de la pigmentation et de la solidité des coquilles, liquéfaction importante de l’albumen, augmentation du pourcentage d’inclusions, fréquence plus élevée des œufs à coquilles déformées et annelées (Protais et al., 1982). Les bactéries peuvent également pénétrer dans les œufs lorsque la coquille n’est plus intacte (perte de cuticule, fêlures, souillures...). C’est le cas des contaminations résultant de la pénétration des Salmonelles, des E. Coli... L’incidence des mycoplasmes sur la production et la qualité est en revanche controversée (Spackman, 1987).Certains parasites, souvent présents dans les élevages au sol, peuvent altérer aussi la qualité de la coquille. La dégradation de la qualité peut être aussi attribuée à la présence de certaines substances chimiques (pesticides, fongicides, ...) ou à l’incorporation de certains médicaments dans l’aliment. Outre les résidus qu’ils peuvent laisser dans les œufs, nous rappellerons les effets bien décrits de quelques-uns de ces agents comme la nicarbazine (dépigmentation de la coquille, marbrures du vitellus), la pipérazine (décoloration du vitellus, marbrures) et certains insecticides (marbrures),... (Spackman, 1987). Le ramassage se fait mécaniquement plusieurs fois par jour; ceci est avantageux car de nombreuses fêlures sont provoquées par les chocs mutuels des œufs (Sauveur, 1988).Les œufs devraient être ramassés aussi fréquemment que les conditions climatiques l’exigent. Le ramassage deux à trois fois par jour a été jugé satisfaisant. Les œufs devraient être manipulés aussi peu que possible. Il est indispensable de prendre, pendant le ramassage et l’entreposage, des mesures visant à prévenir la contamination de la coquille par des souillures (à partir du personnel, des animaux, des insectes, de la vermine et des oiseaux) et par des agents de contamination chimiques qui impactent la qualité microbiologique des œufs. Bien que la température de stockage des œufs stipulée par la loi 49-99 soit de 15°C, l’emmagasinage des œufs se fait à température ambiante au niveau des élevages, du marché de gros et des marchés municipaux. De point de vue température de stockage, une valeur de 10 à 12°C est conseillée pour minimiser le phénomène d’évaporation des œufs. L'oeuf craint également les basses températures, les points de congélation de l’albumen et du vitellus se situent respectivement à -0,42°C et - 0,59°C. Un bâtiment isolé thermiquement du milieu extérieur, constitue le meilleur lieu pour le stockage des œufs car il s’avère indispensable pour lutter contre les températures élevées de l’été et basses de l’hiver (Protais ,1988).Théoriquement, la composition globale de l’œuf n’est que peu affectée par la température de stockage durant les premiers jours de conservation. La température au cours du stockage, affecte surtout les propriétés technologiques et la qualité microbienne de l’œuf (Sauveur, 1988). Ainsi, un stockage à température ambiante dégrade considérablement la qualité de l’œuf et peut entraîner des problèmes de santé publique surtout en relation avec les salmonelles, sachant que la pénétration horizontale de Salmonella spp.est influencée par de nombreux facteurs, notamment la contamination superficielle initiale de la coquille, son intégrité et des facteurs environnementaux de température et d’humidité (Messens et al., 2005). De plus, toute élévation de la température d’élevage au-delà de 16°C, se traduit par une diminution progressive du poids de l’œuf (Sauveur et Picard, 1987). Le stockage des œufs est généralement influencé par deux facteurs : La durée et la température de conservation. Sauveur (1988) a montré qu’à une humidité relative constante, la perte de poids varie de façon exponentielle avec la température. En effet, avec une humidité relative de 80%, la perte moyenne de poids est de 11 à 17 et de 35 à 50 mg/j/œuf respectivement à 0 et à 20°C. Pour pallier à ce problème de perte de poids, il serait bénéfique de refroidir les œufs dès que possible après la ponte (12 à 15°C) dans un local ou l’humidité relative est suffisamment élevée (70 à 80%) (Thapon et Bourgeois, 1994).Par ailleurs, plus la valeur de la température est élevée, et la durée de stockage est augmentée ; plus la fuite du CO2 au travers de la coquille est importante (Mueller, 1958). Cette fuite entraîne des altérations surtout au niveau du blanc de l’œuf avec les changements suivants:

