Résumé

On présente une étude prospective concernant l’impact probable des changements climatiques sur les systèmes de culture et d’élevage au Maroc. D’après le constat de terrain et dans les limites de ce que signifie ce genre d’étude, l’effet direct du réchauffement climatique peut conduire à terme (et c’est déjà le cas dans certaines contrées) à la nécessité d’une redistribution variétale pour des espèces exigeantes en froid comme les rosacées. Des variétés de pomme, telle que le groupe des Golden, risquent de disparaître des montagnes pour laisser la place à d’autres moins exigeantes comme le groupe des Gala. Le bananier et l’avocatier risquent de migrer vers les régions un peu plus continentales, l’olivier et les agrumes un peu plus vers le pied de la montagne. Le réchauffement climatique peut aussi obliger à faire évoluer les systèmes d’élevage et de culture en faisant déplacer la frontière de la sécheresse un peu plus vers le centre et le nord du pays; l’aride serait peut-être envahi par la désertification, le semi-aride passerait en partie à l’étage aride et le Bour dit favorable en partie dans le semi-aride. Comme corollaire à ce changement, il faudrait s’attendre à une perte de potentiel de ressources en eau qui obligerait probablement à abandonner les cultures pour le grain dans l’étage aride où il n’y aurait plus suffisamment de pluie, au profit de l’élevage, et à revoir les systèmes de culture en introduisant un peu plus d’aridoculture et de variétés plus précoces dans les autres étages d’agriculture pluviale. Dans les grands périmètres irrigués, par manque d’eau l’on serait dans l’obligation de soustraire de ces périmètres toute culture grande consommatrice d’eau telles que le riz et la canne à sucre et, pour des impératifs d’une meilleure valorisation de ce qui va rester, à ne garder que des cultures à forte efficience et fortement rémunératrices. La sécheresse excessive prévisible par certains modèles récents suggère aussi un besoin plus important en barrages dans les plus brefs délais possibles afin de profiter des années très pluvieuses à apports d’eau exceptionnels. Mais, il faudrait aussi optimiser la gestion de cette eau en évoluant rapidement vers la généralisation de l’irrigation localisée et en transférant l’excédent d’eau vers les autres régions déficitaires. Quoi que cela puisse paraître encore lointain, l’eau de mer en tant que ressource inépuisable pour l’irrigation est la vraie solution à terme à condition de lui trouver le déclic technologique pour un usage en grande agriculture à l’instar de l’eau conventionnelle ou de découvrir des variétés permettant de l’utiliser en l’état. Au Maroc, il faudrait penser au dessalage au moyen d’énergies renouvelables (solaire, éolien) et à l’utilisation de cette eau dans une première phase, dans les zones côtières où climat, qualité des terres, soleil et vent sont très favorables à ces projets. Pour anticiper l’avenir au plan sécurité alimentaire du pays, il faudrait envisager l’emploi de ressources facilement mobilisables pour combler le déficit structurel en amidon de blé et en protéines animales. L’étude suggère le recours à d’autres sources d’amidon que le Maroc peut produire aisément comme la pomme de terre, et pour le déficit en protéines, une plus forte consommation de ressources halieutiques encore largement sous utilisées par la population.


Mots-clés: Changements climatiques, système de culture, systèmes d’élevage, biotechnologies, Maroc.

INTRODUCTION

Le climat du Maroc est de type méditerranéen à dominante aride. Il est caractérisé par deux saisons plus ou moins d’égale durée, en perpétuelle alternance. La première, humide et un peu froide, s’étalant de novembre à avril et la seconde sèche et chaude, allant de mai à octobre. Au plan géographique, ce climat peut également être caractérisé par deux axes d’aridité progressive, de pluviosité dégressive en fonction de la latitude. Un axe majeur de plus de 1600 km reliant Tanger à Dakhla et un axe mineur d’un peu plus de 400-500 km, pouvant en première approximation, être représenté par la ligne Rabat - Oriental ou Rabat-Bouarfa. Du fait du rôle vital de l’eau en agriculture, à ces axes est associée une notion corrélative de degré de vulnérabilité des systèmes d’élevage et de culture et, depuis l’avènement des nouveaux changements climatiques, une notion additionnelle de risque de basculer dans le «pire», fonction entre autres mais surtout, de l’aggravation de la sécheresse à laquelle on s’attend dans chaque étage d’aridité. Étant donné les conditions de sécheresse déjà très graves héritées du passé, indépendamment de tout changement nouveau, le «pire» est ici défini comme une forme de bouleversement climatique-surprise ou s’installant à terme, qui déstabiliserait totalement le système d’élevage et agricole en place et/ou qui en affecterait irréversiblement la durabilité. Pour ne pas rester vague, disons par exemple l’apparition d’épisodes de sécheresse de durée et d’intensité jamais vue dans l’histoire récente du Maroc, plus grave que celle des années 80. Un scénario qui aura comme conséquences une perte de potentiel drastique et irréversible de ressources tributaires de la pluie, par rapport à un potentiel de référence. Par exemple le volume d’eau régulé par les barrages eu égard à un volume de référence conventionnel égal à 15 milliards de m3 quand le Maroc aura terminé son programme de construction des barrages (Bouaicha et Benabdelfadel, 2010), ou encore le volume en céréales produit par rapport à un volume de référence égal à 100 millions de qx quand il aura mis à niveau l’ensemble de son secteur céréalier (Aït Houssa et al., 2016).

Un changement climatique sous-entend la mise en évidence statistique, d’une différence significative de la variation observée ΔV sur la grandeur G utilisée pour caractériser ce climat (température, pluie, grêle, gelée,…), sous l’effet d’un facteur (ici le réchauffement climatique) qui la fait passer de la valeur G0 à la valeur G. En climat méditerranéen, la mise en évidence de cette variabilité pour la pluie n’est malheureusement pas chose aisée, du fait de la variabilité intrinsèque très importante ΔV0 qui caractérise déjà cette grandeur, indépendamment de tout changement climatique nouveau (Aït Houssa et Benbella, 1981; Aït Houssa et al., 2014). C’est un inconvénient d’importance majeure et il n’est pas le seul. Il faudrait aussi disposer de bases de données suffisantes et représentatives d’un réel cycle climatique très long pour opérer les calculs (Aït Houssa et al., 2016).

En dépit de la marge d’incertitude qu’elles comportent, les études effectuées sur le Maroc restent dans l’ensemble cohérentes avec les conclusions obtenues dans d’autres régions du monde par divers groupes de travail, notamment le GIEC/IPCC (1995, 1997). Selon les modèles les plus récents, à l’horizon 2050, le réchauffement climatique en cours, conduirait selon toute vraisemblance, à un accroissement de température entre 2,3°C et 2,9°C, à une baisse des précipitations entre 13% et 30%, avec comme conséquences évidentes une baisse de la ressource en eau globale entre 16 et 22 % et des rendements des cultures (Senoussi et al., 1999; Sinan et al., 2009; FAO, 2014).

Dans cet article, on rappelle le degré de vulnérabilité spécifique à chaque étage climatique au Maroc (1), les risques potentiels additionnels que les changements en cours présentent pour les systèmes d’élevage et de culture dans chaque étage (2), puis l’éventail de solutions s’il y en a, que l’agronomie et la biotechnologie peuvent leur apporter (3).

Pour le besoin de l’étude, on subdivisera le Maroc, comme le proposent les agronomes de terrain, en sept zones qui sont l’étage climatique désertique avec ses oasis (isohyète P <100 mm), l’étage aride (200 450 mm), les zones de montagne, les grands périmètres irrigués et enfin la ceinture littorale.