• Une élévation de la valeur du pHqui passe de 7,4 à 9,2-9,5 en 3 à 6 jours. Ce problème peut être résolu par l’obturation des pores de la coquille avec de l’huile, de la cire...ou encore placer les œufs dans une atmosphère riche en CO2 (Thapon et Bourgeois, 1994);

• Des variations au niveau de la structure: la plus évidente est la liquéfaction du blanc, caractérisée par une diminution du blanc épais au profit du blanc liquide. Elle s’accompagne aussi d’une migration du jaune vers le point le plus haut de l’œuf. Ainsi les unités de Haugh diminuent en fonction de la durée de conservation et ce d’autant plus rapidement que la température est élevée.

Il faut noter aussi qu’au cours de la conservation, il se produit un passage de l’eau et des minéraux du blanc vers le jaune à travers la membrane vitelline (Sauveur, 1988). Pour diminuer ces effets indésirables, il faut proscrire le stockage prolongé des œufs à température élevée (>20°C) et éviter des variations importantes de températures qui peuvent être à l’origine de condensations de la vapeur d’eau sur l’œuf, favorables à la pénétration bactérienne. Le transport des œufs au niveau de tous les maillons de commercialisation, se fait souvent dans des engins servant aussi à d’autres tâches (transport de personnes, d’aliments...). Ces engins ne sont que très rarement dotés d’une isolation thermique et ne font pas l’objet de nettoyage et de désinfection réguliers. Selon les dispositions de la loi 49-99, les œufs destinés à la consommation humaine doivent être entreposés et transportés dans des conditions telles qu’ils soient maintenus propres, secs, exempts d’odeurs étrangères et préservés efficacement des chocs, des écarts excessifs de température et de l’action de la lumière. L’éventualité de contamination et d’altération de la qualité de l’œuf est donc très présente. Aussi, et par manque d’isolation thermique des moyens de transport (transport des œufs en coquille destinés à la consommation humaine doit se faire à température maximale de 15°), il y aura probablement production de phénomène de condensation (points de rosée) à la surface des coquilles, et vraisemblablement une pénétration des bactéries dans l’œuf. Les camions de transport des œufs, qui circulent entre le marché de gros et les élevages, doivent subir une décontamination systématique, complète et une surveillance rigoureuse pour ne pas constituer une source de contamination des œufs et un support de transmission des maladies entre élevages. Le matériel utilisé pour le transport des œufs devrait être à usage unique ou permettre d’être nettoyé et entretenu facilement et dans des conditions telles qu’il ne constitue pas un foyer de contamination pour les œufs.

La majorité écrasante des ouvriers des unités d’élevage de poules pondeuses, les vendeurs du marché de gros et des marchés municipaux ainsi que les détaillants et contrairement au personnel des grandes surfaces et des centres de conditionnement des œufs ne font pas l’objet de suivi médical et ne sont ni sensibilisés ni informés sur les règles élémentaires d’hygiène. Il est connu que beaucoup d’agents de maladies (chez des malades ou des porteurs sains) sont transmis de l’homme aux aliments manipulés. Cet état du personnel constitue probablement un risque non négligeable de contamination des œufs. Par ailleurs, le suivi médical du personnel dans le cas du marché de gros n’est pas respecté et se fait d’une manière irrégulière ce qui montre en plus l’ignorance des risques liés à la négligence des aspects sanitaires et hygiéniques. Le travail et la manipulation des œufs doivent être effectués par un personnel portant des vêtements et une coiffe propres. Ce personnel est tenu de se laver et de se désinfecter les mains plusieurs fois au cours de la journée et à chaque reprise du travail. Le risque, dorénavant réside et s’amplifie en absence de sensibilisation et de formation à l’hygiène des œufs. En premier lieu, il faudrait commencer par l’alphabétisation des employés et des vendeurs (41% d’analphabète au niveau du marché de gros) ce qui faciliterait la transmission de l’information. Ensuite, ce personnel doit être sensibilisé et formé de façon théorique et pratique, sur les aspects généraux de l’hygiène. Une constatation importante mérite d’être soulevée au niveau du marché de gros : l’emplacement des locaux de vente des œufs de part et d’autre d’une ruelle, les exposent à une forte pollution. Les enquêtes faites au niveau du marché de gros et les marchés municipaux ont montré que les locaux ne respectent ni les principes, ni les règles d’hygiène de la réglementation en vigueur. Ce manque d’hygiène constitue un risque considérable de contamination (Senhaji, 1984). Il est connu que le plancher et les murs peuvent servir, lorsque le nettoyage/désinfection n’est ou ne peut pas être effectué à fond, de loge pour certains microorganismes qui vont se multiplier de manière excessive et contaminer les œufs (Lahellec, 1987). Seules les grandes surfaces, la casserie, et le centre de conditionnement disposent de toilettes. Dans les autres points de vente et hormis la seule et unique toilette du marché de gros; les toilettes restent absentes. D’une façon analogue, l’approvisionnement en eau potable est très insuffisant au niveau du marché de gros et marchés municipaux ; cette insuffisance entraîne la négligence de lavage des mains ou même un lavage avec de l’eau souillée. Ce qui va engendrer un risque de contamination. Dans les élevages, l’eau constitue un nutriment essentiel qui permet d’assurer un entretien et une production normale des poules. Le problème ne se pose pas dans les élevages visités puisqu’ils utilisent pour l’abreuvement de l’eau traitée et analysée chimiquement et bactériologiquement. Nous avons catégorisé trois types de revendeurs d’œufs: ceux qui vendent les œufs avec la volaille vivante, ceux qui pratiquent la vente des œufs uniquement mais au niveau d’un local et les détaillants ambulants qui circulent au niveau des quartiers.

La vente des œufs en même temps avec la volaille, les expose à un grand risque de contamination. Cette vente simultanée est interdite par la loi 49-99. De même, les œufs sont présentés à la vente soit dans des plateaux cartonnés alvéolés, soit dans des caisses en bois, ou dans des boites cartonnées de récupération, remplies de paille pour minimiser les risques de bris de coquille. Les caisses en bois favorisent l’accumulation des saletés et de germes tout autour de la paroi. De façon analogue, l’utilisation des plateaux cartonnés et leur exposition à toutes sortes de pollution de l’environnement, ne permettent aucune garantie d’hygiène de l’œuf. Les poussières provenant des opérations de balayage viennent se déposer sur les œufs. Un tel acte contribue énormément à la souillure des coquilles des œufs. Sachant, que les contaminations majeures des œufs sont d’origine exogène, la coquille est contaminée soit à partir du cloaque de la poule, soit par les bactéries issues de la surface sur laquelle est déposé l’œuf (Thapon et bourgeois, 1994).Le nombre des microorganismes par coquille, augmente de l’élevage aux lieux de vente, en moyenne de 9,5.103 à 3,1.106 (Board, 1969). Généralement, ce sont les bactéries à Gram positif qui dominent, du fait de leur résistance à la dessiccation et de leur abondance dans le sol et la poussière. Signalons également, la présence permanente des intermédiaires, qui pratiquent la vente des œufs directement dans les camions au bord de la route et en plein air. Selon les enquêtes, les plateaux cartonnés de conditionnement qui sont encore propres en apparence sont stockés dans le magasin, en vue d’une éventuelle réutilisation. Cette pratique non hygiénique est normalement proscrite, étant donné le risque sanitaire que présente le carton, à permettre la survie voire même la multiplication des germes (œufs cassés et/ou fêlés) et la contamination des œufs. Pour 100% des supermarchés, la présentation des œufs à la vente se fait sous conditionnement en plateaux cartonnés alvéolés et filmés (conditionnements de 30 unités), ou dans des boites en carton ou en plastique (conditionnements de 6 ,12 et 24 unités). Ce type de conditionnement, préserve l’œuf de la contamination par la manipulation et le met à l’abri des aérosols contaminants ou de la poussière. Dans ce sens, Il faut encourager l’installation d’autres centres de conditionnement au Maroc. Ces derniers constituent des maillons indispensables en matière d’organisation de la production, de régulation du marché, de stabilisation des cours et de garantie de la qualité hygiénique et sanitaire des produits avicoles.