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET RÉGIONS DÉSERTIQUES

Avec plus de 471.000 km2, le désert représente l’essentiel du sud et de l’est du Maroc. C’est un milieu particulièrement aride où les changements climatiques de la fin du tertiaire ont déjà produit les effets néfastes maximum (Arambourg et al,, 1953; Zohary, 1973). A la limite, il n’y a plus grand-chose à craindre concernant l’avenir agricole de la partie ‘pluviale’ de cet espace, puisque les ressources végétales y sont déjà à leur niveau plancher, et en équilibre naturel avec la sévérité du climat.

Dans ce désert, généralement utilisé comme parcours pour les élevages extensifs de dromadaires, caprins et ovins, très peu nombreux sont les projets de réhabilitation qui ont été réalisés, avec d’ailleurs peu de succès et peu d’impact positifs. L’effort de l’État y est limité généralement à la création de points d’abreuvement et de contrôle sanitaire du cheptel. L’immensité du territoire concerné, la difficulté d’y réaliser aisément des progrès significatifs, la capacité limitée du pays pour y promouvoir l’élevage en particulier, en sont les raisons majeures.

C’est dans la partie oasis de ces déserts que des procédés ingénieux de biotechnologie et d’agronomie ont été inventés et appliqués depuis des siècles. Le plus connu est le concept binaire ou ternaire en strates (Toutain, 1979; Resagro, 2016). Il combine des cultures basses (maraîchage/fourrage), avec parfois en dessus un second étage d’arboriculture, l’ensemble protégé par une interface biologique en palmier dattier, résistante à la pression du climat sec et venté environnant (Rôle de brise-vent, de régulateur d’ambiance de température et d’hygrométrie).

Dans le cadre du plan Maroc-Vert pour la relance de l’Agriculture, ces oasis sont déjà fortement concernés par le recours à la biotechnologie et à la technologie agricole d’une manière générale, dans le but d’une meilleure valorisation des ressources hydriques disponibles. Les récents projets de rosier pour la concrète et de plantes médicinales et aromatiques dans la vallée du Dadès, équipés en goutte à goutte, les projets de tomate sous serre à Dakhla, avec des variétés indéterminées très valorisantes de l’unité de volume d’eau consommée (250-300 T/ha) en sont des exemples. Mais le plus grand projet du Maroc reste le programme d’accélération de la réhabilitation des palmeraies du pays dans l’Oriental, à Souss-Massa, Goulimine-Oued Noun et Draa-Tafilalet (Tableau 1). Grâce aux laboratoires de production des vitroplants, 2,9 millions de plants sont prévus d’ici à 2020, avec comme variété tête de liste, le Mejhoul en raison surtout de sa qualité et de son prix élevé sur le marché, mais aussi les autres variétés de qualité un peu moindre mais tolérantes à la maladie du Bayoud, comme Boufegouss, Bousekri, Nejda, Elfayda, Degulet Nour, Soukkari, NP3, NP4 (Guennouni, 2012; Sedra, 2012).

En termes de durabilité, il faut bien faire la distinction entre l’eau de surface dont profitent les vallées oasiennes et l’eau des aquifères autour de ces vallées. La première est une ressource renouvelable, son exploitation ne soulève a priori aucune objection particulière concernant sa durabilité si ce n’est d’ajuster les programmes de culture à la baisse de disponibilité que le changement climatique aura produit dans l’avenir, dans chaque oasis. Il n’en est pas de même des aquifères où la biotechnologie et la technologie agricole d’une manière générale (micro-irrigation, fertigation, protection,…), risquent d’être une arme à double tranchant. Tout en mettant à la disposition du producteur d’excellentes variétés sur le plan commercial, en augmentant considérablement la productivité/ha et en améliorant l’efficience de l’eau, l’on craint qu’elles soient en même temps des facteurs accélérateurs de tarissement de la nappe en cas d’exploitation minière à la manière de Guerdane dans le Souss il y a 30 ans (Nakhli, 2011; Kedima, 2014). Cette eau qui est d’une valeur particulière, soit parce que la nappe n’en recèle pas beaucoup, soit parce qu’elle est fossile et non renouvelable, ou que l’aquifère en contient en quantité appréciable mais représente un capital précieux de l’écosystème qui lui fait mériter un effort de valorisation spéciale sous surveillance.

Après Zagora, dans le Draa, où l’État a déjà décrété l’arrêt de cultures grandes consommatrices comme la pastèque précoce, faute d’eau, c’est vers la vallée d’Erfoud et environs que les regards sont maintenant tournés, par suite des milliers d’ha de palmier dattier programmés autour de ces oasis (Resagro, 2016).

Il faudrait aussi parler durabilité économique. Une tomate produite à Dakhla et envoyée sur l’Europe (plus de 8000 km aller/retour), sera-t-elle rentable surtout par camion avec des coûts de transport qui peuvent excéder 7500 Euros/voyage (Aït Houssa, 1996). Les marchés africains ne sont-ils pas plus indiqués que ceux de l’Europe. Le Mejhoul est un produit comme les autres, il obéit à la loi de l’offre et de la demande. Vendu aujourd’hui à 80 Dh/kg, le sera-t-il encore dans quelques années quand l’ensemble des projets en cours seront à leur plein régime de production.

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET RÉGIONS AGRICOLES ARIDES

C’est un espace où il pleut entre 150 et 300 mm/an selon les campagnes et où s’alternent épisode de faible pluviométrie et d’extrême aridité avec prédominance de cette dernière. C’est le continuum spatio-climatique naturel du désert avec lequel il partage plusieurs points de ressemblance. Il partage avec lui le type de système d’élevage dominé par les dromadaires et les caprins, auquel il faut ajouter les ovins en extensif, à mesure qu’on remonte vers le centre du pays, mais aussi l’absence de ressource fourragère suffisante en années d’extrême sécheresse. Il en diffère par contre par l’apparition à partir d’une certaine latitude d’iso- pluie (200-300 mm/an), d’une agriculture vivrière avec des systèmes de type céréales pour le grain et jachère non travaillée pour le pâturage des animaux. Dans ces régions, l’espérance réelle de produire du grain n’est que d’une année sur 4 ou 5 avec en plus des productivités insignifiantes de 5-6 qx/ha en cas de terrains squelettiques ou peu profonds. Souvent, faute de pluie, la céréale pour le grain se dessèche tôt et la masse végétative produite est consommée directement en parcelle à l’état fané par les animaux. Chaque début de campagne, il y a une partie des terrains qui partent avec un statut de terrains agricoles mais avant même la fin de l’hiver ou le début du printemps, repassent au statut de terrains de pâturage. Et, pression de sécheresse oblige, l’ensemble de l’espace est finalement exploité comme s’il était un espace de parcours semi-désertique.

Avec une hypothèse pessimiste d’un emballement climatique dans l’avenir, accompagné d’une plus grande aggravation de la sécheresse en durée et en intensité, cet espace déjà très vulnérable sera donc le premier à être menacé d’intégrer la désertification.

En outre, beaucoup parmi ces régions ont comme inconvénient majeur, en plus de l’aridité, une qualité des terres médiocre. Des sols squelettiques ou de texture grossière, ou de profondeur limitée de type rendzine, avec une capacité de rétention en eau faible qui n’aide pas à valoriser le peu de pluie hivernale.

Si pour différentes raisons, la monoculture de céréales pour le grain doit impérativement continuer dans ces régions, en cohabitation avec l’élevage, l’espoir de préserver la durabilité du système en place face à une sécheresse éventuelle encore plus pressante, nous semble plus porté par la biotechnologie et l’amélioration génétique que par l’agronomie. Le plan A consisterait à se procurer, si elles existent déjà dans les catalogues actuels, des variétés de céréales précoces particulièrement résistantes à la sécheresse ou à défaut engager la recherche pour en créer.

Du blé de type Y-Rojo à cycle très court, importé d’Amérique latine dans les années 90 pour essai conviendrait probablement à ces régions quoi que d’un aspect roux, il est peu apprécié par le consommateur. Sur le plan agronomique, il y a aussi l’idée de l’usage de gels de silice ou de polyacrylate de potassium pour l’amélioration de la réserve utile du sol, mais le coût très cher de ces produits est incompatible avec la petite marge des céréales en régions arides. Ou encore la possibilité d’allier à l’effort de recherche variétale, comme certains auteurs l’ont suggéré (Aït Houssa et al., 1998), l’idée d’un peu plus de Dry Farming dont l’importance en nombre d’ha et en nombre d’années, est établi selon une roue de raisonnement utilisant l’année sèche comme outil d’aide à la décision.

A défaut du plan A ci-dessus, le plan B serait une reconversion totale de ces régions au profit de la production fourragère avec introduction à la place du blé pour le grain, d’espèces plus tolérantes à la sécheresse comme l’orge, le triticale, l’avoine, semées denses pour produire plus de biomasse exploitable tôt, soit directement soit à l’état immature comme foin. C’est une solution difficile qui doit être acceptée par le producteur et prouvée comme étant économiquement plus rentable.

Dans les régions arides, en particulier, il y a toujours eu et il y aurait encore davantage d’épisodes de disette de 4-5 années d’affilée à l’image de 1980-1985, où un plan C de sauvegarde du cheptel est inévitable. Traditionnellement, c’est le recours à des plantes xérophiles telles que le cactus, le palmier nain, les asphodèles mais aussi l’arganier ou le chêne vert, quand on est proche du domaine forestier. Habitué depuis très longtemps à ces crises, l’État a déjà quelque peu devancé les événements en plantant à titre de démonstration, d’importantes superficies de terrains rocailleux de cactus, ressource utilisable en industrie certes, mais aussi comme aliment de bétail dans les cas ultimes. Mais la question demeure comment en faire un programme plus étendu chez les populations qui, pour l’instant, ne donnent pas l’impression d’être convaincues que nous sommes à la veille d’un réel changement climatique où il faudrait se préparer à des conditions plus draconiennes que par le passé.

L’aggravation des conditions climatiques dans l’avenir dans les régions arides suggère aussi des cheptels plus rustiques composés de races locales qui valorisent mieux les fourrages pauvres et plus adaptées aux conditions rudes de ces régions.

En parlant de durabilité agricole et/ou d’élevage, avec ou sans changement climatique, il faut sous-entendre aussi des conditions de vie acceptables pour la population concernée. Si c’est dans la pauvreté, il n’y a pas à s’inquiéter pour l’avenir de ce système qui a pu survivre à l’épreuve de l’aridité depuis des siècles, mais n’a jamais disparu. Il y a eu des périodes de famine avec d’importants mouvements migratoires des populations (Stour et Agoumi, 2008), notamment du Souss vers le Haouz, mais le système est toujours en place.

Handicapées à plus d’un égard par l’aridité, la mauvaise qualité des terres, la micro propriété et le morcellement, à terme la solution radicale pour ces régions arides est peut-être, comme l’État a commencé à le faire sur les terres collectives, dans la création de projets structurants Win-Win entre grands investisseurs privés et ayant droits, avec un départ d’une partie des populations dans d’autres secteurs de l’économie. Il y a plus de chances de profiter de la biotechnologie et de la technologie agricole d’une manière générale pour développer une région, quand on dispose de moyens que quand on n’en dispose pas.

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET RÉGIONS SEMI-ARIDES

C’est le second espace au Maroc dédié à la céréaliculture et à l’élevage avec de grandes plaines et plateaux comme la Chaouia, le Tadla et une partie importante de Zaër. Avec des pluviométrie entre 300 et 400 mm/an irrégulièrement réparties, la vulnérabilité de cet espace, sans être aussi grave qu’en régions arides strictes, serait fortement influencée à terme par les réductions drastiques des précipitations prévues à l’horizon 2050 par les modèles pessimistes tels que MOSAICC (FAO, 2014). Étant donné la pédologie très diversifiée, le risque de perte de potentiel de productivité des cultures serait plus grand en terrains squelettiques ou de texture grossière, à très faible capacité de rétention en eau, qu’en terrains argileux profonds à forte capacité comme les Tirs de la Chaouia. D’autre part, des cultures de printemps comme le maïs et le pois-chiche sont très aléatoires dans ces régions même sans changement climatique. Les rendements obtenus sont sinon nuls, du moins limites, même en faisant jouer l’artifice agronomique combinant cycle court/faible densité et sol profond. Avec l’hypothèse d’une sécheresse encore plus forte dans l’avenir, ce sont les premières espèces qui seraient menacées de disparaître du semi-aride. Dans ces régions, il a été démontré depuis longtemps que la productivité des céréales à paille est fortement corrélée à la hauteur de pluie qui tombe (Elkriti, 1976; Papy, 1979). Par conséquent, avec moins de pluie et un régime pluviométrique plus sévère dans l’avenir, ces espèces, qu’elles soient cultivées pour le grain ou comme fourrage immature pour les animaux, verraient aussi sans doute leur productivité baisser. Au lieu des rendements de 20 -25 Qx/ha pour le grain et 15-20 T/ha comme ensilage, d’après les modèles, on récolterait moins d’ici à 2050. Là aussi, la biotechnologie doit innover en vue d’assurer la durabilité du système en proposant des variétés plus adaptées, avec comme critères de choix la précocité, la tolérance à la sécheresse et la régularité du rendement. Des variétés d’orge ou de blé à cycle levée-floraison de moins de 100 jours (Σθ°J < 900 °C), comme Amalou, Arrehane et Rumax seraient plus indiquées dans ces régions (SONACOS, 2016).

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET RÉGIONS EN BOUR FAVORABLE

Le Bour dit favorable au Maroc est surtout dédié aux céréales et aux autres grandes cultures, filière d’une importance capitale pour la sécurité alimentaire du pays où la farine de blé constitue la base de l’alimentation. Le Bour favorable complète le semi-aride et l’aride dans cette fonction de production céréalière, avec plus de 5 millions d’ha, mais en diffère par sa pluviométrie favorable qui va de 450 à plus de 700 mm selon les plateaux et les plaines du pays (450 mm à Zaër, 550 mm dans le Saïs, 650 dans le Gharb, 750 dans le Tangérois). Dans certaines régions, le potentiel est plus à rapprocher de celui de l’irrigué qu’il dépasse même parfois en rendements de blé, lorsque l’année est particulièrement humide (Aït Houssa, 1991, 1996, 2013). Avec une réduction de hauteur de pluie d’environ 14 % d’ici à 2030, comme le modèle MOSAICC le prévoit sur le Maroc (FAO, 2014), le Bour favorable serait selon toute vraisemblance, le moins exposé à une sécheresse excessive dans un avenir proche. Par contre, le modèle prévoit de 21 à 36 % de réduction des pluies d’ici à 2080, ce qui impacterait probablement de façon significative l’agriculture sur le long terme, y compris dans les régions bien arrosées.