Selon les personnes enquêtées, le contrôle des œufs au niveau du marché de gros et les marchés municipaux, se fait surtout durant les périodes de forte demande (Ramadan,...) ou lorsqu’il y a déclaration ou notification de foyers de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC). Cette insuffisance en termes de contrôle, ouvre la voie à la fraude, et agit négativement sur la salubrité des œufs. Pour la totalité des grandes surfaces, en plus du suivi quotidien d’hygiène (réalisé par le service qualité du supermarché), le contrôle sanitaire des œufs est assuré, de manière régulière, par les services vétérinaires. Le prix et la taille, représentent les principaux critères de choix des œufs selon la majorité des vendeurs du marché de gros et des détaillants. Les critères fraîcheur de l’œuf et de propreté de la coquille sont très secondaires. Ce qui témoigne encore une fois de l’ignorance des bases élémentaires de l’hygiène et d’assurance qualité des œufs. D’après les résultats de l’enquête, les œufs cassés ou fêlés sont vendus à prix bas, aux pâtisseries et aux traiteurs. Ce type d’œufs constitue une source majeure de contamination de l’homme par des bactéries type Salmonella, E. coli et Staphylococcus aureus. Ces deux germes sont les plus incriminés dans les foyers de TIAC notifiés au Maroc. La multiplication des salmonelles est très rapide dans le jaune de l’œuf. Ce dernier, constitue un milieu de culture idéal, surtout si les œufs sont entreposés à température ambiante (Messens et al., 2005). Aussi, la multiplication des salmonelles dans l’œuf est minime à faible température mais rapide à température élevée. Pour cela, il est conseillé d’utiliser des œufs frais pour minimiser les risques de contamination (Sauveur et al., 2004).Normalement, le contenu de l’œuf issu d’une poule saine est stérile. Certes, la cuticule, la coquille et les autres structures naturelles de l’œuf le protègent contre toute contamination exogène.

La probabilité de contamination trans-ovarienne est très faible par les salmonelles. Mais au moment du cassage, le contenu interne de l’œuf entre en contact avec l’air ambiant et souvent avec la partie externe de la coquille, souvent contaminée par une multitude d’agents microbiens (bactéries, champignons et levures) apportés souvent par les fientes, les poussières, les mains du personnel, et le matériel utilisé (Thapon et Bourgeois, 1994).Nombreuses sont les sources de salmonelles ; les élevages avicoles ont toujours constitué une source potentielle de germes impliqués aussi bien dans la pathologie animale qu’humaine. Cette caractéristique relève de plusieurs facteurs dont les principaux sont l’élevage en masse de la volaille (Amaqdouf et Asri, 1996), l’interaction de plus d’un vecteur porteur de la contagion (homme, volaille, vermines, aliment...) (Lecoanet, 1992), la difficulté d’une application correcte et stricte de la prophylaxie sanitaire, l’ubiquité des germes isolés au sein des élevages avicoles (Salmonelles, Campylobacters, Staphylocoques...) (Humbert, 1992) et l’absence d’une rationalisation de l’emploi des antibiotiques à titre curatif et préventif (Amara et al., 1995).La transmission des souches bactériennes d’origine aviaire à l’homme est fréquente et constitue une menace constante pour la santé publique. Parmi les produits avicoles, l’œuf de consommation est souvent incriminé (Perales et Audicana, 1989). La coquille, bien que constituant une véritable barrière mécanique à la contamination interne de l’œuf par les micro-organismes, présente un danger potentiel pour la santé publique par le biais de la contamination croisée (Anonyme, 1996). La coquille constitue également la voie de pénétration des germes pathogènes ou d’altération à l’intérieur de l’œuf (Sparks et Board, 1985). Pour prévenir le risque, il est conseillé aux consommateurs de n’utiliser, dans les préparations à base d'oeufs à l’état cru, que des œufs extra frais (de moins de 8 jours) et d’appliquer une bonne cuisson (œufs cuits durs) aux œufs les plus âgés (Sauveur et al., 2004).

La casserie visitée respecte les trois principes d’hygiène: marche en avant, non entrecroisement des circulations, et principe de la séparation du secteur propre et du secteur souillé. L’encouragement de telle industrie va apporter beaucoup d’atouts à de nombreuses autres industries agroalimentaires qui utilisent les ovoproduits en tant que matières premières (biscuiteries, charcuteries, pâtes…), mais également à des industries non agroalimentaires(cosmétologie, pharmacie…).