En fait, qu’on prenne pour crédible ou moins crédible la chute des précipitations prévue par ce modèle, l’aspect hauteur de pluie annuelle n’est qu’une facette du problème, y compris sous l’angle de risque de sécheresse. Il faut aussi en analyser les variogrammes pour voir qu’est-ce qu’il en serait du régime pluviométrique à hauteur égale de pluie. Quelle interaction de ce nouveau régime avec la durée du cycle de la culture, la date et la densité de semis, la date de récolte,… On sait que la durée du cycle levée-floraison ou levée-maturité est fonction de la somme des températures ou Σθ°J et qu’il serait réduit par le réchauffement climatique comme l’on déjà montré quelques simulations sur le Maroc (Benaouda et Balaghi, 2009). On sait aussi que le blé est très sensible au manque d’eau durant le palier hydrique. Or, un réchauffement climatique sous-entend une accélération de ce cycle mais qui en même temps va de pair avec une augmentation de l’évaporation (ETP) et peut-être aussi des vagues de Chergui précoces, dommageables au grain. Par conséquent, à une même hauteur de pluie, l’interprétation qu’on peut donner aujourd’hui n’est pas forcément la même que celle qu’on sera amené à donner dans quelques décennies, si l’ETP aura évolué ou si le régime des pluies aura beaucoup changé. A ces quelques remarques, il faut ajouter l’impact du régime pluviométrique sur les dates de semis, les taux de levée, le risque de germination sur épi,…sans oublier les effets bien connus de la température et de l’hygrométrie sur le comportement du cortège habituel de ravageurs (puceron, punaises,..), et de maladies (septoriose, helminthosporiose, rouilles) qui accompagnent la croissance du blé. Dans d’autres secteurs de production, comme les agrumes, d’importants changements sont déjà notés dans le cycle des acariens, du pou de Californie, de la cératite, sous l’effet direct du réchauffement (Elkourdi, 2016; Asfers, 2016).

Dans certaines régions, il faudrait aussi s’intéresser à l’interaction avec les possibilités d’irrigation d’appoint, le coût que cela engendre, comme dans le Saïs et d’autres régions où le potentiel des aquifères baisse d’année en année mais où des transferts d’eau à partir d’autres bassins versants est en cours pour rétablir la situation (Serghini, 2016). Là aussi, il faudrait s’attendre à une reconfiguration des systèmes de culture, pour cause de manque d’eau ou de faible rentabilité des cultures. Des scénarios tels la disparition totale de la betterave sucrière, d’un recul généralisé des céréales au profit des rosacées ou d’autres espèces y sont très plausibles et en tout cas déjà amorcés.

En favorisant l’hypothèse optimiste qu’il n’y aurait qu’un faible et non un changement flagrant climatique qui impacterait l’agriculture dans ces régions, du moins à court terme, et que la céréale y demeurerait la priorité du Maroc, c’est incontestablement dans ces régions que le Maroc dispose d’une biotechnologie et d’un matériel végétal très diversifié issu en grande partie de ses propres recherches scientifiques (Aït Houssa et al., 2016). Un très long catalogue de variétés avec des caractères particuliers qui les distinguent des autres ont été mises au point pour ces régions. Des variétés à cycle long et à haut potentiel (Achtare, Tigre, Radia), à cycle court adaptées aux terrains peu profonds ou marginaux (Arrehane, Resulton), à gros grain (Kanz, Bandera, Wafia), tolérants aux maladies et aux ravageurs (Saada, Fadela, Arrehane, Samia).

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET RÉGIONS MONTAGNEUSES

La montagne est la région la plus arrosée du Maroc, avec d’importantes disparités selon le lieu (800-1200 mm/an dans le Rif, 1000-1200 dans le moyen Atlas, 600-900 dans le haut Atlas). Mais elle n’est pas épargnée du changement climatique. En plus du risque-sécheresse qu’elle partage avec les autres régions, la montagne est menacée par les effets directs du réchauffement climatique. Le pied du moyen Atlas, réputé pour sa production de rosacées fruitières il y a 20-30 ans, a connu un important recul de superficies de pommier et de cerisier, à cause entre autres du manque de froid, même s’il est difficile de chiffrer la part due au froid dans l’ensemble des causes à l’origine de ce recul. Le diagramme de la figue 1 présente l’évolution du nombre d’heures de froid ΣHF à Séfrou (altitude 600- 700 m) de 1989 à 2015, calculées selon la formule de Crossa-Raynaud (1956). Les résultats montrent une tendance nette au réchauffement hivernal de la zone avec en plus, un variogramme plus serré à partir de 2012, suggérant probablement l’entrée dans un nouveau cycle à hiver encore plus doux.

L’étude menée sur l’abricotier, l’olivier, le prunier, et le pêcher/nectarinier dans la même zone a permis d’identifier sur le terrain quelques-unes des implications de ce dérèglement climatique sur ces espèces. Ils peuvent se traduire comme en 2016 à hiver très doux (ΣHF < 300h), par une perte remarquable de productivité équivalente à 80 % pour l’abricotier et 60 % pour l’olivier planté en intensif. Dans d’autres régions comme le Tadla, la perte sur l’olivier attribuée la même campagne au manque de froid sur le super intensif dépasse 80 % pour l’Arbequina et 90 % pour l’Arbosana (Olea, 2016). Sur agrumes, il n’y a pas de perte de productivité ou de qualité, mais surtout une maturité précoce jamais notée auparavant sur des variétés d’oranges comme New Hall et Washington Sanguine. Sur cette dernière, le Brix de 8, le taux de jus de 45 % et la coloration 2/3-1/3 sont atteints durant la première décade de décembre, au lieu de la mi-janvier en année normale.

Pour le prunier et un peu moins pour le pêcher/nectarinier, on note un retard de floraison, un décalage atypique entre la floraison et la pousse végétative, une maturité tardive et groupée avec pour certaines variétés de prunier comme Fortune, un retard de coloration. Étant donné la période très courte qui reste au fruit pour assurer sa croissance, la productivité et le calibre sont impactés négativement et fortement. Le tonnage est réduit de 15-20 % par rapport à une année normale et le calibre produit est dominé par la classe B, C et A, au lieu de la classe AA et AAA, qui sont les plus rémunérées sur le marché (Oubaki et Amlal, 2016).

Sur le plan organisationnel et commercial, ce dérèglement climatique entraîne une véritable réaction en chaîne en ce qui concerne notamment la gestion de la main d’œuvre, de la récolte, de la capacité en froid, le conditionnement, le transport et la commercialisation. Sans oublier le marketing qui doit reprendre la publicité sur des variétés pourtant connues du consommateur, dont la vente en conditions climatiques normales ne soulève aucun problème de qualité. Les mêmes remarques concernant la baisse de productivité et de la qualité ont été notées sur la poire, mais aussi sur le pommier en haute montagne.

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET RÉGIONS AGRICOLES IRRIGUÉES

Bien que le Maroc ait déployé d’importants moyens et fait construire plus de 110 barrages pour l’irrigation en moins de 60 ans (Bouaicha et Benabdelfadel, 2010), il est encore loin de l’objectif zéro gaspillage et zéro dégâts fixé au départ. Calculé sur une décennie, plus d’un milliard de m3 d’eau/an, c’est-à-dire de quoi encore irriguer ½ million d’ha, sont encore envoyés dans l’océan. Testés en années très pluvieuses comme 2002 et 2010, quelques-uns de ces ouvrages comme Alwahda et Idriss Ier qui, en plus de l’irrigation, ont le rôle de protéger la grande plaine du Gharb contre les inondations, ont également montré leurs limites. Malgré les 5,7 milliards de capacité entre les deux barrages, l’on soit encore obligé d’inonder volontairement des milliers d’ha chaque fois qu’il pleut trop et de déplacer les populations pour les mettre en sécurité. La stratégie d’écrêter chaque année tôt un grand barrage comme Alwahda, sans être dénué d’intérêt, présente le risque que, s’il ne pleut pas l’année suivante, on aura encore gaspillé davantage d’eau d’irrigation. Avec les changements climatiques, qui prévoient une plus forte concentration de pluie en hiver, ce risque d’inondations ira peut-être encore en s’aggravant, et son corollaire de demande en capacité de stockage d’eau de crue aussi, du moins dans la partie nord du pays. Sécheresse plus récurrente et risques d’inondations plus graves, obligent à revoir à la hausse le besoin en barrages, à augmenter la cadence de réalisation, et à gérer encore mieux l’eau d’irrigation.

Des régimes pluviométriques avec des pluies torrentielles de plus en plus fréquentes sur des bassins mal protégés, soulèvent aussi la grande question de la durée de vie des grands barrages en rapport avec l’ampleur de l’envasement, mais aussi sur la longévité des réseaux d’assainissement et de drainage. Le sujet est particulièrement important dans les bassins nus faits de formations marneuses avec forte pente, prolongée en plaine par du terrain plat (p< 0,6 %). C’est le cas du Gharb où l’on est obligé de refaire le curage du réseau d’assainissement à des cadences qui grèvent trop le budget de l’État.

La demande supplémentaire en barrages au Maroc, en rapport avec les changements climatiques, a de multiples facettes et n’est pas simple. Elle soulève en particulier la difficulté majeure que tout est prioritaire. Dans le nord excédentaire en eau, l’idée de faire vite s’impose afin de prévenir les inondations, de stocker l’eau de crue évacuée en mer et de l’utiliser par la suite pour irriguer les superficies non encore irriguées dans les régions du bassin. Les éléments disponibles indiquent aussi un excédent d’environ 700 millions de m3 qu’il faudrait transférer du nord vers les bassins déficitaires du sud (Oum R’bia et Tensift) au moyen d’autoroutes de l’eau dont les études sont en cours (MEMEE, 2014). Dans le sud du pays, plus aride, l’urgence de créer de nouveaux barrages ou de surélever les barrages existants est dictée par un manque d’eau crucial; le Souss en est l’exemple typique.

Un plus grand réchauffement climatique sous-entend une plus forte ETP à l’amont, aussi bien du bassin versant qu’à l’aval du lac du barrage, au dessus des conduites de transport si elles sont à ciel ouvert, qu’au-dessus des cultures. Couplée à une plus forte sécheresse, par suite de changements climatiques, un accroissement d’ETP signifie un potentiel limité en irrigation et la nécessité d’une meilleure valorisation de l’eau disponible, mais aussi la valorisation spécifique des eaux de crue en année particulièrement pluvieuse.

Une baisse de potentiel en eau des bassins versants du nord est prévue par divers modèles (Senoussi et al., 1999). Elle est évaluée pour l’Ouergha à environ 8% à l’horizon 2050, même avec une hypothèse de simulation optimiste. Elle doit être prise en considération pour décider si les projets d’autoroutes de l’eau sur lesquels travaille le Maroc doivent toujours avoir lieu ou non. Et si oui, dans quel objectif et quelle dimension les ouvrages à mettre en place doivent-ils avoir. Y aura-t-il encore un excédent d’eau à transférer régulièrement vers le sud ou seulement en période de crue. S’agira-t-il du transfert d’excédents comme prévu ou de partage de ressource avec le sud pour des impératifs socio-économique de solidarité et de sauvegarde.

L’une des technologies utilisées pour valoriser l’eau dans les périmètres irrigués est celle de la micro-irrigation, moins consommatrice d’eau. Elle permet des gains de plus de 50 % par rapport au gravitaire et 30 % par rapport à l’aspersion et au pivot (Elattir, 2005), à condition toutefois d’être gérée correctement. L’autre approche est le choix biotechnologique afin de mieux valoriser le m3 d’eau consommée. Dans des périmètres irrigués comme le Souss, où les disponibilités en eau sont très limitées, des cultures comme les céréales, le maïs ensilage et encore moins la luzerne, n’ont pas lieu d’être, elles doivent être remplacées par des cultures sous serre ou de l’arboriculture. Dans le Gharb, des cultures telles que le riz ou la canne irriguée au gravitaire ont encore leur place pendant quelques années, tant que l’excédent d’eau est encore envoyé dans l’océan, mais à terme, elles doivent être abandonnées. Et d’une manière générale, dans les périmètres irrigués, quelle que soit l’espèce, il faut penser à des variétés d’efficience élevée, produisant de la qualité et laissant de fortes marges. Par exemple, des variétés de céréales à 60-70 qx/ha, des variétés de colza à 40 qx/ha, des betteraves monogermes ou des hybrides de maïs ensilage de qualité dépassant 70-80 T/ha. Et pourquoi pas des variétés de pomme de terre hautes productrices comme Kuroda et Rudolph afin de commencer à substituer à l’amidon de blé celui de la pomme de terre, sous réserve de faire évoluer le régime alimentaire de la population. Une pomme de terre à 40 T/ha avec un même volume d’eau consommé, produit environ deux fois plus d’énergie qu’un blé à 50 qx (30.800 Kcal contre 16.950 Kcal), et laisse aussi deux fois plus de marge à l’agriculteur (30.000 Dh/ha contre 15.000 Dh/ha).

Les inondations en année très humide ne sont pas le fait de débordement des lâchers de barrages seuls mais parfois d’inondations marginales locales. Là aussi, il faut faire appel à l’agronomie et aux biotechnologies pour résoudre le problème. Pour protéger les agrumes contre les effets temporaires des inondations dans des zones comme le Gharb, on peut combiner entre eux, drainage interne en parcelle, plantation sur butte et porte greffe tolérant au Phytophtora et à l’excès d’eau comme le Carrizo ou le Saccaton (Zemzami, 2013; Jacquemond et al., 2013).

Dans certains périmètres irrigués comme Guerdane dans le Souss, l’offre en eau des barrages et des acquières est irrégulière et très dépendante de la pluviométrie de la campagne. Elle peut passer d’un extrême à l’autre. D’où la nécessité d’en tenir compte pour le choix de l’occupation du sol et du système de culture. Le tableau 2 donne un exemple de raisonnement pour la gestion de ces situations particulières. Elle met en jeu un système binaire agrumes/maraîchage avec superficie d’agrumes fixe, déterminée en fonction de l’offre minimale durable sur une longue période, et celle du maraîchage ou d’autres cultures annuelles décidée la veille des semis, en fonction de l’offre réelle de l’année en cours.

Tableau 2: Gestion de l’occupation du sol (%) en fonction de la disponibilité en eau de la campagne

Agrumes Cultures annuelles/maraîchage Jachère

Hypothèse forte * 50 50 00

Hypothèse moyenne** 50 25 25

Hypothèse minimale*** 50 00 50

*Année pluvieuse - eau non limitante. **Eau partiellement disponible.*** Eau de barrage seule disponible et forages taris.

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET RÉGIONS AGRICOLES DU LITTORAL

La solution définitive au déficit en eau du Maroc est à terme dans le dessalage de l’eau de mer, à laquelle il faudrait ajouter les eaux saumâtres des terres émergées des grandes régions agricoles comme le Gharb, les Doukkala, l’Oriental, le N’Fis,…Sur le plan agricole, c’est dans le littoral que le pays dispose d’un potentiel caché considérable non encore exploité, en particulier pour les cultures spéciales ou de primeurs à forte marge (myrtille, framboise, fleur coupée, tomate,...), qui peuvent supporter le coût élevé du dessalage. C’est d’ailleurs le seul espace où le réchauffement climatique est plutôt un avantage et non un inconvénient. Dans plusieurs de ces régions, la température minimale est autour de 12°C et la température maximale autour de 27°C, un éventail thermique idéal pour les cultures hors saison. Quelques degrés Celsius de plus ne feraient qu’améliorer le bilan énergétique en hiver/printemps et de là la productivité et la qualité. Sur les 3500 km que compte le littoral marocain, il y a un important potentiel en terres de qualité, formées parfois de substrat naturel utilisable en l’état ou après simple tamisage pour la culture en hors sol, c’est le cas du sable côtier de Dakhla (Ait Houssa et al., 1996).