Conclusion

L'oeuf a été considéré depuis toujours comme aliment de haute qualité nutritionnelle pour l’homme. Les améliorations considérables apportées à la production de l’œuf ont beaucoup diminué son prix de revient et ont en fait une source de protéines et de lipides animaux de faible coût. La qualité de l’œuf est déterminée en partie avant la ponte, mais surtout après celle-ci. La dégradation de cette qualité intervient très rapidement après la production de l’œuf, à la faveur de mauvaises conditions de température, d’humidité et d’hygiène, et elle est irréversible. A l’issue de cette étude, nous dégageons les conclusions suivantes:

• Plusieurs acheteurs grossistes s’intercalent entre le producteur aviculteur et le consommateur. Les moyens de transport, seul outil de production dont ils disposent, sont fréquemment utilisés pour diverses tâches. Ces moyens sont non conformes et n’assurent pas la salubrité des œufs. De plus, les visites successives à plusieurs élevages et le manque de procédures efficaces de nettoyage et de désinfection font du transport une opération à haut risque de contamination;

• Le marché de gros joue un rôle capital dans la région; loin d’être un simple lieu de vente, il représente un point de passage quasi-obligatoire pour l’ensemble des œufs vendus. Il est aussi une source fiable de données et une structure efficace d’harmonisation des cours. Cependant, il représente une source importante de propagation et de dissémination des germes;

• Les informations recueillies à ce niveau, permettent de dégager la grande importance des œufs de poule par rapport aux œufs des autres espèces, aussi bien au niveau de l’offre que de la demande;

• L’infrastructure au niveau du marché de gros et des marchés municipaux est précaire et se caractérise par l’abondance de divers locaux artisanaux, dont la conception a des conséquences néfastes sur la qualité de l’œuf;

• L’effectif considérable des points de vente des œufs et l’absence d’organisation, en dévoile une situation anarchique et incontrôlable;

• L’encombrement du schéma général de commercialisation, est ressenti par le consommateur sous forme de discordance entre les prix au marché de gros et ceux affichés aux points de vente au détail. Cette différence est ponctionnée par les divers intermédiaires greffés sur les circuits de distribution;

• La conception de la totalité des locaux, ne respecte ni le principe de séparation entre zone souillé et zone saine, ni celui de la marche continue en sens unique du produit;

L’état défectueux des murs, planchers, et plafonds d’une grande partie des locaux, est en mesure de nuire à la qualité de l’œuf;

• Les opérations de nettoyage et de désinfection sont très insuffisantes et mal appliquées;

• Au sein des locaux de vente, les installations et les équipements sont aussi en mauvais état. L’absence totale de système efficace de ventilation et le défaut fréquent d’approvisionnement en eau sont des facteurs favorisant la contamination du bâtiment et des œufs;

• L’état sanitaire et vestimentaire du personnel entrant en contact avec les œufs, n’offre aucune garantie contre les transmissions de contaminations. De même, une grande partie des ouvriers soufrent de l’alphabétisation et n’ont jamais reçu de formation ou de sensibilisation à l’hygiène;

• D’une manière générale, les bâtiments, l’équipement, et l’état du personnel, au niveau du marché de gros, et des marchés municipaux ne répondent pas aux exigences d’hygiène de la loi 49-99. De plus, les possibilités de transmission de germes de l’homme aux œufs et la forte pollution de l’environnement, assombrissent davantage la situation.

Cependant, l’hygiène est généralement respectée au niveau des grandes surfaces, des centres de conditionnement et dans l’unique unité de cassage des œufs au Maroc. Pour dépasser cette situation, il s’avère nécessaire de déployer encore plus d’efforts pour la mise à niveau du secteur avicole, par l’organisation des activités aval de la production et par la modernisation des moyens de transport, de conditionnement, et les conditions de stockage afin d’approvisionner le consommateur en produits salubres et de qualité. De même, il est nécessaire de promouvoir l’implantation d’autres unités de fabrication des ovoproduits au Maroc pour faire écouler l’excès au niveau des périodes de surproduction en œufs et approvisionner le consommateur et d’autres industries (biscuiterie, de desserts, crèmes glacées, sauces et assaisonnement, pâtes alimentaires et pâtisseries) en ovoproduits variés et de bonne qualité.

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