Le dessalage, bien que techniquement réalisable, est une technologie onéreuse à l’installation et requiert de l’énergie (Bissonnette, 2008). Des progrès considérables ont été réalisés sur le dessalage à l’osmose inverse depuis son apparition, il y a 15-20 ans. La consommation énergétique est passée de 4-5 KW/h/m3 d’eau dessalée à 2 KW/h/m3 pour les nouvelles installations (Wikipédia, 2015). Au coût actuel du KW/h au Maroc, de l’ordre de 1 Dh, l’eau produite par ce procédés reste encore chère. C’est un coût plus compatible avec des usages de type industriel ou domestique. En dehors des cultures spéciales citées ci-dessus, son utilisation n’est pas justifiée pour les autres produits agricoles à faible marge.

Avec de grands projets solaires comme NOOR-I à Ouarzazate et de nombreux projets éoliens dans plusieurs régions (Tétouan, Tarfaya,…), le Maroc est aujourd’hui l’un des leaders en énergies renouvelables. Il a en même temps capitalisé une expertise de plus de 40 ans en matière de dessalage puisque sa première installation à Tarfaya remonte à 1975. L’usage de ces énergies, notamment pour traiter l’eau de mer, offre le double avantage d’être une ressource à la fois inépuisable et en même temps sans incidence négative sur le bilan carboné de l’atmosphère. Le projet d’avenir pour le Maroc est de trouver un montage utilisant les énergies renouvelables pour le dessalage à des coûts plus faibles en vue d’une irrigation de la grande agriculture, avec option de transfert de l’eau produite vers les plaines intérieures. L’objectif économique doit être de 2 Dh/m3 pour une eau livrée en tête de parcelle au lieu de 4-5 Dh/m3 actuellement. On envisage déjà un premier projet exclusivement agricole pour Dakhla (MAPM, 2016), afin d’éviter l’utilisation de l’eau fossile.

La biotechnologie est aussi une voie envisageable comme processus d’exploitation de l’eau et des milieux salés. C’est entre autres à Lapicque (1925) et à certains chercheurs de son époque que reviennent les premiers grands travaux sur la compréhension des mécanismes de biogestion de la salinité, avec notamment la découverte des phénomènes d’épictèse en milieu hypertonique.

Dans le monde végétal, on sait que chaque groupe d’espèces est doté d’un niveau de tolérance au sel spécifique. Des halophytes vraies ou para-halophytes telles que le palmier dattier, le riz, le cotonnier ou d’autres espèces ont la capacité de neutraliser les effets toxiques endocellulaires de l’excès de sel. Elles peuvent être irriguées avec des eaux pouvant atteindre 10-15 gr/L, n’ayant besoin que d’un traitement partiel en cas de dessalage de l’eau de mer. Tandis que des glycophytes peu tolérantes au sel tels que le haricot, le pois, les agrumes, le noyer, requièrent un dessalage poussé, grand consommateur d’énergie.

D’autre part, l’usage de l’eau salée est plus indiqué en sols sableux très perméable comme le sable du littoral, qu’en sols argileux très lourds présentant d’importants risques de dégradation de structure par suite de l’effet dispersant du sodium sur le complexe (Sigala et al., 1989). Des espèces comme le bersim et la betterave, en plus d’être tolérantes sans être des halophytes vraies, ont une affinité remarquable au NaCl, peuvent servir de cultures nettoyantes de l’excès de sel dans le sol. A 90 T/ha, une betterave peut exporter une tonne de NaCl/ha s’il n’y a pas de retour des verts et collets dans le sol (Aït Houssa, 1989). Pour les agrumes, comme pour d’autres espèces, des porte-greffes existent aussi pour atténuer l’effet de la salinité à condition que celle-ci ne dépasse pas une certaine limite, qui est de 1,3-1,5 mmhos/cm pour l’eau et 0,5-0,6 mmhos/cm (extrait 1/5ème) pour le sol (Aït Houssa, 1989).

DISCUSSION ET CONCLUSIONS

Pays peu industrialisé et n’exploitant pas d’importantes ressources fossiles produisant du gaz à effet de serre, le Maroc a une responsabilité très limitée dans le phénomène du changement climatique. Il est par contre l’un des pays qui vont en subir les effets et en payer le prix à terme. En attendant la première échéance de 2030, pour évaluer l’écart entre le résultat des modèles prévisionnels et la réalité sur le terrain, par mesure de précaution, le Maroc ne peut rester indifférent et sous préparé à l’impact d’un tel changement, notamment sur l’agriculture et la sécurité alimentaire, quoi que le pays soit déjà quelque peu habitué à gérer des crises climatiques récurrentes. Mais il y a une différence entre la gestion de crises passagères et celles qui risquent de s’installer de façon durable. C’est peut-être un bouleversement réel qui se met en place auquel il faut se préparer, le pays étant déjà affecté par l’aridité héritée de son climat naturel de type méditerranéen.

Dans l’hypothèse d’un réchauffement irréversible, tel que prévu par les modèles, l’important est d’anticiper quel nouvel environnement en naîtra et quelles interactions probables de celui-ci avec les systèmes de culture et d’élevage.

Quoi que d’intérêt économique limité pour le moment, dans certaines zones côtières de culture hors saison, le réchauffement climatique serait plutôt a priori un avantage. En améliorant les minima de 1-2 °C, il améliore les conditions de production en hiver (semis précoce, fécondation, absorption des minéraux, vitesse de croissance, récolte précoce), mais réduit aussi la consommation du fuel en cas de serre chauffées. Le réchauffement peut aussi améliorer le cycle des cultures en hâtant la somme des températures semis-floraison et faire profiter celle-ci des pluies hivernales. Vu sous cet angle d’amélioration de somme de températures, le réchauffement climatique, du moins tant qu’il reste dans des limites raisonnables, peut être favorable aux cultures de blé alternatif dit d’automne au Maroc, et pour toute culture n’ayant pas un besoin en froid particulier (orges, légumineuses, colza, luzerne,…), un hiver doux est un avantage significatif pour mieux valoriser la pluie hivernale et échapper en partie au Chergui de fin de cycle qui menace constamment les cultures, particulièrement dans les zones d’agriculture pluviale du sud et du centre. Cet effet favorable apparent de la température sur le cycle des céréales, n’est qu’une facette du réchauffement climatique. D’autres problèmes sous-jacents qui peuvent contrebalancer cet avantage sont à prendre en compte, notamment l’effet de la température sur l’évapotranspiration qui peut augmenter la consommation d’eau et hâter la sécheresse. Il faudrait donc une approche en termes d’interaction pour avoir une visibilité sur la question.

On a constaté que de très fortes chaleurs d’été peuvent constituer un traitement thermique de nombreux ravageurs comme le pou de Californie sur agrumes (Aït Houssa, 2003). A plus de 48-50°C, sur arbres bien exposés au soleil et bien aérés, la femelle ne reste plus fixée sur le fruit. Elle tombe par terre toute seule sans avoir besoin d’être traitée chimiquement au coccicide. En revanche, la dynamique de population des ravageurs et des maladies cryptogamiques est fortement influencée par le régime des températures. C’est le cas du puceron qui peut raccourcir son cycle ou encore quitter tôt l’hôte primaire pour l’hôte secondaire selon que le cycle est monoécique ou dioécique. C’est aussi le cas de la cératite et de l’acarien qui, au lieu de s’arrêter, ils continuent à pulluler de façon accrue et prolongée au-delà des périodes habituelles. De même, le carpocapse sur pommier et la petite mineuse sur pêcher peuvent développer des générations supplémentaires par suite du réchauffement climatique (Asfers, 2016).

Des maladies comme les septorioses, les rouilles sur blé, l’helminthosporiose sur maïs, ne se manifestent en principe qu’au début du printemps. Avec des hivers doux, il peut y avoir une apparition précoce avec nécessité de stratégie plus chère à 2-3 traitements fongiques au lieu de 1 à 2 traitements réalisés habituellement.

Par son effet direct sur la température et par ses effets indirects en réduisant le régime et le volume des précipitations, le volume en eau d’irrigation, d’importantes retombées sur les systèmes de culture et d’élevage sont attendues au Maroc. Comme effet direct du réchauffement climatique, il faudrait s’attendre à une nouvelle redistribution des cultures en fonction des nouvelles températures minimales, à une disparition corrélative de celles trop exigeantes en froid et, peut-être aussi, à une disparition des zones très chaudes, de celles craignant les fortes chaleurs et le Chergui. Le bananier, l’avocatier, le fraisier,…limités aux zones côtières à climat doux verront probablement leur aire de culture s’étendre aux régions plus continentales, les agrumes qui craignent le froid (θ min < -1-2°C), dont l’aire de culture est limitée aux plaines gagneraient le pied de la montagne, l’olivier dont l’aire de culture est limitée par l’isotherme -10°C, progresserait un peu plus en altitude et le cerisier passerait en plus haute montagne. Pour les variétés, des pommiers de qualité ayant une exigence en froid de plus de 700 h, comme Golden smothée, Galaval, Galaxy, Brookfield, Fuji,…risquent de ne plus être cultivées avec succès à Imouzzer, Azrou et Midelt, qui sont leur biotope naturel. Il faudrait leur trouver du terrain à une altitude encore plus haute, sinon ils risqueront de disparaître et d’être remplacés par d’autres de moindre exigence en froid comme Gala, Ozark gold, qui se conservant peu, aujourd’hui cultivés dans les plateaux (Meknès, Fès). De même que des variétés de plaine qui sont de moins bonnes qualités telles qu’Anna, Dorset Golden, Ein Shemer, Lioraca, auront un espace de culture plus étendu en dehors des plaines. Il faudrait aussi intégrer dans le raisonnement le risque de disparition et/ou de redistribution des cultures à cause de l’élévation des maxima. Dans le Souss en particulier, où la température estivale peut dépasser 48-50°C, des variétés d’agrumes à production externe à la frondaison comme Marisol et Nova, sont très altérées par les coups de soleil. Les dégâts causés à ces deux variétés peuvent atteindre 5-10 % en cas d’été particulièrement ensoleillé. Pour le maïs, de fortes chaleurs aggravées par de grands Chergui dans cette région, obligeraient soit de repousser la date de semis, soit d’utiliser des hybrides à cycle court ou les deux choix à la fois, afin d’échapper aux graves problèmes de fécondation déjà constatés de temps à autre sur cette culture en pleine été.

Il y a un phénomène climatique qui interfère de façon grave avec les cultures et dont les études sur le réchauffement climatique au Maroc parlent peu, c’est le Chergui. D’habitude, ce vent d’Est très chaud apparaît en fin de printemps/été. Mais depuis peu, il commence à se manifester de façon inquiétante à des moments de l’année inhabituels, en automne et en fin d’hiver dès février. Par ses apports advectifs de chaleur, ce vent peut provoquer des dégâts irréparables sur les céréales quand il intervient au stade du palier hydrique du grain, en causant l’échaudage. C’est le cas de la campagne 1994/1995 où d’importantes vagues de Chergui se sont abattues sur les plaines céréalières du pays (Ait Houssa, 1995). La campagne qui avait évolué sous d’excellentes conditions climatiques jusqu’à fin février s’est alors terminée sur un grain ratatiné, d’un poids spécifique très faible (Ps< 75), impossible à agréer comme semence certifiée et sous payé même à l’écrasement au niveau des minoteries. Le Chergui peut aussi causer des chutes graves de fruits sur agrumes en été et changer complètement la configuration du profil variétal proposé à la commercialisation, selon l’importance des variétés touchées. Là aussi le recours à des porte-greffes donnant au fruit une avance de croissance avant l’arrivée du Chergui permet d’échapper à ce phénomène de chute exagéré dite de juin. Le Macrophylla en est l’exemple type, quoique produisant une qualité plutôt moyenne.

Dans un pays déjà touché par l’aridité naturelle, indépendamment de tout changement climatique nouveau, la sécheresse qu’il risque de provoquer, plus que le réchauffement lui-même, reste le phénomène le plus redoutable pour l’agriculture. Selon la vulnérabilité des zones, l’impact serait probablement un peu différent et en partie aussi les solutions. Comme scénario global probable, il faudrait s’attendre à une progression logique du front d’aridité vers le nord. Avec des baisses des précipitations comme prévu de 14 % d’ici à 2030, et de 13 à 30 % d’ici à 2050, une partie de l’étage aride comme le grand Haouz, risquerait d’être envahi par la désertification à l’image du Souss, le semi-aride deviendrait un peu plus aride et le Bour favorable partiellement semi-aride. Sans oublier la baisse significative de potentiel en eau des bassins versants destinée à l’irrigation.

Plusieurs solutions s’offrent au Maroc face à la sécheresse conséquente au changement climatique. Elles doivent être engagées simultanément et aucune d’elles ne doit exclure les autres. Il y a la solution de l’adaptation des systèmes de culture et d’élevage via la biotechnologie (1), l’augmentation de l’offre en eau pour l’irrigation (2), et la baisse de la demande (3).

La biotechnologie et les technologies agricoles d’une manière générale sont des outils puissants pour s’accommoder des effets négatifs de la sécheresse et d’autres problèmes collatéraux comme les inondations, les vents chauds comme le Chergui, les vents violents ou la grêle. Dans les parcours des régions désertiques ou semi-désertique, des espèces végétales telles que les Atriplex ou d’autres plantes nouvelles bien adaptées à la sécheresse, peuvent être introduites pour réhabiliter et améliorer la productivité des parcours. Au plan agronomique et de gestion, il y a aujourd’hui moyen d’en assurer la durabilité par la mise en défens et par une exploitation concertée pour éviter l’effet de surcharge responsable de la dégradation de ces espaces.

Pour faire face à la sécheresse, l’idéal pour l’agronome de terrain serait évidemment de disposer de variétés ultra-précoces de céréales d’un comportement proche des cactacées pouvant donner 20-30 qx/ha avec des hauteurs de pluie de 200-300 mm ou d’un comportement de semi- halophyte ou de vraie halophytes, pouvant produire quand elles sont irriguées avec de l’eau saline. C’est un objectif lointain mais qui n’est peut-être pas impossible si la communauté scientifique l’inscrit comme prioritaire. Compte tenu de l’importance de l’enjeu pour la sécurité alimentaire des pays arides, il faudrait profiter de l’inertie des événements climatiques pour qu’à 2050, le génie génétique soit au rendez-vous sur ces questions. En attendant cette percée radicale, qui va demander un travail de longue haleine, des solutions pour des stress de niveau moyen doivent être recherchées dans le patrimoine déjà existant. Concernant la tolérance à la sécheresse, en faisant jouer le critère précocité, une longue liste de variétés est disponible au Maroc, pour opérer ce choix du moins pour l’irrigué, le Bour favorable et dans une moindre mesure le semi-aride. Par contre, les chances sont minimes dès lors qu’il s’agit de l’espace aride, où le problème est déjà posé même sans aucun changement climatique. Avec une pression de l’aridité encore plus forte, qui réduirait la pluie dans ces territoires à des hauteurs autour de 150 mm, il est impossible d’assurer la production des céréales pour le grain, du moins dans la limite de nos connaissances actuelles. L’alternative inévitable y serait d’abandonner l’agriculture et de basculer définitivement dans l’activité d’élevage exploitant la céréale en végétation ou l’herbe quel qu’en soit le stade.

Parallèlement au choix variétal, la biotechnologie dispose aussi de nombreuses espèces forestières pour réaliser des brise-vents et atténuer le stress hydrique dû au réchauffement, au Chergui, ou dû aux vents forts aggravant l’évapotranspiration.

Nombreux aussi sont les porte-greffes et variétés qui sont proposés pour atténuer le stress causé par l’excès de sel et/ou l’excès d’eau en cas d’inondations. Macrophylla, Volkameriana, l’association Marisol/bigaradier et Nour/ Citrange Carrizo ou Nour/Volkameriana en sont des exemples pour les agrumes. Pour les rosacées fruitières tels que le pêcher, le prunier et l’amandier, citons aussi la résistance relative du GF677 à l’asphyxie à condition de ne pas être dans les cas d’humidité extrêmes.

L’autre solution pour atténuer l’impact de la sécheresse, c’est l’augmentation rapide de l’offre, l’optimisation de sa gestion et sa valorisation. Ceci requiert plus de barrages et dans les meilleurs délais possibles, afin de récupérer plus d’un milliard de m3 encore envoyés dans l’océan.

Il faudrait aussi retirer définitivement des périmètres irrigués, des cultures non indiquées pour un pays aride comme le Maroc tels que le riz et la canne à sucre irrigués au gravitaire (2), et leur substituer des cultures moins consommatrices d’eau (3) faisant partie de la grande demande du marché local (oléagineux, betterave à sucre, fruits, légumes,…), ou fortement rémunérées à l’exportation (4), en l’occurrence la fraise, la tomate et les agrumes. Quel intérêt de continuer à cultiver des céréales ou de la luzerne dans un périmètre irrigué particulièrement déficitaire comme le Souss.

La micro-irrigation, en tant que système d’économie d’eau à des fins d’atténuation indirecte de l’impact de la sécheresse, mérite aussi une attention particulière. Le Maroc, en a déjà installé plus de 400.000 ha et compte aller plus vite dans ce programme pour atteindre 550.000 à l’horizon 2020 (MAPM, 2014). Plusieurs programmes d’envergure sont en cours de réalisation dans le Souss, Tadla, Doukkala, Loukkos et le Gharb.

Étant donné les grandes superficies à équiper et les montants d’investissement qu’elles demandent en devise, le Maroc doit réfléchir à son industrie propre de goutte à goutte (pompes, filtres, PE, PVC, goutteurs, accessoires divers, automatismes,…). Le système doit être renouvelé techniquement tous les 10-12 ans environ, et légalement tous les 8 ans, ce qui offrirait un énorme marché permanent à une telle industrie.

Membre discipliné de la communauté internationale qui croit réellement en ces problèmes de réchauffement climatique, le Maroc est déjà passé aux énergies renouvelables tels que le solaire et l’énergie éolienne, avec d’importants projets un peu partout. Cycle de l’eau de mer et cycle de l’énergie solaire (et de l’énergie éolienne), sont des cycles fermés où rien ne se perd ou du moins répondent bien au principe du renouvellement continuel et de ‘l’inépuisabilité’. Il faudrait maintenant trouver la technologie adéquate pour utiliser ces énergies pour le dessalage à un coût de revient proche de celui des eaux conventionnelles. C’est le projet-salutaire à terme pour le Maroc, voire pour le monde entier si la recherche et l’industrie parviennent à faire de l’eau de mer un usage routinier pour l’agriculture. C’est la vraie solution à la sécheresse. Au Maroc, à cette question de coût près, c’est un projet concevable le long de la côte atlantique, en particulier à Dakhla et régions à climat et terrains similaires, ne serait-ce dans une première étape, que pour les fruits rouges, la fleur coupée et les légumes laissant de fortes marges (myrtille, framboise, rosier, œillet, tomate long life,…).

Tout compte fait, c’est en particulier l’impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire du pays qui préoccupe le Maroc. Sur le plan fruits et légumes, en principe, il n’y a pas à s’inquiéter beaucoup, le pays en produit en surplus et en exporte, et peut en produire davantage en cas de besoin. En revanche, il y a un déficit structurel en farine de blé qu’il aura du mal à surmonter et dans une moindre mesure en protéines animales. Pour ces deux grands produits, on est tenté de suggérer de substituer l’amidon de pomme de terre à celui du blé et la protéine des ressources halieutiques aux protéines animales. Dans les périmètres irrigués du Maroc, il y a un potentiel énorme à produire de la pomme de terre avec des rendements de 40 T/ha et plus, soit un équivalent énergétique de 30.800 Kcal/ha, au lieu de 16.950 Kcal pour un blé à 50 qx/ha. Le marocain utilise déjà la pomme de terre mais comme légume et non comme aliment de base, avec une ration/h/an d’environ 40 kg. Maintenant, il faut lui demander d’en faire un usage à la manière des pays grands consommateurs (100 à 180 kg/h/an) comme Bélarusse, l’Ukraine, la Russie ou encore le Royaume-Uni (FAO, 2008). D’autant plus que la pomme de terre est sur le marché à un prix compatible avec le faible pouvoir d’achat de la population. Malgré la richesse en ressources halieutiques du pays, le marocain ne fait pas non plus du poisson un produit de consommation courant, sauf dans quelques villes côtières. Il faudrait valoriser le poisson comme source de protéines, entre autres les espèces bon marché reconnues en plus pour leurs bienfaits pour la santé telles que les sardines (Bandarra et al., 1997). Une telle solution pour pallier le déficit alimentaire dans l’avenir suppose de communiquer plus sur ces ressources de substitution en vue de faire évoluer le régime alimentaire du pays.

Le Maroc a beaucoup communiqué sur les changements climatiques à l’occasion de la COP 22 organisée sur son territoire en novembre 2016. Mais l’effort a surtout porté sur le sujet dans sa dimension planétaire avec un plaidoyer particulier en faveur de l’Afrique. Il faudrait espérer qu’à la suite de cette rencontre internationale, les grands pays responsables des émissions de gaz à effet de serre (GES), sont maintenant convaincus de l’application justifiée du principe pollueur-payeur (OCDE, 1992), aux dommages inter-Etats. Et qu’ils doivent s’acquitter ne serait-ce qu’en partie, des nuisances qu’ils causent à l’Afrique et à d’autres pays. Il reste ensuite à mieux communiquer en interne pour sensibiliser la société civile marocaine qu’elle est à la veille d’événements importants auxquels elle doit se préparer. Le débat doit porter sur d’importants points comme la nouvelle responsabilité environnementale du citoyen, ses rapports futurs à la ressource en eau, à la ressource alimentaire, à la ressource énergétique,…et d’une manière générale au nouveau mode de vie restrictif que le changement climatique risque de lui imposer.

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